Un film de François Ozon (2013 - France) avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot
Bizarre, cette fille.
L'histoire : Isabelle, dix-sept ans, est en vacances au bord de la mère avec sa famille et des amis. Milieu aisé et aimant. La jeune fille connaît son premier rapport sexuel avec un jeune homme dont elle n'est pas amoureuse. Elle veut juste savoir. Rentrée à Paris, elle commence à se prostituer, en choisissant ses clients via un réseau Internet.
Mon avis : Ce film a déclenché un grand enthousiasme lors de sa sortie, on parlait d'un film sulfureux et d'une actrice bouleversante, le tout sur un sujet d'actualité : la prostitution de jeunes étudiantes.
Bon d'abord, ce n'est pas ça le sujet. Isabelle a des parents riches qui ont de quoi lui payer ses études, etc. Ensuite... ben, j'ai trouvé ça tout à fait inintéressant !
Nous n'avons aucune explication sur le comportement d'Isabelle. Elle reste froide, imperturbable, voire transparente (le personnage n'a aucune épaisseur), empile ses petits billets sans même les dépenser. Etrange. Projette-t-elle de s'enfuir un jour en Australie avec son pactole ? Pourquoi ? Elle semble pourtant avoir de bons rapports avec sa famille, ses amis. Un délire adolescent ? C'est ce qu'on essaie de nous suggérer à un moment, lorsqu'elle arrête, après une sérieuse mise en garde des flics et de ses parents. Mais elle recommence... Un pur plaisir ? J'aurais pu comprendre ; tous les goûts sont dans la nature ; du moment qu'on ne fait pas de mal aux autres, moi le reste je m'en fiche. La prostitution, si elle est librement consentie et sans maquereau, pourquoi pas ? Comme ces actrices porno qui déclarent qu'elles font ça parce qu'elles adorent le sexe, tout simplement. Mais Isabelle n'a pas l'air de s'éclater du tout ! Certains clients le lui reprochent même... Un traumatisme ? Au début, on la voit faire l'amour pour la première fois, et visiblement, c'est pas terrible terrible. Pourtant, on la voit aussi se faire des petites gâteries toute seule et là, elle semble apprécier. Une autre piste lancée par le réal : le pouvoir. Isabelle promène son secret avec un voile de fierté sur le visage. Elle regarde les hommes, les fait payer pour l'avoir, elle, déesse de la nature. Mais en même temps, si quelques rares clients sont très gentils, la plupart la traitent mal, l'injurient, l'humilient. Drôle de pouvoir, drôle de déesse.
Alors quoi ? Je ne vois qu'une chose : à l'image de l'actrice qui l'incarne, d'une froideur implacable, Isabelle est juste exhibitionniste, et handicapée du sentiment. Elle aime le petit frisson du RV avec un inconnu, elle aime qu'on la regarde à poil et elle ne tombe jamais amoureuse. Une petite perverse sans grand intérêt, donc. Catherine Deneuve était autrement plus ambiguë dans Belle de jour.
Vous l'aurez compris, le film accumule les scènes scabreuses, certaines à la limite de la pornographie. Bon, on ne va pas se mentir, c'est le sujet, on s'en doutait donc un peu. Mais outre le fait que ce ne soit pas spécialement ce que je préfère, voir une jeune comédienne à poil à longueur de scènes... je n'arrive pas à comprendre. Comprendre comment et pourquoi on peut accepter un rôle pareil !
Tout le monde s'est dit bouleversé, par la prestation de Marine Vacht. M'ouais. Elle est assez naturelle, certes. Et surtout très belle. Mais elle ne m'a ni touchée, ni émue. Elle fait la même tête d'un bout à l'autre du film, froide, énigmatique. Il ne me semble pas que ce soit difficile à jouer ! Donc je ne vois pas où est la performance est remarquable. Ou alors, les gens ont été époustouflés par son culot : nue presque tout le temps, et en plus "en situation". Mais ce n'est pas pour ce genre de chose que j'apprécie un acteur. C'est pour la palette des émotions qu'il peut dégager. Ce n'est pas du tout le cas, ici. Pour moi, Marine Vacht a encore tout à prouver. Il ne suffit pas d'être belle, ma poulette. Je l'avais d'ailleurs déjà vue dans Ce que le jour doit à la nuit et elle ne m'avait pas du tout convaincue.
Le film est accompagné de jolies chansons existentialistes de Françoise Hardy. J'ai tenté d'écouter attentivement les paroles pour y trouver des réponses. Bof, pas vraiment.
Bref, j'ai rien compris à ce film, qui n'est qu'une "tranche de vie", les allées et venues d'Isabelle entre l'appartement familial, ses clients, le lycée, et sans psychologie.
Une scène qui m'a fait rigoler par son symbolisme d'un cliché totalement ringard : dans le métro, une grande affiche horizontale (sans slogan, ni rien, donc purement faite pour le film), représentant une bouche charnue, évoquant crûment le sexe féminin. Le gros pavé dans la mare ! Ah ah ah, François, on t'a connu plus nuancé.
A mettre en parallèle avec les nombreuses marches d'Isabelle dans les couloirs d'hôtel ou du métro. Freudien sûrement !
Allons voir maintenant si je peux glaner quelques indices dans les critiques.
(...)
Concert de louanges, bien sûr. "Porté par Marine Vatch, dont la beauté envahit l'écran, ce film déroute, démange et dérange longtemps après." Elle ; "dérange" ? Moi ça ne m'a pas dérangée ; je n'ai plus guère d'illusions sur l'âme humaine ; seul la cruauté me dérange. "C'est l'adolescence, avec sa mélancolie, ses désillusions, son dégoût des hypocrisies du monde adulte, sa clandestinité, qui est au coeur de ce beau film." Le Point ; OK, si vous voulez les gars ; vous oubliez un détail majeur : l'argent. Si Isabelle couchait avec plein d'hommes, de tous les âges, oui, pourquoi pas ? Mais quel est le sens de l'argent qu'elle réclame ? "Toute la réussite de "Jeune et jolie" tient dans sa volonté (...) de jouer avec une opacité sereine entre le spectateur et ce personnage fascinant." Charlie Hebdo ; ben moi, elle ne m'a pas fascinée du tout, la gosse ! "Célébrant la puissance intacte et irrécupérable de cet âge scandaleux qu'est l'adolescence, François Ozon livre avec "Jeune & jolie" un de ses films les plus tranchants, les plus dérangeants, et les plus classiques à la fois. Un petit chef d'oeuvre sec." Le monde ; rev'là le "dérangeant" ; non, non, pas d'accord. "Avec une mise en scène et une direction d’acteurs magistrales, Ozon nous livre un remarquable éveil à la sexualité, aussi délicat que sensuel." Ecran Large ; sensuel, ce joli petit glaçon ? Bof. Et un éveil à la sexualité... pas commun, tout de même. Elle se fait plaisir toute seule, mais pour la relation à deux, c'est payant et sans joie (ce qui est un comble... rappelez-vous cette expression "fille de joie" pour désigner les prostituées).
Seuls Les Cahiers du Cinéma m'ont paru dans le vrai : "La perversité sulfureuse (…) dans laquelle se complaît désormais François Ozon en se revendiquant modestement de Buñuel manque aussi cruellement de relief que d’ambiguïté. La pente déprimante empruntée par ce cinéma qui se rêve populaire est celle d’une écriture cousue de fil blanc, toujours plus convenue dans sa critique poussive de la morale bourgeoise."
Les spectateurs sont aussi beaucoup plus dubitatifs. Voici un petit résumé que j'ai adoré chez un internaute, qui est dans la droite ligne de ce que disent Les Cahiers : "un film mondain pour bobo parisien en mal de frisson".
Romantiques, s'abstenir. Rationnalistes, aussi.