Voici un arrêt rendu par la Cour de Cassation qui statue sur le délai de prescription applicable à l'action en responsabilité en raison de la démolition ordonnée judiciairement par la juridiction pénale.
La cour d'appel avait considéré que le délai de prescription avait commencé à courir à compter de la notification d'un procès-verbal, mais la Cour de Cassation observe qu'en vérité, c'est plutôt à compter de la décision de condamnation à démolition que le délai de prescription a commencé à courir :
"Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2012), que, le 29 mars 1988, M. X... a acquis un terrain et le permis d'y construire une villa ; que MM. Y...et Z...ont été chargés d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète et que MM. A...et B..., géomètres, sont intervenus sur le chantier dans leur discipline ; qu'une erreur d'implantation ayant été constatée, un procès-verbal d'infraction a été établi le 24 avril 1990 ; que la villa a été démolie courant novembre 2002 sans possibilité de réaliser une autre opération compte tenu de la modification des règles d'urbanisme ; qu'après expertise, M. X... a assigné les divers intervenants en indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que l'acte matériel porté à la connaissance de M. X... étant la notification du procès-verbal faite le 16 mai 1990, l'action, diligentée plus de dix ans après cette notification, était prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la démolition de la villa pour méconnaissance des règles d'urbanisme n'avait pas été ordonnée par le juge pénal moins de dix ans avant l'assignation en référé du 12 septembre 2003, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la MAF, M. Z..., M. B..., M. A..., la société Géo concept, M. Y...et M. D...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Alain X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « l'acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose contre les locateurs d'ouvrage d'une action contractuelle fondée sur un manquement à leurs obligations ; que l'erreur d'implantation des fondations de la villa résultant du non-respect des règles d'urbanisme et aboutissant à leur démolition, constitue un désordre de construction ; que la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs quant aux désordres de construction révélés en l'absence de construction se prescrit par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ; que Monsieur X... ne peut soutenir, pour échapper à toute prescription, qu'il ne poursuit pas la sanction d'un désordre de construction, mais chercherait à obtenir réparation de ses désordres et manque à gagner ; qu'en l'espèce, les demandes indemnitaires de Monsieur X... sont forgées sur la nécessité qu'il a rencontrée de démolir l'ouvrage mal implanté, laquelle erreur est un désordre ; qu'il est de jurisprudence constante que les prescriptions contractuelles et quasi délictuelles sont désormais délimitées à une période de 10 ans à compter de la manifestation du dommage ; que la DDE a dressé un procès-verbal d'infraction le 25 avril 1990, parfaitement notifié à Monsieur X... le 16 mai 1990 ; que cette date marque la manifestation du dommage puisque le chantier a été immédiatement arrêté ; que l'exploit introductif d'instance en référé est en date du 12 septembre 2003, soit plus de 13 ans après l'apparition du dommage ; qu'il importe peu que le procès-verbal ait fait courir ou pas un délai de prescription pénale ; que ce qui importe en l'espèce c'est la date à laquelle le dommage a été connu par Monsieur X... ; que l'acte matériel porté à sa connaissance est bien la notification du procès-verbal d'infraction ; qu'il résulte de ce qui précède que l'action de Monsieur X... est prescrite, car diligentée plus de 10 ans après la notification du procès-verbal d'infraction ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en date du 20 août 2011 du tribunal de grande instance de Toulon en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « le défaut d'implantation d'une construction aboutissant à la démolition est considéré par la jurisprudence de façon constante comme un désordre ; que tel a bien été le cas en l'espèce ; qu'il s'agit de la responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage, laquelle se prescrit par 10 ans à compter de la manifestation du désordre concrétisée par le procès-verbal d'infraction du 25 avril 1990 ; que dès lors, compte tenu de la date de la première interruption de la prescription, le requérant est prescrit en son action et ses demandes à leur encontre ; qu'enfin, quelle que soit la nature de la faute contractuelle ou quasi délictuelle, la prescription de l'action est acquise à compter de la date du procès-verbal d'infraction, dont il n'est pas contesté que le requérant ait eu connaissance ; que par ailleurs, les demandes formées à l'encontre de M. Patrick D...dans l'assignation introductive d'instance, ne sont étayées par aucun élément ; qu'enfin les éléments du dossier révèlent que la faute qui leur est reprochée pouvait faire l'objet d'une régularisation à temps, ce qui aurait permis au projet d'être porté à terme sans préjudice ; que dans cette hypothèse, la faute des locateurs ne paraît pas en lien de causalité avec les préjudices subis par le requérant ; que dès lors, M. X... sera débouté de l'ensemble de ses demandes » ;
ALORS 1°) QUE : le délai de prescription de dix ans de l'action en responsabilité contractuelle du maître de l'ouvrage contre les constructeurs, fondée sur leur erreur d'implantation au regard des règles d'urbanisme ayant conduit à la démolition de l'ouvrage, commence à courir à compter du prononcé de la décision de justice ayant ordonné la démolition ; que l'arrêt attaqué a jugé prescrite une telle action indemnitaire qui était engagée par Monsieur X..., au prétexte que le procès-verbal d'infraction dressé par la DDE lui a été notifié le 16 mai 1990, que cette date marquait la manifestation du dommage parce que le chantier a été immédiatement arrêté, et que ce n'était que 13 ans après, le 12 septembre 2003, qu'il avait agi en référé ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la démolition de la villa de Monsieur X... pour méconnaissance des règles d'urbanisme n'avait pas été ordonnée par le juge pénal moins de dix ans avant l'assignation en référé du 12 septembre 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS 2°) QUE : l'arrêt attaqué a constaté que Messieurs Y...et Z...avaient été chargés d'une maîtrise d'oeuvre complète, que Messieurs A...et B..., géomètres, étaient intervenus dans leur discipline, que la villa a fait l'objet d'un procès-verbal d'infraction de la DDE pour erreur d'implantation et qu'elle a dû être démolie sans reconstruction possible par suite d'un changement des règles d'urbanisme ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du premier juge rejetant les demandes indemnitaires de Monsieur X... au prétexte que la faute des locateurs d'ouvrage ne paraissait pas en lien de causalité avec ses préjudices en ce qu'elle aurait pu être régularisée à temps, la cour d'appel n'a caractérisé aucune faute de Monsieur X... qui eût été la cause exclusive de ses dommages et ainsi violé l'article 1147 du code civil."