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Etrange ! En quelques mois seulement deux des plus importants aérostructuriers français ont remanié leurs instances dirigeantes. Côté Aerolia, une filiale directe d’Airbus Group dépendant néanmoins au niveau fonctionnel de l’avionneur Airbus, son président Christian Cornille est retourné en avril dernier au sein d’Airbus Helicopters oů il avait déjŕ été en poste durant 12 ans ŕ la direction industrielle. Cette fois, il grimpe les échelons et en devient directeur adjoint en charge de l’industrie.
Quelques semaines plus tard, le 23 juin, c’est ŕ Eric Gillard, qui avait pris le poste de directeur général de Latécočre le 4 novembre 2013, d’ętre mis plus que sur la touche, il a quitté l’entreprise au sein de laquelle il avait œuvré depuis 2008 tout d’abord comme directeur des Achats puis directeur des Opérations en 2009. Il est ensuite nommé directeur de l'activité Aérostructure en 2010 avant de devenir directeur général. Il était entré chez Latécočre ŕ une époque difficile qui avait déjŕ vu la mise ŕ l’écart du président du conseil de surveillance François Junca au profit de l’homme d’EDF Pierre Gadonneix. Il est toujours en place et c’est sous son čre que le président du directoire François Bertrand a aussi dű quitter sa place remplacé par Bertrand Parmentier, un homme de chez Pierre Fabre qui est retourné presqu’aussi vite dans le groupe pharmaceutique lors du décčs du créateur ŕ l’été 2013.
Eric Gillard était un homme d’Airbus et son arrivée chez Latécočre ŕ un moment oů l’entreprise toulousaine était sensée ętre le repreneur désigné des unités aérostructures de l’avionneur européen, semblait constituer le maillon naturel entre Airbus et Latécočre. Le plan Power 8 et son volet Zéphyr de restructuration du secteur des aérostructures, les difficultés rencontrées par le trčs gros porteur A380 qui ont mis ŕ mal l’équilibre financier de bien des fournisseurs –équipementiers et sous-traitants dont Latécočre compris- ont eu raison de ce qui semblait ętre alors gravé dans le marbre.
Chez Aerolia, c’est Cédric Gautier qui a pris le relais de Christian Cornille. Cédric Gautier n’est certes pas un inconnu dans le domaine des aérostructures puisqu’avant d’ętre nommé président directeur général d’Aerolia, il avait été non seulement président du programme A400M au sein d’Airbus Military –aujourd’hui intégré ŕ Airbus Defence and Space- mais également président de Sogerma, filiale elle aussi d’Airbus Group. Une société qu’il a, au demeurant, redressée alors męme qu’elle venait de se départir de ses activités de maintenance bordelaises. Un sujet qui vaudra probablement une future chronique étant donné la complexité de ce dossier qui a échu au groupe TAT sous le nom de Sabena Technics.
Le temps passe, mais il n’est pas si loin l’époque oů en France de nombreuses entreprises oeuvraient dans le domaine des aérostructures. Soit qu’elles fussent indépendantes, ou déjŕ intégrées ŕ de grands groupes. On peut citer Hurel-Dubois qui a été racheté par ce qui est aujourd’hui le groupe Safran. On n’en parle męme plus actuellement, pourtant l’avenir de l’activité aérostructure (hors nacelles et inverseurs) était l’objet de questions récurrentes de la part de nous tous, journalistes. Nous avons pris acte de la volonté du groupe Safran de conserver sa filiale SLCA. Pour combien de temps ?
Reims Aviation qui en son temps, au-delŕ des biturbopropulseurs F406 utilisés notamment pour la surveillance des frontičres et des côtes, était un partenaire des avionneurs en tant que cotraitant. Ce constructeur rémois était alors associé ŕ EADS Socata (aujourd’hui Daher–Socata) et Hurel-Dubois (fondu depuis dans Aircelle du groupe Safran) pour la fabrication du carénage ventral de l'A340.
On sait aujourd’hui ce qu’est devenu le groupe Reims Aviation, repris il y a quelques semaines par un consortium français sous couvert de fonds chinois et dont la fabrication des F406 repart aux Etats-Unis.
Socata avec sa maison-mčre Daher est bien présent sur le marché des aérostructures. Daher qui reste une entreprise familiale męme si le FSI a apporté son soutien financier lors de la reprise de Socata auprčs d’EADS de l’époque n’est pas trčs loquasse tablant plus sur sa nouvelle version du TBM avec le TBM 900 lancé en avril dernier que sur ses activités aérostructures. Je me dois d’ętre honnęte, il n’hésite tout de męme pas ŕ faire savoir qu’il est un partenaire majeur des programmes Falcon 8X et 5X de Dassault, les derniers nés de la gamme d’avions d’affaires du constructeur de Saint-Cloud.
Aerolia, Latécočre, Sogerma, Daher-Socata, Potez Aéronautique, Auvergne Aéronautique (aujourd’hui piloté par le trčs charismatique belge Philippe Hoste sous le contrôle cependant de l’actionnaire unique ACE Management), et j’en oublie évidemment. Quel est l’avenir des aérostructures en France. Qui est le vrai pilote ? Et qui œuvre dans l’ombre ? Les actionnaires et leurs hommes de terrain sans aucun doute. L’avenir nous le dira, mais toutes ces tergiversations sont ŕ mon humble sens néfastes ŕ ce que devrait ętre la gestion purement industrielle des programmes aéronautiques. Un domaine ŕ suivre.
Nicole B. pour Aeromorning