8 millimètres

Publié le 19 mai 2008 par Fred Desbordes

Posté par fdesbordes dans : ecrits (quand j'ai de l'inspiration) , trackback

Un film en super8. 8 millimètre de pellicule qu'on grillera pas avec des allumettes. Couleurs saturées, ton ombre contrastée dans la voiture, cet été-là.

Autoroute de Tempa, je tiens la camera, assise sur le siège éjectable du passager. Tu remplis l'espace vide de mon objectif en mode accéléré. Arrière champ au plafond de mon écran; les sentiments qui défilent comme des serpentins funambules, pâles imitations de ces néons qui borde le chemin. Je te regarde et j'en perds tous mes adjectifs, je m'accroche désespérément à cette image, point d'ancrage de notre naufrage. Toi, concentrée sur la route et ton profil fermé, sans lendemain. Donne moi juste un peu de toi, une dernière fois. La photo craquèle, l'instant se fissure et mon abîme reviens. Siège éjectable du passager, aller simple pour No Futur. 8 millimètres pour immortaliser une rupture. Hologramme de mon électro-cardiogramme collé à la rétine, le coeur qui s'emballe. 120,140,260... le compteur de la bagnole qui s'affole.

Tu n'a jamais été aussi belle qu'à ce moment là. Drapée dans ta hauteur, ta pâleur qui te sublime. Nous devrions le dire, prononcer ces mots fatidiques qui vont nous affranchir.

Clignotant à droite, arrêt brutal sur l'aire de repos déserte. Ton regard qui me supplie. Se désirer sans répit et devoir se quitter pour la survie. La camera délaissée qui capte nos ébats. Dans la bagnole qui s'affole. Se faire l'amour comme on respire, l'intensité qui embue l'habitacle de nos coeurs brisés.

L'aire de cette autoroute où on s'est quittées, marquée au feutre indélébile sur cette bobine. Un 8 millimètre pour ne jamais oublier que nous nous sommes trop aimées...