J’avais d’abord pensé à un titre genre « Marre du Bordeaux Bashing » mais bon, faut être honnête, ça n’aurait pas vraiment été de moi, mais plutôt un peu d’Eric Boschman dont le « Cessons le Beaujolais-Bashing » de novembre 2013 résonne encore agréablement à mes oreilles, et un peu du vigneron bordelais rencontré sur Bordeaux Fête le Vin à… Bordeaux (ben oui, il y a des Bordeaux Fête le Vin au Québec, à Hong-Kong, et bientôt à Bruxelles…) qui hurlait sa colère contre le « Bordeaux-Bashing ». Conclusion, je vais simplement m’attaquer à quelques préjugés pas tout à fait faux, mais tellement simplistes et réducteurs.
Donc, si je n’étais pas aller fouiner à gauche et à droite dans le Bordelais, et que, crédule comme pas deux, je me fiais aux dire de mes parents et grands-parents, mais également des quelques amateurs de vins s’exprimant ici et là sur la toile, je penserais que les vins de Bordeaux sont rouges, très chers, uniquement vendus aux chinois, objets de spéculations, tous faits pour plaire à Robert Parker et donc dépourvus de toute saveur autre que le bois.
Mais comme je viens de passer 4 jours à arpenter le vignobles de Bordeaux à la rencontre des vignerons des appellations Bordeaux & Bordeaux Supérieur, j’ai en mémoire 2-3 conversations et 10-12 flacons qui me poussent à ne plus trop me fier à ce que l’on raconte trop souvent sur le Bordelais.
Le Bordeaux, c’est rouge ? Exact, mais si on s’attarde un moment sur les statistiques de la production de 2013 (35% moins importante que l’année précédente suite aux problèmes de floraison et aux orages de grêle qui ont principalement touché les rouges) dans les appellations de Bordeaux & Bordeaux Supérieur (52% du vignoble Bordelais), on obtient la répartition suivante :
- 0,5 % de crémant de Bordeaux (ben oui, ça existe),
- 11 % de Bordeaux Blanc,
- 8 % de Bordeaux Rosé,
- 1 % de Bordeaux Clairet,
- 61 % de Bordeaux Rouge et 18% de Bordeaux Supérieur (qui est rouge aussi),
- Quelques bouteilles de Bordeaux Supérieur Blanc (un peu sucré).
Le Bordeaux c’est super cher ? Ben, comment dire, il y a effectivement les Grands Crus qui représentent à peine 2% de la production Bordelaise et dont la réputation est trop souvent généralisée à l’ensemble du Bordelais. La réalité des appellations Bordeaux & Bordeaux Supérieur, ce serait plutôt des vins entre 4 et 10 euros, d’un solide rapport qualité/prix, certainement pas plus chers que les équivalents produits dans d’autres régions de France.
Le Bordeaux c’est hyper boisé ? Y en a, c’est certain, et ceux-là ne sont pas vraiment agréables, mais franchement, faut arrêter de généraliser, si tous les Bordeaux étaient boisés pour plaire à Robert Parker et qu’il aimait tellement ça et uniquement ça, tous ces vins auraient des notes supérieures à 90/100 et se vendraient comme des petits pains sur le marché US. En pratique, on en est loin, et les dérives sont progressivement corrigées.
Le Bordeaux c’est pour la spéculation ? Malheureusement, certains grands crus ne sont plus consommés par les amateurs mais thésaurisés par les spéculateurs, collectionneurs, frimeurs, imposteurs, dragueurs,… tiens, ça me rappelle qu’on se cherche encore un nouveau gouvernement en Belgique
Le Bordeaux c’est pour les chinois ? Bon, là, c’est clair que les petits belges modestes et loyaux ont parfois été délaissés par les Bordelais séduits par les livres, les dollars et puis les yuans, mais aujourd’hui, les euros frappés à l’effigie de l’ami Philippe ont ramené un minimum d’attention vers les consommateurs belges qui (et ce sont les vignerons bordelais qui le disent) s’y connaissent nettement mieux en vin que les consommateurs d’autres pays. Franchement les amis, allez dans le Bordelais, vous y serez accueillis avec le sourire (sauf si on va plus loin que la France à la coupe du monde).
A Bordeaux comme dans les autres régions viticoles de notre petite planète, les préjugés ont la peau dure, et le plus triste à mon sens, c’est que je rencontre plus d’esprits chagrins (fermés) parmi les professionnels que parmi les consommateurs. Que diriez-vous, amis pros, si je clamais haut et fort que tous les Beaujolais embaument la banane, que les vins du Jura goûtent tous la noix, que les vins du Languedoc sont lourds et pas chers, que les vins d’Alsace sont bourrés de sucres résiduels, que les vins de la Loire sont verts ou « bios brettés », etc… vous seriez un rien énervés, et je ne pourrais que vous donner raison. Mais le monde du vin a plus à offrir que des généralités, alors, prenez votre verre et goûtez, goûtez et goûtez encore. Il n’y a pas de souci à ne pas tout apprécier, c’est plus que normal, mais de là à se fier uniquement aux « on dit » il y a une limite à ne pas franchir.
Ah oui, il y a encore un autre truc qu’on nous avait laissé entendre sur le Bordelais : c’est froid, fermé, arrogant et hermétique à la fête. Mais après un déjeuner « comme à la maison » au Château Lajarre, un moment de franche convivialité chez les frères Siozard du Château Claouset, une soirée à refaire le monde en toute honnêteté au Château de Parenchère , une visite du Château La Motte du Barry où Joel Duffau opte pour une réduction de ses surfaces et un passage en bio, ou un début de nuit sur les quais avec les vignerons de Planète Bordeaux, une chose est certaine à Bordeaux, il y a de la place pour les échanges et même des dégustations de vins venus des 4 coins du monde. Et tout ça, c’est sans doute un peu grâce à des « p’tit bout de femme » méga énergiques comme Catherine Alby (Syndicat Bordeaux & Bordeaux Supérieur).
Quelques vins agréables découverts durant ce séjour…
Vins de Bordeaux blancs
Château de Parenchère Blanc 2012
Arômes de Jabastas Blanc 2013
Château de L’Hoste-Blanc – Vieilles Vignes 2012
Vins de Bordeaux rosés et clairets
Fraîcheur de Jabastas Rosé 2013
Château de Landereau Clairet 2013
Vins de Bordeaux rouges
Château de L’Aubrade 2010
Château de Jabastas 2012
Audace de Jabastas 2009
L’As de Jabastas 2009
Autres appellations
Château Lapinesse Vieilles Vignes 2012