Certains l’ont remarqué : je suis loin des blogs en ce moment. Peu de sujets me poussent à rompre cet espèce de détachement de la chose politique qui s’est emparé de moi depuis quelque temps. Même si la période est loin d’être aussi rose que je l’aurais espéré, mes coups de gueule du moment et mes emportements ne se traduisent plus en écrits. Mes proches seraient même enclin à trouver qu’une forme de sagesse toute relative s’est enfin réveillée en moi…
Même Toto 1er en plein écran, tentant pathétiquement de démontrer l’implication du pouvoir socialiste dans sa disgrâce, n’a rien provoqué d’autre qu’un sourire amusé, et pour cause : le chantre de la droite dure va tomber entre-autres par simple application des lois LOPPSI 1 et 2 particulièrement liberticides et qu’il a lui-même fait voter… Joli. La racaille, qu’elle soit de bas-étage ou des beaux quartiers, ça reste de la racaille.
La chose me parle. Je suis même directement concerné puisque je suis informaticien pour un grand ministère régalien. Je vous passe rapidement le côté simplification du sujet. Depuis des années maintenant, les mesures de simplification des procédures sont devenues une priorité absolue dans l’administration française. On simplifie déjà, et à tout va, on rationalise dans tous les sens, mais bizarrement, jamais le quotidien n’a été autant compliqué…
Pour la partie informatique, il s’agit de mutualiser les ressources informatiques de l’Etat et de favoriser la transparence en rendant accessibles les données publiques partout et pour tout le monde. Et pour y arriver, Thierry Mandon n’y va pas par le dos de la cuillère : «l’Etat produit trop lui-même, il y a plein d’entreprises en France sur plein de sujets qui peuvent apporter énormément de réponses très rapides et très qualifiées». En d’autres termes, on externalise vers les grosses boites du privé la fonction informatique de l’État (et on ferme ces services évidemment).
Je peine réellement à voir le gain de l’opération. S’il est parfois nécessaire d’être assisté par des prestataires sur des points précis, ce qui peut apporter des compétences nouvelles, confier tout ou partie de son activité informatique au secteur privé est une manœuvre dangereuse et sans retour. Outre la fin de son indépendance, l’État deviendrait une vache à lait phénoménale pour les entreprises comme Cap-Gémini, Athos, Accenture et quelques autres de cet acabit, qui réalisent déjà de colossaux profits. Si c’est pour donner un coup de fouet au secteur, pourquoi pas, mais quid des collusions et des copinages dans les attributions de ces marchés, et à quel prix ?
A moins que l’objectif poursuivi soit plus terre-à-terre, plus dogmatique dira t-on. En transférant au privé tout ou partie du système d’information, on va réduire un peu la fameuse dépense de l’État puisque la poignée d’agents qui mettaient ce système en œuvre seront privés de boulot. Mais compte-tenu du coût de fonctionnement global, du niveau de salaires de la fonction publique et du faible nombre de personnels concernés, il ne fait pas l’ombre d’un doute que la facture au final va exploser… Pour le contribuable, ce sera encore plus cher.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle menace se profile. A chaque fois, une certaine forme de raison et la mobilisation des personnels ont empêché l’inexorable. Face aux coûts d’une sous-traitance qui ne remplissait pas toujours les objectifs fixés, mon administration a procédé récemment à des ré-internalisations significatives. D’autant plus que son personnel est qualifié et formé. En tout état de cause, cela m’embêterai assez que ce soit un gouvernement de gauche qui rince ainsi les grosses SSII.
Hasard du calendrier, mon unité vient d’apprendre qu’elle perdait sa mission principale, au motif notamment, qu’on était «sur-qualifié» (sic).
Va comprendre Charles (c’est mon troisième prénom).