J'avais déjà évoqué ce type d’objet dans l’article de janvier 2009 sur le blog : Charme de navigation des îles Carolines.
Comment ce charme peut-il se retrouver à Paris en septembre 2014 ?
Son parcours … nous est dévoilé par Michel Thieme que je remercie pour cette communication dont je résume en français la teneur.
Cet "charme" là fut acheté auprès de la congrégation Franciscaine de Woerden en 1960, par le Nijmegen Ethnographical Museum.
En effet, les missions néerlandaises ont envoyé des milliers d'objets ethnographiques aux Pays-Bas. Ainsi, trouve-t-on à Berg-en-Dal des objets adressés par la Congrégation du Saint-Esprit ; ceux des Franciscains de Woerden forment la base du Musée ethnographique de Nimègue.
Ces objets ont été principalement utilisés à des fins de propagande et présentés lors d’expositions missionnaires organisées aux Pays-Bas au cours de la première moitié du 20ème siècle. Dans les années 1960, ces expositions n’avaient plus de raison d’être et les Franciscains ont vendu leur collection à l'Université de Nimègue.
Les missionnaires avaient pour habitude de bien documenter les objets qu’ils achetaient mais malheureusement, pour ce charme de navigation, on ne trouve rien car la documentation a dû être égarée quelque part entre Woerden et Nimègue.
Karel Weener a mené cette recherche pour Michel Thieme dont voici quelques grandes lignes :
En 1959, la mission franciscaine fut transférée de Weert, une ville dans le sud-est des Pays-Bas, à Woerden.
Dans leur monastère de Weert les Franciscains avaient créé un petit musée de la Mission et tous les objets de ce musée furent donc transférés à Woerden. Là, au lieu d'être exposés, ils furent rangés dans le grenier du monastère.
Peu de temps après, la collection fut vendue à Nimègue. Malheureusement, comme les archives d’Utrecht concernant les Franciscains de Weert ne sont pas entièrement accessibles de nos jours, on ne sait pas s’ils ont gardé des documents concernant leur petite collection ethnographique.
Ce que l’on peut affirmer néanmoins c’est que les Franciscains de Weert ne sont jamais allés dans les îles Carolines : d’autres missionnaires doivent avoir recueilli le charme de navigation de Micronésie !
On ne connait qu'un petit nombre de charmes des îles Carolines dans les collections publiques et privées, et ces beaux objets sont peu étudiés.
Des informations les concernant ont été publiées par les membres de l'expédition de Hambourg entre 1926 et 1954 sous le titre: Ergebnisse der Sudsee Expedition 1908-1910. Les principaux charmes connus ont été recueillis au cours de cette expédition et sont aujourd’hui conservés dans différents musées ethnographiques allemands.
Il reste cependant une piste à explorer : Puisque ce sont des missionnaires qui ont collecté ce charme acheté par le Musée ethnographique de Nimègue en 1960 auprès de Franciscains, il faut donc étudier de près les missions catholiques dans les Carolines.
L'histoire de l'œuvre missionnaire en Micronésie est longue, mais elle est largement décrite par F. Hezel dans son article « Missions catholiques dans les Carolines et les îles Marshall. »
Bien que les Carolines fassent partie du Vicariat de Micronésie créé en 1844, les missionnaires catholiques n’ont eu aucun contact avec les Carolines entre 1839 et 1886. En juin 1886 les Capucins espagnols sont arrivés dans les Carolines sur l'île de Yap, et en 1887 sur l'île de Ponape.
. .. En 1903, ce sont les Capucins de la province allemande du Nord-Westphalie qui les remplacèrent et en 1904 les îles Carolines furent officiellement attribués aux Capucins allemands.
Hezel écrit à propos de ces prêtres allemands: "Les Capucins de cette période ont apporté une contribution importante dans le domaine de la connaissance ". Les ouvrages Die Insel Karolinen-Jap et Die Bewohner der Truk-Inseln de Laurentius Bollig (1927) sont les premières véritables études ethnologiques de ces îles.
Mais les Capucins allemands se sont retrouvés dans une situation difficile quand, en 1914, les Japonais ont pris possession de la Micronésie. Hezel écrit : "À cette époque, il y avait 34 Capucins et 10 religieuses franciscaines dans les Carolines et les îles Mariannes … Peu à peu les Japonais ont expulsé les missionnaires étrangers et ont interdit l'instruction religieuse….En 1918, tous les missionnaires catholiques avaient quitté les îles." (Hezel 1970).
Sont-ce les Capucins allemands des Carolines qui ont collecté le charme de navigation présenté ici ? Mais comment cet objet ethnographique a-t-il pu atterrir à Weert ?
Il reste une grande part de mystère... Tout cela sera peut-être éclairé lorsque les archives des Franciscains de Weert deviendront entièrement accessibles ! Attendons encore un peu...
(Traduction-résumé libre de la dernière partie du texte de Karel Weener)
Référence citée par K. Weener : Hezel, F.X. "Catholic Missions in the Caroline and Marshall Islands. A Survey of Historical Materials" in Journal of Pacific History, 5 (213-27) 1970
Autres sources : voir mon article de janvier 2009
Photo 1 et 5 : Ex-collection of the Order of Friars Minor, the Franciscans, Woerden, the Netherlands. Dimensions: H: 43cm W: 15cm L: 7cm. photo © Jan van Esch
Photo 2 : Carte d'inventaire du charme de navigation de l' Instituut voor Kulturele Anthropologie Van De R.K. Universiteit Nijmegen.
Photo 3 : Dessin de charmes de navigation et autres objets magiques (Lamotrek) par Augustin Krämer, in Ergebnisse der Südsee-Expedition 1908-1910, Hrsg. Thilenius, G., Vol. II Ethnographie: B Mikronesien, Bd. 10, Zentralkarolinen, I. Halbband, Hamburg 1937, p. 156 ill. 76.
Photo 4 : Uru po, un navigateur de Lamotrek soufflant dans une conque et tenant de sa main gauche un charme de navigation in Krämer, Augustin, Ergebnisse der Südsee-Expedition 1908-1910, Hrsg. Thilenius, G., Vol. II Ethnographie: B Mikronesien, Bd. 10, Zentralkarolinen, I. Halbband, Hamburg 1937, Plate 4, c, Kr. 377