Ils sont furieux. Ils relayent la rage de leur chef. Mais ils ne sont pas si nombreux. Les sarkozystes se comptaient, mardi, sur nos ondes radiotélévisées, pour défendre leur mentor.
La garde à vue de Nicolas Sarkozy par les juges mardi, premier jour de juillet, quasiment un an jour pour jour après la remise en cause du remboursement des frais de campagne présidentielle de 2012, a déclenché des réactions prévisibles mais éparses.
L'ancien chef de l'Etat a été entendu toute la journée sur des soupçons de trafic d'influence et de violation du secret de l'instruction. Le premier motif vient de l'échange de faveurs - secrets de l'instruction contre lobbying pour une nomination à Monaco. Le second motif émane de quelques constatations relevées à l'occasion de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy: "le chef de l'État était-il au courant de sa mise sur écoute?" résume le Figaro. On a peine à croire que la réponse soit négative. Sarkozy et son avocat s'étaient pris chacun un numéro de ligne mobile sous une fausse identité. Sarkozy fut également prévenu de deux perquisitions avant que celles-ci n'eurent lieu.
C'est la première fois qu'un ancien président de la République est ainsi placé en garde à vue. Chez Mediapart, on applaudit à cette justice qui "s'émancipe enfin du pouvoir politique."
Le nom de Sarkozy apparaît dans plusieurs enquêtes, retraçant en creux sa carrière politique:
- l'affaire Karachi, quand Sarkozy n'était "que" ministre du budget du gouvernement Balladur (1994-1995), dont les ramifications ont conduit les enquêteurs jusqu'aux contrats de vente de technologie de renseignements à l'Arabie Saoudite et la Libye; et à la mise en examen de plusieurs proches.
- l'arbitrage favorable à Tapie contre le Crédit Lyonnais quand il était ministre des finances (2004) puis, surtout, président de la République (2007-2012);
- le scandale Bettencourt dont il est sorti indemne mais sans jugement sur le fond,
- les soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007 qui l'ont fait placer sur écoutes au début de l'année 2014, écoutes qui ont permis de découvrir qu'il échangeait avec un magistrat par avocat interposé.
- la violation du secret de l'instruction, donc, dont le soupçon vaut à Nicolas Sarkozy d'être ainsi placé en garde à vue.
- l'affaire Bygmalion, par laquelle on a appris que les frais de campagne de Sarkozy en 2012 avaient été sous-déclarés pour environ 17 millions d'euros (une seconde fraude avérée).
Bref, relire la carrière politique de Nicolas Sarkozy en juillet 2014 donne un certain tournis.
Mardi matin, un peu trop tôt, l'ancien monarque est entré dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre. Une douzaine d'heures plus tard, il y était encore, tout comme son avocat Thierry Herzog et les deux magistrats soupçonnés d'avoir parlé, Gilbert Azibert et Thierry Sassoust, tous deux avocats généraux à la Cour de cassation.
On ne sait pas ce que Nicolas Sarkozy pensait de cette prolongation de garde à vue, sans avocat, jusqu'aux 48 heures autorisées par une loi qu'il a fait voter quand il était ce boulimique ministre de l'intérieur.
Nicolas Sarkozy était aussi politiquement seul. Certes, quelques partisans, les habituels "Grognards" de Sarkofrance, ont couiné, râlé, protesté contre "l'acharnement" des juges. Accuser l'institution était une défense fragile, et heureusement peu répandue. Il y eut des fuites, encore, puisque le Monde pouvait affirmer, la veille de la garde à vue, qu'elle aurait lieu le lendemain.
Autre nouvelle, la direction provisoire de l'UMP a découvert que le parti avait payé 363.000 euros à Nicolas Sarkozy en 2013, pour qu'il puisse régler l'amende pour fraude des règles de financement de campagne. A l'UMP de l'époque, rapporte l'Express, "la personne qui a validé la légalité de ce remboursement n'est autre que Maître Philippe Blanchetier", l'un des avocats de Nicolas Sarkozy.
On se pince pour le croire.
François Fillon, son ancien meilleur premier collaborateur 5 années durant, n'eut pas de mots assez durs pour son ancien mentor.
Si Nicolas Sarkozy était candidat à une quelconque élection, fut-elle locale, dans cette merveille démocratie qu'il chérit tant que sont les Etats-Unis, il aurait été disqualifié depuis longtemps.
La blogosphère politique, surtout à gauche, revient sur cet enterrement prématuré. ActuPol évoque une "revanche des juges". "Faut-il s'en réjouir ?" s'interroge Sistraer. "Il y a encore des gens qui pensent qu’il va revenir, qu’il va briguer la présidence de l’UMP. Sont-ils inconscients à ce point ?" complète Nicolas, de Partageons mon avis. Cette affaire "décrédibilise la politique" ajoute la blogueuse Cycee. Bembelly publie quelques extraits de la presse étrangère, dont les propos sont plus définitifs encore. Sans doute cette blogosphère espérait-elle un retour en campagne pour l'élection de 2017: le candidat Sarkozy, idéologiquement vide mais judiciairement chargé, eut été un adversaire presque trop commode pour François Hollande.
La garde à vue de Sarkozy est inédite.
Mardi, dans la soirée, on apprenait que son propre avocat et le juge Azibert étaient désormais mis en examen. Vers 23h30, Sarkozy lui-même quittait la police judiciaire pour être déféré à son tour devant les juges et mis en examen pour corruption et trafic d'influence.
Corruption...
Une page se tourne.
"C'est encore le temps de la réflexion", confiait Nicolas Sarkozy il y a quelques jours. Le temps s'est brutalement accéléré.
Merci à SARKOFRANCE saison 2
SARKOFRANCE #02 BLOG POLITIQUE
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L'inventaire : Le vrai bilan complet de Nicolas Sarkozy - La Lettre de Jaurès
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