Ancien ministre de de Gaulle, chargé de la Nouvelle-Calédonie sous Mitterrand, ce spécialiste de la faim dans le monde nous prévient : si les uns ne changent pas très vite leur logique de profit et les autres leur mode de vie, la Terre comptera bientôt deux ou trois milliards d'affamés.
Rappelez-vous. C'était en janvier 2007 : les Mexicains descendaient dans la rue pour manifester contre l'augmentation du prix de la tortilla, la galette de maïs. A l'époque, beaucoup avaient souri. Depuis, les émeutes de la faim se sont répandues comme une traînée de poudre : au Cameroun, au Maroc, au Yémen, au Sénégal, en Indonésie, au Bangladesh, aux Philippines, en Haïti... Blé (+ 130 % depuis 2006), riz (+ 170 %), maïs (+ 140 %) : les produits agricoles de base flambent et le monde découvre avec surprise que la fin de la faim n'est pas pour demain. Que la famine menace plus d'un milliard d'êtres. Edgard Pisani est de ceux qui préviennent depuis des années de l'imminence de la crise. Ancien ministre de l'Agriculture, de l'Equipement sous de Gaulle, puis chargé de la Nouvelle-Calédonie sous Mitterrand, ce grand serviteur de l'Etat a souvent eu une longueur d'avance. A 90 ans, le regard bleu plus acéré que jamais et la voix grave, il dit toute sa révolte. Celle d'un vieux sage lucide, à l'espérance chevillée au corps.
Prévisible, elle est la conséquence logique de notre inconséquence et va inéluctablement s'aggraver. Voilà des années que je lance des cris d'alarme et que je pose la question suivante : le monde peut-il nourrir le monde ? Sans doute pas ! Nous avons, fort heureusement, inventé les moyens de diminuer la mortalité infantile. Mais, ce faisant, nous avons créé une explosion démographique sans précédent. La planète n'est pas faite pour accueillir les neuf milliards d'êtres prévus pour 2050 et leur donner à manger en suffisance. D'autant moins que, pour nourrir ceux qui existent, l'homme a inventé des procédés qui ont déréglé la nature et l'ont rendue moins fertile. Pour installer ce surcroît de population, les villes s'étalent sur les terres les plus fertiles de la planète. On a le sentiment que le monde est devenu fou. Il demande à la nature plus qu'elle ne peut donner et se laisse entraîner par le goût de la découverte et du profit.
Pour lire la suite des propos d'Edgard Pisani, c'est ici.