De son vrai nom Kenneth Millar, Ross Macdonald est un écrivain américain de romans policiers né en Californie en 1915 et où il décédera en 1983. Il est célèbre pour ses polars (une petite vingtaine) dans lesquels figurent le détective privé Lew Archer. Les Editions Gallmeister continuent de rééditer l’œuvre de l’écrivain dans de nouvelles traductions intégrales. Certains de ces romans ont été chroniqués ici comme, Cible mouvante (1949) et Noyade en eau douce (1950). Trouver une victime qui vient de ressortir, date de 1954.
« Las Cruces n'avait rien d'une destination touristique. Mais après avoir ramassé sur le bord de la route un auto-stoppeur en sang, qui ne tarde part à mourir, Lew Archer se retrouve coincé là, à attendre l'ouverture de l'enquête. La victime, un employé d'une société de transport appartenant au notable local, s'est fait dérober un camion et sa cargaison d'alcool. Se proposant de remettre la main sur le tout, Archer se lance à la poursuite de la fille du propriétaire, que certains n'hésitent pas à accuser de complicité dans cet étrange vol. » Je ne dirai rien de plus que l’éditeur de l’intrigue, si ce n’est cette remarque anodine, citée en début d’ouvrage par l’un des acteurs « Tout le monde est de la famille de tout le monde, dans cette ville. Ca complique parfois un peu parfois les choses. »
J’irai droit au but, j’ai beaucoup aimé ce roman, plus encore que les deux précédents que j’avais lus, ce qui est assez logique, l’écrivain s’améliorant avec le temps. Tout m’a séduit, l’intrigue comme l’écriture. Ross Macdonald utilise un langage imagé ou lyrique durant les scènes de transition, « Les faisceaux des phares qui me suivaient se plantaient dans le fossé comme des avirons de lumière brisés » ou bien trouve de jolies formules, « Je m’assis sur le lit. L’amour, ou quelque chose d’approchant, lui avait brisé les reins. » Mais c’est le ton général qui enlève le morceau, cet humour particulier aux grands maîtres du polar d’hier, froid quand le héros est en mauvaise posture pour signifier la force tranquille (on pense à Robert Mitchum), basique quand l’auteur veut rappeler au lecteur que tout cela n’est qu’un roman.
Dirai-je aussi que j’ai apprécié retrouver ces scènes où l’on se bat à mains nues, comme des hommes, « … et j’enchainais avec un petit direct du droit à la mâchoire. » Tout respire le vieux polar des pionniers du genre dans ce roman – et c’est bien de cela qu’il s’agit, d’ailleurs. Ayant débuté dans la carrière de lecteur par ce type de biberon, je m’en suis délecté, au point d’accepter ici ce que je regrette ailleurs, des dialogues parfois improbables pour nos oreilles d’aujourd’hui, mais le lecteur éventuel (surtout s’il est très jeune) ne devra jamais perdre de vue que le roman a soixante ans ! Je ne suis pas certain que les écrivains historiques du genre aient cherché la véracité ou la crédibilité à tout prix, ce qui leur autorisait une marge de manœuvre que nos auteurs modernes n’ont plus.
Et puis, comment résister à Lew Archer, archétype du détective privé comme on les fantasme : costaud, doué du sens de l’humour, fataliste et philosophe, psychologue et foncièrement honnête. Le mec parfait, non ? Un livre bien écrit avec une intrigue bien menée et une longue autant qu’émouvante confession finale. Un polar à l’ancienne, sans ordinateurs évidemment, sans poursuites haletantes ou rebondissements abracadabrants, sans sexes déballés.
Si vous me demandez pourquoi il faut lire ce roman, je vous répondrez tout simplement, parce qu’il est rafraichissant !