Octobre Rose : Mammo Yes ou Mammo No ? (Acte 2)

Par Sandy458

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Il y a 2 années de cela, j’avais consacré un article à un sujet de santé dont l’examen phare de dépistage était alors au centre d’une forte polémique : la mammographie de dépistage du cancer du sein.

Pour celles et ceux qui auraient oublié ou qui ne s’y seraient pas intéressé sur le moment, c’est ICI


Dans cet article, je faisais un point sur la situation du cancer du sein et sur la nécessité de se poser la question de vouloir ou non se prêter au dépistage, décision devant être basée sur des faits objectifs et sur le souhait individuel de chaque personne loin de toute pression médicale ou médiatique.

En clair, c’est votre vie, votre corps, votre décision.

Pour les angoissées des examens, j’expliquais le déroulement classique du dépistage.

Je concluais sur le « déni de dépistage » qui, lorsque les résultats sont mauvais ou suspicieux ne doit pas amener à faire l’autruche mais bien à s’en remettre à la médecine pour mettre le maximum de chance de son côté, au plus vite. Autant soigner « un petit cancer » dès le début plutôt que de le laisser prendre un organisme pour un terrain de jeu !

J’abordais aussi la question des dépistages qui dérapent, de ceux qui conduisent à stresser une personne plus que de raison en la plaçant dans une catégorie de potentiellement atteinte jusqu’à preuve du contraire (les faux-positifs) ou encore en catégorie d’attente par ce que le radiologue lui-même ne sait pas… (Saint Nibard, priez pour nous !).

L’histoire  qui suit n’est pas relatée pour faire peur mais pour laisser la lectrice (soyons folle : le lecteur) consciente des limites de ces examens et des facteurs humains qui s’en mêlent quand ce ne sont pas – et là, c’est tout simplement  inacceptable – une sorte de querelle de clocher entre membres du corps médical.

Mais- trêve de bavardage – commençons là le récit…

Imaginez une femme  d’une quarantaine d’année qui passe sa mammographie classique de dépistage  sans encombre. En attente dans la cabine de déshabillage, elle est soudainement rappelée par le radiologue qui désire la revoir un court instant.

L’homme de l’art se met en tête de la tripatouiller dans tous les sens, émet des soupirs exaspérés car il ne trouve rien sous sa main experte. Dans l’esprit de la patiente, un doute s’instille… s’il cherche comme cela c’est qu’il n’est pas sûr de lui et de l’examen déjà réalisé et qu’il y a peut-être quelque chose à trouver...

Mais contre toute attente « circulez, vous pouvez partir, il n’y a rien ».

Vaguement rassurée, la femme n’en demande pas plus et se précipite vers la sortie, sait-on jamais !

15 minutes plus tard, son téléphone portable sonne.

C’est le cabinet de radiologie qui lui explique que le radiologue,  ayant un doute persistant, désire réaliser une échographie mais « surtout-ne-vous-inquiétez-pas, il-n’y-a-rien ».

La femme rebrousse donc chemin, pas rassurée du tout devant ce revirement de situation.

Le « il n’y a rien » tombe dans l’oreille d’une sourde, forcément.

De retour dans le cabinet de radiologie, le radiologue versatile explique «  Je vois un truc sur la mammo et comme vous êtes jeune… ».

Interloquée, la femme se demande comment on peut passer aussi vite d’une situation normale où « il n’y a rien » à « il y a un truc… ». Mystère et  boule de sein!

S’en suit donc l’échographie qui ne révèle strictement rien. Nada.

Néanmoins, le radiologue peu sûr de lui lance un encourageant :  « Je ne trouve rien sur l’écho mais on ne voit pas tout avec cet examen et puis j’ai vu quelque chose à la radio. Je vous classe donc dans une catégorie « avec anomalie ». Je vous conseille de vous faire suivre et  de refaire des examens dans 6 mois pour vérifier l’évolution… mais ne vous inquiétez pas, IL N’Y A RIEN ! »

Il n’y a rien, il n’y a rien… devant l’air désappointé du radiologue à qui le Saint Graal semble avoir échappé, la « patiente » au nom si bien choisi se dit que la prochaine fois elle lui concoctera une tumeur avec fourniture de  lunettes 3D et d’un pot de pop-corn pour le consoler.

Abasourdie, elle sort comme un automate du cabinet de radiologie et se demande si elle a bien vécu cette scène surréaliste.

Avec la lecture et la relecture du compte-rendu d’examen, un truc incompréhensible pour qui a les neurones qui s’emmêlent soudainement, la femme décide de prendre contact avec  le médecin prescripteur de l’examen pour savoir à quel … « sein », elle doit se vouer.

Si vous aimez le non-sens de nos amis anglais ou les situations abracadabrantes,  la suite de l’histoire va vous réjouir.

Le médecin alerté par son secrétariat que la patiente commence à sentir un vent d’anxiété la saisir consent à la recevoir et écoute, agacé, la narration des péripéties radiologiques.

«  Ah vous êtes allée à ce cabinet de radiologie-là… je refuse de prendre en compte les examens qui en proviennent, il y a toujours des problèmes, il [le radiologue] n’a pas l’honnêteté intellectuelle de se prononcer sur ce qu’il voit, c’est n’importe quoi à chaque fois. Il botte en touche : il classe les patients dans des catégories de façon à ne pas avoir à s’engager. J’ai une autre patiente à qui il a fait le coup dernièrement, il me l’a complètement paniquée ! Nous sommes plusieurs à refuser les résultats de ce cabinet. Là, je refuse de lire les radios, il faut aller au cabinet xxx, je prends leurs examens en compte, leurs résultats sont fiables. Je vous fais une ordonnance et vous refaites les examens dans 6 mois.»

La patiente tombe de Charybde en Scylla… il y a donc des cabinets de radiologie - pourtant agréés ! -qu’il convient d’éviter sous risque d’examens et de résultats fantaisistes, des médecins qui boycottent purement et simplement des examens déjà réalisés et renvoient dans la cour de récréation des patientes légitimement inquiètes et plus très sûres de la fiabilité de tout ce barnum du dépistage… car, quel crédit alloué encore devant une telle situation ?

Où est le sérieux, le respect de la personne, la fiabilité d’un discours qui se veut préventif ?

Avant de prendre congé de sa patiente –qui pour la peine commence à ne plus trop l’être – le médecin, très inspiré, lui lâche un « j’espère que vous n’aurez rien… » en lui posant une main réconfortante sur l’épaule.

Résumons-nous : un dépistage qui n’en a que le nom, une bisbille médicale, 6 mois d’attente encore pour avoir le droit d’y voir clair et espérer respirer un bon coup… mais puisqu’on vous dit qu’il n’y a rien, pourquoi s’en faire ?

Le but de cette histoire – réelle, rien n’est inventé – n’est pas de remettre en cause le dépistage en soi mais bien plus de pointer les dérives ou les aberrations.

Et surtout de replacer les choses dans un contexte humain : personne ne se préoccupe alors de la femme qui oscille mentalement  pendant 6 mois entre deux eaux, entre l’état d’une personne pour qui tout va bien et celle d’une personne qui pourrait être déjà dans un processus de soin.

Si tout va bien, c’est 6 mois de doute en trop.

Est-ce acceptable ?

Si tout va mal, c’est 6 mois de perdus.

Et cela, c’est franchement inacceptable !

Épilogue…

6 mois plus tard, la patiente au bord de l’implosion, a subi un contrôle qui non seulement a abouti à la rassurer totalement sur sa santé mais qui lui a appris que le premier radiologue avait confondu l’aspect normal des tissus comprimés lors de l’examen avec une anomalie qui pour la peine aurait réclamée un réel suivi…

Cette mésaventure, loin de vouloir remettre en cause le dépistage, n’est que le témoignage des limites de l’examen et surtout des limites de celui qui l’effectue.

 Les patientes s’engageant dans le processus du dépistage doivent avoir conscience qu’il n’est pas infaillible et que les résultats peuvent s’avérer faussement positifs ou négatifs.

Enfin, mais il s’agit là d’une réflexion qui concerne le corps médical et les prescripteurs : qu’en est-il des agréments délivrés pour tel ou tel dépistage et est-il bien raisonnable de voir s’opposer des professionnels autour des compétences des uns des autres ?

Tout ne devrait-il pas tendre vers une prise en charge la plus efficace, la moins anxiogène possible et la plus égalitaire ?

Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être fortuite…