Ce n’est pas la déclaration-choc d’un militant écolo, mais celle de FrançoisChiron, enseignant-chercheur en écologie des communautés à AgroParisTech, prononcée au beau milieu d’une conférence à la Société nationale de l’horticulture de France (SNHF).Comment le chercheur en est-il arrivé à un tel chiffre, aussi précis qu’accablant ? Il explique :
« C’est une référence que je tiens de l’Iaurif [Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, ndlr] qui a publié en 2004 une note de six pages sur la quantité de matière active qui atteint sa cible (voir encadré).Après, 0,3%, 5% ou 15%, ce n’est pas la question : une grosse partie est de toute façon diffusée dans l’environnement. »Comprendre dans l’air, le sol, l’eau.EXTRAIT DE LA NOTE DE L’IAURIFDans la note [PDF] publiée en avril 2004 par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, on peut lire :« Lors de l’épandage, les pesticides atteignent les plantes mais aussi le sol, l’eau et l’atmosphère et l’on estime que, sur les 2,5 millions de tonnes utilisées chaque année dans le monde, 0,3% seulement atteindrait leur cible.La majorité (80 à 90%) serait volatilisée, le reste étant soit entrainé par ruissellement (2% en moyenne), soit lessivé, soit stocké dans le sol. » A.I.A
Moins de plantes, d’oiseaux, d’insectes
François Chiron n’est pas un excité antipesticides ; il est mesuré à ce sujet, quand bien même l’essentiel de ses recherches va dans le sens de leur réduction :« Les pesticides, ça reste un outil efficace ; une efficacité que je ne remets pas en cause. Mais l’impact environnemental est considérable. Il y a une perte importante dans l’environnement, avec des conséquences sur l’eau, la biodiversité, la santé humaine. »Un oiseau peint sur un mur (Sergey Ivanov/Flickr/CC)Il poursuit :
« Je suis un spécialiste de l’impact sur le vivant : en l’occurrence, ça se traduit par des problèmes de reproduction, des effets sur la diversité des espèces, avec une diminution du nombre d’espèces de plantes, d’oiseaux, d’insectes pollinisateurs... C’est étudié depuis des années par les écotoxicologues.Les herbicides, par exemple, vont limiter la présence de plantes qui ont un rôle de filtration et d’épuration naturelles. Comme il est montré et démontré que l’usage de pesticides limite la pollinisation. »
Les pesticides vs les « auxiliaires »
Pour le chercheur, on peut réduire les pesticides « grâce à la biodiversité, par l’introduction d’auxiliaires », c’est-à-dire « l’ensemble des espèces qui vont venir limiter la présence des ravageurs ».D’autant que l’usage immodéré des pesticides s’avère selon lui contreproductif, pour au moins deux raisons :- les vermines visées peuvent devenir résistantes : « Plus on utilise de pesticides, plus on se rend compte qu’ils sont inefficaces » ;
- leurs prédateurs naturels disparaissent : « J’ai travaillé à l’échelle de plusieurs départements. On a observé que l’usage de fongicides diminuait la biomasse. Les oiseaux disparaissent, par exemple : les mésanges s’en vont et ne mangent plus leurs cinq cents chenilles quotidiennes. »
Changer la donne ? « Un choix de société »
Selon lui, il faut essayer d’inverser la tendance, recréer un cercle cette fois vertueux :« Si on réduit les pesticides, on augmente les capacités de régulation naturelle. »Comment faire évoluer les pratiques ?
« C’est un choix de société, et ce n’est plus du ressort du scientifique que je suis. Avec le plan Ecophyto, l’Etat veut réduire les pesticides de 30 à 50%. Parce que globalement, pour la santé publique, les pesticides représentent des coûts importants...Moi, en tant que citoyen, j’y suis favorable. Et en tant que scientifique, je suis là pour accompagner cette transition. »Une transition qui n’est pas gagnée : la Confédération paysanne dénonçait cette semaine « la passivité des pouvoirs publics » face à l’importance du trafic de pesticides, interdits en France mais très facilement importés d’Espagne.Antonin Iommi-Amunateguihttp://rue89.nouvelobs.com/2014/03/28/agriculture-seulement-03-pesticides-atteignent-cible-251026