Après avoir défini ce qu'était la croissance dans ce billet, j'étais venu sur le plateau de TV Cristal pour donner quelques chiffres et éléments sur le sujet (voir ce billet). Cette semaine, je remets le couvert et j'analyse les conséquences réelles - ou espérées ! - d’une croissance forte sur le chômage, la pauvreté et les inégalités dans une émission de 27 minutes :
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Après avoir visionné cette vidéo, vous comprenez que la croissance ne se décrète pas et qu'elle nécessite un cadre favorable que nous n'avons pas actuellement. En effet, en plus des problèmes structurels que connaît l'économie française (stagnation de la productivité globale des facteurs, faiblesse des dépenses de recherche-développement, désindustrialisation, stagnation voire recul de l'investissement des entreprises, perte de capital humain suite au chômage élevé et de longue durée), les politiques d'austérité étouffent définitivement toute possibilité de croissance économique...
On ne s'étonnera donc pas que depuis peu les organisations syndicales de salariés et d’employeurs (autre que le MEDEF...) demandent en choeur la fin de l'austérité qui mine la demande. C'est le cas notamment dans les travaux publics où l'inquiétude est grande suite à la baisse de 12,5 milliards d’euros des dotations de l’État aux collectivités locales, qui achèvera de peser sur une demande atone et pourrait menacer 60 000 emplois.
Mais il est bien connu qu'on ne change pas une politique qui échoue, comme le prouve le report du vote à l'Assemblée du projet de budget rectificatif de la Sécurité sociale en raison de la (micro-)"fronde" d'un petit groupe de députés opposés à cette rigueur...
D'un côté le gouvernement français semble donc attendre une planche de salut de la part des institutions européennes - dont la BCE qui s'en va en guerre contre la déflation et l'Union bancaire dont l'objectif est d'éviter qu'une nouvelle crise bancaire ne se transforme en crise de la dette au sein de la zone euro -, de l'autre il pense résoudre les problèmes économiques structurels par la loi, après avoir fait le constat qu'en dessous de 1,5 % de taux de croissance il n'arriverait pas à diminuer le taux de chômage.
Voilà pourquoi le ministre de l'économie, Arnaud Montebourg, a évoqué pour l'automne une " grande loi sur la croissance et le pouvoir d'achat" dont on devrait en savoir plus le 10 juillet. Toujours est-il que, d'après ce qui a filtré, il serait question de réformer les mécanismes économiques, ce qui me laisse toujours songeur inquiet lorsqu'on se rappelle que pour le gouvernement réforme = cadeau aux entreprises. J'en veux pour preuve l'annonce faite avec tambours et trompettes du Pacte de responsabilité, alors même qu'il n'est pas certain que restaurer la compétitivité de nos entreprises débouchera sur des créations d’emplois.
Pire, selon le rapporteur général du Budget, Valérie Rabault, "le plan d’économies de 50 milliards d’euros proposé par le Gouvernement pour la période 2015 à 2017, soit une réduction des dépenses de plus de 2 points de PIB, aurait ainsi un impact négatif sur la croissance de 0,7 % par an en moyenne entre 2015 et 2017, et pourrait entraîner la suppression de 250 000 emplois à horizon 2017". Comme en contrepartie le Pacte de responsabilité devrait conduire à "rehausser l'activité de 0,6 point à horizon 2017 et créer 190 000 emplois", on en déduit que le gouvernement appuie toute sa politique économique sur un ensemble de mesures qui détruira plus d'emplois qu'il n'en crée !
Bien entendu (politique quand tu nous tiens...), le rapporteur cherche ensuite à tempérer ses propos en expliquant que les baisses d'impôts pour les ménages et de cotisations sociales pour les entreprises devraient limiter ces conséquences négatives, et elle en vient même à soutenir le gouvernement dans son choix de baisser les dépenses publiques. En langage clair cela signifie que le Pacte de responsabilité et de solidarité est une énorme bêtise mais qu'avec un peu de chance les rustines qu'on y ajoute rendront l'ensemble un peu moins récessif que prévu...
Et que dire de cette annonce du gouvernement, passée quasiment inaperçue dans les médias depuis que les yeux sont rivés sur des multimillionnaires qui travaillent (pensent ?) avec leurs pieds sur un terrain ? Selon Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de la Simplification (sic !), il s'agit de créer une nouvelle autorité indépendante composée de représentants d'entreprises, dont l'objet serait de rendre des avis contraignants sur les nouveaux textes de loi ! Pour le dire autrement, les représentants d'entreprises seraient chargés de la contre-expertise des textes de loi au risque d'alourdir encore davantage le processus législatif et de jeter encore plus de doute sur l'indépendance du Parlement...
En définitive, il est faux de croire que c'est uniquement à coup de lois que l'économie française renouera avec la croissance. Mais à l'opposé, il est important de noter qu'il est tout aussi faux de croire que la suppression de toutes les lois qui protègent les salariés permettrait de retrouver le chemin de la croissance. C'est malheureusement entre ces deux écueils que naviguent depuis des années les gouvernements successifs en France !
N.B : l'image de ce billet provient du site www.decideursenregion.fr