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Max | Martin

Publié le 01 juillet 2014 par Aragon

maitrechien.jpgElle part le lendemain. Elle va quitter Dax pour s'installer en Picardie. C'est l'amie d'une amie médecin chez laquelle nous prenons le champagne pour fêter son départ. Sympa, je ne la connaissais pas, mais bien sympa cette dame. Martin arrive, Martin est son fils. Un grand gamin d'un mètre quatre-vingt-cinq à la bouille ronde et au cheveu dru et court entre. Il dit bonjour, s'assied près de sa mère sur le canapé, on parle. Je ne remarque rien sauf que ce gamin de seize ans est à l'aise dans ses baskets, il s'exprime sur plein de trucs, parsème son langage châtié de mots crus de son cru, mais appropriés. Parle comme un adulte. Je me dis qu'il est bien ce gamin pour un ado de seize ans, pas embarrassé pour un poil. Sans conviction je tente à un moment de lui parler de foot actuellement brésilien et il me répond tout de go qu'il ne peut pas piffrer le foot en général et cette coupe du monde en particulier. Son sport à lui c'est la boxe, il a boxé, il boxe mais est content de quitter ce club de "tarés" où il était et où il a eu une mauvaise expérience. Violence gratuite et esprit pourri. Il me dit que la boxe ce n'est pas ça. C'est Clay/Ali c'est la pesanteur et la grâce, la précision, l'art de l'esquive surtout, on dirait en me parlant d'Ali qu'il me parle de Simone Weil, qu'il me fait un cours de philo !

Mais tout d'un coup voilà qu'arrive dans la conversation le sujet favori de Martin, les animaux, les chiens surtout. Ils ont deux chiens avec sa mère. Et il veut être maître-chien. Je pourrais difficilement traduire dans ce papier la précision et l'intensité des propos de Martin qui sait tout et à la perfection sur les chiens. Il était en échec scolaire Martin. Il n'y a pas pour des gamins de seize ans des formations de maître-chien, ça n'existe pas. En désespoir de cause il a accepté une place en formation cuisine. Ça ne le branche pas mais il suit les cours de marmiton car il ne peut faire autrement mais bientôt il y arrivera c'est sûr, il travaillera un jour avec les chiens.

Anecdote : La chatte de mon amie montre son nez à l'autre bout de la pièce, elle l'appelle, dédaigneusement la bête tourne les talons et s'en va dans le jardin. Disparaît. Martin nous dit alors qu'elle va revenir. Il pousse deux et deux seuls cris bizarre qui ne sont pas des "miaou" mais des espèces de cris de gorge. On voit alors dans la seconde qui suit la chatte arriver ventre à terre du jardin où elle avait disparu, se mettre aux pieds de Martin, le fixer dans les yeux. Il l'autorise alors à venir sur lui et le matou de sauter alors sur les genoux de Martin et de se mettre à ronronner ipso-facto. Ça m'a scié de voir ça...

La bouteille finie au bout d'une grande heure on lève le camp et c'est là que j'ai été estomaqué par le salut de Martin. J'embrasse sa mère, il me tend la main avec chaleur mais avant y'a un truc qui se passe, il me demande mon prénom et le répète en me regardant dans les yeux. De ma vie je peux compter sur les doigts d'une seule main la "qualité" d'un tel regard empli de vie, d'empathie, d'interrogation et d'humanité. Celui de frère Roger jadis à Taizé était comme ça. Ça me trouble car je me dis que c'est un sacré gamin là. Porte refermée mon amie me dit trois mots sur cette famille, le papa est mort d'une maladie cruelle il y a deux ans. Ils partent pour quitter ce lieu où il y a eu de la souffrance et Martin est un gamin "Asperger".


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