Printemps 1965.
Bob Dylan est de retour d'une éreintante tournée en Angleterre où le public lui a fait sentir son ressentiment lors du segment électrique de son spectacle.
C'est dans la chambre d'un hôtel de Washington qu'il écrit 10 pages de prose sans réellement comprendre ni savoir ce qu'il en fera tout de suite. Un roman? une pièce de théâtre? un film? un article de journal?
Paul Griffin (au piano) et Bobby Gregg (à la batterie) étaient de l'album précédent tout comme le producteur Tom Wilson. Ils entrent en studio avec Joe Macho Jr à la basse et Bruce Langhorne au tambourin le weekend du 15 et du 16 juin 1965. Dylan, pas tellement en voix, fait 4 prises avec son harmonica là où il aurait du chanter. À la cinquième, il inclut le refrain. On en fait plusieurs versions, dont un tempo de valse en 3/4.
C'est le 16 que la bonne version prendra naissance. Al Kooper, un jeune guitariste de 21 ans, est l'invité de Tom Wilson, il ne devait pas jouer sur l'album mais osera tenter sa chance à la guitare. Toutefois il rebrousse vite chemin, intimidé par le talent de Bloomfield. Après quelques prises où Griffin joue de l'orgue, il est muté au piano. Kooper demande à Wilson si il peut s'installer à l'orgue. Wilson est agacé comme le serait un père avec un enfant légèrement fatigant. "Ce n'est pas moi qui déciderait ça, ce serait Bob" dit-il. Kooper lui dit qu'il croit avoir une bonne idée en tête pour la partition de l'orgue.
Dylan, lorsqu'il entend les playbacks, aime beaucoup la partition de Kooper et exige qu'elle soit plus dominante sonorement. Wilson dit "Mais cet enfant n'est même pas un joueur d'orgue!". "peu importe, j'aime ça" dit Bob.
15 prises plus tard, la chanson est enregistrée au goût de Dylan.
Certains on cru que le diplomate sur son cheval d'argent du texte était Andy Warhol à qui Dylan reprochait de rendre la vie de son amoureuse Edie Sedgwick toxique. C'était peut-être vrai. Dylan dira plutôt (beaucoup plus tard) que la chanson s'adressait principalement à lui-même. "I was the one with no direction home" dira-t-il, rejeté et aimé d'une même violence en 1965.
La radio plie. C'est une petite révolution en soi.
Bruce Springsteen a 15 ans quand il entend la chanson pour la première fois à la radio en compagnie de sa mère et les sons d'ouverture lui donnent l'impression qu'on vient de défoncer les portes de l'esprit d'un grand coup de pied. De la même manière qu'Elvis avait libéré le corps, Dylan libère l'esprit. Et dit aux États-Unis "Nous pouvons être aussi bons que les anglais (les Beatles, les Stones, le Dave Clark Five, The Who, etc.)"
Elvis Costello dira "Personne ne peut comprendre cette époque à moins de l'avoir vécu où vous entendiez Manfred Mann, The Supremes, Engelbert Humperdinck puis soudainement arrivait Like a Rolling Stone!"
Dylan dira qu'il s'agit de la meilleure chanson qu'il n'a jamais écrite. Ce seront plus de 653 fois qu'il la jouera en spectacle. Il dira aussi que la chanson a changé sa vie alors qu'il était prêt à peut-être tout quitter.
Todd Haynes a tout à fait compris l'artiste en le faisant jouer par une femme (fabuleuse Cate Blanchett) dans son chef d'oeuvre pour Dylanophile I'm Not There lorsqu'il couvre cette période de la vie de Bob Dylan.
Ironique tout de même qu'une chanson aussi représentative d'une époque soit tout de même une chanson sous le thème de la vengeance.
Très Étatsunien...:)
Pays dont c'est la fête vendredi.