Jean-Christophe Cambadelis : Le patronat se comporte en « enfant gâté » : interview à TF1News

Publié le 30 juin 2014 par Letombe

Jean-Christophe Cambadélis a répondu aux questions de Renaud Pila pour TF1 News: Après l’appel des organisations patronales à François Hollande, le Premier secrétaire du PS s’en prend au Medef « qui délaisse l’intérêt général ». Il reconnaît toutefois qu’il va falloir « discuter des lenteurs de la Ve République ».

MYTF1News : D’abord un mot de football, l’Algérie joue ce soir contre l’Allemagne au Mondial. Suite aux derniers incidents, Marine Le Pen demande la suppression de la double nationalité. Quelle est votre réaction ?

Jean-Christophe Cambadélis : D’abord, les casseurs doivent être cassés. Ensuite, constatons. Rappelée à l’ordre par son père, Marine Le Pen s’exécute en revenant au grand classique, le racisme anti-maghrébin.

Le FN se camoufle. Il y a la tenue de camouflage, et de temps en temps, les querelles familiales permettent de voir ce qui est la nature de cette formation politique sous cette tenue de camouflage.

MYTF1News : François Fillon estime que pour réformer le pays, « la méthode molle c’est fini ». Qu’en pensez-vous ?

La situation qui s’ouvre va être entre l’évolution ou la réaction. La réaction sauce Marine Le Pen : il faut sortir de l’Europe. Ou la réaction sauce Fillon : il faut sortir de notre modèle social. Avec des mesures comme la suppression de la durée légale du travail, l’élargissement des motifs de licenciement, la réduction des allocations chômage ou la suppression de l’ISF…

Le projet de M. Fillon est un projet, au sens propre du terme, réactionnaire. Il veut liquider le modèle social. Alors il appelle ça la rupture mais je crains qu’il n’ait pas l’équation politique pour ce manifeste réactionnaire.

Le problème n’est pas d’être dur ou mou. En 1995 sur les retraites, Alain Juppé a été dur. Il a dû reculer. Le problème est de faire évoluer notre modèle vers un nouveau modèle qui préserve les qualités de l’ancien et qui l’adaptent à la compétition mondiale actuelle

MYTF1News : L’UMP est en proie aux affaires. Son état est-il un sujet de préoccupation pour vous ?

C’est un sujet de préoccupation parce qu’on ne peut pas se réjouir de voir un parti républicain d’opposition dans un tel état. Mr Fillon parle de banqueroute sur le plan financier et de banqueroute sur le plan moral, on se demande si l’UMP passera l’hiver.

MYTF1News : Sur l’emploi, les organisations patronales affirment que derrière les paroles du gouvernement, les actes ne suivent pas. Quelle est votre réaction ?

41 milliards d’économies sur trois ans, ça mérite que le parlement discute non ? Le Medef est impatient pour ses aides, nous le sommes pour l’emploi. Le Medef réclame à l’Etat de la visibilité, on aimerait en avoir du Medef. A force de souffler le chaud et le froid, le Medef va récolter un vrai coup de chaud.

La mise au pied du mur du gouvernement et du parlement dans une situation de tension sociale et politique ne devrait pas échapper à une organisation syndicale. Cela peut provoquer en retour des interrogations voire des énervements. La France n’a pas besoin de ça.

MYTF1News - La France a battu un nouveau record de chômage. Le Medef parle d’urgence…

Il semble que cela n’a pas échappé au président de la République, au Premier ministre et à la majorité. Le 14 janvier dernier, le président a annoncé clairement l’accélération de la politique que nous menons depuis 2 ans car la croissance n’est pas au niveau que nous souhaitons. Le Medef ne s’en est point saisi. Depuis, il s’est comporté comme un enfant gâté, exigeant toujours plus, manifestant encore et encore, réclamant des coupes sombres dans le code du travail, comme s’il cherchait à pousser son avantage avant la conférence sociale. Il cherche tout à la fois à légitimer sa participation à la conférence sociale et à faire plaisir à quelques-uns de ses mandants, délaissant l’intérêt général.

MYTF1News : François Hollande a montré vendredi pour la première fois de l’impatience face à la lenteur du parlement dans la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Partagez-vous ce diagnostic ?

Oui c’est long, c’est très long. Quand on pense que les premières mesures du CICE arrivent maintenant. Mais ceci n’est pas seulement dû au parlement mais aux lenteurs administratives de l’Etat. Il faudra, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, discuter des lenteurs de la Vème République.

MYTF1News : La question institutionnelle semble monter ces dernières semaines dans les débats entre socialistes. Est-ce à dire que la lenteur de l’action politique va être un chantier du PS ?

Tout à fait. Tous les aspects de la Vème République doivent être revisités, et ceci n’est pas le dernier. Il n’a échappé à personne que la Vème République est percutée par un certain nombre de difficultés. Il faudra bien, dans le calme évidemment, se poser le problème de la mise en adéquation de nos institutions avec les nécessités du moment, comme aurait dit le général de Gaulle. A cette étape, je ne veux pas préjuger des débats. Mais la rapidité de l’exécution, la transparence des débats, tout ceci nécessite réflexion.

MYTF1News : Les députés PS frondeurs compliquent-t-ils la tâche du gouvernement ?

Ils ne la facilitent pas, mais ce n’est pas eux le problème.

MYTF1News : Etes-vous inquiet pour le vote de la loi de finances rectificatives de mardi à l’Assemblée ?

Non. Je fais confiance au sens de la responsabilité des députés socialistes. Ils connaissent parfaitement les données de la situation politique.

MYTF1News : Au Sénat, une coalition de sénateurs de gauche comme de droite souhaite retarder la discussion de la réforme des collectivités locales. Quelle est votre réaction ?

Voir des responsables communistes pactiser avec l’UMP tout en nous faisant des leçons de gauche a de quoi laisser perplexe.

Sur le fond, personne, je dis bien personne, ne remet en cause la nécessité de changer notre dispositif administratif local. Mais dès que l’on commence à avancer dans cette voie, chacun défend son pré-carré. Il y a de l’immobilisme dans l’air, il faudra le surmonter. Ces sénateurs ont tort. Il faut aujourd’hui avancer. Cette réforme ne remet pas en cause leur travail ; elle veut rendre leur travail plus juste, plus efficace et plus proche des Français. Il n’y a aucun doute à avoir sur le caractère nécessaire de la dite réforme.

MYTF1News : Craignez-vous une France bloquée à la rentrée de septembre ?

Nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés. Derrière cette constatation, c’est la France qui risque d’être bloquée et de reculer. A un moment donné, il faut savoir ce que l’on choisit : éviter les problèmes ou l’intérêt général. Et bien la gauche dans son histoire a toujours choisi l’intérêt général. Continuons à le faire.

http://www.cambadelis.net/