La mission Cassini en chiffres
Cela fait 10 ans déjà que la sonde spatiale Cassini explore avec succès les mondes de Saturne. Outre les images extraordinaires du « seigneur des anneaux » et les gros plans de ces satellites naturels, les scientifiques doivent à la mission plusieurs découvertes majeures comme les pluies et les lacs sur Titan, les geysers d’Encelade, etc. Retour sur cette grande aventure qui associe les agences spatiales américaines et européennes.
Quelle ne fut pas la stupeur de Galilée, lorsqu’en 1610, il contempla pour la première fois Saturne dans sa célèbre lunette astronomique. Il vit, en effet, une intrigante forme oblongue sans équivalent avec les autres planètes observées comme Jupiter, Vénus ou Mars… Quelque quatre décennies plus tard, le mathématicien Christian Huygens qui venait de découvrir Titan (1655), résolut cette énigme en proposant qu’il s’agissait d’anneaux constitués de roches ceinturant la planète géante. Son contemporain Jean-Dominique Cassini, débusqua quant à lui, quatre nouveaux satellites naturels entre 1671 et 1684. D’abord Japet puis Rhea, Tethys et Dione. Entre autres faits d’armes, le premier directeur de l’Observatoire de Paris (surnommé Cassini 1er), remarqua un trait sombre séparant deux bandes d’anneaux, une caractéristique bien connue des observateurs actuels, désignée « division de Cassini ».
À présent, leurs noms se perpétuent dans l’histoire des sciences, accolés à une ambitieuse mission d’exploration scientifique de Saturne et des nombreux mondes qui l’entourent. C’est le 30 juin 2004 que la sonde spatiale Cassini-Huygens, conçue par la NASA et l’ESA, fit son entrée. Une insertion en orbite réussie après un long périple de sept ans et quelque 3,5 milliards de kilomètres (réalisé en plusieurs étapes afin de bénéficier de l’assistance gravitationnelle de la Terre, Vénus et Jupiter).
Destinée à l’origine à voguer durant quatre ans d’un satellite naturel à l’autre, de se faufiler entre les anneaux pour étudier leurs structures et, bien entendu, de sonder le maître des lieux — la deuxième plus grosse planète du système solaire —, la mission dite d’équinoxe s’est vue, en 2008, reconduite et rallongée. Ente temps, elle fut renommée « mission du solstice », en vue de l’été dans l’hémisphère nord qui s’annonce pour 2017 (fin de la rallonge).
A l’occasion du dixième anniversaire de son arrivée, les équipes scientifiques et techniques se félicitent de la bonne marche de la mission et des avancées scientifiques laissées dans son sillage : des centaines de Gigaoctets de données lesquelles ont alimenté plus de 3.000 études… « Au cours de cette décennie passée avec Cassini, nous avons eu le privilège d’observer des événements jamais vus auparavant qui ont changé notre compréhension sur la façon dont un système planétaire peut se former et quelles conditions peuvent conduire à l’habitabilité » a résumé Linda Spilker, chercheur pour la mission au JPL de la NASA.
Première image du sol de Titan photographiée par la sonde Huygens, le 14 janvier 2005
Parmi les moments les plus importants, rappelons l’extraordinaire descente, le 14 janvier 2005, de la sonde Huygens. Séparé du vaisseau Cassini, c’est avec succès que celui-ci pénétra l’intrigante atmosphère de Titan pour s’adonner durant 2 heures et 27 minutes à des mesures inédites avant d’achever son voyage en foulant le sol glacé de cette lune de 5.170kilomètres de diamètre. C’était la première fois qu’une machine de fabrication humaine touchait la surface d’une planète (ou satellite naturel) aussi lointaine, par delà Mars et la ceinture d’astéroïdes. Évoquant la Terre primitive aux astronomes, Titan partage, il est vrai, quelques traits de caractère avec notre planète bleue comme l’existence de mers, de lacs, de rivières — toutefois, le méthane et l’éthane liquide y remplacent l’eau —, des pluies, une érosion, une atmosphère riche en hydrocarbures, etc. Poursuivant les investigations depuis l’espace, le vaisseau Cassini a, quant à lui, déjà survolé 102 fois Titan, transmettant aux scientifiques de précieuses données sur son atmosphère, son anatomie, les variations saisonnières, les échanges physico-chimiques…
Cassini a découvert en 2005 des geysers sur le limbe d’Encelade, petite lune de 500 km de diamètre
Au cours de 2005, Cassini fit une découverte inattendue et majeure en survolant la petite lune Encelade (500 km). Des crevasses observées près de son pôle Sud, il constata, en effet, des panaches de particules de glace d’eau. En l’espace de quelques années, cette boule de glace est ainsi devenue un candidat sérieux pour l’habitabilité dans notre système solaire, aux côtés d’Europe et de Ganymède (satellites de Jupiter).
Toujours grâce à Cassini, les scientifiques s’aperçurent récemment que les innombrables anneaux qui entourent Saturne sont un milieu dynamique qui recel bien des surprises comme celle de fomenter de nouveaux et minuscules satellites, notamment au sein de l’anneau extérieur f. Une scène où se joue, certes à plus petite échelle, le ballet du système solaire primitif.
Mars, Vénus et la Terre photographiées à contre-jour dans la banlieue de Saturne par Cassini ; on distingue les geysers expulsés par Encelade lesquels sont en partie responsable de l’anneau E
Depuis le début de la mission, voici 10 ans, Saturne a déjà accompli un tiers de son orbite autour du Soleil (sa révolution est de 29 années et 165 jours terrestres) de sorte que Cassini a pu épier divers changements saisonniers dans son atmosphère comme l’apparition d’une immense tempête — provoquée par l’équinoxe de 2009 — en 2010.
En pleine forme, le vaisseau continue l’aventure jusqu’au moins 2017. Le seul « facteur limitant » explique la Nasa dans son communiqué de presse sont ses propulseurs. « Notre équipe a fait un travail fantastique en optimisant les trajectoires pour sauver les propulseurs » a souligné le responsable de la mission Cassini au JPL, Earl Maize. « Nous sommes fiers de fêter une décennie d’exploration de Saturne et nous nous réjouissons d’avance des nombreuses découvertes à venir ».
Lors de son 85e survol de Titan, la sonde spatiale Cassini a observé des variations dans la région du lac polaire Au premier plan, les anneaux de Saturne puis la petite lune Epiméthée et à l’arrière-plan, Titan enveloppé d’une atmosphère dense Tempête dans l’hémisphère nord de Saturne Télécharger l’image en haute résolution ici Panorama des anneaux de Saturne La Terre et la Lune vue de Saturne par Cassini Hémipshère nord de Titan maculé de lacs et de mers – la plus grande, « Kraken Mare » s’étend sur 1 100 km Forme hexagonal coiffant le pôle nord de Saturne Titan et son atmosphère très dense riche en azote et hydrocarbures Reliefs étonnants (jusqu’à 2,5 km de haut) observé par Cassini en marge des anneaux de SaturneCrédit photo : NASA/ESA/SSI.