Israeli border, during a demonstration in solidarity with hunger-striking Palestinian prisoners held by Israel, near Ramallah, June 11, 2014.
(Suite de la chicha et le châcha.)
Il n’aura pas échappé aux vrais fans du monde arabe qu’au classement officiel de la FIFA – cogéré par Coca-Cola ! – l’Arabie saoudite et le Qatar sont en baisse (respectivement de 15 et 5 points), alors que la Palestine, grâce à sa qualification historique pour la finale de la Coupe d’Asie, fait un bon en avant de 71 points. Quand les nouvelles du terrain sont aussi mauvaises pour eux dans la région, les nationalistes arabes se réjouissent forcément de cette victoire acquise sur les terrains de foot !
Absente de la compétition sportive qui occupe aujourd’hui tous les esprits, la Palestine n’en est pas moins très présente durant ce Mondial brésilien. Alors qu’elle avait été annoncée il y a longtemps déjà, la participation de Mohamed Assaf aux cérémonies d’ouverture aura finalement été annulée au dernier moment. « Des Etats et des acteurs inconnus » se sont en effet ligués pour empêcher la présence, lors de cet événement suivi dans le monde entier, de la star de Gaza, dernier vainqueur en date de l’émission Arab Idol. Malgré le soutien de la Colombienne Shakira (née d’un père libanais), il a donc été exclu de la grande fête.
Le patron de la FIFA, Sepp Blatter (seize ans de pouvoir, une longévité de caudillo arabe, et il sera peut-être encore en place pour le Mondial qatari en 2022), lui a tout de même accordé un strapontin sur le podium en l’invitant à ouvrir le congrès des instances mondiales du foot, qui s’est tenu au Brésil juste avant le Mondial. L’occasion pour la vedette arabe de marquer des points en lançant, à l’issue de sa prestation musicale, un vibrant Viva Palestine que les médias comme il faut ont largement ignoré ! (C’est sur cette vidéo, tout à la fin, 6′.)
Autre victoire palestinienne lors de ce congrès, le (pourtant très modéré) Jibril Rajoub, a obtenu qu’on adresse un sévère avertissement contre la fédération israélienne. Pas le carton rouge, synonyme d’exclusion dont rêvait le patron du foot palestinien car il y a eu des désistements de la part de représentants arabes et musulmans (on n’a pas les noms malheureusement). Mais les Israéliens restent tout de même sous la menace d’un rapport qui doit être examiné lors de la prochaine réunion de la FIFA au Maroc, en décembre prochain.
Il faut dire que cela fait des années que les Israéliens tacklent sévèrement le foot palestinien (document très complet sur la question, mais en arabe). Tout est bon pour gêner les prestations de leurs adversaires : train-train habituels des brimades en tout genre pour empêcher l’amélioration de stades, la venue d’équipements et même d’entraîneurs de l’étranger, sanctions contre des clubs au prétexte de quelques emblèmes nationaux brandis dans les tribunes par des supporters palestiniens et surtout, beaucoup plus grave, entraves aux déplacements des joueurs, y compris lorsqu’ils doivent se rendre à l’étranger pour des compétitions officielles. Preuve que les Israéliens sont loin de jouer fair-play, il leur arrive même de tirer à balles réelles dans les jambes de footballeurs (en arabe)…
Présente au Mondial, la Palestine l’est également grâce au beau parcours de l’Algérie. D’abord, parce que les Palestiniens s’identifient naturellement à la seule équipe arabe : ils se font d’ailleurs taper dessus à Jérusalem lorsqu’ils ont le malheur de sortir le drapeau algérien : supporters arabes en France, vous êtes prévenus;-). Mais aussi parce que les joueurs algériens ont manifesté de toutes sortes de manière leur nationalisme et leur soutien sans faille à la cause palestinienne. Après le match nul contre la Russie, sésame pour le tour suivant, leur vedette, Soufiane Feghouli, s’est ainsi fendu d’un tweet pour dédier la victoire aux Algériens et aux Arabes, et tout spécialement aux Palestiniens.
Un message qui s’inscrit dans une grande vague de réconciliation arabe et qui rompt totalement avec ce que l’on observe depuis des mois dans la région. Alors qu’on se déchire joyeusement entre « frères arabes » depuis des mois et même des années, la fête du foot est l’occasion de quitter les drames à répétition de la fitna. Côté tribunes officielles, Bouteflika applaudit une équipe qui n’a pas déçu les espoirs arabe, musulmans et africains, tandis que ses coéquipiers dans l’équipe des dirigeants régionaux lui ont fait part de leurs félicitations officielles. Côté tribunes populaires, les supporters ne manquent pas une occasion d’exprimer leur attachement à la grande nation arabe. Brandissant drapeaux palestiniens et agitant des keffiehs, ils font résonner les stades brésiliens de leur chanson fétiche Shouhada Filastine (Martyrs de Palestine, paroles en arbizi ici). Même le très saoudien Elaph entre dans la partie en saluant la cohésion charnelle (talâhum) du peuple des supporters arabes !
Graffiti à Gaza à la gloire de l’équipe algérienne.
Oubliées les vieilles querelles fratricides ! Les Egyptiens se sont mis à soutenir ceux qui les ont pourtant éliminés des qualifications au Mondial, une vraie crise pas totalement diplomatique à l’époque ! Quant à ceux qui cherchent à semer la zizanie, en soulignant par exemple que c’est un Marocain (d’origine) qui a fait perdre l’Algérie (2-1 pour les Belges), le public n’est plus avec eux. Lorsque des excités ont voulu se venger en brûlant le drapeau marocain, Soufiane Feghouli a remis la balle au centre : ce milieu de terrain, un ancien international français qui a opté pour l’équipe nationale de son pays d’origine, a montré l’excellence de sa vision du jeu politique en remerciant les supporters du pays voisin par une photo, prise devant son hôtel, où on le voit avec le drapeau marocain.
Comme personne ne l’ignore ou presque, le prochain match contre les Allemands est l’occasion, pour les Algériens, de réparer l’injustice flagrante d’un match « arrangé » avec l’Autriche qui les avait éliminé en 1982 malgré leur victoire contre les « machines germaniques » (c’est souvent ainsi qu’ils sont présentés dans la presse arabophone, et il y a même une page Facebook !) Si les « Fennecs » devaient l’emporter, on n’a pas fini d’entendre parler de la Palestine au Brésil !
Viva Filastin !
On a commencé avec le classement FIFA-Cola, on terminera sur la même note ! En prime, cette hallucinante vidéo de promotion à la gloire des footballeuses palestiniennes et (fort bien) réalisée par (la branche palestinienne de) la société Coca-Cola ! Ne cherchez pas une allusion directe à l’occupation israélienne, il n’y en a pas ! Mais Coca-Cola/FIFA sauvera le monde (arabe)…