Publié le 29/06/2014 par bertrand ruiz/ [email protected]/
Hier, 28/06/2014 près de 600 personnes ont défilé pour le ralliement à l’Aquitaine.
Les élus de tous bords au premier rang des manifestants.© PHOTO PHOTO THOMAS LEBREUVAUD
Musique de feria et slogans sans équivoque. « Ici, c'est l'Aquitaine », ont scandé près de 600 manifestants (550 selon la police), hier matin, dans les rues d'Angoulême. Une mobilisation très honorable et tout à fait particulière puisque née sur les réseaux sociaux. Jeune Mansloise « expatriée » à Bordeaux pour le travail, Élodie Le Flohic a eu l'idée, pas forcément saugrenue, de concevoir une page Facebook : « Pour que la Charente et la Charente-Maritime soient ralliées à l'Aquitaine »…
«Je l'ai créée au petit déjeuner. Moins d'un mois plus tard, nous en sommes à 13 000 soutiens », raconte la jeune femme en insistant sur le caractère « sans étiquette politique » de la démarche… L'effet boule de neige est à la hauteur de l'incompréhension des Charentais et des Charentais-Maritimes. La réforme territoriale qui leur promet un mariage (forcé) avec les régions Centre et Limousin les a laissés pantois…
La moitié des mairies pour
« C'est complètement aberrant », résume Jean-Philippe Sallée, maire de Blanzac, dans le sud de la Charente. « Que l'on prenne une telle décision sans même consulter les élus et la population, ça dépasse l'entendement »… Alain Lebret, patron du Medef charentais, va dans le même sens : « Beaucoup de chefs d'entreprise sont là. Pour eux, Bordeaux et l'Aquitaine, c'est une évidence. »
En Charente, la réforme territoriale aura eu une vertu. Elle a soudé. À commencer par les politiques, unis contre la refonte proposée, à l'exception des communistes et de quelques proches de Ségolène Royal. Pour sa manifestation, Élodie Le Flohic a pu compter sur l'aide de la Ville d'Angoulême (à droite), fournisseuse de la logistique. Tandis que Michel Boutant, président du Conseil général socialiste, n'hésitait pas à promouvoir le mouvement auprès de ses camarades…
Ce même Michel Boutant avait incité les maires du département à délibérer pour demander le rattachement du département à l'Aquitaine. « Plus de 200 délibérations, soit près de la moitié des communes charentaises, nous sont déjà parvenues en peu de temps, à raison de dix à quinze délibérations par jour ! »
Le tabou de la scission
De fait, hier matin, dans les rues d'Angoulême, on dénombrait une bonne cinquantaine d'écharpes tricolores. Et la quasi-totalité des conseillers généraux. Dominique Bussereau, le voisin maritime, n'avait pas fait le déplacement. Mais il avait diligenté sa vice-présidente, Corinne Imbert…
Sur les tee-shirts des manifestants, le dessin de leur Aquitaine rêvée. Où la Charente et la Charente-Maritime trônent au nord. Mais où les Deux-Sèvres et la Vienne ont disparu…
Sur ce point, les avis divergent quand même. Michel Gourinchas, maire socialiste de Cognac, en parfait accord avec son homologue UMP angoumoisin Xavier Bonnefont, brise le tabou. Il n'a rien contre la scission régionale : « Après tout, quoi qu'il arrive, le Poitou-Charentes n'existera plus ! »
Pour autant, c'est bien la « motion de Ruffec » qui a été remise au préfet Salvador Pérez, au moment où le cortège stationnait devant la préfecture. Votée le 4 juin par près de 90 conseillers généraux des quatre départements du Poitou-Charentes, cette motion réclame le rattachement du Poitou-Charentes dans son ensemble à l'Aquitaine.
« Remettre une motion au préfet, c'est bien joli. Mais tout ça ne sert à rien si le travail parlementaire n'obtient pas l'adhésion de tous. » Nicole Bonnefoy en a gros sur la patate. Membre de la commission spéciale chargée de repatiner le projet de loi, la sénatrice socialiste avait réussi à faire voter un amendement modifiant la nouvelle carte de France : l'Aquitaine y formait une région mastodonte avec le Limousin et le Poitou-Charentes. Las, le travail est tombé à l'eau : le texte, dans sa globalité, a été rejeté au Sénat.
« L'UMP a voté contre par posture et vision politicienne, on va revenir au texte initial », peste la sénatrice. « À t'écouter, on croirait que c'est l'UMP qui a imaginé ce projet de loi », lui répond Jean-Michel Bolvin, conseiller général UMP et président de l'association des maires de Charente. Il ne faudrait pas grand-chose pour que les chamailleries reviennent sur le devant de la scène et que l'unanimité de façade se lézarde.
Élodie Le Flohic n'en a cure : juchée sur la plate-forme du camion sono, intronisée pasionaria de la cause aquitaine par la fine fleur de la classe politique charentaise, la jeune femme haranguait la foule avec l'énergie d'un vieux chef syndicaliste.