Le World Investment Report 2014 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) apporte des renseignements ahurissants sur le rôle des paradis fiscaux, en particulier du Luxembourg.Dès la page 3 du chapitre 1 du rapport, on tombe sur un encadré absolument extraordinaire concernant les flux artificiels d’investissements à l’étranger. En effet, les experts de la Cnuced pointent du doigt l’utilisation d’entités ad hoc (Special Purpose Entities) par les multinationales pour faire transiter leurs investissements par certains territoires à des fins fiscales ou réglementaires. Cela conduit à surestimer la mondialisation des firmes : le même investissement partant des Etats-Unis pour le Luxembourg pour des raisons fiscales avant de repartir en France est ainsi comptabilisé deux fois.Luxembourg : 95 % de flux artificiels !Pour éviter ce double comptage, la Cnuced s’est rapprochée de cinq pays pour pouvoir distinguer les vrais flux des flux artificiels. Le choix des pays est déjà intéressant : Autriche, Hongrie, Luxembourg, Maurice et Hollande. Les données fournies sont proprement ahurissantes ! Pas tellement pour l’Autriche et la Hongrie, surtout pour les trois autres. Les vrais chiffres des investissements mondiaux
En milliards de dollars
Source : WIR 2014 - Cnuced
LuxembourgHollandeMaurice
Avec SPESans SPEAvec SPESans SPEAvec SPESans SPE
Flux IDE reçus 2013367,330,141,324,427,30,3
Flux IDE sortants 2013363,621,6106,837,425,10,1
Stock IDE entrants3204,8141,43861,8670,1312,63,5
Stock IDE sortants3820,5181,647901071,8292,81,6
On n’en croit pas ses yeux : seuls 8 % des investissements reçus par le Luxembourg et 6 % des investissements du pays vers l’étranger correspondent à une activité économique réelle. En termes de stocks, seuls 4,5 % des IDE sont réels. En gros 95 % des flux d’investissements qui passent par le Luxembourg sont artificiels ! On donnerait presque un prix de vertu à la Hollande dont les transactions réelles représentent autour de 20 % du total mais cela fait quand même 80 % d’investissements artificiels ! Le pompon va quand même à l’île Maurice avec 1 % de vrais investissements et 99 % de faux !!!La Cnuced nous dit que les mêmes problèmes se posent avec les îles Vierges britanniques ou les Caïmans (elle aurait pu ajouter Hong Kong et bien d’autres territoires) mais elles n’a pas les informations pour procéder aux ajustements statistiques nécessaires !La conclusion est claire et elle est double. D'une part, les données sur les investissements mondiaux sont vérolées par les paradis fiscaux et réglementaires. De l'autre, ces données tendent au double comptage et donc à une surestimation systématique de la mondialisation des firmes.Christian ChavagneuxArticle tiré du blog de Christian Chavagneux