François Hollande a pensé qu'il fallait courir plus à droite quand la gauche l'a abandonné lors des élections municipales et européennes. On a compris cette semaine qu'il y avait un schéma, un "plan", une perspective. Gouverner à droite pour gagner contre l'extrême droite en 2017.
Quelle aberration...
Comme Sarkozy ?Le cynisme et la bêtise de cette proposition a été rapportée par le Figaro, pas par l'Elysée. L'ancien quotidien officiel de Sarkofrance a lâché cette semaine quelques confidences de "visiteurs" anonymes à l'Elysée.
"Finalement, Hollande est comme Sarkozy. Il est dans l'incapacité de comprendre ce qui lui arrive. Sarkozy reste persuadé qu'il a failli être élu en 2012. Hollande croit que la période actuelle n'est qu'un mauvais moment à passer."L'actuel président tablerait donc sur une victoire au premier tour de Marine Le Pen en 2017. Que Hollande partage avec Sarkozy l'isolement du pouvoir présidentiel est assez probable, presque prouvé. Son calcul politique, s'il se confirme, repose sur le même raisonnement cynique que Sarkozy en son temps. Cette fois-ci, Hollande fait le constat que la droite républicaine est en miettes. Elle s'autodétruit jour après jour alors que le contexte politique lui est incroyablement favorable. L'affaire Bygmalion a révélé un vaste système de facturation bidon qui permit, en vrac, à Nicolas Sarkozy de frauder allègrement avec les règles de financement électoral (et Sarkozy était au courant de la triche); ou à l'UMP d'accepter de payer sur fond public des prestations bidon comme ses 600.000 euros pour son site internet.
L'ancien monarque veut reprendre la présidence de l'UMP dès la rentrée. La guerre des chefs est à son comble. L'UMP n'est pas certaine de pouvoir faire certifier ses comptes 2013. On apprend que tous les comptes du parti étaient passés à la broyeuse à chaque changement de président jusqu'à l'arrivée de Copé en 2010.
Entre 2004 et 2007, Nicolas Sarkozy était président de l'UMP.
Côté idées, si Hollande est devenu libéral, la quasi-totalité des ténors de l'UMP¨ont été contraints d'aligner leurs discours sur les thèses les plus ultra-libérales que ce siècle ait connu. Fillon promeut encore la suppression de l'ISF, de la durée légale hebdomadaire du travail et un nouvel allongement à 65 ans du départ en retraites. Que le chômage des séniors explose ne le trouble pas.
En France, l'étau se resserre. Le pacte irresponsable aggravera la crise.
De nouveaux mauvais chiffres du chômage sont tombés cette semaine. Plus de 5,3 millions de demandeurs d'emploi, en recherche active à fin mai (catégories A, B et C). C'est 500.000 de plus en deux ans de mandat Hollande. L'information provoque des interprétations totalement contradictoires. Tout le monde s'accorde à dire que la croissance est trop faible pour penser que le chômage peut raisonnablement baisser. L'iNSEE vient encore d'abaisser à 0,7% à peine la croissance estimée du PIB cette année. On va tomber dans la marge d'erreur....
Mais les solutions divergent ensuite. A droite, dans quelques cercles sociaux-libéraux et jusqu'à l'Elysée et Matignon, on nous explique que les causes sont connues: un coût du travail trop élevé qui nuit à la compétitivité des entreprises françaises et donc à l'embauche, et un "marché du travail trop rigide".
La conclusion somme toute logique de ces deux arguments est une politique économique désastreuse: 41 milliards d'exonérations de charges sans contre-parties, au prix de 50 milliards d'euros d'économies budgétaires. Ce qui ne permet pas de réduire l'endettement surélevé hérité de la décennie précédente (qui génère des charges financières équivalentes au budget de l'Education nationale), et anesthésie toute simili-reprise, aux détriments... de l'emploi. Ce cercle infernal n'agite visiblement pas les grands esprits élyséens.
Il y a pourtant des signes. Il suffit de les écouter, plutôt que de céder au cynisme de l'époque.
Les propres services du ministère des finances ont simulé les conséquences de ce pacte irresponsable. On l'apprend de la rapporteuse socialiste du Budget, qui a publié son rapport sur le collectif budgétaire. Elle est allé chercher à Bercy, dans les bureaux du ministère des finances, les évaluations internes de l'impact de ces économies. Le choc est là, une perte de 0,7% de PIB et de 60.000 emplois. Une aberration...
Hollande pourrait écouter des députés socialistes les fameux frondeurs. Ceux-là ont voté Hollande en 2012. Ceux-là l'ont soutenu, ont applaudi au discours du Bourget. Et ils sont déçus, très déçus. Ils votent contre certaines dispositions du gouvernement qui, en retour, minimise. Cambadelis s'énerve plus franchement Ces députés frondeurs l'agacent. Ils veulent des amendements plus sociaux sur cette loi budgétaire rectificative. Quelle infamie ! Dans les coursives de l'Assemblée, il y a du jeu, de la pression, des tractations. Les frondeurs sortent du cadre, votent contre leur camp, c'est-à-dire avec les écologistes et le Front de gauche. Cambadélis, premier secrétaire du PS, bat le rappel, en vain. Et s'énerve.
Pourquoi s'énerve-t-il ? Ces députés frondeurs sont encore peu nombreux. Pourquoi s'inquiète-t-il ? D'une contagion ? Il y a de la nervosité dans l'air chez certains hiérarques socialistes. "On n'est pas député de droit divin, on n'est pas député comme cela dans une relation directe avec le peuple" a-t-il bizarrement lancé mercredi. Ces directives n'y font rien. Vendredi, les frondeurs déposent encore 20 amendements au budget de la Sécu. Parmi eux, la suppression des réductions de cotisations patronales et du gel des pensions de retraite supérieures à 1.200 euros.
Un vrai camouflet.
Parfois, le gouvernement fait du social. Mais il oublie l'urgence. On aurait du applaudir cette nouvelle loi encadrant les stages étudiants. Elle augmente la rémunération minimale du stage en entreprise ... au dessus du RSA - 523 euros par mois. On pourrait applaudir. Mais le gouvernement "souhaite que ce texte puisse être mis en application dès la rentrée 2015."
Vous avez bien lu... 2015.
Côté sociétal, Benoit Hamon, l'actuel ministre de l'Education, n'a rien trouvé de mieux que de suspendre sine die l'enseignement des ABCD de l'Egalité, en expérimentation dans quelques écoles depuis le début de l'année. Il se défend d'avoir cédé aux réacs de la pire espèce, de Christine Boutin à Farida Belgoul qui osaient affirmer qu'on apprenait la confusion de sexes à l'école. Hamon a lancé un autre sujet, la réforme des notations, ça occupe.
Quand il n'est pas à Paris, François Hollande aime les plans de relance. Il a raison. Une relance stricto-française n'aurait que peu d'impact sans un effort européen. Mais ce n'est pas une raison pour creuser davantage les déficits avec du "socialisme de l'offre".
Jeudi puis vendredi, Hollande rencontrait donc ses collègues européens. Le libéral Jean-Claude Juncker est désigné président de la Commission européenne, en remplaçant de l'ineffable Barroso, avec le soutien de Hollande, Tsipras et les autres.
Devant ses collègues, Hollande parle croissance, réclame un pacte, évoque la jeunesse, espère aussi davantage de "rigueur" aux frontières de l'Union - identification et signalement des voyageurs dangereux, programme d’identification du financement du terrorisme, et création d’un corps de garde-frontières européen. Qu'allait-il faire dans cette galère ? A qui pensait-il donner des gages ?
A Bruxelles, Hollande marche dans les pas de la nouvelle coqueluche Matteo Renzi, le premier ministre italien qui a brillamment remporté les élections européennes au pays. En Italie, Renzi a misé sur la croissance. Il fait rêver celles et ceux qui pensent à un front anti-Merkel en Europe. Hollande est revenu presque satisfait. La France aurait obtenu que l'application du pacte de stabilité se fasse de manière "flexible" si la croissance ne revient pas.
On a les satisfactions qu'on peut.
A Paris, la (nouvelle) Haute autorité pour la transparence de la vie publique a publié sur son site Internet le patrimoine des 32 ministres et secrétaires d'Etat du gouvernement. Une radio pourtant digne se livre à la photo interactive sur son site, cliquez sur le visage, vous aurez le patrimoine. Merveille de l'internet, bêtise de l'humain. Il nous manque les photos nues et autres exercices voyeuristes. Plus important, on découvre que le secrétaire d'Etat en charge des "tensions" avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, avait sous-estimé son patrimoine de 700.000 euros, une broutille... Hollande menace de le virer dans les heures qui suivent s'il ne modifie pas sa déclaration.
Au Sénat, le grand chambardement territorial si cher à Hollande est repoussé sine die.
Mince.
A quand la fin du voyage ?
Crédit illustration: DoZone Parody