Thermae Romae
Dans le premier volume de l’intégrale (Tomes 1 et 2), le lecteur découvrait Lucius Modestus, un célèbre architecte romain, établit à Rome au IIe siècle et en panne d’inspiration. Rejeté par la profession, il décida de se détendre aux thermes. Là, il découvrit une faille temporelle qui le fit émerger dans les bains publics japonais du XXIe siècle. Quel ne fut pas son étonnement et son émerveillement lors de la trouvaille de ce passage ! Ces étranges voyages lui permirent de s’inspirer des techniques occidentales contemporaines, de briller à Rome et de s’attirer les faveurs de l’empereur Hadrien, ce qui lui attira aussi des jalousies. De plus, sa femme commença à s’éloigner de lui pour définitivement le quitter.
Sergianus et Attilanius, sénateurs romains sont inquiets : la succession de l’Empereur Hadrien s’avère délicate. Ils sont persuadés que Aelius Caesar conduira Rome à sa perte et par la même occasion à leur propre perte. Ils tentent de conspirer contre sa nomination voulue par l’homme-fort, celui-là même qui fit des purges contre ses opposants, une fois arrivé au pouvoir. Pour atteindre Hadrien, ils vont s’en prendre à Lucius, concepteur des bains à Rome. Ils pensent qu’en déstabilisant l’architecte, ils rendront fous de rage les habitants qui se retourneront contre l’Empereur et qu’il n’aura plus leurs faveurs.
En éloignant Modestus de Rome, ils le feront disparaître plus facilement. Pour cela, ils lui font transmettre un ordre de mission en falsifiant la signature d’Hadrien : Lucius doit faire construire des thermes de l’autre côté du Vésuve.
Malgré les recommandations de Marcus, son ami, l’architecte part sur le champ. En chemin, il est arrêté par des bandits qui veulent le détrousser. Par une habile répartie, il les fait se baigner pour se détendre, se laver et veut même les faire travailler pour lui.
Mais, il est happé par les eaux et se retrouve dans une cité japonaise du 21e siècle. Sorti d’un bain chaud, il emprunte des vêtements laissés là par hasard. Déambulant dans les rues, il observe les « visages plats » et s’arrête dans une échoppe pour manger des brioches thermales…
Prépublié en 2008 dans le mensuel Comic Beam édité par Enterbrain, le premier volume paraît l’année suivante et connaît un succès immédiat (plus de 5 millions d’exemplaires vendus). Et ce n’est pas usurpé, tant le scénario est d’une excellente qualité reposant sur du fantastique, de l’action et de l’Histoire. En fondant son récit solide et dense dans la Rome Antique, Mari Yamazaki sait qu’elle touchera les amateurs d’Histoire. Même si les vérités historiques ne sont pas réellement décrites ici : la toile de fond est la Rome Antique mais les faits sont plutôt triturés pour le bien de cette fiction. Ici, c’est plutôt une belle évocation de la civilisation plutôt qu’un cours d’histoire. Le lecteur apprend donc des anecdotes d’une façon amusante et plaisante.
Bien documenté, le manga fait la part belle à l’humour par le personnage de Lucius qui découvre des situations, des objets, une culture différentes de la sienne. Par le prisme de l’eau et de ses bienfaits, la mangaka dépeint surtout une société japonaise dont l’hospitalité, les traditions et la modernité sont mises en lumière par les voyages de l’architecte. Le trait classique de Yamazaki est d’une belle élégance, d’une finesse et d’une grande efficacité. La version intégrale dans le sens de lecture occidentale renforce les planches de cet excellent roman graphique.
A noter qu’en mars 2010, Thermae Romae fut lauréat du Grand prix du manga, ainsi que le Prix de la culture Osamu Tezuka, au Japon. Une série animée est visible au Japon et un film live est sorti sur les écrans il y a peu.
Thermae Romae : un manga très fort, à l’humour et au scénario dense. A (re)découvrir absolument !
- Thermae Romae, intégrale 2 (tomes 3 et 4)
- Auteur : Mari Yamazaki
- Editeur: Casterman
- Prix: 25€
- Sortie: 25 juin 2014
Pour un cheval
Pour grandir et devenir un vrai homme, le rituel de la chasse est très importante dans la culture indienne. Anuki souhaite grandir et part observer des chevaux sauvages. Courant et rampant, il scrute un troupeau dans la vallée. Heureux, il aperçoit un beau poney isolé près d’un arbre. Armé de son lasso pour l’attraper, il dévale la pente mais chute. Le cheval hilare, lui tourne le dos et repart tranquillement.
Ce n’est que partie remise pour le petit indien. Derrière un buisson, il lance sa corde et atteint son but : le poney est enlacé par le cou. Il tire de toutes ses forces mais le cheval ne bouge pas ! Curieux se dit-il. De l’autre côté de l’animal, un petit indien iroquois a eu la même idée que notre petit compagnon ; chacun tirant de son côté. Placide, le poney continue sa route pendant que les deux enfants se disputent le trophée. Courant et sautant, il les traîne derrière lui au galop jusqu’à ce qu’ils le lâchent.
Surpris par la pluie, ils se réfugient dans le creux d’un tronc d’arbre. L’iroquois mange des carottes tandis que cette vision permet à Anuki d’échafauder un plan pour capturer le cheval…
Quel bonheur de retrouver Anuki dans une nouvelle aventure ! Le scénario de Frédéric Maupomé est une véritable réussite. L’histoire muette met en lumière le petit indien préféré des enfants, petit garçon vaillant et valeureux sur le chemin de sa future monture. L’introduction d’un nouveau personnage, l’iroquois un brin farouche, permet de mettre un peu de tension et de rivalité dans la série. Les deux fiers indiens arriveront à se mettre d’accord pour ravir l’animal. De plus, le beau poney apporte la touche de légèreté dans cette histoire tendue. Il est fougueux, espiègle et ravira les petits comme les grands. Le trait de Stéphane Sénégas est toujours aussi fabuleux. Découpé comme un film d’animation, les planches très lisibles rythment admirablement ce récit muet. Le jeune lecteur est entraîné dans ce tourbillon de situations cocasses et amusantes du début à la fin de l’album. Les expressions des deux indiens et du cheval sont parfaitement restituées. Les planches alternent des cases sans cadre, des cases en couleurs et des cases en noir et blanc telles des ombres chinoises.
Anuki : formidable, intelligent, rafraîchissant et enthousiasmant !
- Anuki, tome 4 : Duel dans la plaine
- Auteurs : Frédéric Maupomé et Stéphane Sénégas
- Editeur: Editions de La gouttière
- Prix: 9,70€
- Sortie: 19 juin 2014
Paloma, espionne de choc
Italie, 1973. Paloma Crescendo est invitée à la réception de bienvenue pour le nouveau patron de la Global Italian Service (GIS), l’agence d’espionnage italienne. Prenant la succession de Angelo Golfo, resté une trentaine d’années à la tête de l’établissement, Corrado Lauréa, lui-même ancien espion de l’agence, mise sur sa jeunesse pour mener à bien sa nouvelle mission.
La jeune femme est la fille de Alessandra, inventeur de génie et espion. Marchant dans les pas de son père, elle fait preuve de moins de discipline vis-à-vis de la hiérarchie. Son but étant de récupérer toutes les inventions de son papa décédé et de les stocker dans sa luxueuse villa où l’attend son assistante dévouée Ada.
Cinq jours plus tard, elle est missionnée pour aller délivrer Corrado, tombé aux mains de Grotenberg, à la tête de robots destructeurs. Arrivée comme une tornade, elle récupère son patron et repart aussi vite qu’elle était arrivée, non sans avoir mis hors service les malfrats. Si elle avait les faveurs de l’ancien dirigeant de l’agence, car proche de son père, il n’en va pas de même pour le nouveau qui ne lui confie que des missions sans intérêts.
A Antioche, en Turquie, elle doit récupérer des volumens écrits par Hypatie d’Alexandrie, une philosophe et mathématicienne romaine. Elle fait équipe avec le professeur Shnolok, responsable des fouilles de la maison de la sœur de l’écrivaine où seraient cachés les parchemins…
Le scénario et le dessin à quatre mains de Ancestral Z et Mojo est mené tambour-battant de part la vivacité intellectuelle et physique de leur héroïne. Les combats, l’action et les missions s’enchaînent à un train d’enfer, cela permet d’accrocher le lecteur et de l’emmener aux quatre coins du monde. L’album se concentrant sur Paloma, espionne féminine et féministe, n’ayant pas froid aux yeux, combattant avec la manière et mettant hors d’état de nuire tous les méchants qu’elle croise. Cet alter ego féminin de James Bond possède, de plus, un caractère fort et indiscipliné : elle n’aime guère ses supérieurs et déteste qu’on l’envoie dans des missions sans grand intérêt; ce qu’elle souhaite, ce sont des affaires de la plus grande importance. Elle voue une grande admiration à son père, inventeur génial comme peut l’être Q dans les romans de Ian Flemming. Teinté d’un très bel humour, le récit seventies et très décalé du duo d’auteurs est bien mené malgré une ressort plutôt classique. L’histoire sert admirablement le dessin. La partie graphique est le gros point fort de la série : seventies et psychédélique, il mêle les courbes aux traits anguleux des personnages. Les planches où l’on peut admirer les engins et véhicules sont magnifiques et les couleurs pétillantes rendent parfaitement l’ambiance des années 70. Le découpage permet une grande lisibilité , notamment avec de grandes cases aérées (2 à 5 vignettes maximum) ; le tout agrémenté de fausses couvertures très belles, parsemées çà et là. A noter, un sublime trailer (à voir ci-dessous) qui ouvre des portes à une série animée ou un film d’animation tant l’univers riche de la série pourrait le permettre.
Paloma, espionne avant tout : une série d’aventure et d’espionnage grand public portée par une héroïne singulière et servie par un excellent dessin. Un très bon début !
- Paloma, tome 1 : Espionne avant tout
- Auteurs : Ancestral Z et Mojo
- Editeur: Anakama
- Prix: 11,90€
- Sortie: 27 juin 2014
Les activités de Nestor
Nestor est un petit garçon qui vit avec ses parents et sa petite sœur dans un petit pavillon. Mais il s’ennuie ferme lorsqu’arrivent les mercredis. Il a décidé d’arrêter d’aller au centre de loisirs. La pâte à modeler : il est très mauvais. La peinture sur soie et la sculpture : la même chose. Il n’est pas fait pour les activités de bricolage ; même si sa maman l’encourage en ce sens. Lui ce qu’il aime ce sont les canulars au téléphone ou manger les restes du frigo. Son père lui laisse un semaine pour trouver une activité à laquelle il s’attellera.
- Rugby. Nestor est heureux : il va jouer au rugby avec Elliott, son ami. Des règles mieux qu’au foot, des compétitions, un ballon ovale et des tenues sympa. Tout lui plaît…
- Théâtre. Nestor est heureux : il va jouer au théâtre aux côtés de Léonie, sa petite amoureuse. Il se rêve en chevalier pour lui donner la réplique dans la pièce de l’école…
- Pêche. Nestor est heureux : il part à la pêche avec son papa. Chaussé de ses bottes en caoutchouc, direction l’étang…
- Dessin. Nestor est heureux : il va prendre des cours de dessins. Armé de sa palette, il pense qu’il va dessiner des corps nus de femme…
- Equitation. Nestor est heureux : il prend des cours d’équitation. Chapeau de cow-boy vissé sur la tête, il doit préparer le poney avant de le monter…
- Musique. Nestor est heureux : il monte un groupe de musique. Devant son micro, il commence à chanter…
Véritable casse-tête pour les parents : occuper les enfants le mercredi après-midi ! C’est le propos de Nestor, ce petit album sympathique et agréable. Les mini-récits de Séverine Vidal sont bien écrits et très amusants. Pour chacun d’eux, la dernière case donne la touche finale et fait mouche à chaque fois. Les jeunes lecteurs apprécieront cet humour très subtil basé sur le scénario comme sur le dessin. Les histoires de l’auteure, ancienne professeure des écoles sont toujours des échecs pour le pauvre Nestor. Dans un premier temps, enthousiaste pour sa nouvelle activité et dans un second temps, déçu. Les thématiques sont bien pensées et ce nouveau héros permet d’entrevoir de belles aventures futures. Le dessin tout en rondeur du talentueux Marc Lizano restitue parfaitement l’ambiance chaleureuse et rigolote des histoires. L’auteur du merveilleux album La petite famille, agrémente ses planches de grandes cases lisibles et de couleurs chaudes.
Nestor : un très bon début pour cette nouvelle série jeunesse, amusante et chaleureuse, pour les enfants à partir de 5 ans.
- Nestor, tome 1 : Maudits mercredis
- Auteurs : Séverine Vidal et Marc Lizano
- Editeur: Didier Jeunesse
- Prix: 9,90€
- Sortie: 02 juin 2014
Qui est Betty Barnowsky ?
Quatrième d’une fratrie de sept enfants, elle grandit dans le Middle West des Etats-Unis. Après des études médiocres, sa vie se fourvoie entre joint dès 11 onze ans, deux avortements (à 16 et 18 ans) et la tentation de la drogue. L’année suivante, elle s’engage dans l’armée et part pour le front en Asie. Faisant partie des SPADS, elle rencontre le capitaine Ross Tanner (alias XIII) sur le camp d’entraînement de San Miguel. Juste avant les opérations de Rouge Total, elle tombe amoureuse du marquis Armand de Préseau.
Maison Blanche. Betty a tous les honneurs. Elle reçoit la Medal of Honnor des mains du Président des Etats-Unis qui lui doit la vie, lors d’une grande réception. Alors qu’elle pensait pouvoir profiter d’une permission pour se reposer, le général Carrington lui intime l’ordre de partir pour San Miguel. Là-bas, le camp des SPADS qu’elle connaît très bien, connaît quelques soubresauts à cause de Mac Call et de ses sbires.
Deux jours avant son départ, elle passe du bon temps dans un village vacances militaire où elle est rejointe par Abigail, sa sœur, qui vient lui annoncer une grande nouvelle : elle va se marier avec Brad. Lors de la conversation, Betty lui parle de son début d’idylle avec Armand, un français. Mais elle est prise d’un vertige et conduite dans la clinique militaire pour subir des examens. Le verdict est sans appel, elle est enceinte. Après un rapide calcul, elle se rend compte que son enfant n’est pas du marquis mais de XIII…
Bien au-delà de la collection XIII Mystery, le récit de Joël Callède est fidèle à la série-mère mais apporte son lot de nouveautés et de suspens. Mêlant habillement action, amour, psychologie des personnages, le tout teinté de réelle émotion. Oui, dans XIII, il peut y avoir de l’émotion. Le scénariste d’Enchaînés réussit ce pari et c’est diablement efficace. Celle dont Vance avait donné les traits de Shirley McLane, se révélera autre chose qu’une femme militaire. Il souhaitait qu’elle « [soit] touchante, sans être caricaturale » et voulait « creuser son côté paumé et [d'] apporter une touche de féminité à l’univers de XIII ». D’ailleurs, Sylvain Vallée abonde dans son sens : « C’est le principe de XIII Mystery : il faut apporter quelques chose de nouveau. Nous avons travaillé sur les sentiments des personnages : il ne s’agit pas d’une histoire sentimentale pour autant ! ». Le dessinateur rend de nouveau une excellente copie. Le trait réaliste de l’auteur de la sublime saga Il était une fois en France, permet de mettre magnifiquement en valeur les personnages grâce à des gros plans. Leurs expressions sont bien restituées et les scènes d’action en fin d’album, dans la jungle, sont très maîtrisées.
Betty Barnowsky : un excellent album qui permet de connaître mieux ce personnage secondaire de l’univers de XIII. Une vraie réussite !
- XIII Mystery : Betty Barnowsky
- Auteurs : Joël Callède et Sylvain Vallée, d’après les personnages de Jean Van Hamme et William Vance
- Editeur: Dargaud
- Prix: 11,99€
- Sortie: 13 juin 2014
Batman chez les fous
Gotham City, bureau du commissaire. Batman est convoqué en urgence par le commissaire Gordon : une émeute a éclaté à Arkham, l’asile de la cité. Le policier indique que les patients ont exigé la venue du Chevalier noir pour négocier. Forcé par la menace du Joker sur Pearl, la jeune cuisinière, il se rend sur les lieux.
Arrivé sur place, le malfrat grimé relâche la pauvre femme et invite Batman à entrer. A l’intérieur, il fait la connaissance de Ruth, la psychothérapeute de l’asile. Elle lui brosse le portrait psychologique du Joker, un être qui ne pourra jamais s’adapter à la vie urbaine et sociale, qu’il n’a pas de personnalité propre, passant du gentil clown au tueur sanguinaire, au gré de ses humeurs.
Les patients d’Arkham ont fait prisonnier les employés de l’établissement, enfermés dans une pièce tenue à l’écart. Batman a une heure pour les retrouver sinon ils seront exécutés. En attendant, le Joker commence à divaguer et propose même au Chevalier noir de faire le test de Rorschach, celui des tâches d’encres. Mais, le super-héros n’a pas que cela à faire : il doit délivrer les prisonniers. Au fur et à mesure de sa progression, il fait la connaissance des autres patients et des criminels. Plus il avance, plus la folie le gagne…
Cette réédition de 2010 est magistrale à tout point de vue : scénaristiquement et visuellement. D’ailleurs le public a décelé ce chef-d’œuvre en le plébiscitant (100 000 exemplaires vendus de la première édition aux Etats-Unis). Le récit de Grant Morrisson, au sommet de son art, est intelligent, jouant à fond la carte de la dualité entre Batman et le Joker : l’attirance de ce dernier pour le Chevalier noir mais aussi la fragilité psychologique du super-héros. Ses doutes et ses tourments sont magnifiquement dépeints, ainsi que le processus de la folie qui le gagne. Les deux personnages se cherchent, jouent avec les sentiments de chacun et essaient de s’éliminer mutuellement. La tension dramatique est à son comble, faisant passer l’atmosphère de la peur à la terreur. L’ambiance du huis-clos dans cet asile de fous où les criminels sont légion, est très palpable par le lecteur. On ressent presque la folie et la peur à chaque page. Le dessin de Dave McKeane sert admirablement le scénario. D’une très grande force graphique, l’auteur utilise à merveille différentes techniques : grattage, collage, peinture, photos, craies ou encres… Les cadrages originaux déstructurent les planches comme ce qui pourrait se passer dans la tête des personnages emplis de folie. L’ensemble est brillant, magnifique et talentueux.
A noter que le script original de Grant Morrisson est accolé à l’album, agrémenté de planches et de recherches graphiques commenté par le scénariste.
Batman Arkham Asylum : un album référence dans l’univers du super-héros, un chef-d’œuvre !
- Batman, Arkham Asylum
- Auteurs : Gran Morrisson et Dave McKeane
- Editeur: Urban Comics, collection DC Deluxe
- Prix: 19€
- Sortie: 13 juin 2014
Rencontre(s)
Un vieil ermite vit retiré au fin fond de la forêt, loin de la folie d’une société vieillissante. Dans cet univers, tout le monde est vieux ; les enfants étant devenus de vraies curiosités, comme ce jeune garçon à l’allure étrange que l’on véhicule dans une char blindé escorté par deux militaires.
Antipathique au premier abord, l’homme fait peur par son aspect repoussant : son crâne est divisé en deux, retenu par une ceinture, mais aussi par son caractère fort : il dit toujours ce qu’il pense. Pourtant depuis qu’il est tout petit, il a du mal à prendre des décisions, étant toujours tiraillé entre ses deux hémisphères de cerveau.
Dans sa cabane construite en hauteur dans un arbre, il est relié au monde extérieur grâce à une machine dans laquelle son patron lui donne ses instructions. Il travaille pour Ensemble Belle mort, une entreprise de pompes funèbres, sorte d’agence pour son ultime voyage. Lorsqu’une personne décide d’en finir avec la vie, il est là pour authentifier de leur dernière volonté.
Les Albrecht, un couple très romantique décide de franchir le pas et de mourir. Pour leur grand voyage final, l’ermite scrute, bien caché, la vieille femme et le vieil homme. Après un rite funéraire, il ne leur reste plus que la tête et c’est à ce moment là que l’homme au crâne fendu intervient pour questionner une dernière fois sur leur envie d’en finir.
L’ermite va ensuite faire la connaissance du petit garçon vu dans la grande cité. Fuyant ses tuteurs, il va bouleverser le quotidien du vieil homme…
Le récit de Marijpol est construit comme un conte d’anticipation, un fable douceâtre qui donne à réfléchir au lecteur : Quelle place pour les personnes âgées dans nos sociétés occidentales ? Comment aborder la mort, le suicide ? Mais aussi les mutations génétiques, les enfants et la filiation, le culte immodéré de l’enfant-roi, ainsi que la dualité et les questionnements des êtres humains. Ce roman graphique est donc très riche en symboles et donc extrêmement profond. Le trait en noir et blanc de l’auteure de La roche au tambour (Atrabile, 2013) peut d’emblée s’avérer déstabilisant mais est très maîtrisé, mettant en scène des planches très aérées où les dialogues, rares, sont indiquées en dehors des vignettes.
- Ermite
- Auteur : Marijpol
- Editeur: Atrabile
- Prix: 23€
- Sortie: 19 juin 2014
Batailles navales
Assassin’s Creed est un manga qui met en scène le conflit séculaire entre Les templiers et Les assassins et qui se poursuit encore de nos jours sous le joug de la société Abstergo. Les deux camps essaient de retrouver chacune de leur côté, des reliques d’une ancienne civilisation et parfois s’affrontent entre elles pour les récupérer. Tandis que Les assassins souhaitent les cacher et ainsi permettre aux Hommes de vivre librement, Les templiers, eux, veulent contraindre les Hommes et ainsi vivre en paix. Mais les fameux objets se sont perdus au fil des siècles ; seul l’Animus, une machine peut faire vivre la vie des ancêtres et ainsi de repérer les reliques.
Bureau de l’Abstergo. Masato Yagyû se synchronise dans la peau de Edward Kenway, grâce à l’Animus et se retrouve ainsi en 1715 dans la mer des Caraïbes. Edward est le capitaine d’un bateau pirate en prise avec un autre navire. Après une bataille homérique, a coup de boulets de canon et après un abordage sanglant, le chef se retrouve à l’eau. Se réveillant sur la plage, seul, au milieu des débris, il découvre un homme allongé sur le sable. Il le tue et récupère alors une lettre cachetée du sceau des Templiers.
Masato revient à lui, pensant qu’il a testé un jeu vidéo hyper-réaliste. En fait, le jeune japonais n’a qu’un seul but : retrouver sa mère qui l’a abandonné et qui travaille pour les Templiers. Il va continuer ses expériences de transfert dans le corps de Kenway mais tout ne se déroulera pas facilement.
Agréable à lire, le récit de Takashi Yano dynamite le monde d’Assassin’s creed, à la mode japonaise. Le lecteur est plongé directement dans le feu de l’action dès la première page avec une longue scène de piraterie, digne des films sur cette thématique. Les rebondissements nombreux permettent de tenir le lecteur en haleine. Néanmoins le novice concernant le jeu vidéo aura du mal à comprendre l’intrigue et l’univers si riche de la licence d’Ubisoft. Le trait vif et nerveux de Kenzi Oiwa rythme admirablement l’histoire et semble très à l’aise dans les batailles navales mais aussi les scènes de combats. Prévu en deux tomes au Japon, le second titre sortira prochainement chez Ki Oon.
- Assassin’s creed awakening, volume 1
- Auteurs : Takashi Yano et Kenzi Oiwa
- Editeur: Ki oon
- Prix: 7,90€
- Sortie: 12 juin 2014
Dans les griffes de la sorcière
Lynette, belle jeune femme, passe ses journées à travailler sur une parure de bijoux pour la future mariée Arina, la princesse de la région. Lorsqu’elle a un peu de temps libre, elle s’affaire à la broderie de sa robe ; elle qui se marie dans quelques mois avec Bran, qui aide son père dans son atelier de marqueterie. Pour meubler leur future maison, il a fabriqué seul, le lit conjugal.
Le lendemain, les tourtereaux décident d’aller pique-niquer dans la nature. Alors qu’ils viennent d’apprendre que leur mariage sera repoussé, ils font fortune bon cœur parce que le jeune homme devra passer une grande partie de l’été sur les routes avec son père pour vendre les objets fabriqués pendant l’hiver. Loin l’un de l’autre, ils devront attendre de se revoir.
Alors que Bran se rapproche de Lynette, elle décide d’aller prendre un bain glacé sous la cascade toute proche, afin de calmer ses ardeurs. Surpris par la pluie, ils se réfugient dans une grotte et ne pourront pas être présents à la Fête des lanternes, une cérémonie importante pour la cité, le soir même. Intriguée par une couleur bleue au fond de la cavité, le jeune femme se dirige vers une immense salle souterraine et découvre de belles pierres précieuses. Mais le couple se perd et ne ressort pas par l’entrée principale de la grotte.
Dans la forêt voisine, ils sont surpris par une terrible sorcière qui transforme Lynette en oiseau et qui l’enferme dans une cage. Laissant Bran libre , ce dernier jure qu’il reviendra sauver sa bienaimée et qu’il tuera l’oiseleuse.
Teinté de fantasy et de manga, le récit de Aurore s’appuie sur un conte méconnu des frères Grimm : Jorinde et Jorringel (reproduit en version texte à la fin de l’album). Pour faire évoluer son intrigue, elle transpose l’histoire dans un pays de l’Asie ancestrale. Très classique dans son approche et dans sa narration, la dessinatrice de Lady Liberty réussit à captiver le lecteur en distillant par petite touche un univers bien à elle, fait d’amour, de tragédie, d’aventures et d’humour. Cet album rappellera le monde de Bride stories, un manga à succès de Kaoru Mori, par la beauté de certaines planches où les décors et les vêtements sont sublimes et richement travaillés. Le gros bémol vient d’un style pro-manga kawaii (les personnages devenant tout petit avec une grosse tête et arborant des expressions débridées) dans certaines pages, qui nuisent à la clarté du discours. La jeune dessinatrice en devenir n’avait absolument pas besoin d’un tel artifice pour nous charmer puisque sans cela, ses planches sont magnifiques. Un très beau dossier est adossé à la fin de l’album qui comporte des mini-récits, des recherches ou des illustrations inédites. Le cœur de cible : les jeunes adolescentes.
Harfang : une histoire au graphisme magnifique mais au scénario classique pour un résultat plein de charme.
- Harfang
- Auteur : Aurore
- Editeur: Delcourt
- Prix: 16,95€
- Sortie: 04 juin 2014
Ameiro paradox
(pour un public averti)
Onoe, journaliste talentueux, intègre le service des exclusivités d’un quotidien japonais. Alors que le jeune homme avait publié des articles dans le domaine politique qui avaient fait éclater de véritables scandales (un ministre des finances qui a trempé dans une affaire et qui a du démissionné), il doit changer de costume pour traquer des scoops sur le people. Pour cela, il doit faire équipe avec Kaburagi, un paparazzi très connu.
La première mission du nouveau duo tourne vite en un véritable échec et le jeune journaliste dépité se rend chez Masa pour boire et oublier. Non seulement la première collaboration est un fiasco mais Kabu sort avec Sakurai, son ex. Mais dans le bar-restaurant, il tombe de nouveau sur son rival, harcelé par deux femmes.
Lui faisant le reproche d’user de son charme alors qu’il est en couple avec son ancienne petite amie, le photographe lui explique que ces deux femmes sont employées par Yanagi Contructions, une boîte soupçonnée de fraude et qu’il leur parle pour avoir des informations sur l’entreprise. Il lui apprend par la même occasion qu’il n’aime pas Sakurai et qu’il ne la connaît, elle aussi, que pour approcher les dirigeants de Yanagi.
Excédé par le comportement de Kabu, Onoe demande à son chef de le changer de services pour ne plus travailler avec lui. Pourtant son patron n’accède pas à sa faveur. Se met alors en place, une étrange relation entre eux, entre haine et attirance…
Ciblé pour les jeunes filles, ce yaoi est idéal pour elles. En effet, le récit d’un amour naissant entre les deux hommes est amusant. Basé sur un antagonisme qui apporte beaucoup d’humour, l’histoire se déroule sur un faux rythme, entre l’installation lente de leur amour et les missions journalistiques des deux hommes. Pourtant la toile de fond (les affaires politico-financières) est elle aussi très intéressante, mêlant les politiciens, les yakuza (mafia) et les hommes d’affaires. Le trait élégant de Isaku Natsume est d’une grande lisibilité, notamment les visages barrés de large sourire de ses personnages. Ameiro paradox est une série en deux volumes, dont le second tome est déjà publié chez Taïfu.
- Ameiro paradox, volume 1
- Auteur : Isaku Natsume
- Editeur: Taïfu
- Prix: 8,99€
- Sortie: 22 mai 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Alexandre l’épopée,
tome 1 : Un roi vient de mourir…
Alors que le roi Philippe II de Macédoine vient de mourir, le jeune prince Alexandre s’apprête à lui succéder. Les vétérans Karanos et Méléagre, deux amis de longue date, assistent de loin au couronnement. Méléagre a pour charge de veiller sur Pyrrhus et Eurydice, les héritiers d’un héros de la bataille de Chéronée qui, bien qu’ils aient perdu leurs titres de noblesse, semblent avoir les faveurs d’Alexandre. Sans compter que de nombreux autres individus gravitent dans l’entourage du nouveau souverain : sa mère Olympias, son précepteur Aristote et son médecin Philippe…
Il n’est pas aisé de vouloir raconter la vie d’Alexandre le Grand pourtant David Chauvel et Michael Le Galli s’en sont assez bien sortis concernant le récit. Malgré un nombre important de notes renvoyant vers un lexique imposant qui pourra perdre le lecteur au début de l’histoire, tout cela se règle dans la seconde partie de l’album qui prend une tournure plus fluide, mettant en scène des assassinats, des jeux d’alliance divers, des manipulations et des stratégies guerrières. La biographie basée sur des faits historiques, est assez efficace et permet de prendre du plaisir après une première partie poussive. En effet rien ne nous est épargné : combats sanglants et complots pour le pouvoir. Le dessin de Gildas Java est relativement efficace malgré des scènes parfois un peu figées et un peu froides. Pour se rendre réellement compte de son dessin prometteur, il vaut mieux observer le cahier graphique en fin d’album. On espère que ce péplum bien documenté et passionnant prendra son véritable envol dans le deuxième volume.
- Alexandre l’épopée, tome 1 : Un roi vient de mourir…
- Auteurs : David Chauvel, Michael Le Galli et Gildas Java
- Editeur: Glénat
- Prix: 14,95€
- Sortie: 21 mai 2014
La psychanalyse
du héros de romangraphie
Le Roman Graphique est à la bande dessinée ce que le bal des débutantes est à la fête à Neuneu. La crème, la quintessence de l’art séquentiel. Car écrire un roman graphique, c’est autre chose que de dessiner des miquets, c’est créer une œuvre pour l’éternité, avoir son nom au firmament de l’international des auteurs. Les héros du Roman Graphique sont d’ailleurs en général les auteurs, vu que, souvent, leur ouvrage est autobiographique. Le Roman Graphique, c’est la grosse grosse pression, alors, forcément, certains consultent et on les comprend. Corto raconte ses rêves psychédéliques, la souris de Maus tente d’exorciser l’extermination de son peuple par les chats avec une histoire sur l’holocauste, Chester Brown regimbe sur le prix de la séance rapporté au prix de la passe…
Puisque les héros des romans graphiques sont des personnages hors-du-commun, ils ont besoin d’une aide psychologique par des séances chez un analyste, afin de soulager leur conscience. Leur destin hors-norme les font divaguer pour le plus grand bonheur de leur psy. Des questions fondamentales sont livrées sur leur canapé. Les caractéristiques de ces personnages sont bien cernées mais il faut néanmoins une bonne dose de références pour comprendre tous les dessins. Graphiquement, Elric réussit parfaitement à se fondre dans les dessins des autres.
- La psychanalyse du héros de romangraphie
- Auteur : Wandrille et Elric
- Editeur: Vraoum
- Prix: 5€
- Sortie: 07 mai 2014