Sur la photo, je souris. J’ai les cheveux très longs, et lisses. Je porte un jeans moulant, un T-shirt blanc, des Converse que je porte comme toujours pieds nus et qui font puer des pieds. C’est l’été, on aperçoit le jardin de la résidence étudiante par la fenêtre de ma chambre du premier étage. J’ai vingt-deux ans. Dans mes yeux, l’insouciance. J’ai passé une année de liberté et de livres, de sorties et de travaux à rendre au petit matin, de rencontres et d’expériences. Dans un an, tout cela sera fini. Je serai rentrée au pays, rentrée dans le rang.
Longtemps je me suis imaginé que je ressemblais à cette photo, que c’était l’image que les autres avaient de moi. Ça m’arrangeait bien. Combien de temps ai-je souri comme sur cette photo ? Combien de temps l’insouciance encore ?
J’ai repensé à cette photo il y a quelques jours, avec une certaine tendresse. J’ai souri. Je ne suis plus cette jeune fille sur le fil ténu qui sépare l’adolescence de la vie adulte. Depuis quand ai-je basculé de l’autre côté? Sur cette photo, ce n’est plus moi. C’est une autre fille, qui ne sait rien encore de la suite, qui ne connaît pas le mot resposabilités. Ce n’est plus moi, c’est une autre fille, dans une autre vie.
Aujourd’hui mes hanches se sont un peu arrondies, mes yeux cernés, mes traits durcis, j’ai les cheveux plus courts. Voilà pour la photo. A l’intérieur, j’ai arrondi quelques angles, j’ai changé de colères, je me suis adoucie, j’ai appris à entendre d’autres voix que la mienne, j’ai choisi d’être heureuse plutôt que d’avoir raison.
J’ai enfin accepté de vieillir, je crois. Il était temps.