Ce petit roman est tout simplement formidable. Il nous dresse un magnifique portrait de femme à la charnière entre un obscurantisme social et religieux bien ancré et une émancipation fulgurante. C’est bien évidemment un immense éloge de l’instruction et de la liberté intellectuelle, sans parler d’un vibrant hommage au féminisme puisqu’en dernier recours, c’est contre son mari que cette jeune femme va devoir se dresser. Elle incarne le goût du savoir, le désir d’apprendre et d’être libre et autonome, de manière presque caricaturale, mais tellement touchante.
Car ici, pas de miracle. En même temps qu’elle découvre ces progrès, elle les critique, et elle garde toujours son naturel, sa simplicité et son franc-parler. C’est la même femme qui au début du livre laisse à manger près du poste de radio, pour le monsieur qui est dedans, et qui à la fin, se présente à la capitale en exigeant de parler à monsieur De Gaulle avec pour laisser-passer un panier de dattes, parce qu’il est grand temps que ce monsieur entende ce que le peuple a à lui dire. Sa découverte du monde se fait dans la légèreté, dans l’humour et dans la poésie de l’innocence d’une petite fille coincée dans la tête d’une femme.
Et que dire de ses deux fils… C’est par amour pour leur mère qu’ils décident d’en faire un être qui pense, qu’ils l’emmènent de force découvrir pour la première fois l’eau des ruisseaux et l’herbe dans laquelle elle s’assoit, elle qui n’était jamais sortie de sa maison. C’est par amour pour elle qu’ils lui achètent des chaussures à talons pour qu’elle se sente belle. Et ils sont prêts à subir les foudres de leur père pour ne jamais abandonner leur petite maman. Et quand on est marocain, surtout à cette époque, tenir tête au père, ce n’est pas rien. Ces personnages brisent tous les clichés, et sont aussi admirables et touchants que l’héroïne.
La note de Mélu:
A découvrir, vite!
Un mot sur l’auteur: Driss Chraibi (1926-2007) est un auteur marocain de langue française. A noter que ce roman est l’un des premiers à évoquer la condition de la femme dans la littérature marocaine.
catégorie “famille”