Je l'avais déjà clamé haut et fort dans ma critique de son magnifique film inédit en salles françaises, Take ThisWalz, je considère la délicieuse actrice Sarah Polley comme une de mes actrices phares du cinéma indépendant américain ( bien qu'elle soit canadienne à la base), une des rares dont je suis particulièrement la carrière.
Ce fort intéret pour elle a commencé au début des années 2000, depuis que je l'ai vu jouer dans Ma vie sans moi d'Isabel Coixtet, magnifique mélo dans une lequel une jeune maman condamnée profitait de ses derniers moments pour dire ses sentiments à ceux qui l'aiment.
Et si je l'apprécie autant, c'est qu'elle s'est fait une spécialité, dans ses films en tant que cinéaste ou en tant qu'actrice, de sonder avec une grande sensibilité, mais assez frontalement également, la sphère intime à travers une étude des relations humaines, qu'elles soient amicales, de couple, ou bien encore familiales.
Dans son premier film de cinéaste Loin d'Elle que j'avais vu en salles il y a une dizaine d'années, et qui signait le retour en grâce de Julie Christie, elle traitait très joliment de la maladie d'Alzheimer, mais aussi et surtout, de la mémoire des sentiments, de ceux que l'on arrive à garder malgré la maladie et ceux qui disparaissent, et dont la destruction fait du mal à ceux que l'on aime ou plutôt que l'on a aimé.
Et dans son second film, ce fameux "Take This Walz", elle tissait une chronique qui traitait exclusivement de l'éternel sujet de la vie à deux, et nous décrit avec grande justesse tous les maux et les caractéristiques de la vie de couple: la tentation de l'adultère, les petites complicités du quotidien, la routine et le besoin irrépréssible que l'on a presque tous de devoir occuper le moindre moment d'ennui et de vide en s'agitant d'une façon ou d'une autre, et arrivait sur un sujet un peu éculé à tisser une chronique sentimentale drôle et bouleversante, du meilleur acabit.
Avec son troisième film en tant que réalisatrice, "Stories We Tell", qui lui passa bien dans les salles françaises, mais de façon assez confidentielle, et qui est sorti en DVD chez Zylo le 20 mai dernier, elle garde toujours ses thèmes de prédilection, mais sous une forme différente et bien ambitieuse, le docu fiction.
Avec ce « Stories we tell », Sarah Polley se met encore plus à nu que dans ses longs métrages de fiction, et raconte, de manière à la fois touchante et sincère, l'histoire oh combien romanesque de sa propre famille, notamment de sa mère, décédée pratiqueement juste après la connaitre avant même de la connaître.
Si on dit que toutes les familles ou presque cache des secrets, celui de Sarah Polley est assez costaud. Et quand Sarah Polley découvre ce secret, directement rattachée à sa naissance,elle décide de se lancer à la recherche de la vérité, alors même qu'elle est déjà une actrice reconnue. Et c'est cette recherche de la vérite que l'actrice cinéaste va remettre en scène ici dans ce docu fiction où elle interviewe les vrais protagonistes de l'histoire, tout en faisant jouer des comédiens pour des reconstitutions en ( faux) super 8 des scènes du passé ( pas les meilleurs moments du films, j'admets).
Sauf que cette recherche de la vérité va buter sur le fait que chacun possède sa propre vision de l'histoire et que comme souvent, il n'y a pas UNE verité, mais plusieurs. Les protagonistes de cette folle histoire ne voient pas les choses de la même maniėre, et ce en dépit de l'amour inccontestable que chacun éprouvaient pour cette femme exceptionnelle qu'était la mère de Sarah.
Et celle ci va prendre un plaisir certain, plaisir qu'elle transmet au spectateur à démêler sous nos yeux la pelote de toutes ces histoires qu'on raconte , et auxquelles on finit par croire, par automatisme.
Bref, voilà là un bien bel hommage à sa mère et en même temps une intelligente étude de la complexité de la vision personnelle des événements que chacun vit différement selon son propre ressenti, Stories we tell est un film passionnant qui nous montreA la frontière de plusieurs genres cinématographiques, renversant certains stéréoptypes du cinéma documentaire et de la docu fiction cette œuvre inclassable et personnelle mêle souvenirs, fiction, et révélations inattendus (un peu comme le génial Sugar man du regretté Malik Bendjelloul est en fin de compte une vraie et belle déclaration d'amour de Sarah Polley au cinéma, à la vie, et aux histoires, qu'elles soient vraies ou fausses..
Décidement, cette Sarah Polley continue de cumuler les sans fautes jusqu'à présent...hate de voir la suite de sa carrière!!
STORIES WE TELL - Clip 1