Soldes riment plutôt avec mes comptes ... tous soldés, comme mes allocations, comme mes rêves, plus rien. Etonnant de voir tant de femmes, toutes belles, toutes pimpantes des achats des derniers jours déjà portés pour frimer au bureau, étonnant donc de les voir s'agglutiner encore devant des piles de chaussures, se pousser et même s'engueuler pour avoir la dernière robe marinière de ce magasin, alors qu'elles pourraient en trouver plus loin.
Surprenant notre monde, celui que je regarde avec détachement, avec un recul volontaire, certain même depuis que je me retrouve sans emploi, sans argent, sans appartement, sans rien. SDF mlagré moi, dans un océan soldé de 3 millions de poissons sans eau, sans aquarium pour les recevoir, sans même de recettes pour les consommer ou les considérer. Un grand saut dans le vide, quand un manager ou un consultant pour le même manager a décidé de supprimer mon équipe, mon gagne-pain, ma vie. Car quand la société supprime plus qu'elle ne génère d'emplois, et que les charges continuent, on est vite pris dans le tsunami né d'une simple vague qui nous paraissait lointaine. Je flotte maintenant entre les vitres de ma voiture, ma dernière référence, mon aquarium, mes valises avec des vêtements, des douches d'hôtel ou de piscines municipales. Déconnectée, là je suis sur mon banc, le ventre vide, le regard tout aussi creux, pas frais comme le poisson.
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Alors là, je pourrais les conseiller car j'ai eu le temps de flâner dans le quartier entre petit bars pas chers, sandwichs fades et les vitrines débordantes de soldes, mon musée gratuit à moi, juste voir, regarder, toucher. Je connais les prix, les modèles ici et là, les jupes imprimés, les tuniques de toutes les couleurs, de toutes les matières, du lin au synthétique, de la soie si douce aux laines légères. Je n'ai pas perdu ces sensations, quand moi-aussi j'étais femme, avec un budget vêtements pour mon plaisir, mon dressing, pour mon quotidien mais aussi mes soirées. Des petites robes noirs qui sont dans mon coffre, certaines je les ai revendues pour avoir de l'argent. Des accessoires, des parfums, des souvenirs, un pincement d'émotion. Tout cela semble si loin, un an, peut-être deux, dans cet autre monde. Si proche !
Celui qui défile devant moi, exclue, pas vraiment unique dans ma tribu. Je cherche encore le sens au mot "égalité".
Un sac vient de tomber dans l'affolement compulsif des acheteuses, je me lève pour le ramasser, leur rendre, un sac de lingerie, de volupté, si loin de moi. J'ai droit à un sourire, un merci rapide. C'est les soldes de la politesse, mais d'habitude, j'ai le droit d'être transparente, donc c'est positif.
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