Il travaille pour une agence de l'Etat. Elle avait du mal à réaliser les économies qu'on lui demandait (RGPP). Alors, au lieu de chercher à imposer le changement, il a proposé à sa direction financière de confier à ses directions la responsabilité de leurs budgets, et de prendre le rôle d'un "donneur d'aide", qui leur facilite la tâche. C'était le bon moment : on craignait l'absorption de l'agence par des unités plus grosses. Or, ses personnels étaient très attachés à leur mission.
Le plus étonnant n'est pas que le changement ait réussi. C'est qu'il ait révélé que l'agence avait un savoir-faire, unique, qu'elle ignorait. Et que ce savoir faire est capital pour la rationalisation de son secteur. Exemple de résilience : le changement ne la pas détruit, mais lui a donné une nouvelle identité.
Enseignements ? C'est exactement mon expérience de l'entreprise :
- Le changement ne peut passer en force. Le pouvoir est en bas.
- Quand aux facteurs de motivation pour le changement, il y en a tout autant dans l’administration que dans l’entreprise. Croire que l'on motive les gens en les menaçant de les virer est d'une stupidité sans nom.
- Mais c'est surtout la découverte du "savoir-faire unique" qui m'a frappé. Car, c'est une des particularités, étonnantes, de nos entreprises. Elles ignorent leur savoir-faire. Du coup, elles le bradent. Voilà la cause du « mal français ».
- L’administration a des personnels généralement beaucoup plus qualifiés que ceux de l’entreprise. Très peu de PME pourraient s’offrir les CV de l'agence, en aussi grand nombre. Ce qui est un gros atout en termes de changement. (J'avais déjà noté cela lorsque je travaillais pour les CCI.)
- Mais l'entreprise a quelque chose qui manque à l'administration. Elle a un savoir-faire, et des techniques d'organisation. En particulier l'administration possède un management qui n’a pas été formé pour manager. Les personnels sont laissés à eux mêmes. Ce qui produit des conditions de travail désastreuses. D’où absentéisme et présentéisme. Voilà d’où vient la mauvaise réputation de l’administration.
- L'intérêt privé, qui veut nous faire croire à l'incompétence de l'administration, pour privatiser quelques profits.
- Le management incapable de manager de l'administration, qui trouve là une excuse à ses échecs.