Né en 1984. 1m70, 63 kilos.
Trente ans et déjà dégarni, grisonnant. Le teint cireux, gris aussi, la plupart du temps; imperméable à la lumière du sud ou des projecteurs. Trop petit et trop maigre, les manches jusqu’aux phalanges, comme un enfant de 5 ans qui entre sur la pelouse dans ses habits trop grands, les manches qui pendent, le maillot qui descend trop bas sur les shorts en tire-bouchon au-dessous du genou.
Silhouette lunaire sur un fond vert, il transpire avec difficulté et son crâne pelé fait tache au milieu des brushings lustrés et des raies au milieu taillées au quart de millimètre. Aucun tatouage sur sa peau pâle, pas de bijou, juste deux pieds.
Deux pieds dessinés pour jouer à la balle au pied, un jeu d’adresse où la vitesse n’est pas toujours égale à la distance divisée par le temps. En football, le temps s’arrête parfois pendant une fraction de seconde et Iniesta sait comme personne se faufiler dans les failles de cet instant immobile. Il relève la tête. Il photographie la géométrie du terrain, le placement des joueurs. Il estime leur vitesse, leur trajectoire et leur accélération. Ensuite, son pied relâche le ballon, recule, prend la balle par-dessous, à la cuillère, délicatement; dans un frisson elle s’envole, décrit une courbe ou une parabole, retombe exactement dans la course d’un autre joueur que personne n’a imaginé arriver là, à cet instant, personne sauf lui, Andrés Iniesta, passeur de balle magique, frêle et mélancolique qui s’excuse aujourd’hui de ne pas avoir été à la hauteur.
Même à trente ans, certains enfants ne sont jamais assez grands.
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