Entre des interviews et des articles thématiques je reprends un peu de temps pour vous parler de quelques derniers coup de cœur. Aujourd’hui, avis aux amateurs de parodies gores et d’hectolitres d’hémoglobine, de survie de l’espèce mal engagée et de zombies qui vous chopent la cheville : voici Magical Girl of the End de Kentarô Sato, chez Akata.
De son nom original Mahô Shôjo of the End, cette jeune série a débuté fin 2012 dans les pages du Shônen Champion (Akumetsu, Full Ahead Coco, Saint Seiya – The Lost Canvas) de l’éditeur Akita Shoten. L’auteur, natif d’Osaka, a débuté sa carrière en 2008 dans l’Akamaru Jump (si vous lisez Bakuman, vous connaissez bien ce magazine de la Shueisha). Réputé comme assez disponible, sur Twitter notamment, l’auteur est aussi un habitué du célèbre salon nippon Comicket . Son spin-off de Magical Girl of the End, Magical Girl Site, est disponible sur le magazine web de son éditeur, le Champion Tap .
La série principale compte pour l’instant 6 tomes et elle est toujours en cours. Avec un tome 1 paru fin mai et un second qui arrive à Japan Expo, il est temps maintenant de vous en dire plus sur la série elle-même. En route pour la critique !
Magical Girl of the End : pam pelilu PAN PAN PAN !
Aaaah, ces jeunes filles souriantes, vêtues de froufrous aux couleurs vives et chatoyantes, tenant à leur main un bâton magique bardé d’étoiles, d’ailes et autres artefacts candidement oniriques, qui exaucent les souhaits des pauvres malheureux et répandent l’amour en chantant, tout autour de la Terre. Mais, attendez une minute… Et si ces contes féériques n’étaient là que pour endormir notre méfiance afin que les vraies Magical Girl puissent, un jour, venir tranquillement nous découper en morceaux, exploser nos têtes, nous transformer en zombie et nous exterminer en masse ?
Comme nous tous, Kii Kogami n’a pas vraiment vu le coup venir. Sa vie de lycéen l’ennuie et il n’a guère d’autre objectif que de séduire la plus jolie fille de sa classe. Mais il va retrouver un goût insoupçonné et inattendu pour la vie quand une jeune demoiselle, sur le perron de son lycée, défonce la tête de l’un de ses professeurs avant de bondir vers sa salle de classe, pour éradiquer ses camarades de classe façon boucherie-charcuterie-traiteur (« et si y a des bouts d’élèves en plus je vous les mets en quand même ma bonne dame ? »).
Ce qui ressemble à s’y méprendre à une Magical Girl – bâton, jupette, nœud dans les cheveux et toute la panoplie – est en réalité une machine de mort sadique et malheureusement immortelle : vous aurez beau lui exploser la tête, elle sera de nouveau sur pied en un clin d’œil et poussera un lugubre «MAGICAAAAAAL » avant de venir vous étriper… Au sens premier du terme d’ailleurs. Mais ne vous inquiétez pas car, une fois devenu un macchabée vous porterez à votre tour la jupette pour devenir un pantin désarticulé et meurtrier au service de ces jeunes filles d’une autre dimension. La fuite avec les rares survivants du lycée semble donc l’unique solution, mais pour aller où ? Toute la ville – et tout le pays apparemment – a été envahi par ces Magical Girls. C’est donc le début du massacre…
Non mais WTF quoi !
Kentarô Satô , ce mangaka un peu malade sur les bords, a donc choisi de nous emmener dans un Japon qui subit une attaque d’une autre dimension, où les guerrières du camp adverse sont toutes puissantes et bien décidées à traquer les humains. Derrière les jupettes et les couettes il y a donc ces brutes sanguinaires aux pouvoirs multiples : la première est armée d’un fusil dévastateur, la seconde créé un nuage de brume et vous y attend sournoisement, une troisième manipule la gravité pour faire une boule géante de corps humains a qui elle réserve un sort très particulier… Ah j’ai failli oublier celle qui se balade avec le-toutou-à-sa maman qui crache des boules de feu. Et d’autres sont attendues dans les prochains volumes.
Ajoutez à ça des cadavres capables de se relever pour vous pourchasser à leur tour et vous obtenez un mix totalement inédit et assez original de manga survival. Magical Girl of the Dead signe ainsi le début de la collection WTF (le fameux What The Fuck que l’on connait tous maintenant), un nouvel axe éditorial que l’éditeur décrit comme « un véritable laboratoire expérimental et sans prise de tête« . D’autres titres, du gore à l’humoristique en passant par le non-sens, le mauvais goût assumé ou l’avant-garde, sont attendus mais le manga de Satô lance le bal de manière significative. Après avoir proposé de multiples collections que peu d’entre-nous avaient compris à l’époque de Delcourt (Sakura, Johin, Fukei, Obon, etc.), l’éditeur joue toujours sur l’originalité mais a décidé de faire simple et fédérateur. Revenons-en maintenant à nos Magical…
Run for your life !
Magical Girl of the end propose un pitch qui retient l’attention mais ce tome 1 séduit aussi grâce à une narration extrêmement dynamique, qui exploite parfaitement les codes du survival : il faut fuir face à la menace mais cette dernière n’est pas décidée à vous laisser faire des pauses sur le bord du chemin. Les phases de réflexion des personnages, pour essayer de comprendre ce qui leur arrive ou pour établir un plan de sortie, sont donc relativement courtes – 4 ou 5 pages tout au plus – avant qu’une porte ne cède ou qu’une vitre n’explose, laissant déferler sa cohorte de zombies ou l’entrée en lice d’une nouvelle magical girl tout aussi mortelle que la précédente. Dans sa mise en scène, Satô sait aussi ménager le suspens sur le pouvoir de chacune des magical où sur le moment où cette dernière va surgir. Pour augmenter l’adrénaline, leur pouvoir de régénération apporte un dose de tension supplémentaire : lorsque les héros de l’histoire parviennent à exploser l’une d’entre elles, on sait que le répit ne sera que de courte durée et qu’une course contre la montre s’enclenche… Il faut fuir avant qu’elle ne revienne pour se venger !
L’aspect oppressant est renforcé par des angles de vue bien choisis qui mettent en valeur le nombre, la force et la rapidité des adversaires zombies ou magical girls. Tout va donc très vite et les personnages ne perdurent qu’avec un bon instinct survie, quelques bonnes idées et une certaine dose de chance. Comme dans tout survival la chance n’est pas distribuée de manière équitable et le nombreuses rencontres de rescapés permettent d’en tuer un paquet de manière péremptoire et surprenante. C’est le fameux jeu des films d’horreur : quel est le prochain qui va se faire tuer et comment va-t-il mourir ? Dans cette fuite effrénée et sans répit, le lecteur n’a pas plus le temps de réfléchir à ce qu’il se passera après, étant bien trop occupé à jauger le moment présent. Vous l’aurez compris on obtient donc une lecture haletante, immersive et j’ajouterai même jouissive pour les amateurs de l’horreur et du survival, qui vont retrouver ce qu’ils préfèrent dans ce premier volume.
J’en termine en citant un graphisme qui use et abuse du noir pour renforcer son ambiance glauque, un chara-design très classique et des protagonistes de premier plan qui répondent au stéréotypes du genre : le héros anciennement lâche et anonyme qui se demande dans quel cauchemar il est tombé, son amie d’enfance craintive et prostrée, une demoiselle au caractère de guerrière et à la poitrine hypertrophiée (le seul élément fan service d’ailleurs) et enfin tous les autres cas de figures, du mec sportif et sympa à la pétasse manipulatrice. On à hâte de voir comment ces évènements bouleversants vont les changer et où leur aventure va bien pouvoir les mener. Un plot-twist majeur est d’ailleurs annoncé pour le tome 3 par Akata himself, dans son communiqué de presse.
Magical Girl of the End, premier étendard bien choisi de cette collection WTF, initie une course poursuite aussi loufoque que morbide et surtout sans aucun temps mort. Une lecture aussi trippante que jouissive pour les amateurs du genre et l’un des meilleurs tomes 1 de cette année 2014 pour le moment. On attend la suite avec impatience !
Fiche descriptive
Auteur : Kentarô Satô
Date de parution du dernier tome : 28 mai 2014
Éditeurs fr/jp : Akata / Akita Shoten
Nombre de pages : 208 n&b
Prix de vente : 6.95 €
Nombre de volumes : 1/6 (en cours)
Visuels : © 2013 by KENTARO SATO (AKITASHOTEN, Japan).
Pour lire un extrait du tome 1, c’est ici. Pour Japan Expo, Akata vous propose de les retrouver sur leur stand pour vous offrir des cartes postales et un poster à l’effigie de cette série. Plus d’infos et d’autres goodies annoncés sur le site de l’éditeur.