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Communales au Bénin : la démocratie menacée !

Publié le 25 juin 2014 par Unmondelibre
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Depuis avril 2013, les Béninois attendent désespérément de renouveler les membres de leurs Conseils communaux. C’est une situation qui risque bien de mettre en danger les efforts de démocratisation réalisés depuis 1990 dans ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest.

Alors que les communales devraient être organisées en 2013, le Parlement à travers la loi n° 2013-17 portant dispositions transitoires à l'article 86 de la loi n° 2007-28 du 23 novembre 2007 a prorogé le mandat des maires pour, éviter un vide juridique, soutiennent certains députés proches de la majorité présidentielle. À l’époque, ils ont estimé qu’il n’y avait pas de loi électorale ni de Liste électorale permanente informatisée (Lépi) pouvant permettre d’organiser lesdites élections. La loi a même été validée par la Cour constitutionnelle à travers la décision Dcc 13-056 du 30 mai 2013 de la Cour constitutionnelle.

Seulement, à y regarder de près, les politiques qui militent pour la prorogation du mandat des élus locaux visent plutôt des intérêts autres que l’intérêt général. En effet, les élus locaux eux-mêmes, notamment ceux qui veulent rempiler, n’ont évidemment aucun intérêt à quitter leur poste. Voir prolonger leur séjour à la tête des Communes, est pour eux une opportunité de continuer à œuvrer en sourdine pour leur réélection. Cela leur permet d’occuper constamment le terrain et peut-être de continuer à utiliser les fonds des collectivités locales afin de garantir un probable retour. L’Exécutif aussi. Il joue à ce jeu antidémocratique parce que son Chef estime qu’en faisant reporter les scrutins, il disposera de suffisamment de temps pour baliser le terrain pour ses ouailles. Les maires proches du pouvoir et qui nourrissent toujours des ambitions, peaufinent leur discours, et ceux classés dans l’opposition et qui subissent la pression du gouvernement, se rallient déjà à la cause de la majorité au pouvoir.

La démocratie en danger…

Selon l’Agrégé de Droit public, Frédéric Joël Aivo, intervenu sur Canal 3 au lendemain du vote de la loi, l’acte des députés est une faute politique et «un mauvais signal pour la démocratie locale». A en croire l’universitaire, en faisant ce choix, les députés ont ouvert la voie à toutes les éventualités. Les Conseils communaux et municipaux actuels peuvent continuer leur mandat jusqu'en 2014, 2015 voire même 2016, a-t-il analysé. Ce qui donne du Bénin une mauvaise image au plan international. Considérée comme exemplaire dans la sous-région, la démocratie béninoise encaisse de mauvais points qui pourraient lui faire une mauvaise publicité. En réalité, «l’alternance est l’oxygène de la démocratie. Sans elle, celle-ci est condamnée à dépérir et à périr» a enseigné le Professeur Théodore Holo. La non tenue régulière des élections empêche le renouvellement des dirigeants ainsi que la circulation des élites et remet en cause la légitimité de ceux qui sont maintenus au pouvoir sans le mandat explicite des citoyens. Cela fragilise leur pouvoir et lasse le peuple qui pourrait se désintéresser à l’avenir du devoir citoyen : le vote. Le Bénin court alors un grand risque.

Qui est le responsable ?

Mais face à ce danger qui plane sur le Bénin, il y a des responsabilités à établir. On peut sans se tromper blâmer le gouvernement et surtout son Chef qui ne veut visiblement pas faire le minimum pour accompagner la correction de la Lépi définie désormais comme l’instrument devant servir à l’organisation des élections au Bénin. A en croire les propos des membres du Conseil d’orientation et de suivi (Cos) de l’actualisation de la Lépi, le gouvernement ne fait pas assez pour accélérer le processus de correction. Les fonds promis par le Chef de l’Etat ne sont pas libérés à temps. Et le Cos-Lépi reste encore devoir à beaucoup structures qui  sont associées au processus de correction en cours. La correction de la Lépi est donc banalisée par le gouvernement. Pis, et plusieurs sources le confirment, le gouvernement est préoccupé par une autre chose qui lui semble plus importante que l’organisation à bonne date des élections : le couplage de l’organisation des communales de 2014, des législatives de 2015 et de la présidentielle de 2016). Ce qui est techniquement  difficile car ces scrutins ont chacun leurs spécificités et leurs enjeux. Ce faisceau de facteurs pourrait engendrer un cafouillage ingérable pouvant même faire basculer la République en construction  et dans une situation incertaine.   

L’opportunité du report ?

Mais au-delà des velléités de contrôle des prochaines communales, il y a peut-être lieu de s’interroger sur l’opportunité d’un report. Il est peut-être opportun de sonder ce que gagnera le Bénin à reporter lesdites échéances plutôt que d’organiser des élections dans des conditions incertaines. La question mérite des réflexions car toute élection quelle que soit son importance a pour fonction majeure de fonder la légitimité des élus. A priori, le report des Communales ne devrait pas poser grand problème s’il existait un consensus autour de la correction de la Lépi devenue l’outil déterminant l’organisation des scrutins au Bénin. Et plusieurs experts l’affirment. Si l’actualisation de cet instrument était conduite avec plus de sérieux et l’accompagnement nécessaire, on pourrait espérer, aux Communales prochaines, toute la sérénité requise. Cette raison pourrait même justifier la longue période de prorogation du mandat des maires décidée par le Parlement et validée par la Cour constitutionnelle. En effet, la réussite de la correction de la Lépi permettra aux millions d’électeurs laissés en marge en 2011 d’exercer leur droit de vote. Elle permettra également au Bénin de disposer dorénavant d’une liste électorale fiable supposée amoindrir l’importance de la fraude lors des scrutins. Et donc, les potentielles crises électorales. Ces enjeux majeurs sont plutôt incommensurables. Et comparés à ce que perdrait le Bénin en organisant dans un délai jugé raisonnable des élections calamiteuses, le choix est vite fait. Il y a donc lieu, pour les acteurs politiques, de faire de la défense de l’intérêt général, leur priorité. Cela devra participer à la consolidation de la démocratie béninoise désormais menacée.

Kassim HASSANI, est journaliste béninois – Le 25 juin 2014


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