Le déni : enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes.

Par Tellou

 Dans la série de mes lectures spi (presque) pas barbantes, aujourd'hui:

La catho féministe (oui oui, ce n’est pas incompatible) que je suis ne pouvait passer à côté de cet ouvrage publié plus tôt dans l’année.

Très honnêtement, quand j’en ai entendu parler, j’ai eu beaucoup d’à-priori. Déjà, le « packaging » de la couverture me faisait penser à l’un de ses livres à scandale du style « Les dessous peu-scrupuleux de telle entreprise » ou « biographie sulfureuse d’untel ». Ensuite, la plupart du temps, les auteures étaient présentées comme des journalistes, ou en tout cas, leur formation et leur connaissance de l’Eglise n’était pas très mise en avant. J’avais peur de me retrouver encore avec un pamphlet à la Caroline Fourest, du style « J’écris quelque chose pour pointer du doigt et condamner mais je suis pleine de préjugés et je n’y connais rien au fond ». (Vous l’aurez compris, je n’aime pas Caroline Fourest). Du coup, je m’attendais à une lecture facile, un plan-plan limite pleine de poncifs.

Et puis, j’ai enfin eu le livre entre les mains et là, tout a changé. D’une part parce que dès le début, Joseph Moingt vous plonge dans le sujet avec sa préface. On pourrait croire à de la caution d’éditeur histoire de mettre une couche de vernis sur ce qui va suivre et qui pourrait être pauvre. Mais non. Donc déjà, si le père Moingt cautionne le livre, cela annonce du lourd. Et du lourd il y a : les auteures ont un sacré bagage théologique (cher Monseigneur 23, toi qui a une époque cherchait désespérément des femmes qui en avaient dans la tête…en plus de porter une jupe…voilà, tu en as au moins deux là). Les auteures ont épluché consciencieusement les encycliques, lettres apostoliques, déclarations, interviews, etc émanant des instances de l’Eglise en plus bien entendu de leur lecture de la Bible.

Le résultat est un livre complet sur la situation des femmes dans l’Eglise. Mais pas seulement. Car qui dit situation des femmes dans l’Eglise, dit aussi situation des hommes, théologie de la sexualité, du mariage, du rôle des uns et des autres.

Pour résumer de manière très et trop brève, disons que les femmes à qui l’on demande un fabuleux travail d’équilibriste entre deux modèles (La Mère et la Vierge) sont entretenues dans une théologie du service et du don de soi à la société qui serait « naturel » et « voulu par Dieu ». Tout pas hors de ce champ défini les renvoie à ce qu’il ne faut surtout pas être : des Eve pécheresses et tentatrices. A l’opposé, les hommes dans la hiérarchie de l’institution ecclésiale doivent eux aussi faire le grand écart entre le service tel que demandé par Jésus et le pouvoir que leur confère leurs attributions. De quoi être schizophrène. Vous rajoutez sur ce tableau une grosse pincée de sexualité refoulée, interdite parce que sublimée par la chasteté, le célibat et la virginité et vous obtenez le cocktail fabuleux qui fait qu’aujourd’hui l’Eglise maintient, envers et contre tout, un système patriarcal qui ne bénéficie ni aux femmes, ni aux hommes de ce temps.

Mes seuls regrets par rapport à cet ouvrage, c’est que s’il est effectivement dense, le corolaire est qu’il n’est pas toujours aisé. Les démonstrations sont parfois ardues et j’ai parfois eu l’impression de répétitions. Il aurait bénéficié à être un chouïa plus synthétique.

Il n’en demeure pas moins que le livre est excellent et que je le recommande vivement.