CYBERSIX T1 de Carlos Meglia et Carlos Trillo

Publié le 23 juin 2014 par 7bd @7BD
Titre : Cybersix T1 Auteur : Carlos Meglia et Carlos Trillo Editeur : Vents d'ouest Année : 1994 Résumé : La ville de Meridienne. Une ombre féminine hante les nuits et les toits de cette mégalopole monstrueuse. Il s'agit de Cybersix, femme née de manipulations génétiques qui a fui le camp secret de son géniteur pour se cacher dans cette cité sous l'identité volée de Adrian Seidelman, professeur de Littérature. Cybersix cherche la paix mais elle a deux problèmes. Le premier: la traque qu'a lancée son créateur, le Docteur Von Richter, en lâchant toutes ses créations à ses trousses. Le second : la jeune femme doit se nourrir d'une substance qui ne coule que dans les veines de ses ennemis, une substance qu'elle leur dérobe comme un vampire vole le sang de ses victimes. Sa survie va devenir de plus en plus compliquée et les doutes vont surgir en elle : A quelle place peut prétendre un « monstre génétique » comme elle dans le monde d'aujourd'hui ? A-t-elle droit à l'amour ? Mérite-t-elle de vivre ? Notre avis : Cybersix navigue entre le fantastique, le drame et le récit de super-héros. Empruntant habilement ses codes de droite et de gauche, Carlos Trillo les remélange et nous les restitue de façon surprenante. Mêlant la manipulation génétique au mythe du vampire, le thème de la quête d'identité à l'humour, le quiproquo amoureux au polar urbain, l'auteur nous entraîne là où on ne l'attend pas. Même si, parfois, certaines situations sont un peu exagérées – il faudrait quand même que Cybersix finisse par comprendre que des gens peuvent facilement la suivre, vu le nombre de personnages qui la repèrent, ça l'aiderait un peu à éviter les embrouilles -, l'ensemble est assez prenant. D'autant que Trillo n'hésite pas à enrichir l'histoire de références autres, comme Pessoa, omniprésent dans les livres de Seidelman, les citations ou encore cet affreux bambin amoral qui ressemble étrangement à un certain Adolf tyran et monstre du siècle dernier.
Les aventures de Cybersix se décompose en de nombreux épisodes de quelques pages. Chacun est une aventure indépendante mais fait partie d'un tout. Car, mine de rien, discrètement, l'histoire avance. De nouveaux personnages apparaissent, des intrigues se nouent ou se dénouent et l'on s'attache, presque malgré soi, à l'histoire de cette femme qui se demande si elle peut prétendre à l'humanité. Cette BD, en effet, à côté de l'action, de l'amour et du suspense, ajoute une touche de réflexion. Bien avant les Real et Being Humans et bien après Frankenstein, la créature du savant fou s'interroge sur sa place dans ce monde. Et, indirectement, nous interroge sur la place de la génétique dans notre univers. Trillo s'appuie sur des faits réels avant de basculer dans la fiction. Des faits intrigants qui nous poussent à la réflexion. je reproche à cette BD son choix, dès la page de garde, d'une police compliquée à lire et même agaçante à déchiffrer. Même chose pour l'introduction de l'auteur et pour le quatrième de couverture. C'est bien dommage. Par contre, ces petites citations qui ponctuent les mésaventures de Cybersix sont d'excellentes idées. Malheureusement, je constate qu'elles s'amenuisent au fur et à mesure des pages et elles me manquent cruellement à la fin. En effet, ces courtes phrases contribuent à l'immersion dans cet univers sombre. Notons que ce premier tome comporte cent quatre-vingt-douze pages et qu'il finit sur une accroche qui donne bien envie de lire la suite. En tout cas, j'ai beaucoup aimé et je vous recommande, même si pour l'instant, la série se compose quand même de douze tomes aussi conséquent. Le découpage court vient du fait qu'elle est d'abord parue dans le magazine Skorpio en 1992. Cette série argentine a su trouver un souffle original grâce à Carlos Trillo mais ce serait oublier l'importance du travail graphique de Carlos Meglia ! La BD est totalement en Noir et blanc. Sauf les couvertures qui posent personnage et élément de décor en noir et blanc sur des fonds colorés et dégradés. Mais une fois la première page ouverte, je suis resté bluffé par le trait de Meglia. Ils nous entraîne dans les rues sombres de Meridienne et la ville développe son âme avec ses toits gothiques et ses quartiers mal famés ! Même si la première double page qui nous révèle Cybersix est un peu confuse, on ne peut qu'admirer le talent du dessinateur à poser ses décors et ses personnages. Non seulement la BD est en noir et blanc mais elle ne comporte aucun gris. Tout se joue sur les contrastes et les zones d'ombre d'où ressortent parfois un regard, un visage, une main... Les personnages ont un style certes peu réalistes, ce qui contraste avec la ville, mais qui apporte tout son style à cette BD et n'en demeurent pas moins très expressifs. Leurs sentiments se lisent le plus souvent sur leurs visages. Cybersix renvoie au Shadow avec son manteau et son chapeau à larges bords. Ses déplacements aériens sont vertigineux. Le découpage reste assez simple et le travail de mise en scène repose plutôt sur ce jeu entre ombre et lumière. J'oserais même dire que dans les pages où se mêlent grands dessins et petites cases, il est facile de se perdre. L'ordre des phylactères, les décors chargés empiétant sur une case, nuisent à la lecture. C'est finalement dans le classicisme de la mise en page que ressort tout le talent de Carlos Meglia à jongler sur les contrastes et les angles de vue. Cybersix est donc une belle BD doté d'une histoire intrigante ! Elle parle d'amour, de sexe, de drogue, de violence et cet aspect honnête sur les méandres d'une grande ville pourrie par l'intérieur la rend d'autant plus intéressante. Tellement intéressante qu'elle fut adaptée en anime ! Une saison de douze épisodes coréalisée entre le Japon et le Canada. Afin de toucher un large public, l'histoire fut bien édulcorée - finies les allusions sexuelles, à la trappe Pessoa, au revoir le côté vampire et exit la violence sanglante ainsi que le côté sombre de Meridienne, en tout cas dans l'épisode que j'ai vu – et, même si la série est bien animée, c'est regrettable. C'était sans doute encore l'époque où l'on pensait que les dessins animés n'intéressaient que les enfants ! Heureusement, cette époque est révolue ! Pas vraiment ? Pardon... Mais Myazaki, Les Simpson... Pas en France ? Mais Corto Maltese, Les triplettes de Belleville... Pas à la Télé Française ? Mais Silex and the City, Les lascars... Pas de grande série animée dramatique produite en France et diffusée à la Télé ? Monster sur France 4 ? à 23h le WE. Et c'est Japonais. Oui, effectivement. C'est dommage. Revenons à la mignonne Cybersix et ses amis : BD fleuve, émouvante, drôle, récit fantastique, relecture du mythe du super-héros, merveilleux travail du duo Meglia et Trillo ! J'espère que vous prendrez autant de plaisir à les lire que moi à les relire. Tiens, si j'allais me procurer les œuvres de Pessoa... La rencontre : Zéda croise le chemin de la belle Cybersix
David