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Fac-similé et contrefaçon

Publié le 23 juin 2014 par Gommette1

Les technologies nous poussent à voir le monde différemment, plus exactement, elles reconfigurent le futur et changent notre perception de la réalité. Avec une croissance du nombre de touristes de 5% par an en moyenne, soit plus d’un milliard en 2013 dont près de 600 millions en Europe, les sites touristiques les plus célèbres frisent la thrombose et les œuvres l’asphyxie au sens littéral. Mais des solutions existent (peut-être…) pour éviter la fin de l’histoire comme le fac-similé...

Grâce à des scans surpuissants, l’impression 3D et le traitement numérique des données, la société espagnole Factum Arte a déjà réalisé plus d’une trentaine de répliques de chefs-d’œuvre du patrimoine culturel mondial, à l’image de la tombe de Toutankhamon au Caire ou des Noces de Cana de Véronèse. Logé au musée du Louvre, ce célèbre tableau a été volé par la France en 1797 lors de la campagne d’Italie, or sa restitution n’est plus possible à cause de son extrême fragilité. D’où la décision de créer une copie, un fac-similé (le terme est plus politiquement correct) en 2007, réinstallé à sa place originelle, c’est-à-dire dans le réfectoire du monastère de Giorgio Maggiore à Venise. Ce double a reçu déjà des milliers de visiteurs qui n’y ont vu que du feu, tant la reproduction est parfaite, mais qu’en est-il de l’émotion ? Pour la plupart des touristes, voir les œuvres et les photographier d’un geste mécanique, suffit, et croiser le même tableau à Paris et à Venise, ne devraient pas les choquer. Les puristes risquent de branler des neurones en s’interrogeant sur la relation entre l’objet authentique et l’objet reproduit, entre l’histoire vraie et son ersatz, entre la beauté du geste de l’artiste et la perfection technologique de l’imprimante 3D.

Les promoteurs de ces fac-similés défendent la protection du patrimoine au nom des générations futures ; ils déclarent aussi que l’expérience visuelle de l’œuvre est plus importante que l’œuvre authentique elle-même, pour preuve, les musées sont devenus des parcs d’attraction avec des expositions blockbusters et des scénographies télégéniques. Ces arguments sont audibles, néanmoins, on s’interroge sur ce monde futur dont le patrimoine sera enfermé dans des coffres hermétiques à l’abri des hommes, remplacé par des copies pour la horde grandissante (hurlante ?) des touristes.

Des touristes dont certains, dans la foulée de visites au pas de course, ne se privent pas de d’acheter à vil prix sur les marchés organisés pour eux, des contrefaçons de produits de luxe : qu’importe après tout, car ils ne s’intéressent pas à l’histoire authentique de l’objet, ils s’entichent de la représentation/reproduction de son logo. Dans un environnement où la copie est érigée en modèle culturel, les marques de luxe n’ont pas fini de batailler pour préserver leur patrimoine.

A gauche, le tableau original des Noces de Cana de Véronèse au Louvre ; à gauche, un fac-similé installé dans le réfectoire du monastère vénitien de Giorgio Maggiore. A gauche, un vrai sac Vuitton ; à droite, une contrefaçon.
A gauche, le tableau original des Noces de Cana de Véronèse au Louvre ; à gauche, un fac-similé installé dans le réfectoire du monastère vénitien de Giorgio Maggiore. A gauche, un vrai sac Vuitton ; à droite, une contrefaçon.

A gauche, le tableau original des Noces de Cana de Véronèse au Louvre ; à gauche, un fac-similé installé dans le réfectoire du monastère vénitien de Giorgio Maggiore. A gauche, un vrai sac Vuitton ; à droite, une contrefaçon.


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