Une exposition tout à fait passionnante, qui porte pour sous-titre "Projeter et construire pour la 2ème guerre mondiale" et où la foule ne se bouscule pas ....
Dans la ligne des commémorations du D-Day, cet ensemble de documents couvre troutes les régions en guerre et présente les domaines où les architectes ont travaillé pendant cette période où toutes les activités humaines étaient mobilisées pour la guerre, avec un luxe de détails et des commentaires particulièrement objectifs. Il est vrai que cette expo a été créée par le Centre Canadien d'Architecture, et que, la distance aidant, il concerne tous les belligérants : depuis les Etats-Unis jusqu'au Japon et la Russie, les Allemands et les Français, les collaborateurs et les résistants ... On trouve en effet de grands noms dans chaque camp et la galerie de portraits et de CV qui ouvre l'espace en dit davantage que tout autre propos.
On savait bien jusqu'ici que les conflits majeurs ont permis des avancées technologiques très significatives dans les domaines - entre autres - de la chirurgie traumatologique, les industries d'armement, de l'aviation et les transports.
Je pense à l'excellent livre de Michel Goya, récemment commenté sur ce blog.
On pense moins spontanément à la nécessité de bâtir rapidement des usines d'armement dans les régions éloignées des théâtres d'opérations, de les protéger des raids aériens par des camouflages efficaces, à la gestion du logement des afflux des ouvriers venus pour produire le matériel de guerre, la reconstruction des villes bombardées, les lignes de fortifications souterraines comme la ligne Maginot, le mur de l'Atlantique, les usines souterraines de fabrication des missiles V1 eet V2.
Cette manifestation aborde sans tabou tous les points chauds : elle commence par évoquer les bombardements de Guernica en 1937 par l'aviation allemande, le Blitz sur Londres et la nécessité de trouver des abris pour les populations civiles, l'écrasement de Chongquing et Shangaï par les Japonais et bien entendu, Varsovie, Hambourg, Coventry, Nagasaki et Hiroshima en 1945.
Viennent ensuite des sujets plus terre-à-terre comme la réréfaction des matières premières et la nécessité de récupérer tout ce qui peut concourir à l'industrie de guerre (les os pour faire du savon, l'huile de friture pour les explosifs, les textiles), la construction d'usines "aveugles" pour ne pas être repérées par les raids aeriens et donc nécessitant l'éclairage jour et nuit et la climatisation, les techniques de préfabrication de logements, l'émergence de la normalisation, l'utilisation des prisonnniers, puis la reconversion des industries de guerre et des surplus après la fin des hostilités, plus ou moins judicieuse ...
A retenir : les concepts de Le Corbusier et Jean Prouvé, les énormes abris en tôle ondulée en forme d'immenses igloos, l'architecture de béton armé des tours de défense aérienne, le centre de Pennemünde en Prusse Orientale - vers lequel nous sommes en route - l'extraordinaire justification de la destruction du quartier du Vieux-Port de Marseille par l'architecte ayant conçu le plan d'urbanisme, la destination affreuse de la cité de Drancy tout juste terminée et où les premiers habitants étaient des gendarmes, ce qui a facilité sa conversion en camp de concentration, oo enfin Oak Ridge dans le Tennessee qui est une ville secrète construite en quelques mois. La plus grande surface couverte du monde, dessinée par l’agence Skidmore, Owings & Merrill sans savoir où elle serait édifiée. ...
Un voyage dans l'histoire du métier d'architecte que je n'imaginais pas ...
Architecture en uniforme, projeter et construire pour la 2ème guerre mondiale, jusqu'au 8 septembre, au Palais de Chaillot, 1 place du Trocadero. 9€