Un député lit un article du Monde consacré à l'affaire Bygmalion, le 27 mai 2014 à Paris [Pierre Andrieu / AFP/Archives]
Des accusations de surfacturation, l'affaire Bygmalion s'est réorientée vers les soupçons de financement illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012.Une fois les factures disséquées, les juges d'instruction qui seront désignés dans les prochains jours, vont devoir faire le tri entre des versions divergentes.--- POURQUOI LES COMPTES SE SERAIENT ENVOLES?Depuis les aveux de Bygmalion et de Jérôme Lavrilleux, fidèle de Jean-François Copé et directeur adjoint de la campagne de Sarkozy, c'est le scénario privilégié: une campagne qui démarre tard et ne prévoit qu'une poignée de grands meetings avant de s'emballer quand l'avance de François Hollande se confirme.Le camp Sarkozy accélère, organisant jusqu'à une réunion publique par jour. Le tout "dans une grande improvisation", parfois "du jour pour le lendemain", selon un acteur de la campagne.
Le siège de l'UMP à Paris, le 26 mai 2014 [Thomas Samson / AFP/Archives]La note se serait envolée, explosant le plafond autorisé de 22,5 millions d'euros de dépenses. Pour éviter une invalidation des comptes, des prestations d'Event and Co, la filiale événementielle de Bygmalion, auraient indûment été facturées à l'UMP, sous couvert de conventions politiques pour la plupart fictives. Bygmalion aurait accepté, invoquant aujourd'hui un chantage économique. Ses prestataires de service, qui confirment ce rythme effréné qui leur a été imposé, auraient été tenus en dehors de la confidence sur l'artifice comptable.--- COMMENT ET QUAND UNE TELLE DÉCISION A ÉTÉ PRISE?Selon Jérôme Lavrilleux, la décision est prise fin mai-début juin, après la défaite électorale, dans le bureau du directeur général de l'UMP, Éric Cesari, très proche de Sarkozy. Auraient été présents le directeur de campagne Guillaume Lambert, le patron d'Event and Co Franck Attal, et la directrice financière de l'UMP Fabienne Liadzé. Jérôme Lavrilleux dit en avoir été informé dans la foulée. Éric Cesari et Guillaume Lambert réfutent. Fabienne Liadzé ne s'est pas exprimée.Dans une lettre au procureur de Paris, Guillaume Lambert, désormais préfet de Lozère, affirme n'avoir rien su, avoir demandé une réduction des coûts des meetings et assure que les frais qui lui étaient présentés étaient inférieurs à ceux finalement facturés.D'après un cadre de Bygmalion, sous couvert d'anonymat, la décision de maquiller les comptes aurait été prise dès le début avril: "C'était ça ou il n'y avait plus de meetings."--- QUELLES SOMMES SONT EN JEU?Pour l'avocat de Bygmalion, Patrick Maisonneuve, qui parle d'une "fourchette", "il y a eu 11 millions d'euros habillés sous forme de fausses factures imputées à l'UMP". Mediapart, qui a fait son calcul, évoque près de 17 millions.Nicolas Sarkozy avait déclaré 21,3 millions d'euros de dépenses mais son compte a été corrigé par le Conseil constitutionnel à près de 23 millions d'euros avant même l'affaire Bygmalion. Les quelque 11 millions avancés à la campagne par l'UMP n'ont pas été remboursés par l’État. Pour compenser, le parti avait lancé avec succès le "Sarkothon" auprès des militants.--- LA FRAUDE AUX FAUSSES FACTURES PEUT-ELLE EN CACHER UNE AUTRE?C'est ce que suggèrent des adversaires de Jean-François Copé, le premier visé dans cette affaire, Bygmalion ayant été fondée en 2008 par deux de ses proches, Guy Alvès et Bastien Millot. Ils s'étonnent des prix finalement pratiqués pour certains meetings et s'interrogent sur les contrats décrochés par la société auprès de l'UMP, de son groupe parlementaire et de ses élus. "Cet argent, il est allé où? Dans quelles poches?" demande un député, qui soupçonne, sans preuves, Copé de s'être constitué un "trésor de guerre" pour la suite de sa carrière.--- COPE ET SARKOZY PEUVENT-ILS ÊTRE INQUIÉTÉS?Jérôme Lavrilleux assure qu'il n'a pas mis au courant ses deux patrons. Mais il en faudra plus pour convaincre les enquêteurs. "Vu les sommes en jeu, on a de la peine à croire que seules les petites mains étaient au courant", estime un proche de l'enquête. Nicolas Sarkozy bénéficie d'une immunité pour les actes accomplis en sa qualité de président, "mais ici on peut considérer qu'ils ne sont pas rattachés à la fonction", analyse la même source.Voir plus de vidéos sur le sujet
- Affaire Bygmalion : Hervé Mariton...19/06/14
- Médiapart attise l'affaire...20/06/14
- Johnny Blanc sur l’affaire...18/06/14
- #tweetclash : #Bygmalion, les...17/06/14
- Bertrand sur l'affaire Bygmalion:...16/06/14