Sagan 1954, roman d’Anne Berest, aux Editions Stock, 193 pages, 18€.
Ecrire un roman, c’est faire un mensonge. J’aime mentir. J’ai toujours menti, répond-elle en riant. Allez, souhaite-moi bonne chance.
La vie de Françoise Sagan est fascinante. De nombreux biographes ont narré son parcours : de Pascal Louvrier, à Geneviève Moll, en passant par son propre fils Denis Westhoff. Un biopic a même vu le jour il y a quelques années, réalisé par Diane Kurys, et avec la fabuleuse Sylvie Testud, dans le rôle de Sagan. Aujourd’hui, Anne Berest, à la demande de Denis Westhoff lui-même, écrit à son tour, sa propre vision de la vie de Françoise Sagan. Elle admire l’écrivain, et cela se ressent profondément tout au long du livre.
En 1954, Françoise Quoirez a 18 ans. Elle décide d’écrire un roman. Bonjour tristesse naît. René Julliard le publie. Françoise renaît sous le nom de Sagan, emprunté à Proust. Une nouvelle vie commence. La jeune fille devient célèbre dans le monde entier, et gagne énormément d’argent, qu’elle dépense aussitôt. Tous ces éléments, nous les connaissons, mais Anne Berest choisit de nous les raconter d’une toute autre manière que les biographes habituels. Anne Berest enfile son costume d’écrivain, et laisse de côté celui de biographe, qu’elle ne connaît pas. Elle nous fait entrer dans la vie de Françoise Sagan, par la sienne. Il est d’ailleurs difficile de définir si c’est un récit ou un roman, car Anne Berest a choisi de mêler sa vie à celle de Françoise Sagan. Elle émet des parallèles, et d’étranges coïncidences entre leurs deux parcours.
(Soudain, la voyante me regarde et me parle comme un médecin donne une ordonnance à la fin de la consultation.) "Vous allez par moment avoir envie de faire certaines choses qui vous sont inhabituelles. Vous aurez envie de boire — allez-y. Buvez de l’alcool. Vous n’avez rien à craindre, elle veille sur vous et saura vous protéger. Elle est très bienveillante à votre égard. Mais faites attention. Vous aurez envie de fumer. Ne vous mettez pas trop à la cigarette, elle fumait par suffocation. Pour s’asphyxier. En revanche, vous pouvez boire, qu’elle s’enivre à travers vous. Laissez-vous faire. Laissez-vus guider par elle. Vers la liberté. Vous ne regretterez rien et jamais vous n’aurez honte. Elle va vous faire grandir. Faire de vous une femme libre. Elle va vous mettre à son école. Laissez-la profiter, en vous, des derniers instants." Je relis ces lignes qui peuvent sembler grotesques. Je n’ai rien à ajouter sur cet épisode, on ne croit pas aux miracles — on les constate.
Sagan 1954 est un sincère hommage à Françoise Sagan. L’implication, le travail de recherche, et la passion d’Anne Berest sauteront inévitablement aux yeux des lecteurs de ce magnifique texte.