Dix ans après son premier EP, Mr Flash sort son premier long format « Sonic Crusader », dont le nom fait référence à un article du magazine Dazed & Confused sur les débuts d’Ed Banger. Celui-ci sortira le 2 juin. Composé de 15 morceaux, « Sonic Crusader » alterne les morceaux taillés pour le dancefloor, avec groove très hip hop et des collaborations comme Action Bronson. On retrouve aussi des titres beaucoup plus 80’s aux synthés ultra polis. Après s’être occupé des productions de TTC, il a rencontré Pedro Winter (le manager des Daft Punk qui allait bientôt devenir Busy P) et signe ensuite sur le tout jeune label Ed Banger. « Radar Rider » figure ainsi sur le premier maxi de ce qui allait devenir un des labels phares de la musique électronique française. Aujourd'hui, nous avons donc la chance d'interviewer l’un des producteurs à la pointe de la musique électronique française! Cette interview fait suite à celle d’autres DJs/producteurs français comme DDa Fresh, Muttonheads, Rodriguez Jr., Paul Nazca. Tout d'abord, je tenais donc à remercier Gilles d’avoir répondu à nos questions.
"Hello Mr Flash,
Dans quelques semaines tu vas sortir ton premier album solo « Sonic Crusader ». On y retrouvera notamment quelques guests comme l’artiste pop Cities Aviv venu de Memphis, le rappeur américain Arian Asllani aka Action Bronson ou encore la rappeuse anglaise Lady Leshurr sur le titre "Bagheera". Pourrais-tu en quelques mots nous expliquer comment est né ce projet ?
> L’idée était de raconter une histoire avec un début (The Tale), un milieu (Midnight Blue) et une fin (The Wake), de l’amour (Domino), de la furie (Drill), de l’érotisme (Venus In Furs), de la mélancolie (Dazzle In The Dusk), de la vitesse (Motorcycle Boy) et toutes les autres choses qui ont rempli ma vie pendant ces dernières années. L’histoire d’un homme qui a vu des gens disparaître et des histoires se finir, a failli mourir deux fois, à morfler un peu, aimer à la folie, vu des choses magnifiques et rencontrer des gens incroyables et vécu des moments inoubliables. J’ai envisagé cet album avec tout ça, comme si je devais en faire un film. Alors j’ai fait un casting d’artistes que je voulais hétéroclites pour y participer. Ca a été difficile, compliqué, ca m’a couté quelques bonnes nuits blanches mais je suis très fier qu’on ai pu réunir tous ces gens que j’aime beaucoup. De Surahn d’Empire Of The Sun, qui est un ami, à Lady Leshurr, Cities Aviv en passant par Oh No, tous ont contribué à faire de cet album ce qu’il est aujourd’hui.
Cela fait d’ailleurs presque dix ans que tu avais sorti ton premier morceau... Tu attendais quoi pour te lancer ?
> D’avoir des choses que j’estime assez intéressantes pour les montrer. Un scénario un peu cohérent qui soit le reflet de ce que j’avais en tête. Je suis pointilleux et exigeant et ça prend du temps. J’ai refait 12 fois l’histoire avant d’arriver à ce que je voulais. Je l’ai remis souvent à plus tard parce que je travaillais sur d’autres projets avec d’autres personnes. Et puis après l’album de Tellier j’ai tout stoppé. J’ai jeté tout ce que je trouvais superflu, construit tout ce qui manquait et au bout d’une année, je me suis retrouvé avec 1h30 de musique qui ont contribué à générer Sonic Crusader.
Et sinon quelques remixes des titres de ton album sont-ils à attendre dans les prochaines semaines ?
> Oui. J’ai toutes une liste de gens que j’aime bien, certains ont accepté l’invitation, vous les entendrez bientôt.
Ton premier titre comme je le disais précédemment sortait il y a près de 10 ans, « Radar Rider », déjà sur Ed Banger. Qu’est ce qui pour toi à vraiment changer dans ta méthode de travail entre ces deux opus ?
> Absolument rien, si ce n’est d’avoir plus d’instruments et d’avoir donc plus de possibilités pour m’exprimer aujourd’hui.
2014 commence donc sur les chapeaux de roue, avec notamment le lancement de cet album en Juin. Si tu regardes ton début d’année, qu’en penses-tu? Quelle est ta vision de ces derniers mois?
> Ces derniers mois on été difficiles, parfois compliqués. Lorsque on a des idées bien précises de ce que l’on veut, d’où on veut aller et surtout de ce que l’on ne veut pas c’est bien mais aussi dangereux parce qu’on est son propre ennemi. Avancer c’est aussi faire des choix et devoir apprendre à renoncer. Et renoncer ne fais pas parti de mon vocabulaire. Donc c’est parfois compliqué mais on y est arrivé. Et j’en suis heureux. C’est une super bonne année. Là tout de suite si tu me demande je dirais que je lui mettrais 2 étoiles au Guide Michelin, la troisième tu me redemanderas en fin d’année et on verra.
Après nous avoir donné ces infos sur ton actualité, nous aimerions en revenir à tes racines musicales. Pourrais-tu nous dire brièvement comment tu es devenu DJ et producteur?
> Producteur je le suis devenu quand on s’est rencontré en 1998 avec TTC. Je travaillais comme technicien dans le cinéma, et quand j’en avais le temps je faisais de la musique de mon côté, on habitait le même quartier, on écoutait les mêmes choses et avais les mêmes envies. En 1999 on a enregistré notre premier maxi (Game Over 99) et de la tout a démarré.
Dj je le suis devenu avec le temps. Je collectionne les disques depuis très jeune. Je viens d’une famille ou la musique était quelque chose d’assez naturelle. Beaucoup de gens de ma famille ont appris à jouer d’un instrument en autodidacte. Ils m’ont transmis leur connaissance, leur culture, leur goût et leur collection. Je suis allé au conservatoire pendant 2 ans pour apprendre le piano et le solfège, mais j’ai fini par me faire virer parce que je passais mon temps à me castagner ou a perturber la classe. J’ai toujours eu un léger souci avec l’apprentissage et la théorie en général. Mon père a décidé de m’inscrire dans des cours de batterie privés, histoire que je canalise cette énergie malfaisante.
Mon frère ainé, qui était plus appliqué a fait 12 ans de piano classique. C’est le Picasso du Bösendorfer. On jouait ensemble avec des potes tous les week ends, pour s’amuser. Et puis un jour tout ça s’est arrêté. Mon frère est parti habiter ailleurs. Ma famille ça s’est compliquée. Alors j’ai voulu changer d’air. Je me suis mis à travailler dans le cinéma pendant quelques années ce qui était en réalité mon souhait depuis tout jeune. Et puis un jour la vie a fini par me rattraper. Je crois que tout ce bruit a dû finir par me manquer. J’ai acheté mon premier sampler Akai, récupéré les synthés que mon frère avait laissé et j’ai commencé à essayer de faire les choses par moi même. En 90, j’ai découvert le rap et je me suis mis à écouter presque plus que ça, et ça été une très bonne école pour moi. Ca m’a appris qu’un morceau solide tient sur 4 mesures et seulement 4/5 pistes. Le reste c’est du vent. Une fois que tu sais ça tu peux tout faire.
Au début, est-ce que ta famille a compris ce que tu voulais faire dans la vie? Et maintenant sont-ils fiers de ce que tu as réalisé au cours de ces dernières années ?
> Ma famille n’a pas toujours compris ce que je voulais faire. Mes parents se sont construits seuls et ont dû se battre pour ça. Ca n’a pas été toujours facile pour eux de me voir prendre cette voie, même plutôt compliquée, mais ils ont toujours été fiers et ont essayé de me soutenir comme ils ont pu. Sans eux, mon frère et mes potes je n’en serais absolument pas là aujourd’hui. Ils sont fiers de moi, moi je suis fier de les avoir.
De plus en plus de lecteurs nous demandent des infos sur le matos utilisé par les producteurs que nous interviewons. Quels sont les logiciels ou instruments que tu utilises pour produire? Est-ce qu’on pourrait avoir des informations un peu plus techniques dirons-nous?
> J’enregistre sur ProTools avec des synthétiseurs externes et des boîtes à rythme (MiniMoog, Prophet, DX 7, Moog Source, Yamaha SY-1, EDP Wasp, Akai MPC 3000 et 4000…). L’ordinateur est un outil pratique mais ingrat et froid pour moi. Je ne me sens pas très confortable avec. J’essaie la plupart du temps de conserver quelque chose d’humain dans ce que je fais. Sinon j’ai l’impression que le truc devient mécanique et je m’ennuie vite. J’aime les choses un peu bancales, pas très droites, les défauts, les « blue notes ». C’est ce qui rend les choses plus touchantes et si la machine ou moi en génère, je les garde.
L'interview sera publiée sur un site web principalement lu par des Français. Y a t-il des artistes que tu connais personnellement ou dont tout simplement tu aimes la musique? Il y a bien évidemment Sebastien Tellier pour qui tu as pas mal produit, TTC, Pedro Winter et quelques autres du label Ed Banger j’imagine ?
> Je suis admiratif de pleins de gens, le problème c’est que c’est des morts (Coltrane, Sun Ra, Zappa…). Sinon dans les vivants j’aime ce que font Bibio, Sufjan Stevens ou Shabazz Palaces par exemple.
Mr Flash, merci beaucoup pour le temps que tu as consacré à Actualités Electroniques et en particulier pour cette interview complète et exclusive. Nous attendons avec impatience la sortie de ton prochain album et d’éventuels remixs à venir donc! Merci."
Dj Aroy
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