Nous avons tous vécu ceci déjà !
Pendant ne nombreuses années, Giovanni Tagliamento membre de la mafia calabraise à été considéré comme le roi de la vente de contrefaçon, ces pièces de maroquineries vendues par les vucumprà dans tout Venise et toute l’Italie.
Traditionnellement, les faux sacs en cuir étaient fabriqués dans des ateliers de la région de Naples depuis trente ans, sous le contrôle de la Camorra. "C’est de la belle contrefaçon, avec un cuir qui ne se déchire pas, vendue 400 ou 500 €uros" nous a expliqué un douanier français.
L’Italie est un pays à la fois producteur et consommateur de contrefaçon. Celle-ci représente une perte conséquente de revenus pour l’État italien et de droits sociaux pour les travailleurs. La contrefaçon est aussi un problème de santé et de sécurité publique.
Mais la contrefaçon industrielle chinoise, débarquée à la tonne dans les ports de Gênes et de Naples, a changé la donne. "Depuis quelques années, les Chinois fournissent et vendent même directement, analyse un fonctionnaire. Ç’a été multiplié par cinquante, sous les yeux de tout le monde. Il est évident que les Chinois travaillent en joint-venture avec les organisations italiennes. Sinon, des magasins auraient brûlé…"
Un partage du marché se dessine. Aux familles italiennes, le haut de gamme, aux vendeurs ambulants, la camelote chinoise, bradée. Un douanier français confirme : "Le problème des Italiens, c’est que leurs contrefaçons, grand sport régional napolitain, ont été supplantées par celles qui arrivent des pays asiatiques."
Les articles de journaux montrent régulièrement des actions de la Guardia di Finanzia. Une vidéo diffusée par la police montre des agents de Padoue en train de détruire une paroi factice menant dans une pièce secrète où ont été trouvés de nombreux articles de contrefaçon. "L’organisation était gérée par des Italiens, des Roumains, des Sénégalais, des Marocains et la production était effectuée en Campanie et Lombardie", respectivement les régions autour de Naples et Milan, selon la police.
Les images tournées par la police montrent en particulier de fausses étiquettes des marques Prada, Fendi, Armani Jeans, D&G, Louis Vuitton et Roberto Cavalli. En dépit de fréquentes opérations policières, les articles de contrefaçon sont vendus à tous les coins de rue des villes touristiques italiennes, par des vendeurs à la sauvette qui prennent la fuite dès qu’ils voient un uniforme pour revenir tranquillement aussitôt après.
Toutes les organisations mafieuses italiennes sont présentes dans ce trafic :
Sacra corona unita (SCU), mafia italienne basée dans la région des Pouilles qui règne sur le trafic d’immigrés clandestins (Chinois, Pakistanais ou Albanais) ;
`Ndrangheta organisation mafieuse de Calabre, dans le Sud de l’Italie, à l’Est du Mezzogiorno ;
Stidda, du sud de la Sicile, dont les membres, appelés stiddari sont reconnaissables grâce à un tatouage de cinq points situé entre le pouce et l’index ;
Cosa nostra, la mafia sicilienne surnommée "La Piovra" pour ses réseaux tentaculaires ;
et bien sûr la Camorra, d’origine urbaine, née à Naples et qui compte pas moins de 5000 initiés, les camorristes, regroupés dans 106 familles qui contrôlent la fabrication et l’importation de toute la marchandise de contrefaçon que l’on trouve en Europe.
Elles ont dû s’adapter et travaillent désormais, on l’a vu, avec des organisations extérieures à la péninsule.
Ayant depuis longtemps obtenu des appuis grâce à la corruption, ces organisation se sentent protégées pour avoir acheté le silence et la complicité d’élus au plus haut niveau de l’État, mais aussi de haut fonctionnaires dans pratiquement tous les corps d’État qui pourraient nuire leur activités.
C’est pourquoi la police et la justice ne voient pas ce que chaque citoyen italien constate au quotidien, c’est pourquoi aussi ces vendeurs à la sauvette de produits contrefais semblent être en Italie et à Venise, comme un État dans l’État, pensant qu’il bénéficient d’une immunité quasi éternelle.
Le résultat d’un véritable "problème culturel", selon le président du Sénat, Pietro Grasso.
"Celui qui achète des contrefaçons aide la criminalité", a souligné cet ancien procureur national anti-mafia, au cours de la présentation d’une campagne européenne contre ce phénomène qui génère chaque année 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans le monde.
La contrefaçon "entrave la croissance, génère l’évasion fiscale et fait prospérer la criminalité", a souligné l’ex-magistrat, en jugeant "nécessaire d’éduquer le consommateur".
En 2005, 86 millions de produits contrefaits ont été saisis par les douanes. Cela représente un marché de 3,5 à 7 milliards d’Euros. De plus en plus, une collaboration étroite se met en place entre les douanes et les magistrats. Cela a pour conséquence des saisies quasi-quotidiennes. L’Italie, autrefois montrée du doigt, tend à être un pays moteur dans la lutte anti-contrefaçon.
Matteo Renzi, le premier ministre et Raffaele Cantone le président de l’Organisation Nationale Anti-Corruption ont décidé de mener une guerre sans merci à ces organisations, avec l’aide si besoin des autres polices et services de renseignements européens.
Lors d’un déplacement justement en Calabre, devant des collégiens, le premier ministre Matteo Renzi a insisté sur la responsabilité des jeunes générations. "Il y a ici un vrai problème de criminalité, et vous êtes le point de départ de la lutte contre celle-ci", leur a lancé le jeune chef du gouvernement, âgé de 39 ans.
L’avenir nous dira si cette guerre portera un jour ses fruits et si nous pourrons nous déplacer dans Venise sans voir les ponts obstrués par des vendeurs illégaux que tout le monde supporte car personne ne les chasse.
Que risque un individu à acheter un produit contrefait ?
Cher. Les sanctions en matière de contrefaçon sont extrêmement élevées. En Italie, l’amende est de 10.000 euros en moyenne pour un consommateur. En France, elle est de 300.000 euros.
Quand à Giovanni Tagliamento, alias "petite araignée" il est désormais devenu l’ambassadeur de de la Camorra sur la Côte d’Azur…
Photos Lorenzo Greco