Livrées à leur sort dans des taudis, ces familles s’apprêtent à vivre, pour certaines, leur 20e mois de
Ramadhan sur place. Sans un minimum. Ni eau ni toilettes. Cette fois, elles ont décidé d’exprimer leur ras-le-bol en occupant la voie publique, seul façon, selon elles, de réagir à la sourde
oreille des autorités locales.
Des membres de 19 familles sinistrées ont décidé, hier, d’investir la rue pour la troisième journée consécutive à Tizi Ouzou, pour
tenter d’attirer l’attention des autorités locales sur la dramatique situation dans laquelle ils vivent depuis plus d’une dizaine d’années. Depuis les premières heures de la matinée d’hier, les
manifestants ont encore commencé à barricader la route, à hauteur du stade Oukil-Ramdane, avec des pneus brûlés et autres objets hétéroclites, mais en vain, puisque aucun responsable
de l’administration ne s’est déplacé sur place.
Seuls des élus de l’APW et de l’APC sont allés à la rencontre des manifestants, apprend-on auprès de ces derniers. Selon les
explications obtenues sur place, 19 familles sinistrées ont été évacuées vers ce site, situé à proximité du siège local du CRA Boulila-Ali, suite à des inondations et séismes qui ont eu lieu
entre 1994 et 2003. Depuis cette période, ces familles ont été oubliées. Elles vivent dans des conditions inhumaines. Livrées à leur sort dans ces taudis, ces familles s’apprêtent à vivre, pour
certaines, leur 20e mois de Ramadhan sur place. Sans un minimum. Ni eau ni toilettes. Cette fois, elles ont décidé d’exprimer leur ras-le-bol en occupant la voie publique, seul façon, selon
elles, de réagir à la sourde oreille des autorités locales et de faire, ainsi, entendre leur voix “J’ai grandi dans cette misère, on dirait un camp de concentration. Nous avons un seul compteur
d’électricité, un seul robinet d’eau et un seul cabinet de toilettes collectif, qui n’est pas relié à un réseau d’assainissement, pour les 19 familles qui vivent dans ce taudis”, nous dira Farid,
âgé de 22 ans. “Nous n’allons pas nous taire. On a suffisamment enduré. Après avoir bloqué la rue avant-hier et hier soir, nous avons décidé de revenir à la charge pour exiger une prise en charge
urgente. Il y a un risque d’effondrement. Un risque pour notre santé. Nos vies sont menacées”, ajoute notre interlocuteur.
A l’intérieur de ces maisonnettes délabrées, les murs et les plafonds sont profondément fissurés et risquent à tout moment de s’effondrer. “A ce stade, nous allons finir ensevelis sous les décombres”, nous dira une vieille dame sur place. “En plus des risques de maladies à transmission hydrique qui menacent nos enfants, nous faisons face aux rats et aux moustiques qui prolifèrent en cette saison des grandes chaleurs”, nous dira-t-elle, évoquant le cas d’une femme mordue récemment au visage par un rat. Avant-hier, des représentants de la Ligue des droits de l’homme et de l’APW de Tizi Ouzou se sont rendus sur les lieux pour dresser un constat, alors qu’hier une commission d’hygiène de l’APC devait se rendre sur place.
Koceila Tighilt, Liberté 19/6/2014