Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.
On entend généralement par 'bas Moyen-âge' une période qui couvre du XIIe siècle au XIVe. Il commence avec un des siècles d'or de l'histoire de France et de sa culture, où débutent la poésie courtoise et l'art gothique : au temps de la seconde renaissance médiévale, faisant suite à celle du IXe (la renaissance carolingienne) et précédant celle du XVe.
FIN’AMOR. Si les clercs humanistes puisent avec délice chez les anciens, ils restent habillés par la religion chrétienne, contrairement à l’autre grand courant de cette période dont la religion est toute autre : celle de l’Amour et de la Dame que la chrétienté s’approprie en la Vierge et Notre Dame. C’est au XIIe siècle que les premiers chantres de la fin’amor, c'est-à-dire de l’amour courtois, commencent à officier auprès des Dames. Ils prennent le nom de ‘trouveurs’ (de l’inspiration divine de l’amour fin) : troubadours en langue d’oc et trouvères en langue d’oïl. Ils jalonnent d’autres centres culturels qui ne rassemblent pas des clercs mais des poètes dans des cours seigneuriales. Parmi les plus connus il y a ceux de Guilhem IX, de Raimbaut d’Aurenga, d’Aliénor d’Aquitaine, de Marie de Champagne, des comtes de Toulouse… Guilhem IX (1071-1126), duc d’Aquitaine et sixième comte de Poitiers, est considéré comme le premier troubadour et le premier poète de l’Europe médiévale à écrire en langue vulgaire. Sa petite fille : Aliénor d’Aquitaine (née vers 1122), est un des plus grands mécènes de l’art des « trouveurs » et mère de l’un d’entre eux Richard Cœur de Lion, de même que de Marie de Champagne qui rassemble autour d’elle des poètes célèbres comme Chrétien de Troyes surtout connu aujourd’hui pour ses romans arthuriens… C’est aussi l’époque des chansons de geste, des monastères, des Cathares, de la redécouverte de l’Orient …
Les poètes-trouveurs médiévaux, dévoilent des formes poétiques jamais utilisées, de nouvelles images, et savent jouer avec celles déjà existantes, mus par cette quête d’absolu et le savoir jouir pleinement du moment présent. L’extase qui en résulte trouve le plus souvent sa justification dans la recherche de l’être aimé et sa concrétisation dans sa découverte et le dialogue amoureux qui s’en suit, car elle est un partage que seul l’amour peut dévoiler. Il est à remarquer que l’Amour courtois n’est nullement emprunt de religion. Il n’est pas même une inspiration. La fin’amor se trouve. Le poète a une conscience aiguë du moment, de soi et de l’autre qu’il exacerbe dans le seul but de la communion. L’enthousiasme se transforme en partage, plaisir et amour. Par là, le trouveur se transcende et transmue et est transcendé et transmué par l’autre. Il n’est pas l’interprète d’une divinité, mais celui d’un être ou d’une entité concrets avec qui il communique pleinement dans un jeu toujours renouvelé. Ainsi, rien n’est de son cru. Il est l’interprète (herméneus) de l’autre, qui lui souffle toutes les paroles qu’il articule au moment même où l’inspiration (enthousia) le saisit et où il perd la conscience de lui-même. Il découvre, dans le moment présent et l’amour qu’il ressent par l’intermédiaire d’autrui, les rythmes d’une communion sensuelle et divine qui habite la citadelle de l’âme et fait retentir et résonner de l’intérieur une part de l’instrumentation rythmique pour se manifester clairement et concrètement dans son caractère sacré et fondamental, dans toutes les finesses de l’amour humain. Son extase étant partagée n’est pas de l’ordre du délire mais de la communion et peut ainsi trouver écho dans l’âme qui habite le cœur des autres. Le poète devient alors prophète et ses chants retentissent au-delà du cercle de sa bien-aimée dans un chœur politique puisque devenant l’affaire de la Cité toute entière.
Au XIIe siècle, toute une sagesse humaniste et courtoise, pleine de finesse, d’amour et de sagesse est donc rassemblée. Elle est d’une richesse infinie, remplie de résurgences de savoirs anciens et de découvertes nouvelles notamment en poétique et en architecture. Cependant l’Inquisition et la répression des Cathares au XIIIe siècle, la perte de la Terre sainte en 1291, l’élimination de l’ordre des templiers au XIVe siècle … et les nouvelles découvertes : la Chine (avec Marco Polo : 1254-1324), les Amériques, l’Imprimerie ... font que la Renaissance du XVe siècle impose une nouvelle vision du monde, fondamentalement moderne et humaniste, qui ne voit dans les siècles qui la précédent et qui suivent l’Antiquité qu’un ‘âge moyen’ : le Moyen-âge (Ve-XVe s.).
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