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Partager la décision …. Oui mais avec qui?

Publié le 19 juin 2014 par Cathcerisey @cathcerisey

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J’ai eu l’extrême honneur d’être invitée mercredi dernier à intervenir lors de la deuxième journée du comité éthique de l’institut Gustave Roussy. Ce matin le débat était intitulé : « Décider ensemble quelle aide pour les patients, les médecins et les soignants ?». Lors de la réunion de préparation, j’ai été relativement surprise de voir qu’une fois encore les problématiques soulevées n’étaient pas les mêmes et que le terme « ensemble » n’était pas compris de la même manière que l’on soit patient ou professionnel.

Entre professionnels

Pour ces derniers, il s’agit déjà de parvenir à réfléchir et décider entre eux de la meilleure prise en charge pour le patient, notamment dans des situations critiques d’échec thérapeutique. Comment procéder pour que le médecin référent ne soit pas seul à décider de continuer les soins ou de les arrêter ? Comment faire participer à la décision des services comme ceux des soins palliatifs ou des soins de support. Quels sont les obstacles organisationnels ? Comment formaliser des réunions de concertation pluri- professionnelles (et non plus seulement pluri-disciplinaires) comme les RCP d’APPUI (Appui à la prescription pour usage individualisé) ou dit de recours proposées dans le plan cancer 3.

C’est évident, lorsque la maladie échappe à tout contrôle, il faut décider la mise en place d’une prise en charge différente qui fait appel à d’autres compétences.

On le comprend aisément, l’oncologue ne peut être seul face à une décision aussi importante. Le médecin ne peut, ne doit pas prendre toute la responsabilité d’un choix si lourd de conséquences pour lui, pour le patient et pour la société.

Pour lui d’abord qui décide la plupart du temps seul selon ses convictions, son histoire personnelle, sa propre éthique envahi par les questionnements, le stress voire la culpabilité face à ce qui peut passer pour un échec.

Pour les patients qui seront soumis à une prise en charge oncologue-dépendante et donc très inégalitaire. Certains devront subir les effets secondaires de chimios inutiles tandis que d’autres seront confiés bien plus tôt aux services de soins de support ou palliatifs. Or de nombreuses études attestent que la prise en charge en soins palliatifs le plus en amont possible non seulement améliore la qualité de vie mais aussi prolonge de plusieurs mois la durée de celle-ci.

Pour la société enfin qui paie aujourd’hui le prix fort pour des chimios onéreuses prescrites alors qu’il n’y a plus d’espoir. 8% des dépenses concernant les chimiothérapies sont administrées dans les 8 derniers jours de vie alors que l’on sait que ces traitements sont extrêmement mal supportés et ne servent à rien.

Mais il y a des réticences à parler de la mort dans notre culture occidentale. Pour tous, patients mais aussi professionnels, le passage en soins palliatifs préfigurent une fin rapide. Ils sont pourtant aujourd’hui d’excellents services d’accompagnement dans lesquels l’humain reprend toute sa place, où le « care » prend le pas sur le « cure » mais ils souffrent de l’image persistante des ancestraux mouroirs qui bien sur font peur à tous.

Quoi qu’il en soit ce genre de décision dot-elle être la seule prérogative des professionnels ?

Et …. avec les patients

Quid des volontés du patient ? Chacun d’entre nous a la possibilité de renseigner des directives anticipées (Loi du 22 Avril 2005) permettant d’exprimer nos souhaits concernant notre fin de vie au cas où nous ne serions plus en capacité de les exprimer. Combien d’entre nous connaissent ce dispositif bien souvent évoqué par les équipes trop tard entre deux portes et sans précaution ? Mon amie Giovanna Marsico, directrice de la plateforme Cancer Contribution, fait une proposition intéressante sur le sujet : pourquoi nos volontés au cas où les choses tournent mal ne seraient pas recueillies très en amont, par notre médecin traitant par exemple alors que nous sommes en bonne santé. Parler de la mort ne tue pas plus vite !

Mais, à mon avis, au delà de ces cas extrêmes et douloureux, décider ensemble peut se concevoir bien plus tôt.

Dès l’entrée dans la maladie, les équipes nous prennent en charge pour tenter de nous guider dans ce parcours du combattant. Aujourd’hui, ils auscultent, dissèquent, analysent, et décident collégialement de la thérapie la plus adaptée lors des RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire), à charge pour l’oncologue d’expliciter le traitement et de convaincre le patient du bien fondé de la décision des médecins. L’oncologue référent va, en effet, avoir la lourde tâche d’exposer au patient le protocole décidé avec ses pairs et cherchera par tous les moyens à faire adhérer le patient à ce choix.

Dans la plupart des cas, le protocole proposé correspond à des guidelines bien précises et ne mérite à priori pas de discussion. Néanmoins ce ne sont que des référentiels qui d’ailleurs bougent en fonction des nouvelles études et des innovations fulgurantes en cancérologie ….. Dans d’autres, des alternatives thérapeutiques sont possibles ou dans les cas de traitements adjuvants comme la chimio ou l’hormonothérapie dans le cancer du sein l’incertitude sur les bénéfices demeure. Quoi qu’il en soit, les personnes présentes lors des réunions décident ensemble in fine de ce qui sera le mieux pour le patient … de leur point de vue.

De leur côté, certains malades sont ravis de s’en remettre à l’avis des professionnels, sans chercher plus loin. Le célèbre « que feriez-vous à ma place Docteur ? » résonne souvent dans le colloque singulier. D’autres en revanche ont besoin de plus d’informations qu’ils trouvent auprès du médecin, d’internet, de leurs pairs, ils veulent s’impliquer d’avantage dans leur parcours afin de mieux comprendre et de mieux accepter leur traitement.

Aujourd’hui les RCP rassurent tout le monde : le médecin supporte avec d’autres les responsabilités, l’état qui assure ainsi une volonté d’égale prise en charge pour tous et le patient qui sait que les décisions ont été prises collégialement.

Or, on parle beaucoup de médecine personnalisée en ce moment et pourtant les patients ont une autre définition que celle des scientifiques : pour les médecins la médecine personnalisée c’est adapter le traitement aux caractéristiques de la tumeur mais pour le patient c’est aussi l’adapter à lui dans son ensemble parce qu’avant d’être malade il est un être humain avec ses propres valeurs, ses propres contraintes.

Telle femme préfèrera un traitement qui ne lui fait pas perdre ses cheveux quitte à devoir venir à l’hôpital plus souvent. Telle autre seule et avec des enfants en bas âge, acceptera d’avantage une chimio orale quitte à subir des effets secondaires plus importants.

Une étude récente des laboratoires Roche, auprès de femmes atteintes d’un cancer du sein et leurs infirmières a montré que ces patientes ne souffraient pas des temps d’attente très longs avant une chimio ambulatoire. Elles en profitent pour parler aux infirmières ou entre elles et trouvent ces moments importants. A l’heure des thérapies orales qui sont présentées comme une innovation majeure, il est intéressant de voir que finalement elles ne conviendront pas à toutes.

Dans certains centres comme Léon Bérard à Lyon, une consultation pré RCP a été instaurée. C’est un moment de discussion pendant lequel le médecin référent se renseigne sur les préférences et les valeurs du patient, ce qui est de son point de vue, possible ou qui relève de l’impossible. Ces renseignements sont précieux pour les médecins qui se réuniront forts d’éléments qui peuvent être essentiels dans les choix de thérapies futures …

Il ne s’agit évidemment pas de laisser le patient décider tout seul mais bien de décider ensemble, de trouver un compromis. Parce qu’on accepte mieux quelque chose que l’on a compris et quand on a fait soi-même une partie du chemin. Cela suppose pour le médecin d’informer, de se mettre en position d’entendre les besoins et les préférences et d’éventuellement négocier pour arriver à un point de convergence qui sera acceptable pour les deux.

En France les réticences sont nombreuses : le manque de temps est un frein non négligeable car le partage de décision nécessite évidemment un préambule : une information claire et compréhensible par le patient qui doit connaître tous les enjeux. Viennent ensuite les problèmes de formation des médecins, et du partage des responsabilités, et last but not least un mode de fonctionnement paternaliste préexistant chez nous plus que partout ailleurs. Pourtant ce mode de prise en charge devient la norme dans certains pays notamment la GB et le Canada.

Quoi qu’il en soit, les patients sont de plus en plus informés et demandeurs de ce mode de décision qui permet de prendre en compte leurs besoins. Le cancer impacte tous les aspects de l’existence, il est absolument nécessaire d’établir un partenariat médecin/patient afin que ce dernier puisse vivre le mieux possible cet accident de vie. Nous avons tous un seul but, celui de guérir mais pour que le malade puisse se reconstruire ce n’est pas seulement sa vie qu’il faut préserver mais aussi la qualité de celle-ci..

Comme d’habitude, soyons positifs, les médecins français viendront petit à petit à ce concept de décision partagée avec des patients de plus en plus informés et désireux de s’impliquer. La haute autorité de santé a récemment mis en ligne un état des lieux que je vous engage à consulter en suivant ce lien . Un premier pas à saluer ! Laissons le temps faire son œuvre !

Et vous avez-vous eu le sentiment d’avoir été  associé à la décision ?

Catherine Cerisey

Merci au Comité d’Ethique de l’Institut Gustave Roussy de m’avoir invitée pour cette matinée passionnante et mention particulière à Giovanna Marsico et au Docteur François Blot qui font un travail formidable et font incontestablement avancer les choses !


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