Récemment un commentaire sur un de mes posts spirituels m’enjoignait de ne pas mélanger gastronomie et spiritualité, et en tout cas de ne pas utiliser les réseaux de bloggeurs gastronomes pour parler de religion. C’est aussi la faute de mon blog un peu bâtard : il est du coup répertorié à la fois chez les blogueurs culinaires et à la fois chez les blogueurs cathos. Du coup, je dois remercier la commentatrice : elle m’a fait me bouger mes neurones pour vous livrer ce billet. (nota bene, ceci n'est pas un réponse vindicative à son commentaire...)
J’ai un léger souci avec le concept du compartimentage des choses de la vie: je n’arrive pas à me saucissonner. Quand je fais quelque chose, quand je vis quelque chose, c’est tout mon « moi » qui y participe. Mon corps et mon âme. Quand je suis au travail, je gère mes budgets, je programme des sommes (indécentes) dans des campagnes de com, je me prends la tête avec mes collègues. Normal. Tellou au travail. Mais Tellou au travail, c’est aussi la femme (amis des stilettos bonjour..), la féministe (comment ça, j’ai des post-its roses parce que je suis une fille ?), la catho (révoltée par lesdites sommes indécentes quand des travailleurs gagnent 150 euros par moi sur les chantiers), la gourmet (petites salades préparées par bibi pour la lunch box) etc... Quand je travaille, rien de tout cela n’est mis de côté. De la même manière, quand je fais une activité « catho », je n’en suis pas moins pour autant une femme, qui travaille, gourmande et gourmet etc…. Je ne me vis pas saucissonnée, requise d’utiliser seulement telle ou telle part de ma personnalité ou telle compétence pour une activité précise.
Je suis aussi stupéfaite que nous vivions (enfin, surtout en France…je me sens moins concernée ici au Moyen Orient) dans un monde qui a peur à ce point de la dimension spirituelle des personnes. Alors que par ailleurs, on ne va pas en faire un plat quand une blogueuse culinaire met aussi en ligne une photo de ses petits enfants (c’est une grand-mère donc…ya pas que le thermomix dans sa vie), ou nous parle de son jardin (elle n’est donc pas enchaîné aux fourneaux par un mari machiste et rétrograde).
Alors quoi ? Peur de la contamination (il va me convertiiiiir !), peur d’être confronté à des idées qui pourraient me choquer, peur du regard des autres (la honte de dire que l’on est croyant ou que l’on s’intéresse aux discussions spirituelles!). En Europe, on enterre tout ça : tu es tout ce que tu veux, mais s’il te plait, pour ton propre bien, ne dis pas que tu es catho/musulman/bouddhiste/etc…Comme si le corps et l’âme pouvaient se saucissonner. Comme si l’un n’était pas influencé par l’autre. Pour les cathos, on ne serait donc « catho » que les dimanches à la messe ou lors des groupes de prières, où l’on discuterait de choses cathos, avec nos pairs qui nous comprennent . Passée la porte pour retourner dans le « monde normal », nous ne serions plus « le cul-béni » du dimanche.
Et bien non, ça ne marche pas comme ça. Nous n’avons pas à vivre notre foi de manière compartimentée. Nous n’avons pas à être des beaux salauds au bureau en semaine et aller se laver la conscience sur les bancs de l’église le dimanche. Nous n’avons pas à enlever notre habit de religieuse quand nous participons à « The Voice » Je ne parle pas seulement de pratique ici : tout croyant ne vit pas uniquement de pratique. C’est la partie immergée de l’iceberg, la partie visible ! Parce que tout croyant, quelle que soit sa religion se sent modelé, retourné, travaillé par elle. Et que l’on peut en parler non ?
Nous n’avons pas à réserver des parties de qui nous sommes à des semblables. Vous imaginez l’ennui ? Vous imaginez des fans de foot réservant leurs commentaires pour leurs potes du stade ou ceux du café et c’est tout ? Et puis hop, en dehors du stade, on ne parle plus de foot ? (je sais…certains d’entre vous, trouvent qu’en fait ce serait super, surtout en ces temps d’overdose due au Mondial). C’est le mélange qui est intéressant ! C’est de sortir hors de ses zones de confort où tout le monde est d’accord avec tout le monde pour aller voir ailleurs ce qui s’y passe et y être influencé aussi ! Et en matière de religion, en tout cas chrétienne, ce n’est pas faire du prosélytisme, c’est juste vivre, dans son temps, avec son temps.
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. (…) La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. » Constitution Pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps « GAUDIUM ET SPES », Concile de Vatican II