La visite de Pompéi m'a beaucoup marquée. C'est à la fois stupéfiant et terriblement émouvant. Je m'étais imaginé un village... c'est une véritable petite ville, qu'il serait impossible de parcourir dans sa totalité en une seule journée. Et tout n'a pas encore été fouillé, une grande partie reste encore à découvrir... Rues, maisons, magasins, bars, édifices publics, alimentation en eau, chauffage... c'est hallucinant de constater à quel point les Romains avaient déjà tout inventé ! Reprenons l'histoire :
Pompéi est se situe en Campanie (près de Naples). Fondée au VIe siècle avant JC, elle est détruite en même temps qu'Herculanum, Oplontis et Stabies, lors de l'éruption du Vésuve en l'an 79. Recouverte par plusieurs mètres de sédiments volcaniques, préservée des intempéries et des pillages, elle tombe dans l'oubli pendant quinze siècles. Les fouilles entreprises à partir du XVIIIe siècle permettront d'exhumer une ville florissante, précieux témoignage de l'urbanisme et de la civilisation de la Rome antique. Le site archéologique est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997.
Le site
La ville était au cœur d'une riche région, la Campanie, que les Romains qualifiaient de « Terre des dieux » pour sa fertilité, sa proximité avec la mer et son climat. Le côté sud-ouest domine la mer, mais le tout est surplombé au nord par le Vésuve. Le volcan, éteint depuis plusieurs siècles, n'était pas une source d'inquiétude pour les habitants de la région. Ils n'en ignoraient toutefois pas la nature, mais la terre, riche comme le sont tous les sols d'origine volcanique, permettait, en particulier, la culture de la vigne, favorisait l'afflux de population et la prospérité de la ville. Pompéi comptait alors environ douze mille habitants.
Pompéi est fondée avant le VIe siècle avant JC (peut-être au VIIe ou VIIIe). Elle n'est d'abord qu’une base pour contrôler les débouchés de l’arrière-pays, très fertile. La cité est sujette des Étrusques pendant presque cinquante ans. Elle retourne ensuite dans la sphère d'influence des Grecs, avant d'être englobée dans la zone d'expansion des Samnites au Ve siècle avant JC. Les Samnites agrandissent notoirement la ville, édifiant alors le centre historique dont les vestiges sont aujourd'hui encore très importants.
Pendant ce temps, Rome avait entrepris son avancée progressive vers l'Italie du Sud et avait commencé à mettre à mal la résistance des populations italiques. Les peuples samnites durent eux aussi se soumettre après cinquante longues années de guerre. Pompéi devient colonie romaine : les riches colons romains remplacent alors les habitants chassés de leurs demeures et s’installent principalement dans de grandes villas bâties sur le flanc du Vésuve, à l’emplacement des remparts primitifs.
Pompéi continue à s'agrandir et à se développer dans tous les domaines, en particulier dans le secteur économique, largement favorisée par son arrière-pays fertile et par sa position géographique enviable. Toutes les activités liées au commerce et au trafic maritime progressèrent. Les fertiles sols volcaniques sont propices à la culture de la vigne, et la mer est poissonneuse. La qualité de vie s'améliore pour une grande partie des différentes classes sociales.
En 62, Pompéi et les nombreux centres établis à proximité du Vésuve sont endommagés par un important tremblement de terre qui détruit une grande partie des édifices publics et privés. Des travaux de restauration sont immédiatement entrepris, mais beaucoup de maisons et d'édifices publics étaient encore en phase de consolidation et de restauration lors de l'éruption en 79.
Vers 70, la cité subit une nouvelle série de secousses telluriques : une partie des habitants quittent la ville pour des lieux plus sûrs, vendant leurs possessions à très bas prix à des habitants moins craintifs... qui acquièrent ainsi de grandes propriétés.
Le 24 août 79, l'éruption du Vésuve entraîne la destruction de la ville. Pompéi est engloutie sous une épaisse couche de matériaux éruptifs, jusqu'à 2,8 m de scories et quelque 1,8 m de cendres. À Herculanum, les dépôts de matériaux éruptifs atteignent plus de 20 m. Les habitants qui n'ont pas pris la fuite à temps trouvent la mort à la suite de l'écroulement de leurs maisons sous le poids des pierres ou asphyxiés par les nuées ardentes.
Un site archéologique exceptionnel
Du fait de son état de conservation remarquable, Pompéi constitue un témoignage inestimable sur la Rome antique.
Il est maintenant possible de remonter plus loin dans le temps, aux origines de la ville. Il a ainsi été retrouvé, en certains endroits, jusqu'à trois couches de sédiments correspondant à trois siècles bien distincts, les VIIIe, IVe et IIe siècle avant JC, fournissant des informations précieuses sur la colonisation de la Campanie avant l'ère romaine.
Les fouilles ont mis au jour une ville figée au moment exact de l'éruption, il y a plus de 1 900 ans. L'état de conservation du site provient de la couche de matériaux éruptifs — jusqu'à 7 mètres — qui a recouvert le site et l'a protégé des pillages et des intempéries. Les cendres ont également brûlé tous les tissus vivants, puis se sont déposées, créant à la fois une gaine protectrice et une image en creux de l'objet détruit. Grâce à l'ingénieuse technique de moulage développée par Giuseppe Fiorelli, on peut voir aujourd'hui les victimes dans l'attitude où la mort les a surpris. Certains tentèrent de fuir, de protéger leurs enfants ou de mettre leur magot à l'abri. D'autres sont restés terrés dans leur maison.
La redécouverte
Au cours des siècles suivants, le terrain de la ville est occupé sporadiquement. Son nom et son emplacement sont progressivement oubliés, tombant dans l'anonymat.
En 1592, au cours des travaux de creusement d'un canal, l'architecte Domenico Fontana découvre quelques plaques de marbre, des pièces de monnaies puis des édifices antiques, aux murs recouverts d'inscriptions ou de peintures. Mais les travaux finis, Fontana fait recouvrir de terre la tranchée... Cet acte a été perçu à la fois comme de la censure (en raison de la teneur érotique de certaines peintures) ou une préservation volontaire dans le climat hostile de la Contre-Réforme.
En 1709, des fouilles sont menées dans la région à l'instigation du prince Emmanuel-Maurice de Lorraine, comte d'Elbeuf, amateur d'histoire. Ayant fait l'acquisition d'un champ où on avait découvert des débris de marbre, il fait creuser des puits et des galeries et met au jour trois statues qu'il offre au prince Eugène de Savoie. Il découvre ensuite d'autres statues qui vont enrichir le cabinet de curiosités de sa villa. Cette demeure est acquise en 1734 par le nouveau roi de Naples, Charles III d'Espagne, qui s'intéresse aux objets qu'elle abrite. En 1738, il fait reprendre les fouilles et en confie la responsabilité à l'ingénieur-arpenteur Roque Joaquín de Alcubierre. La découverte d'une inscription permet alors d'identifier le site à l'ancienne cité d'Herculanum. En avril 1748, Alcubierre interrompit les fouilles d'Herculanum et en entreprend de nouvelles fouilles dans la région de Torre Annunziata. Dans cet endroits, la couche de sédiments et de cendres est plus fine et les objets plus faciles à extraire. Comme c'est la moisson d'objets d'art qui détermine les priorités, de nouvelles découvertes spectaculaires à Herculanum détournent pourtant Alcubierre du second site. Les travaux n'y reprennent qu'en 1755. Les techniques de fouille sont déplorables : on détruit les pièces jugées indignes d'être exposées et on remblaie les édifices fouillés après les travaux. Lors de son séjour en Italie, l'érudit allemand Johann Joachim Winckelmann est consterné par ces pratiques et les dénonce.
L'identification du second site se fait avec la découverte d'une inscription faisant référence à Res Publica Pompeianorum puis sur le piédestal d'une statue brisée de marbre blanc : « Le tribun Titus Suedius Clemens, par ordre de l'empereur Vespasien Auguste, ayant pris connaissance des causes et fait relever les mesures, a restitué à la ville de Pompéi les terrains du domaine public qu'avaient envahis des particuliers ». Il y avait là une cité appelée Pompéi !
Karl Weber, qui succède à Alcubierre, met un terme aux pratiques consistant à détruire tout ce qui n'est pas intéressant et dresse un plan des fouilles. À sa mort, un officier du génie espagnol, Francesco La Vega lui succède en 1764. Les autorisations de visiter le site sont accordées avec parcimonie et ceux qui les obtiennent ne sont pas autorisés à prendre de notes ou à faire de dessins ou de plans. À cette époque, tout individu cultivé se devait d'effectuer ce que l'on appelait le Grand Tour : un voyage à travers l'Europe, dont un séjour en Italie constituait une étape indispensable pour se forger une culture classique, et les sites de Pompéi et d'Herculanum font bientôt partie de ce circuit. Mozart visite Pompéi en 1770, Goethe en 1787.
Bientôt, tous les efforts se portent sur Pompéi. La découverte du Temple d'Isis suscite une immense curiosité et fut un des déclencheurs de l'égyptomanie. En 1771, la découverte de dix-huit squelettes provoque une vive émotion. Au cours des années 1780, La Vega s'efforce de conserver certaines peintures sur place, plutôt que de les enlever, ce qui constitue un nouveau progrès. On commence également à reconstituer des éléments des structures des habitations. Il s'agit de conserver, avec beaucoup de précautions, la décoration des murs et les mosaïques, ainsi que les objets d'art ou de la vie de tous les jours, afin de procurer au visiteur une sensation de vie au fort impact émotif.
Au début du XIXe, on note un recul de l'activité sur le site, par manque de moyens financiers. Les visiteurs de marque continuent à affluer sur le chantier. Maintenant que des peintures sont laissées en place, pour l'agrément des visiteurs, on les arrose pour aviver leurs couleurs ! Le roi, qui souhaite que ses hôtes puissent visiter Pompéi en tout confort, fait même enlever certaines des pierres qui permettaient de traverser les rues dans l'Antiquité, de façon à ce que les calèches puissent y circuler... En 1822, une nouvelle éruption du Vésuve dépose sur les ruines une couche de cendre qu'il faut déblayer.
Une nouvelle phase commence en 1860, avec le directeur des fouilles nommé par Victor-Emmanuel II, Giuseppe Fiorelli, directeur du musée national de Naples, à qui l'on doit l'ingénieuse méthode de moulage grâce à laquelle furent reconstituées quelque 1 150 corps humains, sans compter les animaux, les arbres et les objets en bois. Fiorelli établit un plan des rues de Pompéi et veille à ce que tout soit préservé du mieux possible. Après Fiorelli, la direction des fouilles est assurée par deux de ses disciples, qui poursuivent les travaux dans son esprit.
Au début du XXe siècle, on dégage la rue de l'Abondance sur une longueur de 600 m. Ces fouilles permettent de mieux connaître la vie économique de la cité, avec ce qui était sa principale artère commerciale. Spinazzola s'est également attaché à reconstituer les maisons en élévation, chose qui avait été négligée par ses prédécesseurs. La direction des fouilles est ensuite confiée à Amedeo Maiuri, qui étudie, inlassablement pendant trente-sept ans, l'archéologie pompéienne et campanienne. Sous sa direction, les régions I et II sont presque complètement dégagées.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'aviation alliée bombarde le site, croyant qu'il était occupé par des troupes allemandes. Plusieurs édifices sont endommagés.
En 1980, Pompéi a connu un tremblement de terre qui a fait peu de dégâts, mais a fragilisé de nombreux édifices. Une restauration a lieu dans les années 1980 et 1990.
Le début du XXIe siècle voit surgir de nouveaux doutes sur l'état de conservation du site et la qualité du travail de restauration des autorités, qui ont utilisé des matériaux modernes (béton) bien trop lourds. En 2008, Pompéi est placé sous la responsabilité de la Protection civile en vertu d’une déclaration d’état d’urgence, ce qui a pour effet de déposséder la surintendance du site et de permettre aux entreprises de restauration de déroger aux procédures des marchés publics, source de corruption et d'incompétence. À la suite de l'effondrement de la Schola Armaturarum, également connue sous le nom de Schola Iuventutis en 2010, l'UNESCO a en décembre de la même année envoyé des experts chargés de vérifier l'état de délabrement des vestiges. En 2012, 10 % seulement des maisons sont ouvertes aux visites et cinq zones sont ouvertes contre cinquante dans les années 1960.
Depuis, d'autres effondrements ont eu lieu...
En février 2013, est lancé le « Grand Projet Pompéi » avec une participation de l’Union européenne : ce projet vise à restaurer cinq maisons endommagées et créer un système de drainage des eaux pluviales afin de protéger les ruines de l’humidité. Cependant, la Camorra est accusée de faire pression sur les surintendants du site, et ce depuis l’ouverture des fouilles au XIXe siècle, de détourner les subventions de restauration en rackettant les entreprises appelées à intervenir sur le chantieret ainsi d'avoir intérêt à ce que les éboulements subsistent pour continuer à bénéficier des financements publics...
La crise économique que subit l'Italie à la fin des années 2000 et le désengagement de l'État consécutif font qu'il ne reste quotidiennement que 6 ouvriers et 25 gardiens peu regardants sur l'immense site dont la restauration est confiée à des entreprises privées incompétentes, ce qui explique l'existence d'éboulements masqués (certains ne sont pas déclarés), de fouilles clandestines, de vols d'objets ou de fresques, de chiens errants dont la stérilisation s'est révélée inefficace, etc.
Visitée en 2007
D'après Wikipédia