Refusons d’ameliorer ce qui nous abîme

Par Lukasstella

Un changement de perspective utilisant des pratiques révolutionnaires, anarchistes,
marxiennes, dialectiques, situationnistes, écologiques, psychanalytiques,
constructivistes radicales, sceptiques, pragmatiques, situationnelles...

ATHÈNES SUR UN VOLCAN
Yannis Youlountas, décembre 2014, membre de l'assemblée d'occupation de l'Ecole Polytechnique à Athènes

TANT QU'IL Y AURA DES BOUILLES...
La ZAD de Sivens dans le Tarn, une expérience libertaire
Yannis Youlountas

ÉLOGE DE L'OISIVETÉ
Bertrand Russell, 1935 (extraits)

CONTROVERSE SUR LA SOCIÉTÉ DU SPECTACLE
Lettre de Jean-Pierre Voyer à M. Bueno, 1998 (Extrait)

L'ANARCHISTE OMAR AZIZ
et l'auto-organisation dans la révolution syrienne
Leila Shrooms, Tahrir-ICN, août 2013 (suivi de "Repose en victorieux",
"Auto-organisation dans la révolution du peuple syrien",
"Un anarchiste syrien conteste la vision binaire rebelle/régime de la résistance").

A ROADMAP TO A JUST WORLD "Une feuille de route vers un monde juste, le peuple ranimant la démocratie",
Discours de Noam Chomsky au DW Global Media Forum, Bonn, Allemagne, juin 2013

L'INVENTION DE LA CRISE, Daniel Durouchoux, Échanges, la revue des dirigeants financiers,
Commentaire de
Lukas Stella, juillet 2012

PAR-DELÀ L'IMPOSSIBLE, Raoul Vaneigem, avril 2012

ET PUIS APRÈS ?Paul, mars 2012

CHOISIR SON MAÎTRE N'EST PAS UNE LIBERTÉ,Lukas Stella, mars 2012

LE MOUVEMENT DES OCCUPATIONS AUX ÉTATS-UNIS , Interview de Ken Knabb, novembre 2011

Dans la crise généralisée de la pourriture marchande,
LE TERRORISME D'ÉTAT EST L'ARME DE GUERRE CENTRALE
DU GOUVERNEMENT DU SPECTACLE MONDIAL,
L'internationale, juillet 2011

POUR UNE NOUVELLE INTERNATIONALE,Message d'une insurgée grecque, décembre 2008

LETTRE OUVERTE DES TRAVAILLEURS D'ATHÈNES À SES ÉTUDIANTS,Des prolétaires, décembre 2008

L'ÉTAT N'EST PLUS RIEN, SOYONS TOUT (extraits) Raoul Vaneigem, juillet 2010

Le logo du FN est une copie conforme du logo du MSI. LES FACHISTES S'AFFICHENT EN SE CACHANT !
Les origines historiques du Front National, quelques extraits de"Fascisme et grand capital" de Daniel Guérin,
de Guy Debord et de Raoul Vaneigem.

LA MORT À PETITES DOSES PREND SON TEMPSLukas Stella, mars 2011

TOURNANT INSURRECTIONNEL, À Londres comme partout, prenons l'offensive !
Guitoto, mars 2011

COLÈRE ET INDIGNATION, Communiqués CRIIRAD du 23 et 25 mars 2011 (extraits)

COMMUNIQUÉS DE L'OBSERVATOIRE DU NUCLÉAIRE (extraits), mars 2011

NOUS VOULONS VIVRE, Dan depuis la prison de la Santé, février 2011

DE TUNIS, UN VENT DE LIBERTÉ

ENTREVUE AVEC UN ANARCHO-COMMUNISTE
SUR LA PLACE DE LA LIBERTÉ AU CAIRE
, février 2011

RÉVOLUTION EN TUNISIE, En avant ! En avant !Parti Communiste-Ouvrier d'Iran

ALGÉRIE, 5 suicides par le feu en 5 jours

LA RÉVOLUTION MÉDITERRANÉENNE NE FAIT QUE COMMENCER , janvier 2011
Le régime de Ben Ali au bord de la rupture.
Les biens de la famille du président Ben Ali attaqués et pillés.

TUNISIE, les miliciens de Ben Ali font régner la terreur, Radio Kalima, janvier 2011
Massacre en Tunisie, plus de 80 morts - L'armée fraternise avec les manifestants...

ALGÉRIE, La chasse aux jeunes est lancée. Un jour, bientôt, ils vous chasseront !
Yahia Bounouar

STRATÉGIES À L'USAGE D'INVENTEURS D'INCROYANCES, Lukas Stella
"Stratagèmes du changement", Chapitre VIII, 2008
(Paru auxÉditions Libertaires / Courtcicuit-diffusion, FNAC...)

COURTE ADRESSE A TOUS CEUX QUI SE FIGURENT ENCORE
QUE L'ON POURRAIT GERER PLUS HUMAINEMENT
LA MERDE CAPITALISTE AU LIEU DE LA SUPPRIMER !
Gustave Lefrançais, juillet 2010

AU SECOURS ! Dans la société française,
80% des gens normaux sont des malades mentaux
, Paul, mai 2010

REFUSONS LE PIÈGE DE LA DETTE, Dominique Plihon, février 2010
Addendum inventin, Jean de Maillard, février 2010.

CONVERSATION (extraits), Raoul Vaneigem, Septembre 2009

DIX FOIS PLUS DE PASSIONS, Claude GUILLON
Sexpol N°5 du 15 octobre 1975

TACTIQUES OPÉRATIONNELLES, Lukas Stella,
"Stratagèmes du changement", Chapitre VI, 2008

CROYANCES OBJECTIVES, CAPACITÉS RÉDUITES, Lukas Stella
"Stratagèmes du changement", Chapitre V, 2008

NOUS SOMMES LE MONDE EN DEVENIR, Lukas Stella, août 2009

IMPERCEPTIBLE CONDITIONNEMENT, Lukas Stella,
"Stratagèmes du changement", Chapitre IV, août 2008

APPEL À LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE, Raoul Vaneigem, avril 2009

CONFÉRENCE DE HEINZ VON FOERSTER (extrait)

SUR LA SÉMANTIQUE GÉNÉRALE, Kourilsky-Belliard, Edward T. Hall, Alfred Korzybski, A.E. van Vogt,
Bernard Wolfe, Gregory Bateson (extraits)

L'HOMME UNIDIMENSIONNEL, Herbert Marcuse, extraits de la préface, 1967

ÉCRAN DE FUMÉE SUR POLLUTION, Lukas Stella, 2006

SANS RÉSISTANCE NI DÉPENDANCE Jules Henry et Léon Léger,
Les hommes se droguent, L'état se renforce, 1974 (Extraits)

LA FONCTION DE L'ORGASME (extrait de l'introduction) , Wilhelm Reich, 1945

SURENCHÈRES SÉCURITAIRES, Raoul Vaneigem, 2004

GUY DEBORD, Préface à la quatrième édition italienne de "La société du spectacle", 1979 (Extrait)

ALBERT EINSTEIN, Lettre à Schrödinger, 1935

Inventin, 2006

Lukas Stella, 2006

DÉPHASAGE, La machine à réduire, Lukas Stella
(extrait de la brochure "Abordages informatiques"), 2002

(extraits)

LE RÊVE DE LA RÉALITÉ Heinz Von Foerster et le constructivisme
Lynn Segal, 1988 (Extraits)

Six ans après le mois de décembre 2008, l'atmosphère est à nouveau insurrectionnelle à Athènes et ailleurs en Grèce. Tous les ingrédients sont réunis pour faire du mois de décembre 2014, peut-être, un grand moment historique. Jusqu'à quel point et à quelles conditions ?

Depuis la fin du mois de novembre, les manifestations, émeutes, actions ciblées et occupations se multiplient un peu partout en Grèce (dans le silence total des medias européens, plus que jamais des merdias à boycotter ou à bloquer et occuper). La cause principale est la situation du jeune prisonnier anarchiste de 21 ans, Nikos Romanos, qui est devenu un symbole de toutes les violences subies par la population, mais aussi du profond désir de lutter, quelle que soit la forme, et de refuser la torpeur et la résignation.

Nikos, l'ami d'Alexis Grigoropoulos, symbole des émeutes de 2008

Nikos est l'ami d'enfance d'Alexis Grigoropoulos, assassiné à l'âge de 15 ans par un policier dans le quartier d'Exarcheia à Athènes. Un quartier réputé pour ses révoltes historiques et ses nombreuses initiatives autogestionnaires et solidaires. Un quartier dans lequel la liberté, l'égalité et la fraternité ne sont pas des mots jetés à l'abandon au frontispice de monuments publics glacés de marbre. Nikos a vu son ami mourir dans ses bras le soir du 6 décembre 2008. Profondément révolté, il s'est par la suite engagé dans l'anarchisme révolutionnaire et a dévalisé une banque pour financer son groupe qualifié de terroriste par le pouvoir. Après avoir été torturé, notamment au visage, lors de son arrestation, il a finalement réussi à obtenir son bac en prison, mais se voit aujourd'hui refuser la possibilité de poursuivre ses études. C'est pourquoi, depuis le 10 novembre dernier, Nikos est en grève de la faim. Son état s'est progressivement dégradé, notamment au niveau cardiaque, malgré ses 21 ans, et il a été transféré sous haute surveillance à l'hôpital Gennimatas d'Athènes devant lequel manifestent régulièrement des milliers de personnes qui parviennent parfois à dialoguer avec lui à travers les grilles de sa fenêtre (voir la première photo de l'article connexe, dans la même rubrique). En solidarité avec Nikos, un autre prisonnier politique, Yannis Michailidis, s'est mis en grève de la faim le 17 novembre au Pirée, suivi par deux autres, Andreas Dimitris Bourzoukos et Dimitris Politis, depuis le 1er décembre. Le gouvernement grec vient de confirmer son refus de permettre à Nikos de poursuivre ses études et préfère le laisser mourir, non sans faire preuve d'ironie. Des petites phrases assassines et provocatrices qui ne font qu'augmenter la colère populaire et les nombreuses protestations des organisations anarchistes et antiautoritaires jusqu'à celles de SYRIZA, principal parti de la gauche critique, qui est annoncé vainqueur des prochains élections en Grèce. Bref, le contexte politique est particulièrement tendu, à tous points de vue.

L'Ecole Polytechnique, symbole de la chute de la dictature des Colonels

Dans cette ambiance de fin de règne, parmi d'autres initiatives solidaires, l'Ecole Polytechnique est à nouveau occupée depuis le premier décembre, 41 ans après avoir défié avec succès la Dictature des Colonels en novembre 1973, au cours d'une occupation similaire pour défendre une radio libre qui s'opposait au régime autoritaire. Les CRS suréquipés viennent d'échouer par deux fois dans leurs tentatives de nous déloger, notamment le 2 décembre au soir, à la fin d'une manifestation fleuve qui s'est terminé avec plusieurs banques dégradées ou brûlées. Parmi d'autres obstacles de circonstance, un bus a même été transformé en barricade incandescente sur l'avenue Stournari, à Exarcheia (voir les photos dans l'article connexe), et les affrontements ont duré une bonne partie de la nuit. Douze insurgés arrêtés ont été violemment frappés, au point que trois d'entre eux souffrent de fractures du crâne. L'occupation de l'Ecole Polytechnique n'a pas cédé, malgré le deversement de quantités énormes de gaz lacrymogène depuis l'extérieur, tel du napalm sur toute la zone devenue une zone à défendre. Une ZAD jumelée, ces dernières heures, avec d'autres ZAD dans le monde, notamment celles de NDDL et du Testet en France qui ont rapidement transmis leur soutien fraternel, ainsi que de nombreuses personnes et organisations de France et d'ailleurs (soutiens que j'ai tous affichés sur l'un de nos murs et annoncés en assemblée à tous les compagnons et camarades).

Ce soir-là, alors que la distribution solidaire de sérum, de mallox et de citrons battait son plein, j'ai remarqué plus de filles que jamais parmi les insurgés (voir la photo de " l'autre statue de la liberté " dans l'article connexe) et une diversité à tous les niveaux qui augure d'une ampleur et d'une radicalité sans précédent. J'ai vu et ressenti une détermination et une fraternité rarement rencontrées jusqu'ici, dans mes voyages en Grèce et ailleurs, là où l'humanité ne se résoud pas à vivre à genoux et tente, diversement, de se lever. J'ai vu la vie s'organiser autrement dès le lendemain et la chaleur des barricades se transformer en chaleur des cœurs parmi les occupants de l'Ecole Polytechnique et d'ailleurs.

Rien n'est fini, tout commence !

Car durant ces dernières heures, les lieux d'occupations se sont multipliés, rappelant le processus de décembre 2008 qui avait amené la Grèce à connaître les émeutes sans doute les plus puissantes en Europe depuis plusieurs dizaines d'années (sans toutefois parvenir à renverser un pouvoir qui s'était finalement maintenu de justesse, notamment en distillant la peur et la désinformation dans les médias). Des occupations de bâtiments publics et de groupes financiers, de chaînes de télévision et de radios, d'universités et de mairies, depuis Thessalonique jusqu'à Héraklion. Des occupations toujours plus nombreuses, ainsi commentées par Yannis Michailidis dans son dernier communiqué de gréviste de la faim, très relayé sur Internet : " c'est ce qui brise la solitude de ma cellule et me fait sourire, parce que la nuit de mardi [2 décembre], je n'étais pas prisonnier, j'étais parmi vous et je sentais la chaleur des barricades brûlantes ". Avant de conclure avec une phrase rappelant le titre du dernier livre de Raoul Vaneigem : " Rien n'est fini, tout commence ! "

Une émotion immense

Parmi les événements qui m'ont également marqué ces jours-ci, certaines assemblées de collectifs ont montré à quel point la tension est à son comble. Notamment celle de l'occupation de l'Ecole Polytechnique dans la soirée puis toute la nuit du 3 au 4 décembre. Une assemblée qui a duré plus de 9 heures, jusqu'à 5h30 du matin. Certes, quelques divergences ont justifié cette durée jusqu'au consensus finalement trouvé au petit matin et je ne rentrerai évidemment pas dans les détails de ce qui s'est dit, notamment pour ce qui est des projets en cours. Mais je peux témoigner d'une atmosphère électrique ponctuée de longs silences qui en disent long. Je peux vous dire également que le grand amphi de l'Ecole Polytechnique était, une fois de plus, plein à craquer, avec des compagnons et des camarades debout et assis un peu partout, devant des murs fraichement repeints de graffitis. Je peux vous dire que la présence du papa de Nikos Romanos, assis au milieu de la salle, avec sa chevelure longue et grise et son regard profond et digne, ne pouvait que contribuer à une émotion déjà immense, alors que son fils se rapproche chaque jour d'une mort certaine.

" Agir comme si notre propre vie était en jeu... "

Le stress et la nervosité, la gravité du moment, l'importance des enjeux, faisaient fumer presque tout le monde beaucoup plus qu'à l'habitude, au point que j'en étais presque à regretter l'irritation causée par les gazs lacrymogènes dans les rues alentours. Parmi les paroles qui ont résoné : " ce n'est plus l'heure de mettre la pression, mais de rentrer en insurrection ", ou encore des appels à " agir comme si notre propre vie était en jeu, car en vérité, c'est bien le cas pour nous tous qui vivons comme des damnés, comme des esclaves, comme des lâches " ; " il faut retrouver pleinement confiance en nous-mêmes pour parvenir à redonner partout confiance aux gens et, en particulier, pour rassembler les laissés pour compte qui devraient être les premiers à descendre dans la rue, au lieu d'attendre que la libération ne vienne du ciel ". J'ai aussi parfois entendu des paroles jusqu'au boutistes que je ne préciserai pas ici, mais qui témoignent bien du ras-le-bol immense qui traverse une grande partie de la population et la conduit à tout envisager pour se libérer des tyrans du XXIème siècle.

Des tags à la mémoire de Rémi Fraisse

J'ai vu un ancien de 1973 avoir les larmes aux yeux et songer que nous vivons peut-être un autre moment historique. J'ai lu d'innombrables tags en soutien à la grève de la faim de Nikos Romanos, mais aussi à la mémoire de Rémi Fraisse, tué par le bras armé du pouvoir sur la ZAD du Testet.

Cette nuit encore, à la veille du 6 décembre très attendu, avec une grande inquiétude par les uns et avec un profond désir par les autres, le quartier d'Exarcheia est encerclé par les camions de CRS (MAT) et les voltigeurs (Delta, Dias). Plusieurs rues sont barrées. On ne peut entrer et sortir d'Exarcheia que par certaines avenues, plutôt larges et très surveillées. La situation prend des allures de guerre civile et rappelle certaines régions du monde. A l'intérieur du quartier, comme dans beaucoup d'autres coins d'Athènes, la musique résonne dans le soir qui tombe : du rock, du punk, du rap, du reggae, des vieux chants de lutte. Dans l'Ecole Polytechnique, on a même installé deux immenses enceintes du côté de l'avenue Patission et on balance ces musiques pour le plus grand bonheur des passants qui nous soutiennent et lèvent parfois le poing ou le V de la victoire tant désirée. D'autres baissent la tête et ne veulent pas y croire, ne veulent pas voir, ne veulent pas savoir, murés dans la prison d'une existence absurde et pauvre à mourir d'ennui, si ce n'est de faim.

Le spectacle d'un monde à réinventer

Ici, ça dépave, ça débat, ça écrit sur les murs et sur les corps, ça chante, ça s'organise. La fête a déjà commencé ! Certes, elle est encore modeste et incertaine, mais une nouvelle page de l'histoire des luttes est peut-être en train de s'écrire à Athènes et au-delà. Une nouvelle page qui ne pourra s'écrire qu'en sortant de chez soi, par-delà les écrans, les " j'aime " des réseaux sociaux et le spectacle d'un monde tout entier à réinventer. Une nouvelle page qui ne pourra s'écrire qu'ensemble, en se débarrassant de la peur, du pessimisme et de la résignation.
Rester assis, c'est se mettre à genoux.

http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article55

http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article54&lang=fr

Barbacha - Iberbacen, en Tamazight - est une région de la petite Kabylie, autogérée par ses habitant-e-s. depuis fin 2012. " Barbacha n'est qu'une petite mechta laissée à l'écart de toutes les richesses de l'Algérie, résume Da Taieb, un ancien de la commune. C'est un bled pauvre, situé dans une zone montagneuse. On n'a pas de pistes, pas de routes. " Comme dans d'autres régions, les paysan-ne-s et les ouvrier-e-s de Barbacha se battent au jour le jour pour pouvoir mener une vie digne face à toutes les formes d'exploitation et d'oppression que leur imposent l'État et le capitalisme. Mais à Barbacha, autre chose s'invente aussi. Les 27 000 habitant-e-s de ces 34 villages s'auto-organisent en effet à travers l'Assemblée générale ouverte (AGO) de la population d'Iberbacen installée dans un bâtiment occupé collectivement. " Nous, à Barbacha, on a créé cette maison pour protester contre ce système qui nous écrase sans arrêt. Le système qui nous gouverne actuellement est pourri ", résume Da Taïeb. Lui et quelques autres nous ont accueillis en février 2014, nous ont raconté leur histoire et transmis des archives. Voici quelques esquisses de ces chemins tracés par le peuple de Barbacha. Des pistes pour toutes celles et ceux combattant pour l'émancipation partout dans le monde.

Une tradition d'insoumission et d'autonomie

La région de Barbacha se place dans la continuité des résistances berbères à toutes les colonisations. Et dans celle des combats pour la culture et la langue Tamazight. Elle s'inscrit dans la longue histoire des luttes du peuple kabyle pour l'autonomie et l'indépendance. La région cultive ainsi des pratiques d'entraide et de solidarité, d'insoumission et d'insurrection qui se transmettent de génération en génération. " C'est un mouvement qui est né en 1979. Et ce combat pour la culture, pour la langue, pour tout, continue. Parce qu'on n'est pas indépendants ! ", affirme Da Elhamid, un ouvrier de Barbacha-centre.

Comme la plupart de la Kabylie, la région s'est soulevée en 2001. Outre l'obtention de droits culturels, ces révoltes ont permis aux habitant-e-s de se débarrasser de nombreux commissariats et gendarmeries qui entravaient toute forme de lutte et de vie sociale autonome.

En plus du harcèlement, du racket et des brutalités systématiques, l'État algérien applique de longue date à la Kabylie une stratégie de la tension basée sur le meurtre et l'enlèvement de civils, une forme de contre-insurrection permanente. Face à ce régime d'exception, le peuple ne se laisse pas faire. En 2001, il expulse ainsi les forces policières et militaires de la région de Barbacha et incendie leurs locaux. Mabrouk, un professeur d'anglais de la Commune, explique que la population est alors restée treize ans sans services de sécurité, ni gendarmerie, ni police. Treize ans pendant lesquels il ne s'est commis aucun délit ou infraction. Amazigh, un jeune de la région estime ainsi que la gendarmerie " ne sert à rien. Au contraire, elle opprime. Elle est pas là pour notre sécurité. Depuis douze ans, on s'est organisés en comités de villages. Chaque village assure sa sécurité, par ses habitants ". C'est dans cette expérience d'auto-défense collective qu'ont émergé de nouvelles formes d'auto-organisation communale. Mabrouk développe : " On s'est organisés. Chaque village doit avoir un responsable. Et les gens du village s'organisent ensemble. S'il y a un ennemi qui veut entrer, on va faire un poste de sécurité, de nuit, on va s'organiser avec l'aide de tout le monde, avec des équipes. " Il raconte qu'au bout de quatre ans, les gens ont pris l'habitude de vivre sans ces équipes de sécurité. " Mais dès qu'il y a un problème, tout le monde va venir, tout le monde va s'organiser et lutter. " À Barbacha, il n'y a pas non plus de tribunaux d'État : la justice est rendue selon le modèle traditionnel des Aarchs, les conseils des sages.

La fermeture de la Daïra et son remplacement par l'Assemblée générale ouverte

Le conflit direct avec l'État algérien et ses structures est reparti de plus belle durant la préparation des élections municipales de novembre 2012. À cette époque, le wali (préfet) Hemmou Hmed Et-Touhami refuse en effet d'enregistrer la liste du PST soutenue très largement par les habitant-e-s de Barbacha. Ces derniers décident alors de se battre pour qu'elle soit enregistrée. Et ils obtiennent gain de cause. Aux élections du 29 novembre, le PST recueille finalement 39 % des voix, avec six élus sur quinze. En clair, la liste est majoritaire. Sauf que les quatre autres partis en lice nouent alors une alliance pour imposer un autre maire, Benmeddour Mahmoud, du RCD3. Et ce, malgré l'existence d'une loi stipulant qu'il revient à une liste ayant obtenu plus de 35 % des suffrages de proposer le nouveau maire. L'élection se tient sans même la présence des membres de la liste PST, qui n'ont pas été prévenus. Cette " honteuse alliance ", comme l'ont nommée les habitant-e-s de Barbacha, réunit le RCD, le FLN4 et le FFS5, partis censés être en opposition dans leur lutte pour le pouvoir d'État.

La population de Barbacha se soulève alors contre cette manipulation. Elle ferme la Daïra, puis la mairie, et réquisitionne collectivement la salle des fêtes pour créer l'Axxam n Caâb - la maison du peuple - où se réunit depuis lors l'Assemblée générale ouverte (AGO) des villages de Barbacha. Une banderole y trône : " Vive la lutte, car seule la lutte paye ".

Au sein de cette assemblée, seuls l'alcool, les drogues et " le manque de respect " sont interdits par décision collective. Da Taïeb explique le fonctionnement : " Dès qu'il y a un problème, on se réunit, on prend des décisions, notre parole passe, c'est notre force, la loi du peuple. [...] Cette maison, on l'a acquise avec nos forces. Personne ne peut la fermer, et ici on parle de ce qu'on veut, on dit ce qu'on veut. Pas question que quelqu'un nous marche sur les pieds. " Da Elhamid, le soudeur, ajoute : " Tout le monde a le droit à la parole. Et y a des gens qui sont là, qui sont volontaires, c'est la démocratie, la vraie démocratie, parce que ça vient du peuple. [...] On s'organise pour les marches, pour les cotisations, pour tout tout tout. Il faut toujours combattre. "

Mabrouk, un professeur d'anglais d'une trentaine d'années, précise : " On lutte contre la corruption, pour la dignité du peuple. " Face au " pouvoir d'État " qui les décrit comme " une mafia de jeunes qui passent la nuit dans une maison ", Mabrouk explique que viennent à l'Axxam n Caâb " des paysans, des intellectuels, des artistes ". " C'est un endroit libre à 100 % : y a pas un courant, soit religieux, soit politique, à l'intérieur de cette maison, il n'y a pas les idées de PST ni de l'alliance ni de FFS, mais celles des paysans, des habitants. " Après chaque assemblée, quelqu'un prend en charge l'écriture d'un communiqué qui est dispatché aux prisons, aux citoyens, et affiché sur tous les murs des villages de la commune. Il est même envoyé aux services de sécurité. " Parce qu'on fait pas ça en cachette ! ", confie Mabrouk.

Peu à peu, l'Assemblée générale ouverte des habitant-e-s de Barbacha remplace la gestion centralisée et autoritaire de la mairie. Se limitant d'abord à la lutte contre l'État, elle s'étend peu à peu vers différents domaines de la vie collective. Un cheminement par la base ancré dans une histoire particulière.

Autonomie de la lutte et lutte pour l'autonomie

C'est dans le combat contre l'installation du maire frauduleux par l'État et les grands partis que s'auto-organise la Commune de Barbacha. Alors que l'escroc tente de s'installer à l'APC (Assemblée populaire communale, c'est-à-dire la mairie), accompagné d'un huissier de justice, la foule se rassemble une première fois pour l'empêcher d'y accéder. Résolus à régler définitivement le problème, les habitant-e-s décident de bloquer tout accès à la mairie. Des centaines d'entre eux, y compris des militants du FFS et du RCD en désaccord avec les élus de leurs partis, se mobilisent jour et nuit, occupant et bloquant tous les services municipaux (état civil, etc.) et interdisant la moindre réunion des élus fantoches.

" L'intérêt de la commune, qui est dans un état de stagnation, passe avant tout autre intérêt, et notre intérêt aujourd'hui est de remettre Barbacha sur ses rails ; ceci passe simplement par la démission de tous les élus ", annonce le deuxième communiqué de l'AGO (30 décembre 2012). Le communiqué n°3 pointe, quant à lui, les stratégies de pourrissement exercées par l'État à l'encontre de la population, afin de créer des divisions parmi les mobilisé-e-s. Ce texte appelle à la fois à la dissolution de l'APC, à la nomination d'un chef de Daïra provisoire pour gérer les affaires administratives et à un rassemblement le 5 janvier au siège de la Wilaya à Béjaïa. L'assemblée signe " Aux peuples et populations du monde luttant pour leur réelle souveraineté : bonne et heureuse année 2013 de luttes solidaires et d'acquis. "

Pour se rendre à Béjaïa, il faut parcourir une quarantaine de kilomètres. Pas tout à fait la porte à côté. La manifestation du 5 janvier 2013 réunit pourtant plus d'un millier de personnes. Les protestataires bloquent l'une des principales artères menant à Béjaïa pour exiger l'organisation de nouvelles élections. Cette manifestation marque aussi le début de l'implication effective des habitant-e-s d'autres communes dans d'autres wilayas. Une solidarité d'autant plus précieuse que des procédures judiciaires ont été lancées contre des militants accusés de bloquer la mairie.

Le communiqué n°4 montre que dans cet espace d'autonomie des luttes, émergent de nouvelles formes d'organisation collective :
" Inscrivant son combat dans la durée, l'AG [...] a formulé les propositions suivantes :
* Renforcement de son auto-organisation par l'intégration de plus de délégués et de volontaires de tous les villages et [par] leur répartition en commissions, en fonction des tâches à accomplir et des revendications à arrêter et à prendre en charge ;
* Meilleure organisation des actions de volontariat concernant la vigilance et la garde, le ramassage des ordures, notamment au niveau de Suq n Tlata ;
* Prise en charge des pannes survenant dans les différents réseaux : d'alimentation en eau potable, d'assainissement, d'éclairage public, etc. ;
* Animation scientifique et culturelle des soirées, après les travaux de l'AG ;
* Mise en quarantaine des élus de la honteuse alliance avec exigence de leur démission dans un délai de 24 heures, dénonciation de leurs commanditaires et appuis, ainsi que [de] tous les auteurs des différentes tentatives de manipulations - instrumentalisations et intimidations de lycéens (et autres élèves) et travailleurs communaux ;
* Construction d'une grève générale et autres actions d'envergure. "

Dès lors, l'Assemblée générale ouverte n'est plus seulement un lieu d'organisation de la lutte et de la résistance. Elle devient quotidienne et prend en charge différents aspects du fonctionnement de la commune : collecte des déchets, distribution du gazole dans les écoles, nettoyage... Mabrouk, le professeur d'anglais, évoque aussi les travailleurs de l'APC qui n'ont pas été payés depuis quatre mois : " Il y a des gens qui ont quatre, cinq ou six enfants. Pour s'occuper d'eux pendant quatre mois, on s'est organisés pour trouver de l'argent et de la nourriture, répondre à leurs besoins... Il y a en outre des malades qui ont besoin d'un passeport pour se déplacer en France ou en Belgique pour des soins, et on a aussi pris ça en charge. De même que le fonctionnement des écoles, avec du gazole, avec des cantines. " Des commerçants et des habitant-e-s se sont même cotisés pour financer certain projets, raconte Mabrouk : " C'est comme ça qu'on a travaillé jusqu'à aujourd'hui. Il y a toujours des assemblées, c'est un travail de solidarité. On veut faire une APC du peuple et non une APC du pouvoir. "

Cette prise en main collective de l'organisation de la commune entraîne une forme de radicalisation révolutionnaire. Dans sa " Lettre ouverte à toutes et à tous " du 22 janvier 2013, l'AGO énonce :
" Nous ne ménagerons aucun effort pour jeter tous les ponts nécessaires à l'élargissement de notre mouvement à tout le peuple algérien en lutte pour une vraie révolution sociale émancipatrice, à même de fédérer nos multiples mécontentements, ô combien légitimes, et nos actions. À Sidi Buzid ... ce fut le suicide. À Barbacha... c'est une étincelle d'espoir qui se déclencha. "

Le 26 janvier 2013, les six élus légitimes du PST et l'élu RND démissionnent et remettent leurs mandats à l'Assemblée pour pousser à la dissolution de l'APC et provoquer la tenue de nouvelles élections. L'Assemblée décide aussi de réclamer la démission de toute la préfecture. Dans son communiqué n°6 du 29 janvier 2013, elle appelle la population de Barbacha et " toute personne convaincue de la justesse de notre combat, d'où qu'elle vienne " à une grève générale sur le territoire de la commune le 31 janvier, avec " fermeture de tous ses accès entre minuit et seize heures ". Elle conclut le communiqué sur ces mots : " Vive le peuple organisé et conscient. Vive la solidarité populaire. Nous sommes en marche. "

Mais le 30 janvier, le local du FLN est incendié. Se revendiquant d'une stratégie qu'elle appelle " pacifique ", l'AGO condamne cette action dans laquelle elle perçoit une provocation de l'État pour justifier la répression. Le communiqué n°7 du 30 janvier 2013 proclame ainsi :
" Nous disons à tous les hamhamistes, ennemis du bas peuple, que ce genre d'actes ne fera que renforcer notre détermination à vous combattre, vous et vos commanditaires, jusqu'à la victoire. Notre combat n'est ni tribal, ni individualiste. C'est une vraie lutte de classes qui se déclenche à partir de Barbacha. C'est la volonté du peuple contre la volonté du pouvoir bourgeois et mafieux qui, au lieu de se mettre au service de ce peuple d'en bas, s'offre en valet du capitalisme mondial et impérialiste. "

Le régime d'exception appliqué de longue date à la Kabylie et les régimes de terreur répressive déployés durant les printemps berbères et les années 1990 ont laissé des cicatrices indélébiles dans le rapport qu'entretiennent les mouvements de lutte algériens avec l'usage de la violence. À Barbacha, la majeure partie de la population - qui avait participé à incendier les commissariats treize ans plus tôt - semble préférer les occupations et blocages des bâtiments, routes ou villes ainsi que les marches massives et la grève générale. Mais dans les débats entre habitants auxquels nous avons assisté, les partisans de l'insurrection armée, bien que minoritaires, ne sont pas stigmatisés ni mis à l'écart ; ils sont respectés dans leur parti pris et sont intégrés à la lutte. Il semble que prédomine une volonté de minimiser l'emploi de formes de violence les plus récupérables par le pouvoir et les plus susceptibles de justifier la remilitarisation du territoire, tout en assumant complètement toutes les formes de l'action directe offensive lorsque la situation le nécessite. C'est par exemple la position d'un jeune anarchiste de Barbacha, très impliqué dans l'Assemblée et qui préfère ce qu'il appelle la " non-violence ", " même si dans mes interventions au sein du mouvement, je défends parfois l'idée d'utiliser la violence, comme par exemple de faire brûler les urnes le 17 avril prochain [date des élections présidentielles]. J'y vois l'expression des séquelles psychologiques des mouvements passés, comme celui de 2001. Le fait de voir un gendarme nous donne l'envie de tout brûler ", résume-t-il. À Barbacha, ces débats semblent nourrir le mouvement plutôt que de le diviser.

Le 11 février, des opposants minoritaires à l'AGO tentent une nouvelle fois d'entrer dans l'APC pour réinstaller le maire " mafieux ", mais ils en sont encore empêchés par la population qui bloque l'accès à la mairie. En réaction, l'Assemblée appelle à un nouveau rassemblement devant la Wilaya le 17 février. Le préfet consent alors alors à rencontrer les représentants de l'AGO et du PST. Lors de cette réunion, la décision est prise de rouvrir la daïra, mais sans son locataire officiel, et de confier des pouvoirs administratifs limités au Secrétaire général de la Daira, Toufik Adnane. Ce dernier est chargé par l'Assemblée de gérer les " affaires courantes de la commune ", c'est-à-dire principalement les dossiers administratifs, le paiement des employés municipaux ainsi que la délivrance des actes de naissance et de décès (dont la population a besoin pour faire valoir ses droits). En conséquence, les représentants de l'AGO décident d'annuler le rassemblement prévu pour le 17 février. Mais ils prévoient une nouvelle marche " pacifique " et un campement devant le siège de la wilaya le 24 mars.

Ce dimanche 24 mars marque un tournant. Face aux 2 000 manifestants bloquant le siège de la wilaya à Béjaïa, le Wali fait donner la police anti-émeute, laquelle intervient avec une extrême brutalité, blessant plusieurs personnes - un jeune a même les jambes brisées.

Vingt-quatre personnes sont arrêtées, dont Sadeq Akrour, le maire PST, qui n'est relâché, la tête bandée suite aux coups reçus, qu'au bout de 24 heures, grâce à la pression et sous les acclamations de centaines de personnes venues attendre sa sortie. Ce 25 mars, l'AGO décrète une nouvelle fois la grève générale à Barbacha pour aller chercher les camarades arrêtés la veille à Béjaïa.

L'émotion est considérable en Kabylie comme dans tout le pays. D'autant qu'au même moment se répand la nouvelle que le gouvernement fait donner la police contre des manifestations de chômeurs qui se développent dans le sud. " C'est ainsi que, tout en luttant pour la libération sans conditions de nos six camarades concernés par le contrôle judiciaire, il est plus que jamais urgent de trouver les nouvelles formes de luttes à même d'imposer l'aboutissement des dites revendications principales ", pose le communiqué n°20 du 26 mars.

La mobilisation ne faiblit pas. Dimanche 31 mars, des centaines d'habitant-e-s de Barbacha manifestent à nouveau devant le tribunal de Béjaïa où six des leurs doivent comparaître. Ils exigent l'annulation des poursuites judiciaires. Et ils annoncent pour les jours suivants des initiatives nationales afin d'imposer la dissolution du conseil municipal et de nouvelles élections. L'AGO appelle ainsi à la grève générale à Barbacha et à un rassemblement devant le tribunal de Béjaïa pour le 9 avril, date du procès des 24 arrêtés. Plus de 1 000 manifestant-e-s se rassemblent devant le tribunal pour protester et la grève générale est massivement suivie.

Tout cela pousse la population à développer encore les formes de son auto-organisation. Le communiqué n°23 du 11 avril 2013 énonce ainsi :
" Le chemin est encore long et difficile. Pour cela, le renforcement de l'auto-organisation de la population doit être notre tâche permanente : consolider les comités de villages existants et en mettre sur pied de nouveaux dans les villages et quartiers non encore organisés. Car si la reprise relative du fonctionnement de la Daïra et de la Mairie constitue une avancée importante de notre combat, le développement réel de notre Commune demeure notre objectif stratégique. [...] C'est là notre vraie bataille : mine de Buâmran, mini-barrages, gaz de ville, lycée, CEM de Tibkirt, RN 75, chemins de wilaya et communaux, téléphone et internet, engins, agriculture et forêt, jeunesse et loisirs, etc. Une vraie synergie du peuple d'en bas est plus qu'indispensable pour aller de l'avant et réussir ce chantier. "

Les 19 et 20 avril, l'Assemblée se charge d'organiser les festivités de commémoration des printemps berbères de 1981 et 2001. C'est dans ce contexte qu'émerge et se renforce l'idée qu'une assemblée populaire est le meilleur et le plus légitime moyen de régler les problèmes des habitant-e-s. et d'améliorer collectivement leurs vies. Dans son communiqué n°26 du 20 mai 2013, l'AGO fait ainsi part de sa conviction que la nomination du Secrétaire général à la gestion de la Daïra n'apporte pas les solutions attendues par la population. Et l'Assemblée de dénoncer " toute tentative de vouloir réhabiliter le maire de l'alliance et son équipe, en vue de les mettre aux commandes de notre glorieuse commune ". À juste titre : le 22 mai, Mohamed Benmeddour, son équipe et les membres de l'" alliance " tentent une nouvelle fois d'entrer dans la mairie. Mais ils en sont encore chassés par la foule. L'Assemblée se prononce pourtant en faveur d'une concession : la réouverture de la mairie. Il s'agit autant de gérer les " affaires courantes " que de faire taire " les détracteurs ".

Durant l'été, la wilaya bloque les pouvoirs de signature du Secrétaire général - les seuls financements qu'elle laisse à sa disposition sont ceux pour " une clôture " destinée à protéger la daïra ainsi que des moyens pour réinstaller une gendarmerie. L'Assemblée générale met alors en cause la mauvaise volonté de la Wilaya, soulignant que la population a de son côté accepté de faire des concessions (la réouverture de la mairie notamment). Dans son Appel du 21 septembre, l'AGO dénonce ainsi : le fonctionnement réduit à son strict minimum des services communaux ; le fait que les travailleurs communaux reçoivent leur traitement au compte-goutte, quand ils ont la chance de le toucher après des mois de retard ; le refus de la wilaya d'approuver le budget de 2013 (ce qui bloque la trésorerie communale) ; la mise à l'arrêt de tous les chantiers, notamment celui du lycée ; la fin du ramassage scolaire (car les transporteurs en charge de cette mission n'ont pas été payés, tout comme les fournisseurs pour les cantines scolaires) ; le " squat des locaux communaux par la gendarmerie "...

Il faut finalement attendre le 1er octobre pour que le Secrétaire général soit enfin autorisé par le ministre de l'Intérieur à répartir le budget et à payer les employés communaux. Mais durant tout l'automne 2013, l' " honteuse alliance " tente encore plusieurs fois de se réinstaller à la mairie. À chaque fois, le peuple de Barbacha, soudé et déterminé, l'en empêche. Pour faire entendre l'écrasante opposition de la population à l'installation de ce maire, un grand meeting populaire est organisé le 29 novembre 2013. Un millier d'habitant-e-s y participent, votant à main levée contre " l'honteuse alliance ". " Sur plus d'un millier de personnes, répondant à notre appel, seules trois mains, et encore (une par ironie), se sont levées en guise d'approbation de l'installation du fameux maire de la honteuse alliance RCD-FLN-FFS, Mohammed (dit Mahmoud) Benmeddour, que nous avions généreusement invité à y prendre la parole. Ce fut un vrai référendum digne d'une réelle démocratie populaire directe, jamais connue ailleurs ", constate le communiqué n°32 du 6 décembre 2013.

La lutte ne plie pas. Mais les revendications en direction de l'État et des pouvoirs publics pour l'arrêt des poursuites judiciaires, la dissolution de l'APC et le versement de fonds destinés à développer la commune n'obtiennent pas pour autant gain de cause. Des perspectives plus radicales émergent alors parmi la population.

Et si l'assemblée populaire remplaçait définitivement la mairie ?

Le combat pour de nouvelles élections et pour la mise en place d'une mairie " légitime " s'accompagne de nombreuses concessions. À commencer par le retour de la gendarmerie, même si celle-ci est tenue à l'écart de la commune et se garde bien de tout conflit. Mabrouk confie que l'État a justifié la réinstallation de la gendarmerie comme une mesure de protection des populations contre le " terrorisme ". De son côté, Da Elhamid précise qu'il y a encore peu de temps, les gendarmes nous auraient embarqués pour cette discussion : " Y'a rien de changé, c'est toujours le même système, parce que même les gendarmes, c'est des gendarmes coloniaux. "

Une mairie, même d'extrême gauche et sincèrement engagée pour les habitant-e-s, ne peut rien faire qui change radicalement la vie des gens. Elle reste un gestionnaire, une hiérarchie, un maillon dans le réseau des pouvoirs de l'État et du capital. Elle représente le peuple parce qu'elle n'est pas le peuple. Le maire Saddek Akrour résumait ainsi le rôle attribué par l'État au PST lorsqu'il gérait la mairie pendant le mandat précédent : " Nous nous sommes retrouvés du coup comme courroie de transmission des deniers publics entre la rente pétrolière et les entreprises privées ". Dans ce contexte, et puisque les revendications de base pour le développement économique de la commune sont restées lettres mortes, un nombre croissant d'habitant-e-s prend conscience que l'Assemblée ne devrait pas se réduire à un outil de lutte, mais qu'elle pourrait devenir une structure d'auto-organisation politique, économique et sociale permanente.

À la fin du mois de décembre 2013, l'État n'a toujours pas satisfait les revendications pour lesquelles l'AGO avait concédé le retour du chef de la daïra. Le camp de celles et ceux qui pensent que l'Assemblée populaire devrait définitivement remplacer toute forme de pouvoir d'État s'en trouve encore renforcé. Da Taïeb, que nous rencontrons en février 2014, quelques semaines avant les élections présidentielles, résume ainsi sa stratégie : " Il faut détruire tout le système algérien. Il ne s'agit pas que de Bouteflika, de son ministre ou de son wali : il faut détruire tout l'État. Y a que les généraux qui vivent (bien) en Algérie, le peuple n'a rien. État riche, peuple pauvre ! C'est pour ça que le peuple se soulève. Pour retrouver ses droits. Parce qu'il y a moyen ! C'est la hoggra. Regardez, un député touche 35 millions par mois, plus les devises, plus le passeport international, alors qu'un employé de la commune perçoit seulement 15 000 dinars ! [...] Nous sommes des contestataires, nous souhaitons que les autres peuples qui sont marginalisés comme nous, viennent à notre aide, qu'on s'unisse, qu'on s'aide les uns les autres. " Il est coupé par son ami : " Ce qui nous intéresse, c'est pas les élections, c'est de rassembler [...] pour lutter contre ce système. " La réflexion sur les élections et les partis politiques a effectivement évolué parmi les habitant-e-s de Barbacha, qui ont inventé une manière de gérer elles et eux-mêmes leurs vies. La position du soudeur est claire : " Les partis, je les aime pas. Parce que les partis, tu pousses quelqu'un, une fois qu'il est en haut, ça y est, le roi est mort, vive le roi, c'est toujours ça. Parce que j'ai passé un moment dans les partis politiques, mais c'est pas intéressant, dès que quelqu'un s'élève, que ce soit un député ou un maire, une fois qu'il monte, ça y est, tu n'en entends plus parler, et le jour où il a besoin du peuple, il revient, il pleurniche. On va faire ceci, on va faire cela... et à la fin, y a rien du tout. Ces gens ne s'intéressent qu'au pouvoir et à l'argent. "

Face à l'État et au capitalisme qui ravagent son territoire et son existence, le peuple de Barbacha mène une lutte sans répit pour une vie digne. À travers des pratiques d'entraide et de résistance collective, il invente au quotidien les bases d'une société d'émancipation. Comme d'autres avant lui, au Chiapas notamment, il ne cherche pas s'emparer du pouvoir étatique, mais il le dissout, avec le capitalisme, dans des formes d'auto-organisation fédérées, des Communes. Comme les zapatistes, il sait que la solidarité est une arme lorsqu'elle coordonne des luttes entre elles. C'est la conclusion du soudeur : " Il faut lutter, là où on est. Si tout le monde lutte ensemble, en France, au Maroc, ici... on peut améliorer des choses. " Car le vieux Da Taïeb l'assure : " Seuls, les habitant-e-s de Barbacha, ne pourront pas les dégager. Alors on cherche à créer un grand mouvement, un bulldozer, pour les détruire. "

Les auteurs de ce texte ont également réalisé une vidéo sur le sujet (Réalisation: Matouf Tarlacrea).
http://www.youtube.com/watch?v=LIbKL3pQYcI

Depuis vingt ans que j'ai posé le pied dans le Tarn, tout en gardant l'autre à Athènes, je n'ai jamais vu se développer de projets libertaires de grande envergure dans ce département. Les initiatives importantes sont plutôt du genre Amap, sel, modèles économiques alternatifs, zones de gratuité, souvent à l'initiative du groupe Attac, assez actif et radical par rapport à beaucoup de ceux que j'ai pu rencontrer en tournant en France. Pas mal de mobilisations ponctuelles aussi, notamment sur des actions de solidarité, par exemple les alertes RESF. Mais rien de tout ça, jusqu'ici, n'était à proprement parler libertaire. Rien ne remettait profondément en question la relation au pouvoir au point d'envisager sa destruction et de repenser toute la société.

Tout a changé en un an. Oui, vous avez bien lu : un an seulement. Pourquoi ? Parce que l'expérience née de la nécessité a pris le relais des débats théoriques. Un vent vif, frais et fraternel souffle sur le Tarn, depuis la forêt de Sivens dans le nord-ouest jusqu'à la montagne Noire (joli nom, n'est-ce pas ?) au sud-est. Une résistance s'est progressivement mise en place, au point de faire sans forcément le dire ce que nous disions jusque-là sans parvenir à le faire.

Je ne vais pas revenir ici sur le projet de barrage proprement dit, ses décideurs hautains et leurs conflits d'intérêts sur le plan politique et financier, son parti-pris pour la culture intensive du maïs sur le plan économique et agricole, ou encore son désintérêt de ce que peut représenter une zone humide sur le plan écologique, notamment zoologique, aquatique et climatique. Je vous invite à aller jeter un œil directement sur les excellents sites des deux collectifs de lutte.

Deux collectifs, car cette lutte a une double histoire, en parallèle, qui a convergé ces derniers temps sans jamais totalement fusionner, et pour cause. Le collectif initial s'appelle Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet. Il est principalement animé par Ben Lefetey, un écologiste passionné doublé d'un homme de dossier qui déploie toute son énergie et sa minutie depuis trois ans pour motiver une opposition au projet de barrage en diffusant d'innombrables informations et arguments.
Le Collectif Testet, comme on le surnomme, c'est aussi un conseil d'administration, avec des personnes engagées par ailleurs, notamment à Attac, et souvent sympathisantes des principaux partis politiques situés localement dans l'opposition de gauche à la suprématie historique du PS (dont est membre Thierry Carcenac, le président du conseil général) : surtout le PG et EELV. Bref, même si les membres du Collectif Testet sont très généreux de leur temps, au fait des dossiers, actifs pour diffuser et relayer les infos, et prêts à pratiquer la grève de la faim et la désobéissance " civique ", on reste néanmoins dans la logique organisationnelle d'une structure à étages, avec processus de délégation entre chacun d'eux, comme dans la plupart des associations loi 1901.

Suite à la circulation de l'information hors du Tarn, puis au durcissement de la situation locale, un collectif d'occupation s'est créé en complément du Collectif Testet, il y a exactement un an : Tant qu'il y aura des bouilles, surnommé " les bouilles ", ou encore, pour certains, " les zadistes ", ce qui ne reflète pas toute la réalité puisqu'une bonne partie des bouilles n'est pas présente sur la ZAD, mais la soutient diversement aux alentours, de Toulouse à Nîmes.

Tous égaux, tous différents

Chez les bouilles, pas de représentant, pas de bureau, pas de conseil des anciens, tout le monde participe aux assemblées très fréquentes : au moins hebdomadaires et souvent quotidiennes. Tout le monde peut venir, sauf les infiltrés, flics ou fachos, qui sont traqués et parfois virés. Tout le monde peut participer aux décisions, même celles et ceux qui débarquent pour la première fois et ne font, peut-être, que passer. Les règles de parole et d'écoute sont celles des indignés : les codes gestuels précis permettent de réagir silencieusement, parfois en nombre, sans couper la parole. Le but de la discussion, sur chaque sujet, est le consensus, même si le vote à la majorité peut, parfois, s'avérer nécessaire. Tout propos autoritaire ou phallocrate est banni.
Par contre, actions non-violentes et actions insurrectionnelles cohabitent sans difficulté, de même que véganisme et régime alimentaire omnivore. Tous égaux, tous différents. Ceux qui portent des projets, après validation par l'assemblée, sont souvent invités à animer leurs mises en œuvre, cela notamment pour favoriser la liberté et la créativité des camarades, copains ou compagnons de lutte (les trois principaux termes employés), mais aussi pour mettre en place, dès lors, un cloisonnement de l'information dans le cadre d'actions de résistance connues dans l'idée, mais secrètes dans leurs déclinaisons, d'un bout à l'autre de la ZAD : déplacement des repères de niveau des bûcherons diminuant ainsi la zone à défricher, cloutage sur certains arbres et utilisation de fil de fer barbelé pour user plus rapidement voire endommager les machines, enfouissement de carcasses d'électroménager dans le sol pour compliquer le curage de l'humus, créations de nouvelles caches, barricades, cabanes suspendues, et d'autres choses encore, que je ne rapporterai pas ici.

La jeunesse enthousiaste de la majorité des bouilles n'a d'égal que sa maturité et son courage dans l'initiative permanente et l'effort quotidien de lutter à armes inégales contre un pouvoir ultraviolent et suréquipé. David contre Goliath, ou plutôt Gaza contre Tsahal, David étant devenu palestinien ces derniers temps, de même qu'il est devenu un peu tarnais, breton, macédonien, catalan et piémontais, entre autres territoires mobilisés autour de zones à défendre.

Une convergence des luttes anticapitalistes, antiproductivistes et antifascistes

La plupart de ces ZAD rassemblent formidablement ce qui était épars jusque-là, non seulement à travers un phénomène de mobilisation lié à la notion de territoire, à sauver de la rapacité croissante et tyrannique du pouvoir, mais, surtout - bonne nouvelle -, dans une convergence des luttes anticapitalistes, antiproductivistes et antifascistes. Les écologistes les plus candides et " fleur bleue " comprennent mieux sur ces ZAD que le productivisme ne peut se combattre qu'à travers une puissante résistance locale et globale au capitalisme. Les anticapitalistes se découvrent une fibre écolo, par-delà les clichés et les railleries, et les plus naïfs politiquement prennent en pleine figure la réalité de la collaboration fasciste avec le pouvoir capitaliste.

L'antifascisme affirmé du collectif des bouilles a d'ailleurs été renforcé après les exactions nocturnes des fachos dans les parages de la ZAD (destructions des véhicules, agressions contre les zadistes isolés et chasses à l'homme dans les bois à plusieurs reprises, avec des barres de fer et des armes à feu), ainsi que la confusion, politiquement très nuisible, générée par divers superstitieux et conspirationnistes, qui ont aimablement été appelés à remettre un peu d'ordre dans leurs pensées et à ne pas obscurcir la lucidité de la résistance collective en fabriquant d'innombrables peurs et leurs lots d'épouvantails fantasmagoriques, qui sont autant de diversions utiles au pouvoir.

Outre l'absence totale de hiérarchie et les décisions prises en assemblées, le fonctionnement des bouilles est basé sur l'autogestion : l'assemblée liste les besoins (pharmacie, alimentation, outillage, pièce juridique...) et chacun se met en quête, en réseau avec les bouilles non zadistes, à l'extérieur de la zone, ainsi que des membres généreux et solidaires du collectif Testet qui amènent fréquemment des cartons de nourriture et de médicaments. Car la cerise sur le gâteau de cette expérience libertaire dans le Tarn, c'est bien le rayonnement de celle-ci auprès de personnes distantes voir méfiantes au départ. La ZAD du Testet dans la forêt de Sivens est devenue un lieu d'éducation populaire où de nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes, viennent chasser leurs idées reçues sur l'anarchisme, la désobéissance et la décroissance.

Sous le drapeau noir de Gazad ou celui rouge et noir de la Métairie Neuve

En arrivant sur les lieux, les uns et les autres découvrent, sous le drapeau noir de " Gazad " ou celui rouge et noir de la Métairie neuve, des visages inconnus mais fraternels, des sourires accueillants et généreux, des regards profonds, parfois tristes mais jamais abattus, des corps fourbus mais toujours d'attaque, des mains calleuses d'avoir trop creusé d'innombrables tranchées, des pieds abimés trop mal protégés par des chaussures usées, des ventres creusés par la faim parfois choisie parmi d'autres façons de lutter, des cuisses tatouées de bleus par les tirs de flash-ball et les dos par les coups de matraques, des toux chroniques dues à l'exposition quotidienne aux gaz lacrymogènes, des bras griffés par les ascensions dans les arbres ou les traversées rapides de ronces impénétrables, des cœurs gros comme ça par amour de la Terre et de la vie.

Une vie qui est là plus que nulle part ailleurs, parmi ceux qui luttent et expérimentent notre façon d'articuler l'individu et le collectif. Passer du " je " au " nous " sans se mettre à genoux, passer du nous au jeu sans se voir nuageux. Transformer les mots liberté, égalité et fraternité en actes quotidiens, en les arrachant aux frontispices mensongers des monuments publics où ils pourrissent et servent de paravent à une organisation politique et sociale totalement inverse. Choisir la vie, loin des compromissions, collaborations et soumissions qui rongent les cervelles et sèment la résignation.

Sur la ZAD de Sivens, j'ai vu l'anarchie en actes et son intense capacité à rayonner, bien au-delà des convaincus, sans peur ni dédain vis-à-vis des autres formes d'opposition et de résistance. J'ai vu l'anarchie confiante en elle-même s'imposer simplement par l'exemple, en laissant de côté les conflits d'étiquettes et les cicatrices de l'Histoire. J'ai vu l'anarchie fraternelle accueillir celles et ceux qui venaient à elle en constituant la première ligne de front sans jamais s'opposer aux formes voisines engagées dans la même lutte. Sur la ZAD de Sivens, seule l'expérience a parlé et elle a bien parlé.

Yannis Youlountas

La France championne d'Europe des dividendes versés aux actionnaires cette année, et aussi championne du monde des hausses de dividendes au deuxième trimestre 2014.
Cette envolée des dividendes intervient au moment où les entreprises françaises ont bénéficié de la première tranche du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi). Un dispositif gouvernemental, financé en partie par la hausse de la TVA, censé inciter les entreprises à relancer leurs investissements ou à embaucher, ce qu'ils n'ont pas fait, et non pas gratifier des actionnaires repus. L'investissement dans la production est en panne. Les machines vieillissantes ne seront pas remplacées. Ils ne croient déjà plus en l'avenir et raflent tout ce qu'ils peuvent avant que d'autres ne le fassent à leur place.

La distribution de dividendes a presque doublée depuis 2008 lors du début de la crise financière. Ils représentaient que 20 % des bénéfices distribués en 1970, puis 44 % en 2007, et maintenant 68 %. Les actionnaires se gavent de plus en plus vite.

Mais le marché des actions ne représente moins de 20 % des marchés financiers, ce n'est que la partie visible de l'iceberg du monde de la finance qui spécule sur une inflation débridée de dettes, ruinant un futur déjà condamné. Des richesses démesurées sont ainsi englouties par quelques uns à l'ombre de l'économie spectacle qui voudrait encore nous faire croire au retour de la divine reprise.

Il n'y a jamais eu autant de milliardaires en France, ils sont 67, soit 13 de plus que l'an passé. Leur richesse a plus que doublé en 5 ans. Mais ce calcul ne tient pas compte de tous leurs fonds investis en permanence dans l'opacité des bourses de l'ombre, le marché des changes, le marché secondaire, les produits dérivés, les comptes numérotés, les paradis fiscaux... Les fortunes de la haute bourgeoisie seraient-elles bien plus élevées que ce que voudrait nous faire croire l'économie spectacle ?

Les milliardaires de "la haute" ne sont pas plus que 0,0001 % de la population. La bourgeoisie environ 1 %, La petite bourgeoisie près de 9 %. Les prolétaires, qui n'ont jamais été aussi nombreux et qui s'ignorent, représentent les 90 % restant.
La crise est un privilège de pauvres, une aubaine pour les hyper-riches, un mensonge médiatique, un racket officiel qui permet à quelques uns d'escroquer impunément les populations avec l'aide de l'État.

Pour qui sont ces bombes...


Face à la crise accélérée de la tromperie capitaliste,
l'explosion terroriste est une diversion nécessaire au risque d'explosion sociale...

Le terrorisme est toujours l'instrument de manipulation du spectacle étatique de la marchandise universelle.


" Les bombes-fusées qui tombaient chaque jour sur Londres étaient probablement lancées par le gouvernement de l'Océania lui-même,"juste pour maintenir les gens dans la peur". "
George Orwell, 1984


Auguste Vaillant est un anarchiste français. Au lendemain du scandale de Panama de 1892 qui révéla la corruption généralisée du personnel politique du parlementarisme des honoraires, cet homme qui voulait venger la mort de Ravachol lança une bombe d'une grande puissance dans l'hémicycle de la chambre des députés le 9 décembre 1893. Cette dernière chargée de clous, de morceaux de zinc et de plomb s'abattit sur les députés et sur les spectateurs assistant aux délibérations. Une cinquantaine de personnes furent blessées dont Auguste Vaillant lui-même. Celui-ci, condamné à mort, fut alors guillotiné le 5 février 1894 à l'âge de 33 ans.

Sur ce terrain fabuleux et factice de duperies diverses et variées que sait parfaitement mettre en scène le théâtre du faux, l'examen des archives policières de la fin du XIX° siècle, permet d'affirmer que les attentats spectaculaires attribués aux anarchistes et notamment celui commis par Vaillant, étaient en fait directement initiés puis supervisés par Louis Andrieux, le préfet de police, lui-même ancien procureur à la répression de l'insurrection d'avril 1871 qui avait ébranlé Lyon à la suite de la Commune de Paris. Son but consistait à mettre la main sur un repaire de dynamiteurs avantageusement pré-fabriqué en permettant leur preste arrestation afin de permettre, à partir des mystifications politiques de la sorte mises en marche, de légitimer les fameuses lois dites " scélérates ". Ces dernières, en fonction de l'inquiétude de l'opinion publique astucieusement construite et de l'abrutissement journalistique habituel qui en appelait bien sûr à des mesures d'exception, rendirent alors possible la reconversion domesticatoire des actions ouvrières radicales au travers des mouvements syndicaux et politiques de l'assagissement forcené...

Comme Marx qui avait fort bien anticipé toute la puissance machinique de l'arraisonnement capitaliste l'avait judicieusement souligné ; ce qui peut dorénavant se faire à l'échelle macro-industrielle des réseaux électroniques et numériques de la chosification omni-présente contemporaine est bien entendu sans commune mesure avec ce qui pouvait se bricoler à l'époque artisanale d'une police encore largement dilettante. Désormais, la domination pleinement accomplie de la liberté despotique du profit, de ses sciences et de ses officines spéciales a permis que plus rien n'échappe, ni en amont ni en aval, à l'autocratie universelle du fétichisme de la marchandise et de toutes ses technologies de production, de reproduction, de surveillance et d'impeccable quadrillage.
Le Proche-Orient moderniste des années 1960 où l'arriération islamique était peu à peu renvoyée aux poubelles de l'histoire par le surgissement nassérien et baasiste d'un non-alignement géo-politique novateur en recherche d'un tracé capitaliste spécifique, a maintenant volé en éclats à mesure que les sidérés salafistes de tous les califats manipulés de l'imposture américano-sioniste ont été précipités sur le devant de la scène des pantomimes du mensonge déconcertant. Tous les États considérés comme potentiellement problématiques par le Mossad et la CIA, de la Libye à l'Irak en passant par l'Egypte, l'Iran ou la Syrie ont été vitrifiés, démantibulés, atrophiés ou neutralisés au point où Tel-Aviv peut enfin régner maintenant sans partage sur une vaste zone molle qui, des rives de la Méditerranée jusqu'aux lisières du Pakistan, laisse libre cours à l'exclusivisme de son impérialisme militaire et commercial.

Depuis que la France a définitivement capitulé en 1990 pour accepter de s'en remettre à la chronologie obligatoire de la guerre du Golfe hollywoodienne en Irak, Wall Street n'a cessé d'accélérer la construction bruxelloise d'une Europe américaniste qui applaudit frénétiquement à sa propre inféodation généralisée à mesure que le traité transatlantique architecture ses derniers barbelés et miradors pour définitivement enchaîner le vieux continent réfractaire de l'histoire critique au nouveau monde du négoce et du cerveau plat.

Washington, dans la réalité d'outre-comédie médiatique, n'est nullement inquiété par la prétendue force commerciale de la Chine et de la Russie qui nonobstant leurs réserves énergétiques et leur stocks de devises, demeurent encore des espaces lourdement retardataires et plombés pour un bon moment par des décennies de capitalisme étatique rétrograde. Seul a toujours prioritairement alarmé la Maison Blanche, le potentiel technologico-industriel de l'Europe et son possible partenariat eurasiatique avec une Russie qu'elle réparerait et rénoverait... C'est pourquoi toutes les péripéties mises en scène notamment autour des ébranlements ukrainiens ont bien pour objet primordial de soumettre de plus belle Berlin et Paris aux injonctions du billet vert et de sa succursale bruxelloise.

Alstom absorbé par General Electric, Peugeot et Renault boutés hors d'Iran par General Motors, la BNP condamnée par la justice américaine...Tout se tient dans le cercle infini des combinaisons et déploiements où œuvrent les zélés serviteurs des réseaux de la finance du cosmopolitisme de la marchandise...Le Hollande n'est là qu'un domestique pitoyable encore plus calamiteux que le Sarkozy et l'actuel locataire américaniste de l'Elysée aiguillonné par le pauvre Macron de Rothschild est en train d'inféoder Paris à Washington dans des proportions de reptation jusqu'alors inconnues.
L'économie de la finance américaine a ainsi pour l'avenir tous les moyens adéquats lui permettant d'empêcher toute élaboration d'autonomie diplomatique pouvant survenir d'Europe puisque tous les espaces prédominants de réflexion institutionnelle virtuelle y sont irrémédiablement otanisés dans une totale yankeesation financière de l'économie articulée à une opulente vassalisation culturelle.

Plus la crise de la domination réalisée de la valeur se réalise, plus la fourberie et la duperie étatiques se développent par le biais de vastes cinématographies qui renforcent à l'infini le contrôle technique et policier nécessaire à l'approbation unanimiste des citoyens amorphes et vaseux de la tyrannie salariale. Les réseaux terroristes clandestins obéissent scrupuleusement aux services spéciaux de la sécurité étatique qui réalisent de cette manière les plans généraux des souterrains occultes de la crise totale de la marchandise et le premier fantassin abruti des banlieues racailleuses du djihad du trafic peut ainsi s'imaginer - dans l'opacité de filières toujours plus triturées et obscurément hermétiques -combattre la puissance qui en réalité le commandite, l'actionne et l'utilise...

Le Levant est aujourd'hui à feu et à sang parce que le chaos gouvernementaliste mondial du spectacle de l'argent a besoin d'y répandre la confusion et l'embrouillement généralisés tout comme il a su si bien produire la chute programmée de Kadhafi pour faire du nord de l'Afrique un enchevêtrement de pagailles multiples qui ne peut profiter qu'aux extensions des multinationales du profit dévastateur.

Ainsi, le plan israélo-étasunien mondialiste de remodelage terroriste du Proche-Orient est d'une limpide clarté effroyable. Il consiste non seulement à y diviser les grands États déjà démolis mais à briser ultérieurement tous les autres de telle sorte que la région se voit complètement remaniée en une multitude de petites entités non-viables rendues ethniquement et carcéralement homogènes afin qu'elles se réduisent à des tribalismes locaux et hermétiques sans aucune possible portée d'ouverture. Ce qui suppose, dans un colossal opéra de sang et de larmes, de vastes déplacements forcés de populations devenues nécessairement imperméables les unes aux autres comme cela est aujourd'hui bien engagé partout par Washington et Tel-Aviv, à partir de leurs diverses mafias inavouables de l'Émirat islamique du chaos généralisé. L'objectif est là d'aboutir en définitive à déchirer le monde arabo-musulman en micro-États atones dont les populations n'auront plus d'autres moyens de se défendre de la cupidité et de la voracité des Etats-Unis et d'Israël que de se prosterner encore davantage devant les comptables de la violence et des agissements subis, rudimentairement dissimulés par d'obscènes paravents travestissant si mal la gestuelle scénique de leur créations barbues et créatures enturbannées.

Lorsque la gendarmerie du gouvernement mondial organise en sa province irakienne une descente aérienne emphatique dans ses blafards quartiers de vente de camelotes stupéfiantes et d'égorgements cérémonieux réels ou fabuleux... A l'évidence, elle ne vient pas annoncer qu'elle va abolir l'économie souterraine des sournoiseries boutiquières du crime forcené, elle procède uniquement à une vérification d'encadrement de ses flux pour les ajuster aux nécessités générales du commerce officiel des servitudes indispensables de telle manière que Kurdes, Sunnites et autres variétés de populations autochtones demeurent strictement dans les cases qui leur ont été attribuées pour le grand choc arrangé des heurts civilisationnels sans fin.

La crise cataclysmique de l'économie politique planétaire est en train d'atteindre le point culminant des contradictions où le mouvement de la production va cesser de pouvoir reproduire la production de son mouvement lorsque les chimères du crédit vont devoir avouer ostensiblement que le crédit n'a plus précisément aucun crédit...La gestion sarkozyste s'est terminée par une considérable usure, il n'est pas sûr que la gérance hollandienne qui périclite, elle, de façon tellement pressée, puisse finir autrement que dans une chute si pourrie qu'elle doive recourir à une forme nouvelle de la stratégie exutoire de la tension inflammable...

Les amis de Monsieur Vals ( missus dominici du monothéisme de l'argent !) qui admirent tant Monsieur Clemenceau se souviendront alors que c'est le " premier flic de France " que l'on appelait aussi le " briseur de grèves " qui de façon opiniâtre et zélée en tant que bon ami de Louis Andrieux, brave franc-maçon du Capital, Vénérable de la loge " Le Parfait Silence ", sut toujours tout faire pour que dans le brouillard, l'obscurcissement et la confusion, les brigades des tromperies ministérielles parviennent à casser les luttes maximalistes des humains n'acceptant point de se résigner à ne devoir devenir que des particules démocratiques du système cannibale de la réification citoyenne.

La grève des carriers et sabliers de Draveil et de Villeneuve-Saint-Georges qui se termina par la journée sanglante du 30 juillet 1908 où furent fusillés à bout portant des ouvriers indisciplinables renvoie assurément à cette cafardeuse place Beauvau de toutes les sordides manigances, feintes et intrigues où pour décapiter le mouvement offensif des luttes de classes contre la commercialisation de la vie, l'on sut à la fois générer la grandes escroquerie préalable des attentats anarchistes télécommandés et dé-radicaliser la grève sauvage ouvrière pour la torpiller et l'asphyxier dans le gâtisme syndicaliste et l'hébétement parlementaire. Ainsi, à la fois par le confusionnisme terroriste et le conditionnement évolutionniste, le charlatanisme oxymorique du syndicalisme soi-disant révolutionnaire permit là le façonnage final d'une étape de transition perfide pour transmuter sans retour les contestataires incomplets en réformistes consommés de la Belle Époque du progrès des affaires qui se parachèverait dans l'union sacrée orgiaque de la boucherie de 1914.

Nous allons prochainement rencontrer une situation sociale qui va renouer de manière encore plus énergique et étendue avec ce qui fut la fin de 1968. Des prolétaires enragés, sans chefs à qui devoir obéir et qui agiront désormais spontanément et de manière sauvage, en dehors de toutes les fables de la légalité démocratique et contre toutes les roueries de cette légalité se mettront en dynamique incontrôlable pour retrouver le vrai sens des joies de la communauté de l'Être. Leur parole de colère critique contre toutes les pourritures de la société de l'Avoir, refusera la logique chosifiante du travail et tous les représentants syndicaux et politiques qui, de l'extrême droite à l'extrême gauche du Capital, entendent perpétuer la liberté de la servitude se verront balayés. Sur qui l'État pourra t-il alors compter pour imposer la défense de l'ordre marchand de la démocratie de la soumission, du moment que les forces de gardiennage de la paix sociale et les syndicats se révèleront comme de plus en plus débordés et impuissants et que former un gouvernement d'union nationale ou de salut public apparaîtra rapidement comme une hypothèse insipide ? L'État, face à la tendance aux émeutes qui ne cessera de se fortifier, ne pourra plus compter sur rien d'autre que sur ses services secrets de sécurité et sur l'effet que pourront susciter dans l'opinion publique ses moyens d'information et de propagande, une fois que celle-ci aura été suffisamment secouée par des événements de nature traumatique qui découleront justement de bombes propices otano-islamiques qui exploseront -au bon moment -afin de court-circuiter les franges ouvrières extrémistes.

Dans le monde du spectacle de la marchandise où les intérêts agissants de la dictature démocratique des Mafia de l'argent sont à la fois si bien et si mal cachés, il convient toujours pour saisir les mystères du terrorisme d'aller au-delà des rumeurs médiatiques policières puisque le protègement des secrets de la domination opère continûment par fausses attaques et véridiques impostures.

Le leurre commande le monde du fétichisme de la marchandise et aujourd'hui d'abord en tant que leurre d'une domination qui ne parvient plus à vraiment s'imposer au moment où l'économie historique de la crise manifeste explosivement la crise historique de l'économie elle-même.

Du meurtre d'Aldo Moro par les brigades rouges étatiques aux attentats pentagonistes du 11 septembre et en passant évidemment par la tuerie calculée du pantin Merah, la société du spectacle de l'indistinction marchande ne cesse de s'éminemment montrer comme le monde de l'inversion universelle où le vrai est toujours réécrit comme un simple moment nécessaire de la célébration du faux. Derrière les figurants, les obscurs tirages de ficelles et les drapeaux factices, les vrais commanditaires sont adroitement camouflés puisqu'ils résident invariablement dans ces lieux impénétrables et énigmatiques, inaccessibles à tout regard, mais qui du même coup les désignent par cette ruse de la raison qui rend précisément percevable ce qui se voulait justement in-soupçonnable.

Le masquage généralisé se tient derrière le spectacle qui donne ainsi à infiniment contempler quelque chose en tant que complément décisif et stratégique de ce qu'il doit empêcher simultanément que l'on voit et, si l'on va au fond des choses, c'est bien là son opération la plus importante ; obliger à sans cesse observer ceci pour surtout ne point laisser appréhender cela.

Par delà tous les tueurs fous opportunément pilotés dans les eaux troubles du djihadisme téléguidé qui zigzague dans les entortillements du Maghreb, de l'Afrique noire et des étendues arabo-persanes, existe, en premier lieu, l'incontournable réalité du gouvernement du spectacle de la marchandise lequel dorénavant possède tous les moyens techniques et tous les pouvoirs gestionnaires d'altérer et de contre-faire l'ensemble de la production sociale de toute la perception humaine mise sous contrôle. Despote absolu des écritures du passé et tyran sans limite de toutes les combinaisons qui arrangent le futur, Big Brother pose et impose seul et partout les jugements sommaires de l'absolutisme démocratique des nécessités du marché de l'inhumain.

Le 26 mars 1962 devant la Grande Poste de la rue d'Isly à Alger, les forces spéciales et parallèles du spectacle étatique de la marchandise mirent en scène des coups de feu d'origine mystérieusement inconnue qui furent alors à l'origine du déclenchement du tir des militaires qui mitraillèrent alors la foule à bout portant. Cette fusillade de la rue d'Isly organisée manipulatoirement par la barbouzerie des services les plus secrets de la mystification gouvernementaliste, aux fins de briser les derniers sursauts Pieds-Noirs, devint par ricochet le début de l'exode massif des Européens d'Algérie.

L'attentat de la gare de Bologne, connu en Italie comme la strage di Bologna, soit le massacre de Bologne est l'une des plus importantes attaques terroristes étatiques que l'Europe a eu à subir au cours du XXe siècle et la plus meurtrière des années de plomb italiennes. L'attentat fit 85 morts et blessa plus de 200 personnes dans la gare de Bologne le 2 août 1980. L'identité des véritables auteurs de l'attentat a suscité en Italie débats et interrogations et malgré un certain nombre de pistes incongrues et de diversions tortueusement évoquées, les tentatives d'obstruction judiciaire à l'enquête de la part de multiples officines dont la loge P2, la Mafia et les services secrets n'ont pu empêcher qu'apparaisse avec le temps l'implication évidente et essentielle de l'organisation Gladio dans l'attentat, dans le cadre d'une stratégie de la tension délibérément élaborée par les États-Unis et l'OTAN à la fois pour endiguer les grèves incontrôlables et pour ré-aligner la politique internationale de Rome.

L'Assassinat des 7 moines de Notre-Dame de Tibhirine dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par le GIA des services secrets algériens aux fins d'intoxiquer l'opinion nationale et internationale pour que Paris continue à soutenir Alger dans la lutte contre le terrorisme que la classe capitaliste algérienne déliquescente avait elle-même ordonnancée pour tenter de discréditer la contestation qui s'étendait contre elle est irrécusable...Il s'agissait là dans le nébuleux, le dérobé et le double-jeu d'obtenir ainsi et tout simplement la reconnaissance complice de toutes les capitales qui escomptaient d'abord et avant tout une sage exploitation gazo-pétrolière calmement poursuivie...

D'action directe à Khaled Kelkal en passant par l'affaire de Tarnac sans oublier les irlandais de Vincennes, toute l'histoire réelle, petite ou grande, passée ou présente, de tous les Gladio à toutes les loges maçonniques P2, P3 ou P4 et en passant par toutes les Brigades rouges, noires, grises ou vertes des cryptes de l'Etat profond d'ici ou d'ailleurs, il va de soi que chaque bombe étatiquement déposée réellement ou métaphoriquement sur le terrain de l'histoire du monde des circulations affairistes -sous les faux drapeaux indispensables des masques opportuns de la restructuration de la fourberie absolue, a pour fonction première de réguler les processus de l'humanisme du marché.

On commet une très lourde erreur lorsque l'on s'exerce à vouloir expliquer quelque attentat ou homicide mystérieux en opposant la terreur à l'État puisqu'ils ne sont jamais en rivalité. Bien au contraire, la théorie critique vérifie avec aisance ce que toutes les rumeurs de la vie pratique avaient si facilement rapporté lors des très enténébrées disparitions de Robert Boulin et de Pierre Berégovoy en France ou plus encore celles des frères Kennedy aux USA ou bien de Yitzhak Rabin en Israël. L'assassinat n'est pas étranger au monde policé des hommes cultivés de l'Etat de droit car cette technique de mise en scène y est parfaitement chez elle en tant qu'elle en est désormais l'articulation de l'un des plus grands quartiers d'affaires de la civilisation moderne.

Au moment arrivé de la tyrannie spectaculaire de la crise du capitalisme drogué, le crime règne en fait comme le paradigme le plus parfait de toutes les entreprises commerciales et industrielles dont l'Etat est le centre étant donné qu'il se confirme là finalement comme le sommet des bas-fonds et le grand argentier des trafics illégaux, des disparitions obscures et des protections cabalistiques.

Quelque soit, de l'extrême droite à l'extrême gauche de la marchandisation, la gestion entreprise, le mode de production capitaliste est sans issu. L'impasse de la loi de la valeur est partout apercevable dans la schizophrénie démocratique de l'errance mégapolitaine. Elle ne peut donc plus être déniée que par une folie de plus en plus emballée puisque le terrorisme aveugle de masse se dé-voile comme le dernier anxiolytique possible mais de plus en plus délirant d'une civilisation devenue clairement illusoire et vaine.

Le terrorisme contemporain de la remarquable Mafia étatique mondialiste est le terrorisme enfin accompli de la puissance aliénatoire la plus férocement aliénée qui n'ait jamais été et qui est enfin parvenu à se rendre maître de toutes les terreurs et de toutes les mafia sommaires qui lui étaient extérieures ou antérieures...De la sorte, c'est l'orchestration symphonique de la diffusion totalitaire de la marchandise planétaire autistique qui se réalise par le chaos sans cesse reconduit d'un mode de production devenu impossible...

Le secret du spectacle terroriste domine le monde de la marchandise et d'abord comme secret spectaculaire de la domination marchande terroriste sur le monde. Tout expert en est le surveillant et le valais et sa spécialisation reconnue n'en est que la duplication dans sa forme médiatique, stupide et ignorante parfaitement conforme à l'idiotie sans limite de l'étatisme des falsifications obligatoires... L'histoire réelle du terrorisme est ainsi écrite par les actes de l'État lui-même tels que les scribes de son officialité doivent constamment en gratter les papiers sophistiqués du fourvoyant et du flou sempiternels. Tant que le Capital ne dominait que formellement la société et qu'il devait composer avec une antécédence dont il devait se débarrasser après l'avoir usé, les dialectiques de complots se formalisaient toujours en hostilité à l'ordre établi puisque ce dernier demeurait encore insuffisamment marchand. Dés lors que le Capital domine réellement la société jusqu'à en faire le territoire général de sa généralisation impeccable, il n'y a plus d'avant et le futur n'a plus pour seul avenir que le complot permanent en faveur de la maintenance l'ordre établi et achevé de la marchandise-monde.

La loi antiterroriste que dernièrement les députés de l'hexagone américain ont voté afin de censurer le Web français est un premier signe qui indique que le mouvement politique des sciences de la justification mensongère va se tendre et s'énerver pour protéger la trompeuse apparence des illusionnismes de la crise cataclysmique de la valeur d'échange...La démocratie crisique qui ne peut plus stopper les effets de la mort définitive de ses rêves va devoir fabriquer une forme supérieure de son extraordinaire ennemi mythique, le terrorisme -dans des apparitions, cérémonials et configurations fantastiques cruellement imposantes, qui devront élaborer et exposer d'innombrables enlèvements, attentats et coups fourrés.

Lorsque le si terne ministère des télémanipulations intérieures, déclare à la Presse : " Face au terrorisme, il faut l'unité nationale ", il convient plus que jamais d'être hégélien avec l'œil d'un Marx pétillant et de se souvenir, en rigolant, comme Debord l'a décelé que dans le monde du fétichisme marchand toute réalité est toujours renversée puisque le vrai n'y est plus qu'un moment de réécriture de la mutilation spectaculaire vers le fardé incessant attendu que dans le monde putride du réel universellement inverti, tout ce qui est dit vrai ne peut être que contre-vérité en ce sens que tout ce qui est présenté comme faux ne saurait être infailliblement que du véridique insupportable.

Par conséquent, la confession involontaire des prestidigitateurs du ministère de la sécurité des volumineuses sournoiseries, débilités et dissimulations étatiques doit se lire à l'envers sous la véritable formulation suivante : " Face à l'impératif d'unité nationale, il faut le terrorisme... ".

Bientôt, tout cela sera mis en action insidieuse, venimeuse et opulente...Alors, en ce temps de charlatanisme intense, dire la vérité à l'encontre de tous les conditionnements à la résignation devant les foutaises étatiques et para-étatiques de l'insurmontable crise du profit posera le premier réflexe de conscience qui mène à l'acte révolutionnaire vers une authentique existence anti-mercantile.

Contre la dissolution marchande de la logique, seule la logique anti-marchande de la dissolution permettra la fin de cet insupportable égarement dans la servitude volontaire...

Plus que jamais, il est temps d'en finir avec toutes les mystifications et tous les malheurs historiques de l'aliénation gouvernementaliste afin de commencer à pressentir la possibilité de situations humaines authentiques, c'est à dire aux antipodes cosmiques des aplatissements et déliquescences de l'argent et de l'Etat...


qui sifflent sur nos têtes ?

Entretien avec La Brique (N° 39), Juillet 2014.

* Apparemment ça chauffe en Grèce... Tu pourrais nous faire un petit portrait de ce qu'il s'y joue ? (La Brique)

Raoul Vaneigem : Ce qui se passe en Grèce et que l'information spectaculaire s'emploie à dissimuler, c'est le début d'un mouvement autogestionnaire. Une réalité l'emporte sur les grandes déclarations théoriques et sur les idéologies. Et cette réalité est celle-ci : l'État qui, hier, se servait d'une partie des taxes et impôts des citoyens pour entretenir les écoles, les hôpitaux, les transports publics, les caisses de retraite et d'allocations sociales, escroque l'argent des citoyens pour financer les malversations bancaires. Le bien public est envoyé à la casse, on rogne sur tous les budgets pour augmenter le profit des mafias multinationales.

* Comment réagissent les gens sur place ?

Devant la faillite de l'État devenu un simple organe de répression commandité par le totalitarisme financier, de plus en plus d'individus se disent : faisons nos affaires nous-mêmes, et chargeons-nous des tâches sociales que l'État ne remplit plus. La Grèce, qui n'a aucune tradition anarchiste, découvre non pas une idéologie libertaire mais une façon d'agir en se passant d'État et de tout le système politique qui lui est inféodé. Le moteur d'un tel mouvement, ce sont les collectifs ou centres sociaux autogérés. Il y en a partout en Grèce, et surtout à Athènes.

* Concrètement, ça se passe comment ? Qu'est-ce qui organise la vie dans ces centres sociaux ?

Des chômeurs et des bénévoles les gèrent selon le principe d'horizontalité : ni leader ni tribun. Les décisions sont prises par l'assemblée, à laquelle tout le monde peut participer. Ce qui est important dans les collectifs, c'est la pratique mise en œuvre sur la base de la gratuité. Gratuité de la cuisine collective (de grande qualité, avec des produits issus des coopératives de la campagne), gratuité des leçons aux enfants, aux chômeurs, aux émigrés, gratuité des films et des spectacles, consultation gratuite de la bibliothèque, gratuité des soins dans les cliniques autogérées, gratuité de l'aide juridique. Certains collectifs ont des potagers entretenus par des bénévoles.

* Comment l'argent circule-t-il dans ces centre sociaux ? Comment faire de cette gratuité une arme contre le système marchand ?

Dans les centres autogérés, il n'y a pas de circulation d'argent. Il existe une boite en carton où chacun est libre, s'il en a les moyens, de jeter quelques pièces. J'estime que le principe devrait trouver son prolongement dans un mouvement général où les citoyens refusant de payer l'État-escroc constitueraient une caisse de dépôt qui servirait au bien public. La gratuité est aussi une arme contre l'économie. On commence à détruire les barrières de péage des autoroutes, à saboter les machines de contrôle du métro. La multiplication des collectifs propage aussi la notion de gratuité.

* Concrètement, qui se mobilise ? À lire tes ouvrages, on a parfois le sentiment qu'il suffit de le vouloir pour se mobiliser...

Sur les murs d'Athènes, il est écrit " Autogestion de la vie quotidienne ", et je ne pense pas que les collectifs qui ont écrit cela peuvent être confondus avec des crétins ou des curés de bonne volonté. Ceux qui essaient d'être humains savent que s'ils doivent détruire l'économie d'exploitation, ils y arriveront en jetant les bases d'une société autogérée, non en pataugeant dans le merdier électoral et politique qui continue d'entretenir la servitude volontaire.

* Observes-tu dans ces centres sociaux autogérés des passerelles avec les classes populaires ?

Ce sont des centres qui accueillent tous ceux qui sont en difficulté. Certains travaillent avec les comités de quartier ou en créent. D'autres restent assez isolés et ont beaucoup de mal à briser le poids du désespoir et de la résignation. Athènes a le plus grand nombre de centres sociaux autogérés mais la plupart des autres villes en comptent aussi.

* Les occupations sont illégales... Ça se gère comment du coup ?

Du jour au lendemain, elles peuvent être interdites par décision juridique. Les problèmes ne manquent pas, comme dans tout mouvement qui avance en tâtonnant : il y a trop peu de relations établies entre les collectifs. Si certains se prolongent en comités de quartiers, d'autres restent relativement isolés. Les occupations, évidemment illégales, sont à la merci d'une attaque policière de l'État et des néo-nazis dont les accointances avec la police et l'armée sont évidentes (même si le gouvernement les a condamnés après l'assassinat d'un jeune chanteur). Les centres autogérés ne sont pas une organisation, ils sont un mouvement anti-autoritaire et de démocratie directe comme le furent les collectivités libertaires apparues lors de la révolution espagnole, et que les communistes écrasèrent au nom de l'organisation.

* La fragilité du mouvement est politique, elle est aussi économique...

Oui, la relation d'échange pose un problème. Mais au lieu d'en faire un problème abstrait, essayez de résoudre celui-ci : il existe en Grèce et en Turquie plusieurs usines autogérées. Je connais le cas d'une usine de détergents dont se sont emparés les ouvriers. Ils produisent des produits de nettoyage bio à des prix très bas, les collectifs vendent ces produits. L'argent est intégralement versé à ceux qui font fonctionner l'usine. Oui, les produits de l'usine autogérée sont des marchandises, mais des marchandises qui entrent dans leur processus de dépassement. Votre journal n'est-il pas lui aussi une marchandise ?

* Certes... Mais il est souvent reproché au " mythe " autogestionnaire de passer sous silence les contraintes structurelles que fait peser l'économie mondialisée sur la volonté de se réapproprier son propre travail. En quoi les expériences grecques apparaissent-elles stimulantes de ce point de vue ?

Elles ne sont qu'une esquisse d'un mouvement autogestionnaire exposé à tous les échecs, à toutes les récupérations, mais qui apparaît de plus en plus comme la seule et unique solution. Car de l'extrême gauche à l'extrême droite, personne n'est capable d'éviter la faillite mondiale qui menace l'environnement et la vie des hommes.

* Quels rôles jouent actuellement les autres groupes syndicaux ou politiques de gauche - comme Syriza, par exemple ? Penses-tu que des alliances soient possibles, ou qu'au contraire il faille maintenir une séparation radicale avec cette frange de la mobilisation ?

Les centres refusent toute intrusion politique. Aucune relation avec l'État et avec le système politique qui est sa courroie de transmission. C'est le social qui l'emporte et la solidarité qui opère à la base, là où sont les vrais problèmes de la vie quotidienne. Syriza n'a aucune solution. S'il l'emporte aux prochaines élections, cela offrira seulement un bref répit aux collectifs et permettra peut-être de " purger " la police des éléments néo-nazis qui sont nombreux. Mais les collectifs ne veulent rien avoir à faire avec Syriza et tutti quanti. En revanche si l'Europe réussit à maintenir le gouvernement actuel, la tendance qui prône de combattre le fascisme sans recours à la violence risque de se renverser et de déboucher sur une guerre civile dont seuls l'État et les multinationales tireraient profit.

* Si on se faisait un peu plaisir et qu'on imaginait un réseau d'espaces autonomes qui relierait Lille et sa région à Brussel, par exemple en 2043 : à quoi ce joyeux bordel pourrait-il donc bien ressembler ?

Au joyeux bordel qui règne en Grèce, mais sans la menace permanente des assassins de l'ordre étatique.

Marie-France Hirigoyen,
Propos recueillis par Serge Cannasse (extraits), La revue du praticien médecine générale, 2014.
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LE HARCÈLEMENT MORAL, LA VIOLENCE PERVERSE AU QUOTIDIEN
Extraits du livre de Marie-France Hirigoyen,1998.

Dans le spectacle actuel de la crise du fétichisme de l'argent, tout apparemment semble continuer à tourner rond mais à y bien regarder de plus près, les choses commencent subrepticement à bouger vers un commencement de radicalité tendancielle qui annonce un possible réveil de la lutte de classe prolétaire... La grève des cheminots est bien entendu à la source toujours torpillée par la gauche et l'extrême gauche du Capital mais elle signale simultanément qu'une colère des profondeurs porteuse d'un autre regard est bien en train de naître du fin fond des difficultés de la vie humaine arraisonnée par le système des objets...

En plus d'une semaine de contrastes, de tiraillements et de contradictions mais aussi et surtout de début complexe de parole ouverte, la grève à la SNCF, fait novation de sédition potentielle puisqu'elle signale là la production d'un bouleversement assurément inédit sous le règne crépusculaire d'un gouvernement de la gauche de la marchandise.

Par delà tous les abrutissements médiatiques qui de l'extrême droite à l'extrême gauche du gouvernementalisme de la domestication, récusent ou encensent bêtement la mythologie d'une grève corporative simplement serviliste pour dissimuler l'envers du décors de l'asservissement, il y a la dynamique de la base qui, elle, se met à renâcler en commençant à voir que ceux qui neutralisent et paralysent le mieux de l'intérieur cette embarrassante grève qui commence à tant déranger les flics syndicaux sont évidemment et comme toujours les prédicateurs anarcho-gauchistes du réformisme extrême lesquels bien loin d'appeler à une extension généralisée de la lutte à tous les secteurs de la vie emprisonnée, cloisonnent chaque entreprise à l'horizon aliénatoire et étriqué de ses particularités illusoires alors même que des grèves dont personne ne veut parler ne cessent pourtant, elles, de spontanément se développer depuis des semaines dans plusieurs secteurs et régions...

La police du Capital dans les usines doit d'abord empêcher qu'émerge les conditions d'un mouvement conscient vers une rencontre étendue et subversive des grévistes, au-delà des murs de chaque prison travailliste. La défaite des cheminots est ainsi savamment et naturellement orchestrée dans le double langage, le sabotage, l'illusion, la claustration et le freinage par tous les faux réfractaires de la CGT et de Sud Rail...

La période dans laquelle nous entrons est certes encore déterminée par l'extrême dispersion des forces de vie humaine susceptibles de contester de manière maximaliste l'ordre existant des galeries marchandes de la mort. Mais la situation désormais advenue de crise cataclysmique du spectacle mondial de l'argent ouvre la voie montante d'une gigantesque crise sociale qui fera, de toutes façons, de la rupture révolutionnaire une possibilité manifestement
évidente.

La contradiction essentielle de la domination spectaculaire en crise finale, c'est qu'elle est irrémédiablement condamnée à échouer en ce moment même où étant devenue le temps de la puissance historique la plus forte de son apogée, elle a perdu simultanément toute chance désormais de ne plus pouvoir être autre chose que l'histoire progressive de son dépérissement définitivement arrivé.

Tous les lamentables experts syndicalo-politiques du pouvoir de la pourriture marchande appuyés sur toutes les machineries numériques de l'intoxication sont partout réunis en permanents conciliabules pluridisciplinaires de vacuité et d'ineptie pour tenter de trouver les moyens de donner à un ordre moribond une dernière apparence de survie... Mais rien n'y fera.

Les jours de la société du calcul sont de plus en plus comptés à mesure que son compter historique invalide lui-même toute l'histoire de ses comptages et qu'un nombre croissant de vivants va vouloir véridiquement exister. Il s'ensuit irrépressiblement qu'elle doit et va disparaître.

Contre tous les rackets politiques du Capital, la conscience radicale de l'Être de la vie sait que pour devenir elle-même, la jouissance authentique doit se produire comme acte cosmique de subversion absolue vers la constitution de la communauté humaine universelle pour un monde sans argent, ni salariat ni État.

Parce que seul l'acte d'achat nous procure le bonheur,
Parce que nous ne croyons qu'en l'Argent, Dieu tout puissant, et en la croissance éternelle de notre PIB,
Parce que le but de toute existence est de travailler plus, pour consommer plus, pour travailler plus...
Parce que la vie est compétition et jungle économique,
Parce que pour qu'il y ait quelques très très riches, il n'y aura jamais assez de pauvres,
Parce qu'avant que la planète n'explose, on compte bien en profiter !
Parce que nous le valons bien,

Nous, riches actionnaires de l'Église de la Très Sainte de la Consommation, vous invitons à notre grand'messe pour célébrer la bonne parole: travaille, obéis,consomme ! Au nom du pèze, du fric et du saint crédit ! Amen ton pèze !

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Croissance

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Dilapidez !

Dilapidez ! Tout votre blé !
Pour la croissance Du P.I.B. !


Du fric à l'aise

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Mouise attaque

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La Marchandaise

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Aimer le pouvoir et l'argent

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Tu Es Là

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Missel du consommateur
http://inventin.lautre.net/livres/Pezemissel.pdf

http://www.amentonpeze.org
http://www.consomme.org/

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Vivons comme des esclaves !
https://www.youtube.com/watch?v=Lk2QWl9Bq3U

€UROP€ $ACRIFIC€
https://www.youtube.com/watch?v=ZPiygnSeqzk

L'Église de la Très Sainte Consommation
http://www.youtube.com/channel/UCpunRr31jcD-0XtwQuaZauA

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La politique ne crée pas d'alternatives. Son but n'est pas de nous laisser développer nos possibilités et nos capacités ; dans la politique, nous ne faisons que réaliser les intérêts qui découlent des rôles que nous exerçons dans l'ordre existant. La politique est un programme bourgeois. Elle est toujours une attitude et une action dont le point de référence est l'État et le marché. La politique est l'animatrice de la société, son médium est l'argent. Les règles auxquelles elle obéit ressemblent à celles du marché. D'un côté comme de l'autre, c'est la publicité qui est au centre ; d'un côté comme de l'autre, c'est une affaire de valorisation et de mise en conditions de celle-ci.

Le spécimen bourgeois moderne a fini par absorber complètement les contraintes de la valeur et de l'argent ; il est même incapable de se concevoir sans ceux-ci. En effet, il se maîtrise lui-même, le Maître et l'Esclave se rencontrant dans le même corps. La démocratie, cela ne signifie rien d'autre que l'auto-domination des supports de rôles sociaux. Comme nous sommes à la fois contre tout pouvoir et contre le Peuple, pourquoi serions-nous pour le pouvoir du Peuple ?

Être pour la démocratie, voilà le consensus totalitaire de notre époque, la profession de foi collective de notre temps. La démocratie, c'est l'instance d'appel et le moyen de résoudre les problèmes. La démocratie est considérée comme le résultat final de l'Histoire. Elle est certes corrigible, mais derrière elle, il ne peut plus y avoir rien d'autre. La démocratie est partie intégrante du régime de l'argent et de la valeur, de l'État et de la Nation, du Capital et du Travail. C'est une parole vide de sens, tout peut être halluciné dans ce fétiche.

Le système politique lui-même se délite de plus en plus. Il ne s'agit pas, ici, d'une crise des partis et des hommes politiques, mais d'une érosion du politique sous tous ses aspects. La politique est-elle nécessaire ? Que nenni et, de toute façon, dans quel but ? Aucune politique n'est possible ! L'antipolitique, cela signifie que les individus eux-mêmes se mobilisent contre les rôles sociaux qui leur sont imposés.

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Capital et Travail ne sont pas antagoniques, ils constituent, au contraire, le bloc de valorisation de l'accumulation du Capital. Qui est contre le capital, doit être contre le Travail. La religion pratiquée du Travail est un scénario auto-agressif et autodestructeur dont nous sommes les prisonniers, à la fois matériellement et intellectuellement. Le dressage au travail a été - et demeure - un des objectifs déclarés de la modernisation occidentale.

Or, c'est au moment même où la prison du Travail s'écroule, que cet enfermement intellectuel vire au fanatisme. C'est le Travail qui nous rend stupides et, de plus, malades. Usines, bureaux, magasins, chantiers de construction et écoles sont autant d'institutions légales de la destruction. Quant aux traces du Travail, nous les voyons tous les jours sur les visages et sur les corps.

Le Travail est la rumeur centrale de la convention. Il passe pour être une nécessité naturelle, alors qu'il n'est rien d'autre que la forme sous laquelle le capitalisme façonne l'activité humaine. Or, être actif est autre chose dès lors que cette activité se fait non en fonction de l'argent et du marché, mais sous la forme du cadeau, du don, de la contribution, de la création pour nous-mêmes, pour la vie individuelle et collective d'individus librement associés.

Une partie considérable des produits et des services sert exclusivement aux fins de la multiplication de l'argent, qui contraint à un labeur qui n'est pas nécessaire, nous fait perdre notre temps et met en danger les bases naturelles de la vie. Certaines technologies ne peuvent être comprises autrement que comme apocalyptiques.

3

L'argent est notre fétiche à nous tous. Il n'y a personne qui ne veuille en avoir. Nous n'avons jamais décidé qu'il devait en être ainsi, mais c'est comme ça. L'argent est un impératif social ; ce n'est pas un instrument modelable. En tant que puissance qui nous oblige sans cesse à calculer, à dépenser, à économiser, à être débiteurs ou créditeurs, l'argent nous humilie et nous domine chaque heure qui passe. L'argent est une matière nocive qui n'a pas son pareil. La contrainte d'acheter et de vendre fait obstacle à toute libération et à toute autonomie. L'argent fait de nous des concurrents, voire des ennemis. L'argent dévore la vie. L'échange est une forme barbare du partage.

Il est absurde non seulement qu'un nombre incalculable de professions ait pour seul objet l'argent, mais aussi que tous les autres travailleurs intellectuels et manuels soient sans cesse en train de calculer et de spéculer. Nous sommes des calculettes dressées. L'argent nous coupe de nos possibilités, il ne permet que ce qui est lucratif en termes d'économie de marché. Nous ne voulons pas remettre à flot l'argent, mais nous en débarrasser.
Il faut non pas exproprier la marchandise et l'argent, mais les supprimer. Qu'il s'agisse d'individus, de logements, de moyens de production, de nature et d'environnement, bref : rien ne doit être une marchandise ! Nous devons cesser de reproduire des rapports qui nous rendent malheureux.

La libération, cela signifie que les individus reçoivent leurs produits et leurs services librement selon leurs besoins. Qu'ils se mettent directement en relations les uns avec les autres et ne s'opposent pas, comme maintenant, selon leurs rôles et leurs intérêts sociaux (comme capitalistes, ouvriers, acheteurs, citoyens, sujets de droit, locataires, propriétaires, etc.). Déjà aujourd'hui, il existe, dans nos vies, des séquences sans argent : dans l'amour, dans l'amitié, dans la sympathie et dans l'entraide. Nous donnons alors quelque chose à l'autre, puisons ensemble dans nos énergies existentielles et culturelles, sans présenter de facture. C'est alors que nous sentons, par moments, que nous pourrions nous passer de matrice.

4

La critique est plus qu'une analyse radicale, elle demande le bouleversement des conditions existantes. La perspective cherche à dire comment on pourrait créer des conditions humaines qui n'auraient plus besoin d'une telle critique ; l'idée d'une société où la vie individuelle et collective peut et doit être inventée. La perspective sans la critique est aveugle, la critique sans la perspective est impuissante. La transformation est une expérience dont le fondement est la critique ayant pour horizon la perspective. " Réparez, ce qui vous détruit " ne peut être notre mot d'ordre.

Il s'agit d'abolir la domination, rien de moins, peu importe si celle-ci se traduit par des dépendances personnelles ou par des contraintes objectives. Il est inacceptable que des individus soient soumis à d'autres individus ou soient livrés, impuissants, à leurs destins et structures. Nous ne voulons ni d'autocratie ni d'auto-domination. La domination est plus que le capitalisme, mais le capitalisme est, jusqu'à aujourd'hui, le système de domination le plus développé, le plus complexe et le plus destructeur. Notre quotidien est conditionné à un point tel que nous reproduisons le capitalisme chaque jour et que nous nous comportons comme s'il n'y avait aucune alternative.

Nous sommes bloqués. L'argent et la valeur engluent nos cerveaux. L'économie de marché fonctionne comme une grande matrice. Notre objectif est de la nier et de la supprimer. Une bonne vie bien remplie suppose la rupture avec le capital et la domination. Aucune transformation des structures sociales n'est possible sans transformation de notre base mentale et aucun changement de la base mentale sans la suppression des structures.

5

Nous ne protestons pas, nous avons dépassé ce stade. Nous ne voulons réinventer ni la démocratie ni la politique. Nous ne luttons ni pour l'égalité, ni pour la justice et nous nous réclamons d'aucune libre volonté. Nous n'entendons pas non plus miser sur l'État social et l'État de droit. Et encore moins nous voulons nous faire les porte-à-porte de quelconques " valeurs ". Il est facile de répondre à la question quelles sont les valeurs dont nous avons besoin : aucune !

Nous sommes pour la dévalorisation totale des valeurs, pour la rupture avec ce mantra des soumis appelés communément " citoyens ". Il faut rejeter ce statut. En idées, nous avons déjà résilié le rapport de domination. L'insurrection que nous avons en tête ressemble à un saut paradigmatique.

Nous devons sortir de cette cage qu'est la forme bourgeoise. Politique et État, démocratie et droit, nation et peuple sont des figures immanentes de la domination. Pour la transformation, nous ne pouvons disposer d'aucun parti et d'aucune classe, d'aucun Sujet et d'aucun mouvement.

6

Ce qui est en jeu, c'est la libération de notre temps de vie. C'est elle seule qui nous permettra d'avoir plus de loisir, plus de plaisir et plus de satisfaction. Ce dont nous avons besoin, c'est plus de temps pour l'amour, l'amitié et les enfants, plus de temps pour réfléchir ou pour paresser, mais plus de temps aussi pour nous occuper, de façon intense et extensive, de ce que nous aimons. Nous sommes pour le développement tous azimuts des plaisirs.

Une vie libérée, cela signifie de se reposer plus longtemps et mieux, mais, tout d'abord, dormir plus souvent ensemble, et plus intensément. Dans cette vie - la seule que nous ayons - l'enjeu est la bonne vie, il s'agit de rapprocher l'existence et les plaisirs, de faire reculer les nécessités et d'élargir les agréments. Le jeu, dans toutes ses variantes, requiert à la fois de l'espace et du temps. Il ne faut plus que la vie soit cette grande occasion manquée.

Nous ne voulons plus être ceux que nous sommes forcés d'être.

Le bonheur et la joie de vivre prendront la place de la fatigue nerveuse, de la lassitude et de la dyspepsie. Il y aura assez de travail à accomplir pour rendre le loisir délicieux, mais pas assez pour conduire à l'épuisement.
Les hommes et les femmes ordinaires, deviendront plus enclin à la bienveillance qu'à la persécution et à la suspicion. Le goût pour la guerre disparaîtra, parce que celle-ci exigera de tous un travail long et acharné. La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l'aisance et de la sécurité, non d'une vie de galériens. Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous sommes montrés bien bête, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment.

C'est le point aveugle du débat : la dette publique est une escroquerie ! En cause, la loi Pompidou-Giscard de 1973 sur la Banque de France, dite " loi Rothschild ", du nom de la banque dont était issu le président français, étendue et confortée ensuite au niveau de l'Union européenne par les traités de Maastricht (article 104) et Lisbonne (article 123). D'une seule phrase découle l'absolue spoliation dont est victime 99% de la population : " Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la banque de France" . En clair, la Banque de France a désormais interdiction de faire crédit à l'État, le condamnant à se financer en empruntant, contre intérêts, aux banques privées, au lieu de continuer à emprunter sans intérêt auprès de la banque de France qui lui appartient. Depuis l'application de ce principe, la finance et son infime oligarchie donnent la pleine mesure de leur asservissement des peuples, en une spirale exponentielle d'accroissement des inégalités. Le pouvoir est désormais aux mains des créanciers privés, qui l'exercent au bénéfice exclusif d'intérêts particuliers, quand la puissance publique a renoncé à son devoir de protéger l'intérêt général. La démocratie, étymologiquement pouvoir du peuple, est morte.

" Ainsi, entre 1980 et 2008, la dette a augmenté de 1088 milliards d'euros et nous avons payé 1306 milliards d'euros d'intérêts ", résume Mai68.org. Faisons la soustraction : sans les intérêts illégitimes encaissés par les financiers privés, la dette publique française se serait élevée, fin 2008, à 21,4 milliards d'euros - au lieu de 1327,1 milliards ! Un escroc peut-il rêver pareil butin ?

Extrait de www.plumedepresse.net

L'INVENTION DE LA CRISE
Escroquerie sur un futur en perdition (Extrait)

Étant donnée la situation actuelle du capitalisme financier, nous sommes aujourd'hui contraints de comprendre et d'appréhender l'économie avec le point de vue plus global des relations humaines, sinon, nous serons condamnés à la subir comme un système d'oppression et d'exploitation pour le profit d'un petit nombre de privilégiés qui abuseront sans entraves de leur pouvoir sans limites, et ceci, à perpétuité.

Abandonnant les calculs quantitatifs des accapareurs de richesses, basés sur l'échange usurpateur comme unique valeur sociale, les rapports humains pourront enfin s'auto-organiser de manière juste et égalitaire. Si on se libère des combines et des arnaques, cachées dans la confusion par les complexités numériques des abstractions mathématiques, l'auto-organisation des liaisons entre individus égaux sera alors librement choisie et construite dans un consensus collectif au cours de processus démocratiques directs, à échelle humaine, dans tous les secteurs d'activités.

C'est la seule issue possible à la faillite d'un système mondial qui achève son temps dans la confusion et la désolation. Il s'agit maintenant d'émanciper la société des êtres humains de la tyrannie d'un système planétaire destructeur et suicidaire.

La crise économique est un discours idéologique qui sert à cacher la guerre sociale entre les capitalistes et les diverses couches de la population. Ce n'est pas l'aggravation illimitée de la crise qui produit la révolution, mais le combat dans la crise, contre les conditions d'une survie intolérable, qui engendre le changement de perspective nécessaire à un renversement du système d'exploitation du capital. Aujourd'hui, la révolution n'a plus le communisme comme projet idéal, mais plutôt comme pratique libertaire dans les luttes actuelles, en rupture avec le système, inadmissible pour les capitalistes. Et ce ne sont pas les blocages qui provoqueront la révolution, mais cet ensemble de pratiques incompatibles avec le système. Un bouleversement radical n'a que faire de syndicats aux revendications acceptables, de programmes préfabriqués à imposer, de logos ou de drapeaux de l'ancien monde.

Ce qui importe en réalité c'est le rapport social qui fait que l'activité humaine est réduite à l'esclavage du travail, l'important c'est alors l'abolition de ce rapport social, et non l'abolition abstraite du travail, en prenant collectivement des mesures qui libéreront l'activité de chacun, dans une démocratie générale qui rende tout retour en arrière impossible.

L'économie, idéologie de la domination, disparaîtra lorsque la monnaie, instrument à créer des inégalités, aura perdu sa valeur d'échange, et donc son usage, soit par implosion du système, soit par explosion sociale, soit, ce qu'il semble le plus vraisemblable, par une jonction fortuite des deux. Tout en reprenant le pouvoir sur notre existence et nous réappropriant l'usage de nos vies quotidiennes, instaurons la démocratie directe générale dans les entreprises et tous les établissements publics, " une personne, une voix ". L'autogestion généralisée de la vie dans le cours des libres jeux des relations est un minimum nécessaire à un changement de perspective devenu incontournable. Quand tout devient insupportable, il est prudent de ne plus supporter, et le désir de changer peut alors se transformer en plaisir de changer avec les autres en se libérant de l'emprise de la marchandise et de sa représentation spectaculaire.

Notre devenir sera ce que nous en ferons ensemble, dans une coopération auto-organisée, ou alors nous nous condamnerons à nous enfouir dans la barbarie et la misère.

Lukas Stella, octobre 2011

Le chômage de masse qui frappe la Grèce rappelle l'Allemagne des années 30 et les conséquences qu'on connaît. À Exarcheia, la violence de la crise a plutôt favorisé l'alternative humaniste, libertaire et sociale. Le quartier est massivement anti-autoritaire, avec des nuances et une pléiade d'initiatives complémentaires.
On trouve surtout des représentations de la misère sur les murs, y compris des mendiants dessinés, comme un décor visant à ne pas faire oublier ce qui se passe à l'extérieur du quartier. En effet, dès qu'on traverse la rue Solonos, on croise énormément de mendiants dans les artères marchandes devenues lugubres. De l'autre côté de l'avenue Patission, à l'ouest d'Exarcheia, c'est la misère à plus grande échelle. La misère qui se répand comme une maladie contagieuse. Et la faim qui se dévoile dans les regards furtifs ou insistants.

Le nazisme est de retour. 7% aux élections législatives en 2012. Plus de 15% dans les enquêtes d'opinion un an plus tard. Le fléau est partout. Partout, sauf à Exarcheia qui se revendique zone antifasciste. Sur ses principales artères, les affiches, dessins et textes sont sans appel ni concession, ni compromission.
Ici, les migrants sont tranquilles ou presque. Ils vendent à la sauvette des cigarettes de contrebande sur l'avenue Stournara, ou d'autres bricoles aux alentours du quartier, et se replient vers la place dès qu'une menace s'approche. Des guetteurs sont postés tout en bas de l'avenue. Au moindre mouvement suspect, tout le monde se lève subitement. À la moindre confirmation sonore, c'est la course, en emballant d'un seule geste toutes les marchandises. Ce manège fait songer aux proies de grands prédateurs. Des proies qui réagissent ainsi avant de fuir de la savane vers un territoire plus boisé ou à couvert.
Athènes, c'est la savane des chasseurs de migrants, agréés ou non agréés officiellement par le pouvoir. Exarcheia, c'est la jungle protectrice au beau milieu de ce vaste territoire à découvert. Un point d'eau. Un abri. Et plus, si affinité.
Le long des manifestations, les jeunes libertaires forment une chaîne avec leurs bâtons surmontés d'un drapeau rouge et noir ou tout noir. Les policiers anti-émeutes surveillent de près les cortèges et chacun cherche à impressionner l'autre. Le rapport de force est palpable, lourd, orageux. La détermination est totale. "BATSI, GOUROUNIA, DOLOFONI !"(flics, cochons, assassins !) crient les jeunes à la colonne de visages casqués et dissimulés sous des masques à gaz. Ceux qui pourraient être leur pères se taisent. Seuls leurs chefs répondent dans des talkie-walkie à des ordres venus d'ailleurs, toujours plus haut dans la hiérarchie de l'ordre et du pouvoir. On attend la sortie des Molotovs, pour l'instant cachés dans certains sacs à dos. Tout peut basculer à tout moment, dans les bombes assourdissantes et les gaz lacrymogènes aveuglants et très irritants. Les yeux dans les yeux, le face-à-face continue en criant, à trois ou quatre mètres seulement, le long de la manif.

Les gaz lacrymogènes sont déversés comme du napalm. Un masque à gaz dans chaque sac, les manifestants se sont préparés à cette éventualité. D'autant plus que les gaz utilisés par les brigades anti-émeutes sont absolument proscrits en Europe. Ce sont des gaz à usage militaire, souvent périmés, extrêmement puissants et irritants, voire dangereux pour la santé. Personne ne recule. Les entrées d'Exarcheia sont tenues par des jeunes et des moins jeunes qui dépavent les trottoirs à une vitesse incroyable, outils en main, et en font des projectiles pointus et tranchants. Des guetteurs préviennent de l'arrivée des "MAT" (CRS). Les cocktails Molotovs s'allument. Certains sont des bouteilles de bière et se projettent loin. D'autres sont des bouteilles de vin et même des magnums de i, litre ou de 3 litres et sont jetés en se rapprochant très près ou bien d'un toit. Des jeunes courent de terrasse en terrasse pendant que d'autres, plus nombreux, sont dans les rues. Tous les 6 décembre, chaque année, on assiste à un bras de fer à l'entrée d'Exarcheia et à une véritable guérilla urbaine. Une catharsis de la souffrance endurée.
Aux violences et tortures policières s'ajoutent les sanctions très lourdes de la Justice grecque... C'est pourquoi le quartier est aussi l'un principaux lieux de caches de résistants recherchés dans Athènes. Des planches d'échafaudage sur les toits permettent de passer d'une terrasse à l'autre très vite en cas de besoin. Certaines rues sont si étroites qu'on pourrait presque enjamber le vide. Des logements en apparence murés ou encore des caves ont le même usage. Même rien ne vaut les petits abris sur les terrasses.

NE VIVONS PLUS COMME DES ESCLAVES. Cette devise qui a fait le tour de la Grèce est née ici, à Exarcheia, suite à l'adaptation de la pièce de Jean Genet "Les Bonnes" (d'où elle est extraite).
Une devise qui est revenue à Exarcheia quelques mois plus tard sous la forme d'un film et d'une chanson éponymes. L'occasion de découvrir et fêter cette internationalisation la lutte dans différents lieux et sur la place bien sûr.

Combien de temps encore Exarcheia portera cette énergie créatrice ? Dans quelle mesure seront-nous capables ailleurs de prendre le relais ou de nous en inspirer ? Probablement, selon notre capacité à l'engagement, car c'est bien cela qui caractérise d'abord beaucoup d'habitants de ce quartier d'Athènes si particulier. Ils agissent, sans attendre, tournés ensemble vers l'horizon, par-delà leurs différences.
"Le temps s'écoule, le temps s'enfuit" et l'oubli menace de recouvrir tout ce qui se fait là-bas et ailleurs. Les affiches se déchirent, la peinture s'écaille... Les tyrans ont les yeux braqués sur les poches de résistance qui les menacent. Le temps nous est compté et la vie nous attend.

Éditions Libertaires (Avec 75 photographies de Maud Youlountas)

Les dettes se répandent comme des virus, l'épidémie envahit une société de crise qui s'est grippée. La fièvre monte dans un État fébrile, la lassitude gagne et les défenses immunitaires s'écroulent...
" Pour contenir les populations plongées dans la pauvreté, la propagande de la peur peut être utilisée à propos du changement climatique, des catastrophes naturelles et des attaques terroristes à grande échelle, comme outil de contrôle des populations. "
Rapport de la Fondation Rockefeller, 2010
L'insistance permanente et obsessionnelle du spectacle médiatique à nous faire peur par tous les moyens, nous pousse à nous recroqueviller dans la servitude, chacun " chez soi ", embourbé par nos habitudes casanières et solitaires. Mais la propagande tapageuse en fait parfois beaucoup trop et perd son emprise dans un dysfonctionnement latent, des relations apparaissent là où on ne les attend pas, les croyances se dérobent et la servitude se décompose en petits morceaux.
Le matraquage répétitif et permanent du spectacle de cette réalité des choses marchandes, déforme nos perceptions et notre compréhension de la situation, dans une surabondance de détails parasites qui nous placent dans un état de confusion permanente.
La société a considérablement protégé son fonctionnement depuis 1968 en surdéveloppant son discours spectaculaire, et la contestation de la société n'a pas compris les conséquences de cette mutation, l'empêchant d'effectuer le changement de perspective nécessaire à l'émergence d'un mouvement de transformation radicale. L'internationale s'est réalisée dans la mondialisation et l'abolition de l'État est en cours, il a déjà perdu tout contrôle sur l'économie et la finance. Les politiques gèrent au jour le jour un système dont le fonctionnement leur échappe, en justifiant très mal leurs mesures de rafistolage. Ce sont des escrocs bonimenteurs, et la contestation marche dans les pas de leurs embrouilles, se rendant complice de l'arnaque générale mal dissimulée par sa représentation spectaculaire.
Dans ce monde de communications numériques à sens unique, nous ne sommes pas informés, mais mis en conformité avec les faits objectifs du monde des marchandises.
" Notre croyance en l'objectivité entrave la compréhension que nous avons de nous-mêmes et des autres. L'objectivité du monde n'est qu'apparente. Le lien de cause à effet n'est pas dans la réalité, mais dans une explication de la réalité. C'est l'opération de distinction qui fait distinguer les choses. La réalité est une construction de l'esprit, elle est ce que nous en faisons. La question n'est plus de savoir ce qui est vrai, mais de chercher ce qui est utile pour agir selon nos désirs. "
Lukas Stella, Stratagèmes du changement
Le concept de cause, tel que le définit le scientisme déterministe, se fonde sur les présuppositions que l'on peut expliquer n'importe quel phénomène en le réduisant à l'étude de ses parties et qu'aucun autre élément n'entre en jeu. L'erreur commise par ce réductionnisme aveugle est de ne pas reconnaître avoir détruit le système des relations et interactions qui forment un tout en effectuant ces dissections et découpages arbitraires. Cette conception schizophrénique d'un monde fragmenté ne mène jamais qu'à un obscurantisme sans devenir, à un blocage des possibles.
Ce réalisme qui considère qu'une cause génère son effet, en dehors de tout contexte et de toute interaction n'est qu'une prétention scientiste erronée. La science peut se décrire comme un mode de perception, d'organisation et d'attribution de sens aux observations, qui construit par là même des théories subjectives qui peuvent être confirmées par l'expérience et dont la valeur n'est pas définitive.
Aucune science ne peut proposer une explication de la réalité absolument vraie et inaltérable. Il n'y a pas une seule, mais de multiples réalités, selon le point de vue de l'observateur et des instruments qu'il utilise à des fins d'observation. Ainsi est réfuté tout modèle d'interprétation présupposant une explication de la nature et du comportement de l'Homme qui se veut absolument vraie et définitive, parce qu'un tel modèle tombe inévitablement dans le piège idéologique d'autoréférenciation, sorte de discours qui génère sa propre justification, construite sur ses hypothèses de départ.

Le système doit être étudié dans sa totalité, car la totalité représente davantage que la simple somme de ses parties ; elle est autre et bien plus que le total. Toute tentative d'étudier les composantes de façon isolée détruirait la totalité et produirait des résultats qui altéreraient la compréhension du système.
" Ce sont ces liens, conceptuels ou opérationnels, qui sont les prérequis pour interpréter les structures et la fonction d'un organisme vivant vu comme un organisme autonome autoréférent. Quand ces liens sont ignorés, le concept "d'organisme" est vide, et ses pièces détachées deviennent des problèmes triviaux ou restent des mystères. "
Heinz von Foerster, Seconde cybernétique et complexité
Par opposition au mode de pensée conformiste, qui découpe les champs de connaissances et les compartimente, la pensée situationnelle relie, associe, recadre, coopère, harmonise, s'implique, interagit avec les autres, invente des possibilités et du plaisir partagé. Un mouvement de transformation sociale peut alors se comprendre comme la congruence d'une danse synchrone de coordinations d'actions, d'où émerge une évolution comportementale dans de nouveaux rapports relationnels, au cours de dérives individuelles et collectives sans plan préétabli. Selon ce point de vue, les règles de la concurrence, la loi du plus fort, la hiérarchie, l'exploitation et la prédation font place à l'entraide interactive, la coopération sociale, l'association fédérative, la commune à échelle humaine.
Les réseaux interactifs d'éléments autonomes sont à la base de comportements émergents non prévisibles, car ils sont non déductibles à partir de ses parties singulières. L'auto-organisation émergente est précisément l'agrandissement de l'espace de possibilités d'une nouvelle globalité issue d'une histoire d'interactions entre des éléments différents et hétérogènes. Lorsque la richesse de ces interactions franchit un certain seuil, le mouvement global produit de façon discontinue de nouveaux comportements d'ensembles tout à fait imprévisibles en fonction de la somme des apports de chaque individu ou groupe d'individus. Ces groupes de relations, en interaction temporaire avec d'autres groupes, peuvent développer, dans de brèves périodes, des capacités et des propriétés nouvelles inconcevables, parce que non déductibles.

La société du spectacle est très peu spectaculaire
(Réponse de Jean-Pierre Voyer à M. Bueno)

Debord et la Société du spectacle

Pour Debord, les marchandises et leur consommation sont des promesses de bonheur, "le spectacle n'est qu'une image d'unification heureuse" (encore des images ! thèse 63). Le titre du deuxième chapitre est d'ailleurs "La marchandise comme spectacle". Pour Debord, donc, le spectacle est le monde marchand dans son ensemble, et non pas seulement un seul secteur de ce monde.

D'abord, je vous le demande, où donc le monde réel se change-t-il en de simples images comme le prétend le monsieur ? Nulle part. Vous verrez peut-être des images, à la télévision notamment, qui se prétendent images du monde ou qui sont tenues pour des images du monde. Mais cela ne signifie pas que le monde se transforme en images. Allez dire ça aux bougnoules irakiens. Il produit et contient peut-être beaucoup d'images (de ce fait, il est spectacliste) mais ce n'est pas pour autant qu'il se transforme en images. C'est tout le contraire. Quelques images, quelques femmes nues sur des affiches, essayent de se faire passer pour le monde et cela n'est possible qu'à cause de la déficience de parution du monde. Le monde ne paraît pas. Comment pourrait-il être un spectacle ? Le monde réel ne se change en rien du tout sinon en lui-même. Il se contente de ne pas paraître. Il continue d'être, tranquillement. Il tremble dans ses profondeurs et pourtant il n'est pas inquiet. Quant à ce qui paraît, ce n'est pas le monde, mais ce n'est ni une image, ni un spectacle pour autant, ni plus, ni moins que les Alpes.

Ensuite, où peut-on voir des images, qu'elles soient d'unification heureuse ou de ce qu'on voudra, qu'elles se prétendent images du monde ou non, qu'elles soient tenues pour des images du monde ou non ? Je vous le demande, où peut-on voir de telles choses ? Dans la pub, à la télévision et nulle part ailleurs. Le seul endroit où les marchandises sont un spectacle, au sens de mise en scène, le seul endroit où leur consommation est une image d'unification heureuse, le seul endroit où les marchandises sont des images, c'est la pub, n'en déplaise à Debord, cet homme qui ne se corrigeait pas mais qui baissa sa culotte devant un "merdeux qui espérait hériter" et qui, finalement, hérita. Tout le reste, c'est de la phrase.

Ailleurs que dans la pub, ailleurs qu'à la télévision, dans les supermarchés notamment, vision d'enfer que ne pouvait imaginer Dante, les marchandises et leur consommation ne sont pas une image d'unification heureuse, ni aucune autre image, mais un spectacle d'épouvante et de désolation, grouillement abject d'esclaves pacifiés et apeurés. Et là il ne s'agit pas de mise en scène mais de réalité ! Là le mot "spectacle" n'a pas le sens de mise en scène et d'illusion lénifiante mais simplement le sens de "vision" d'horreur, ce que l'on voit quand on ouvre les yeux si les mots veulent encore dire quelque chose. Encore une fois, le seul endroit où il y ait image d'unification heureuse c'est la propagande ou la pub, le seul endroit où les marchandises et leur consommation soient une promesse de bonheur, c'est la pub, le seul endroit où la marchandise soit un spectacle, c'est la pub. Partout ailleurs, c'est une vision de terreur et de désolation et il ne s'agit pas d'images. Les mots "image d'unification heureuse environnée de désolation et d'épouvante" sont de Debord lui-même (thèse 63). Il reconnaît donc, (il n'est pas à une contradiction près du moment qu'il peut faire de la phrase), que l'image de l'unification heureuse a lieu au milieu de quelque chose qui n'est ni image, ni spectacle, ni mise en scène, ni unification heureuse ; mais atroce réalité quasi invisible pour la plus grande part. La misère et le malheur sont secrets ou bien, quand ils paraissent, c'est précisément sous une forme spectaculaire (au sens vulgaire, très vulgaire même), à la télévision. Le con de Mme Ockrent est si large que son mari peut y pénétrer avec un sac de riz sur l'épaule.

Je serais encore plus précis : ce n'est pas tout ce qui était directement vécu (quoi donc d'ailleurs ?) qui s'est éloigné dans une représentation, mais seulement l'idéologie, ce qui n'est déjà pas mal. Toute l'idéologie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de communication se réduit à une immense accumulation de spectacles. Ce qui était seulement écrit et prononcé est aujourd'hui photographié, filmé, télévisé, chanté et dansé, comme l'avait bien compris Céline qui y voyait, en tant qu'écrivain, de la concurrence déloyale. L'idéologie est devenue audiovisuelle et se réduit à une mise en scène. Il n'est même plus la peine d'argumenter et les néo-professeurs et néo-auteurs sont seulement des cabotins dont le succès dépend de leur passage de la rampe (ils rampent d'ailleurs). Le seule spectacle qui soit est seulement l'idéologie devenue spectacle. C'est tout. Et l'idéologie n'est pas le monde que je sache mais seulement un discours sur le monde. Aujourd'hui ce discours, si on peut appeler cela ainsi, est photographié, filmé, télévisé et même vécu (les prides et les proud). Voilà donc ce concept de spectacle. C'est la seule différence avec le monde du temps de Marx et Balzac. L'idéologie est devenue un spectacle et n'a même plus besoin de prétendre être une pensée. C'est seulement dans cette idéologie audiovisuelle que la marchandise est image d'unification heureuse, encore que les pâtes Panzani ou l'huile Lesieur ne soient pas tellement bandantes. C'est pourquoi on leur adjoint généralement une pisseuse dont la culotte est mouillée, oui, mais de pisse. Aujourd'hui l'idéologie est audiovisuelle, elle est non seulement presse, édition, mais culture, pub, télévision, cinéma, mode, prétendu art post-pédé, sport ou plus généralement industrie des loisirs où le bétail servile est engagé à ses frais (on est loin de l'édition à compte d'auteur) comme figurant et prosélyte. Mais tout cela n'est qu'un secteur spécialisé du monde et non pas le monde lui-même, ni "un rapport social entre des personnes médiatisé par des images" (thèse 4) quoique les billets de banque soient des images. Disneyland n'est pas le monde et ne le sera jamais.

Debord a certainement réussi à stigmatiser cette partie de la société dont le rôle est de concentrer et d'abuser tout regard et toute conscience (il aurait certainement mieux réussi d'ailleurs s'il avait été moins prétentieux et moins précieux, car, que je sache, les stigmatisés ne se portent pas trop mal et se réclament tous, à juste titre, de Debord) ; mais il a totalement échoué à montrer que le spectacle était un rapport social entre des personnes, que le spectacle était le capital qui se change en image, que le monde se change en de simples images, bla bla bla. Il n'a même jamais essayé. Cet ivrogne s'est vite fatigué et vite contenté. Certes, le spectacle se donne comme "la société même" ; mais il n'est pas "la société même". La société même n'est pas non plus spectaculaire mais au contraire, hélas, strictement invisible. Ce spectacle qui se présente comme la société même est le fait d'une partie de la société, même si tous les habitants de la société sont victimes de cette apparence. Tous les habitants de la société peuvent très bien voir "la société même" dans les représentations que leur en donne un secteur spécialisé dans l'illusion et la mise en scène (ce qui reste à prouver) sans que pour autant "la société même" soit un spectacle, ni spectaculaire, ni une mise en scène. Au contraire, "la société même" (la main invisible d'Adam Smith) ne paraît jamais et c'est bien ce défaut de parution qui permet au spectacle de s'épanouir et de prospérer. Ce n'est pas le spectacle qui cache la société et l'empêche de paraître, c'est le défaut de parution de la société qui permet au spectacle d'exister. Contrairement aux sociétés étudiées par Lévi-Strauss où les règles des systèmes d'échange portant sur des biens, des signes, des femmes, paraissaient néanmoins tout en demeurant incompréhensibles pour l'ethnographe, dans les sociétés modernes ces règles ne paraissent pas. Ensuite, ce secteur spécialisé de la société peut très bien être un instrument d'unification, mais il n'unifie que l'abrutissement et non pas la société. Si la société même paraissait, tous les problèmes seraient instantanément résolus. C'est du fait de l'invisibilité de la société que les hommes font autres chose que ce qu'ils croient faire et qu'ils le font toujours contre leur gré. Tout le problème consiste selon Hegel dans le paraître dans soi du monde (la phénoménologie de l'esprit stricto sensu si je ne m'abuse), ce qu'était bien incapable de comprendre Lévi-Strauss et à fortiori M. Derrida absorbé par la recherche de son prépuce perdu.

Ce qu'est la société même, Debord l'ignore, moi aussi et vous sans aucun doute. Seule m'importe ce qu'est la société, seule m'importe la réponse à la question "pourquoi y a-t-il des esclaves plutôt que rien ?", choses dont Debord s'est moqué dans tous les sens du terme. Ce qu'est la société même, elle l'était déjà du temps de Balzac et de Marx et elle l'est toujours aujourd'hui.

Le spectacle comme partie de la société et comme production d'une partie de la société, le seul qui existe contrairement à ce que prétend Debord, est, d'une manière plus générale, l'industrie des loisirs et s'il est vrai que cette industrie concourt à l'unification de l'abrutissement dans la société, ce n'est qu'en tant que branche particulière du commerce. Le commerce est l'instrument d'unification unique de ce monde. Il est certainement vrai que l'industrie des loisirs concentre tout regard et toute conscience mais justement parce qu'elle est industrie de loisirs spectaculaires, destinés par définition au regard et à la conscience. Il est certainement vrai que cette industrie est un puissant instrument d'abêtissement ; mais au moins est-ce partout le même abêtissement, un abêtissement universel. L'universel progresse par le mauvais côté ce qui ne devrait pas vous étonner. Voilà le négatif au travail. Il n'en n'est pas moins vrai que la société même n'est ni spectacle ni spectaculaire ne serait-ce que parce que si elle était spectacle, vous la verriez, or vous ne l'avez jamais vue, ni Marx, ni Durkheim, ni Mauss ni tant d'autres qui auraient tellement aimé la voir. Hegel fut certainement le meilleur visionnaire de la société. Hegel est catégorique : la société est communication, la société est savoir, la société est un système général d'apparence. L'histoire du monde est celle du paraître dans soi du monde. Si toute illusion est une apparence, toute apparence n'est pas une illusion et cette société ne vit pas à travers son système général d'illusion, comme le prétend la pensée Canal plus ; mais, comme toute société, à travers un système général d'apparence qui ne parait jamais (Dans les sociétés étudiées par Lévi-Strauss il paraissait encore). Prétendre le contraire, c'est confondre l'enculage proprement dit avec la vaseline. Ce savoir vous ignore et réciproquement vous l'ignorez. C'est de bonne guerre. Plus précisément, Hegel et les sauvages savent que la société est savoir, Weber et vous l'ignorez.

Donc, finalement, le spectacle se réduit à l'industrie des loisirs : culture, sport, mode, loisir, télévision, show-business, pub, presse. Le monde entier n'est pas une industrie des loisirs, n'est pas un spectacle, n'est pas spectaculaire, n'est pas une mise en scène, n'est pas illusoire, n'est pas une accumulation de spectacles ou d'images. Pour qu'il soit illusoire, au moins faudrait-il qu'il paraisse, ce qu'il se refuse à faire. Il s'abstient de paraître, tout bonnement. Et quand il parait c'est comme une nature. Le spectacle du monde réel est comme le spectacle des Alpes. Comme Hegel devant les Alpes nous ne pouvons que dire das ist. C'est la naturalisation de l'esclavage. Dans la société, telle qu'elle paraît, l'esclavage est naturel. Il va de soi. J'écrivais précédemment qu'il n'y avait pas de société du spectacle mais seulement un spectacle de la société. Hélas non, il n'y a même pas de spectacle de la société, seulement un spectacle d'une nature. La prétendue société du spectacle est très peu spectaculaire. On ne la voit jamais sinon à la télévision. La société que l'on voit ailleurs qu'à la télévision est tout à fait ordinaire, tout à fait naturelle, ce qui est la pire des choses pour une société. (Les société des sauvages sont bien moins naturelle que la nôtre. C'est ce qui a frappé les ethnographes.) Le monde cache bien son jeu. Le monde paraît dans lui-même secrètement, à l'insu de tous et de lui-même évidemment. Le monde est plus fort en secret que la CIA et le Mossad réunis. Le monde est un message secret dont le sens ne préexiste pas à son déchiffrement. Donc, le spectacle n'est pas, comme le prétend le monsieur (thèse 10), "la négation de la vie devenue visible". [Le crétin a également écrit dans ses Commentaires : "Le secret domine le monde et d'abord comme secret de la domination". Il faudrait savoir. La négation de la vie est devenue visible, mais la domination demeure secrète ! Pour un homme qui ne se corrige jamais. Prétentieux imbécile. La vanité l'a perdu. C'est comme ce Bounan qui prétend que le secret de la domination est connu depuis un siècle. Mais on chercherait en vain, dans le monde, le plus minime effet de ce savoir séculaire. Mais, crétins, le monde lui-même est un secret. Personne, hormis Hegel et Allah, ne peut se vanter d'en produire le concept. Le monde seul peut produire son concept. Durkheim dirait que seule la société peut expliquer la société.] C'est exactement le contraire. Comme toute idéologie le spectacle (le médiatique) a pour mission de dissimuler la négation effective de la vie qui, sans cela, risquerait de devenir visible. Au besoin, le spectacle (le médiatique) insiste complaisamment sur des négations de la vie bien sanglantes, en un mot bien spectaculaires, massacres, camps de concentration, chambres à gaz, génocides, guerres locales, charniers, ce qu'il faut bien appeler des détails face à la généralité et à la permanence de la véritable et universelle négation de la vie qui demeure secrète. Celle là, on ne la verra jamais à la télévision. (J'emprunte le mot détail à M. Le Pen. J'espère qu'il ne va pas me réclamer de droits d'auteur. Ce n'est qu'une juste compensation après le plagiat universel de mon titre Reich, mode d'emploi qui est certainement le titre le plus plagié dans toute l'histoire de la littérature.) M. Lévy, flanqué de l'inévitable James Bond girl, grand amateur de ce genre de détails édifiants, est l'un de ces agents de désinformation très actifs du Maussade (voilà donc pourquoi il ne sourit jamais sur ses photos !) La négation effective de la vie, ce qui nie effectivement la vie, demeure invisible, secret. Et pour cause, c'est la vie même qui nie la vie, l'esprit qui nie l'esprit, la communication qui nie la communication. Si la négation de la vie devenait visible, le problème serait résolu immédiatement. Quand les dix mille hoplites (hélas, ils n'étaient plus que cinq mille alors) voulaient déposer un de leurs officiers, trois cents d'entre eux se baissaient et ramassaient une pierre, et cela suffisait si l'on en croit Xénophon. La phénoménologie de l'esprit n'est pas un spectacle.

Comme le remarque très justement Weber, les sauvages voient beaucoup mieux leur propre société que nous ne voyons la nôtre (et la leur par la même occasion). C'est cela l'aliénation. La communication s'éloigne de chacun et devient invisible ou plutôt visible mais méconnaissable. Vous l'avez sous les yeux mais vous ne la voyez pas. Ainsi, selon Hegel, la nature est l'esprit, mais méconnaissable. Dans son œuvre, Hegel tente justement de nous montrer que sous ses dehors peu avenants, la nature est cependant l'esprit devenu autre. Les esclaves ont le devoir de détruire tout ce qu'ils ont été contraints de produire ; mais contrairement à ce qui se passait dans d'autres sociétés, ils peuvent produire et détruire autant qu'ils peuvent, la communication ne leur demeure pas moins étrangère, elle n'en demeure pas moins toujours ailleurs et strictement invisible. La communication aliénée est tout le contraire d'un spectacle. Il faut vraiment beaucoup chercher pour voir l'esprit à l'œuvre dans la nature ou la communication à l'œuvre dans cette société. Bien qu'il ne s'agisse pas du même dieu, je pourrais reprendre à mon compte ces mots de Bloy : "Tout ce qui s'accomplit extérieurement n'est qu'une apparence, - un reflet énigmatique, per speculum, - de ce qui s'accomplit, substantiellement, dans l'invisible." Voilà pourquoi, Monsieur, l'homme ne peut demeurer au repos dans une chambre à Gaza ou ailleurs. La substance invisible dans laquelle l'homme se meut réellement et qui le meut pénètre et agit dans la chambre la mieux calfeutrée.

Effectivement, cette industrie des loisirs, extrêmement récente (disons 1960) est bien caractéristique du monde présent et n'existait pas du temps de Marx et de Balzac (à part la presse aux ordres, cf "Illusions perdues" et la réclame. Au moins les journalistes du temps de Balzac étaient-ils cyniques. Les Lousteau et Bixiou en plaisantaient en privé et faisaient des mots d'esprits sur leur scélératesse. Ceux d'aujourd'hui sont de gauche et intimement bien pensants - et non plus seulement dans les colonnes des journaux - c'est à dire infâmes. Regardez ces lycéens prétendument cyniques de Libération-Chargeurs, toujours ricanants, pas dupes n'est-ce pas, toujours prêts à faire un bon mot grinçant. Lâchez devant eux, je ne dirais même pas les mots "Heil Hitler !", mais simplement le mot "détail" et c'en est fini de leur cynisme et de leur goguenardise. Là ils ne rigolent plus.) Mais ce n'est pas une raison pour dire que le monde est spectaculaire, que la société est spectaculaire. Seuls l'idéologie l'est devenue. Les loisirs des esclaves sont tout sauf une image d'unification heureuse. Céline ne se trompait pas sur ces questions comme en témoigne notamment sa partie de canotage à Chatou. Il ne rate pas ces cochons d'hédonistes supposés. C'est bien ce monde qu'il décrivit de façon véridique. La prétendue félicité, le prétendu hédonisme de ces loisirs spectaculaires sont en vérité abjection, bêtise, ennui, terreur, hébétude, concours de thermomètres. C'est dans ces loisirs spécialement produits pour lui que l'esclave peut révéler toute sa bassesse et son ignominie d'esclave. Le maître est à son balcon, il jette sa chéchia dans la cour, les esclaves sursautent. Quant au monde ou à la société, ils sont toujours ce qu'ils étaient déjà du temps de Marx et de Balzac, l'industrie des loisirs et l'idéologie transformée en spectacle (Hitler et Goebbels n'en espéraient pas tant) n'en étant qu'un des logiques aboutissements : l'esclave doit pouvoir dépenser son salaire. La consommation, c'est l'esclave qui doit dépenser son salaire.

Ce n'est pas cette industrie des loisirs qui fait que les esclaves sont esclaves, c'est parce que les esclaves sont des esclaves que cette industrie est possible, qu'elle peut coloniser la fameuse vie prétendument quotidienne (prétendument au sens où Wittgenstein parle des lois prétendument naturelles) de l'esclave. Elle consiste à occuper l'esclave le temps qu'il ne travaille pas. La pleureuse très bouffie Finkielkraut prétend que c'est l'industrie des loisirs qui empêche que les esclaves puissent accéder à la pensée. C'est seulement le fait que les esclaves sont des esclaves qui empêche qu'ils puissent accéder à la pensée et que l'industrie des loisirs est possible, facile et rentable. C'est seulement parce que les esclaves n'ont pas accès à la communication et à la reconnaissance qu'ils n'ont pas accès à la pensée. C'est parce qu'ils ne peuvent rien faire d'autre que dépenser leur salaire que l'industrie des loisirs est possible et a été tout spécialement conçue pour dépenser ce salaire (enfin ce qui n'est pas dépensé en pâtes Panzani et en huile Lesieur). Seuls parmi tous, que vouliez vous qu'ils fassent. L'industrie des loisirs est calquée sur la bassesse des esclaves (marketing oblige) ; ce n'est pas la bassesse de cette industrie florissante qui est la cause de la bassesse de l'esclave.

L'industrie des loisirs est un résultat de la séparation et non la cause. Donc, il est stupide d'écrire que la séparation est l'alpha et l'oméga du spectacle (thèse 25) d'autant plus stupide que le ton est plus pompeux et pompant. Au contraire, l'idéologie devenue spectacle est spectacle de la réconciliation, de la reconnaissance et de la communication. La séparation est l'alpha et l'oméga du monde, le résultat de l'éloignement de la communication et de la reconnaissance dans le monde. Le commerce est la cause de la séparation. Dans le monde, c'est la communication elle-même, c'est la reconnaissance elle-même (l'argent) qui séparent. Le commerce est un surgénérateur de séparation : il produit plus de séparation qu'il n'en consomme. Le commerce ne peut avoir lieu que là où existe déjà la séparation ; mais là où il a lieu il produit sans fin de la séparation. C'est parce que la fornication est interdite par la censure que, dans les film porno, il n'y a que fornication, hélas. De même, c'est parce que la reconnaissance est interdite dans le monde que, dans l'idéologie devenue spectacle, il n'y a que reconnaissance, reconnaissance et reconnaissance avec la même abjection, la même vulgarité et la même déchéance de la reconnaissance que pour la fornication dans les films porno.Ce n'est pas parce que dans ce monde existe une industrie des loisirs pour qu'aussitôt, ni jamais, ce monde devienne un monde du spectacle ou des loisirs comme d'aucuns l'ont prétendu.

Il est parfaitement injustifié de prétendre que toute la vie (rien que ça) des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de spectacles et que tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation. C'est seulement l'idéologie qui s'est éloignée dans une représentation. C'est seulement toute la prétendue vie présentée par l'industrie des loisirs qui parait comme une accumulation de spectacles. C'est seulement l'accumulation de spectacles qui parait comme une accumulation de spectacles et rien d'autre. Quant à tout ce qui était directement vécu, il a purement et simplement disparu. La vie telle qu'elle est, ou son absence, ne paraissent jamais. Personne ne sait ce qu'est toute la vie, ni ici, ni ailleurs. Là encore la remarque de Weber garde tout son sel. Quelques hommes ont conquis une gloire immense pour avoir tenté de dire ce qu'était toute la vie notamment, Stendhal, Balzac, Proust, Joyce, Céline. Un Debord n'en sait rien et surtout ne veut rien en savoir. Seule l'intéressait son érection (terme peu approprié pour cet ivrogne, boire ou bander, il faut choisir) en Debord l'Admirable, grand détecteur d'octosyllabes devant la postérité.

Seule l'industrie des loisirs s'annonce comme une immense accumulation de spectacles (qui sont aussi des marchandises ; mais le plutonium aussi est une marchandise). Et l'industrie des loisirs n'est pas le monde ni la société. C'est seulement dans l'industrie des loisirs, dans l'idéologie audiovisuelle, que "les images se sont détachées de chaque aspect de la vie" et non pas dans le monde et la société bien que l'industrie des loisirs soit une partie de ce monde et de cette société. Mais il est possible que l'industrie des loisirs, et seulement elle, "se déploie dans sa propre unité générale en tant que pseudo-monde à part, objet de la seule contemplation", et tout d'abord parce qu'elle est industrie de spectacles, que ce qu'elle fait est fait pour être vu, qu'elle y emploie les moyens adéquats. "Le spectacle en général" (thèse 2) n'existe pas. N'existent que "ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissement" (thèse 6). Il ne peut donc être "inversion concrète de la vie, mouvement autonome du non-vivant". Encore moins "un rapport social entre des personnes médiatisé par des images", "le capital devenu image", bla bla bla. Mais en tant qu'industrie des loisirs, il peut très bien être "une vision du monde qui s'est objectivée" (thèse 5), c'est à dire une idéologie qui s'est objectivée [thèse d'Anders, mot pour mot, publiée en 1956]. Et à ce titre il ne peut être "le monde réellement inversé" mais seulement un monde illusoire qui prétend être le monde même (renversé ou non) mais qui ne l'est pas. Pendant ce temps, le vrai monde, c'est à dire le monde tel qu'il existe, et qui contient et produit ce monde illusoire, continue tranquillement dans l'indifférence générale. Cependant, ce monde illusoire qui bien que n'existant pas semble exister n'en n'est pas moins révélateur : il est un monde où la reconnaissance aurait lieu, il est mise en scène de la reconnaissance. Ainsi, en devenant spectacle l'idéologie change également de contenu. Aux sévères leçons de morale anglo-saxonnes et protestantes a succédé une célébration débridée de l'hédonisme. Là, il y a effectivement un changement qualitatif. On ne célèbre que ce que l'on n'a pas justement. L'idéologie de l'hédonisme c'est avant tout le spectacle d'un monde où la reconnaissance aurait lieu, c'est à dire tout le contraire du monde tel qu'il est si l'on en juge par le peu qu'on en voit. Mais la mise en scène de la reconnaissance n'est pas la reconnaissance, c'est seulement un spectacle assez dégoûtant. Pendant ce temps, le métro est bondé d'hédonistes, les autoroutes vomissent des hédonistes à pleins embouteillages et pleins gaz, les bureaux regorgent d'hédonistes et les syndicats de pédés défilent dans les rues pour exiger le droit au divorce.

Voilà donc à quoi s'emploie la canaille culturelle, médiatique et autre, elle s'emploie à la mise en scène de la reconnaissance et en tout premier lieu à la mise en scène de sa propre reconnaissance. L'activité de la canaille intellectuelle est l'idéologie vécue et militante. Et c'est pourquoi M. Lévy, bien que piètre metteur en scène, (c'est en quoi il est excellent, il ne cherche même pas à donner le change, contrairement à Debord) est parfaitement représentatif de ces gens, c'est en quelque sorte le secrétaire perpétuel de cette académie. C'est l'écrivain réduit à la pure opération d'écrire et donc totalement délivré de l'obligation d'écrire quelque chose. Né riche, ami de riches et puissants capitalistes, capitaliste lui-même, il n'a pas à se soucier, comme ses congénères pauvres, de l'or nécessaire mais seulement de la gloire des lauriers, comparable en cela, (et pas seulement en cela) au vicomte d'Arlincourt. (Telle Mme Barbie-Lévy, la vicomtesse entrait dans les librairies pour acheter les livres de son mari, celui-ci faisait faire simultanément plusieurs impressions de ses livres pour se targuer de rééditions rapides, il se ruinait en soupers où il invitait toute la presse de son époque etc. La vicomtesse était-elle aussi jolie que Mme Barbie-Lévy, baissait-elle sa petite culotte avec autant de grâce ? C'est la seule chose qui risque d'être différente et qui intéresserait fort Stendhal aujourd'hui.) De plus il est déjà reconnu par ses pairs de son vivant (contrairement au vicomte). Il est donc totalement libre de travailler à sa propre reconnaissance posthume. Il se coltine directement à la postérité sans se soucier d'accomplir la moindre œuvre ou le moindre exploit. Il ne prend même pas la peine de signer une pissotière comme le tout venant des artistes post-pédé. Il travaille la postérité à main nue. L'artiste spectaculaire travaille directement sur la reconnaissance (la femme de l'artiste est aussi très spectaculaire. Elle tient un rôle important dans l'idéologie faite spectacle. Effectivement, quand elle baisse avec grâce sa petite culotte dans le roman photo grandiose que son mari lui a consacré, on a bien une image du bonheur. Elle nous apprend d'autre part dans les colonnes du Monde que son mouillomètre déborde quand elle détecte une société du spectacle tandis que son mari fait du grand journalisme avec les cadavres des bougnoules algériens. Je sais d'ailleurs pourquoi il ne s'est pas rué sur les cadavres des Tutsis et des Hutus pourtant innombrables, c'est qu'il craignait que les nègres ne coupent ses arbres en représailles faute de pouvoir lui couper les couilles. Or la Mitidja est très peu boisée. Un bon négociant ne prend jamais de risques inconsidérés. M. Babette Lévy s'en va-t-en guerre avec son ami Vacherin très, très fripé. Après tout, c'est son monde, il en est l'un des propriétaires. Il en fait ce qu'il veut, avec ses amis, du moins, jusqu'à maintenant.) M. Lévy, comme Debord, est fou de reconnaissance comme d'autres sont fous de Dieu. C'est un militant infatigable de l'idéologie faite spectacle. C'est, comme Debord, un fanatique de la reconnaissance. L'art post-pédé, (c'est à dire l'art après l'affreux pédé albinos Warhol) ne se préoccupe que de la mise en scène de la reconnaissance. Dans l'idéologie devenue spectacle, tout est réduit à la pure opération.

En fait la seule véritable société spectaculaire fut la société stalinienne. Celle-ci ne fut qu'une réédition gigantesque et sanguinaire des mises en scènes Potemkine. La révolte sur le cuirassé Potemkine en 1905 ne fut donc qu'un sinistre présage. Tintin chez les soviet est un reportage véridique et clairvoyant, le Nord d'Hergé. Au contraire, malgré l'estime que j'ai pour Céline, je trouve son Mea culpa brouillon, incompréhensible et mensonger : où donc a-t-il vu Popu à l'œuvre en URSS ?

En résumé : la mise en scène n'est pas le secret de ce monde. C'est au contraire ce secret demeuré inviolé qui permet l'abondance et la facilité de la mise en scène, qui permet que l'idéologie devienne spectacle. Il y a plus de mise en scène (est-ce certain ?) et donc plus de metteurs en scène aujourd'hui que du temps de Balzac mais, c'est une simple question quantitative. Bien qu'abondante, la mise en scène n'est qu'un détail, une anecdote du monde. Ce qui fait que les esclaves obéissent est ailleurs. Ce qui nie la vie demeure secret. Serait-il connu que tout s'effondrerait. Et Debord n'a pas écrit une théorie du monde comme système général d'apparence, comme phénoménologie de l'esprit. J'ai pensé un moment que tel était son projet. Il n'en est rien. Il s'en souciait comme de sa chemise ou de la culotte qu'il baissa devant l'héritier Gallimard. La marchandise contient le négatif comme apparence, certes, mais elle n'est pas spectacle. La valeur est un échange effectué en pensée, mais cela n'est ni spectacle, ni mise en scène, c'est la réalité. D'ailleurs, personne ne le voit. C'est le familier qui n'est pas pour autant connu.

Comme je l'ai écrit à M-E Nabe, les journalistes pour une fois sont innocents (n'en déplaise à M. Lévy, l'écrivain abstrait) quand ils entendent le mot spectacle au sens de médiatique. Il n'y a pas d'autre sens. Debord n'a que ce qu'il mérite, il a choisi ses lecteurs. Il plaît furieusement aujourd'hui, à Paris, ce qui est fâcheux pour quelqu'un qui prétendit, avec quelle insistance (cf Cette mauvaise réputation) s'être appliqué à déplaire. Il donne raison à Buffon : il n'a que le style (faisandé) puisqu'il n'a pas la pensée. Si d'aventure, vous lisez son autopanégyrique vous apprendrez que dans l'âtre de sa maison de campagne "Plusieurs bûches brûlaient ensemble". Plusieurs ! Ensemble ! C'est extraordinaire. Quel grand homme. Il ne peut rien faire comme tout le monde. [Exclamation du général Lefèvre alors que son ancien camarade Bonaparte, devenu entre temps directeur ce qui jetait un certain froid dans leurs relations, disait qu'il mangeait les artichaut à la croque au sel. Anecdote rapporté par Paul-Louis Courier] Je suis certain qu'il mangeait les artichauts à la croque-au-sel, comme Bonaparte.

A nouveau je vous mets au défi de citer un seul passage de Debord qui définisse le spectacle dans un sens autre que celui de médiatique et qui ne soit pas une sottise comme ce monde qui se transforme en images ou cette économie se développant pour elle-même. Je vous mets au défi de m'indiquer un seul phénomène que l'on puisse nommer spectacle et qui soit autre chose que médiatique. Tout ce que vous avez trouvé à me répondre jusqu'ici, c'est que je sais, moi, ce qu'est le spectacle. Ce n'est pas de chance, je n'ai jamais su ce qu'était le spectacle contrairement aux perroquets qui répètent le mot ou à Debord qui prétendait le savoir (Debord et Lebovici prétendaient aussi savoir qui avait critiqué Marx !). Aujourd'hui je sais que, hors du sens médiatique, c'est un mot vide de sens, un de plus. Debord m'a aidé dans cette compréhension par sa conduite. Il me dit un jour que l'on pouvait toujours discuter et transiger sur la théorie mais jamais sur les actes. Oui en effet. J'applique à lui-même ses sages principes. Ceci dit, où avez vous jamais vu Debord, ou un seul de ses disciples, discuter de théorie ou de quoi que ce soit d'autre ? En avez-vous vu un seul penser ? En avez-vous vu un seul argumenter ? Ils sont tellement au dessus de ça.

Francis Cousin, Éditions Le retour aux sources, octobre 2012 (extraits)

Le spectacle du fétichisme de la marchandise fait le devenir du monde. L'existence humaine n'y est là qu'une longue errance angoissée sur le marché narcissique des rencontres factices. Partout règne la liberté despotique de l'argent et l'humain asservi et déchiré par la dictature démocratique de l'avoir et du paraître, ne cesse de consommer sa propre soumission. Contre ce totalitarisme de la fausse conscience, il s'agit de tourner le dos à la mise en scène de la passivité moderne, pour retrouver les véritables chemins du sens critique et poser en pratique la question radicale de l'authenticité de l'être. A l'heure où les troubles sociaux d'envergure, qui partout s'annoncent, menacent l'organisation inhumaine de l'ordre existant, l'auteur tient à dire qu'il n est pas indifférent de rappeler que toutes les politiques de la raison marchande sont, de l'extrême droite à l'extrême gauche du Capital, l'ennemi absolu et définitif de toute joie humaine véridique.

Critique du concept de désinformation

Le concept de désinformation est insuffisant. Il nous donnerait à croire que le système matraque, que le système par une technique de renversement construit le Faux. Or, le Faux n'est pas une construction diabolique et complotiste d'états majors petits, moyens ou grands, le Faux, est la substance même du fétichisme de la marchandise, c'est une immanence.
Bien évidement, il y a des états majors dans les services qui organisent, mais ils n'ont aucun pouvoir, ils sont eux mêmes dans la mystification du fétichisme, ça ne sont pas les états majors qui organisent le fétichisme de la marchandise, c'est le fétichisme de la marchandise qui manipule et qui organise les états majors.
Extrait de l'émission : "Francis Cousin : L'Être contre l'avoir" sur Méridien Zéro

Le concept équivoque de désinformation, mis en vogue ces temps derniers par ceux qui souhaiteraient voir se mettre en place une autre forme d'économie politique de l'aliénation et qui aboutit finalement à faire croire que le mensonge résulterait d'une simple utilisation inadéquate et malveillante de l'authenticité qu'il conviendrait uniquement de changer en bon usage de réinformation, oublie que c'est la marchandise qui est en soi pure contre-vérité.
Tant que le fétichisme de la marchandise existera, et peu importe là quelle faction étatique en assume la gestion, le renseignement et l'investigation, la vérité officielle du spectacle démocratique ne saurait être autre chose que la perfide impérialiste du marché, puissance la plus hostile qui puisse être pour la vraie passion de vérité humaine.
Ainsi, de l'extrême droite à l'extrême gauche du Capital, tous les contre-médiatiques qui voudraient simplement changer d'État et modifier la donne de l'argent, omettent de voir que le faux ne résulte nullement de soi-disant mauvais jugements, observations ou déductions mais qu'il est, a contrario, l'impeccable conclusion du bon raisonnement spectaliste de l'intellection marchande".
Francis Cousin, "L'Être contre l'avoir", extraits.

Réponse de Francis Cousin à Alain Santacreu

Virer par-dessus bord tout ce qui n'est pas le mouvement réel de l'histoire pour enfin saisir l'histoire réelle de ce mouvement...

(...) À rebours de toute allégeance idéologique à toutes les écritures religieuses de domestication possible et de toutes les génuflexions envisageables à l'économie politique de la fausse conscience, qui construisent de toute pièce le spectacle illusoire d'une introuvable vérité, le style dialectique du renversement permanent cher à Marx et Debord n'est pas autre chose qu'une forme d'expression obligée pour dire le mouvement permanent du refus de d'aliénation littéraire. La contre-domestication n'est point une domestication contraire mais le contraire de toute domestication. La théorie critique ne peut ainsi se communiquer que par le langage de la critique. C'est le langage de la contradiction révolutionnaire lequel est dialectique dans la forme de son contenu comme dans le contenu de sa forme. Il est, là, critique accomplie de la totalité historique des langages de l'imposture. Il n'est pas une nouvelle écriture mais le tumulte de son renversement définitif. Il annonce que l'énergie du vrai logos commence quand la chair sacrale du cosmos de l'être cesse d'avoir besoin pour croire exister d'aller se faire verbe vadrouillant et bavardant sur les représentations administratives de l'asservissement.

Dans les années post-soixantuitardes, Guy Debord conçut un jeu de la guerre à partir d'une conservation/dé-passement de la théorie de Clausewitz et du modèle en mouvement de la guerre classique née au dix-huitième siècle. Effectivement, dans les formes désormais totalement accomplies de la guerre et de la paix capitalistes absolues, il pourrait se révèler bien plus efficace d'avoir correctement lu les utilités stratégico-pratiques de l'affrontiste Clausewitz que les envolements psycho-aériens du fuitiste Évagriste. Et ce n'est certainement pas un hasard si Debord fut le seul écrivant du siècle passé à pouvoir dé-chiffrer et dénoncer [ à la source !] les volumineux secrets du terrorisme étatique mondial qui depuis la gare de Bologne n'a cessé de s'étendre en un vaste spectacle permanent de manipulations mondialistes croissantes, à mesure que se développait la crise historique du déploiement mercantile.

Incontestablement, comme Debord le rappelait souvent, Edgar Poe nous a effectivement orientés vers la situation de cette vérité, par son célèbre raisonnement du Double assassinat dans la rue Morgue qui aboutit à saisir que l'important dans ce qui arrive aujourd'hui, c'est principiellement ce qui le distingue de tout ce qui est arrivé auparavant. Encore faut-il comprendre dorénavant que la seule vérité totale qui est la situation de toutes les situations réside par-delà tous les mystères chimériques des commerces de l'usurpation dans cette forme politique ultime précisément appelée par Debord le " spectacle " et qui n'a de sens qu'en tant que mise en scène domesticatoire du fétichisme de la marchandise. Et dans cette histoire, le situationnisme aura démontré à l'opposé de l'ensemble des abêtissements universitaires que tous les gauchismes de l'argent et du pouvoir ont partout joué le rôle de l'idiot utile dans tous les compartiments du jeu qu'ils prétendaient faussement détruire. Contre tous les ontismes de la servitude reconduite, il n'est qu'un chemin de l'ontologie vérifiée ; celui de la communauté radicale de l'être générique posé et fondé en la communauté réfractaire et active du cosmos conscient.

En effet, la forme que revêt le langage ne saurait être secondaire. Si, comme je le soutiens, à l'origine, " la langue se définit comme la forme la plus expressive et la plus significative de la communauté humaine naturelle ", il est indéniable que l'on ne peut retrouver actuellement dans le mode de production capitaliste de l'expression pervertie par le marché démocratique du paraître et de l'inversé, la véracité des mots qu'au travers de la fameuse dynamique de sortie de l'obscurité des situations aliénées par la mise en forme creusée d'une désignation systématique des processus de l'obscurcir qui renverse justement le renversé. Avec cette pratique permanente de la métabole qui montre les changements profonds par lesquels l'ordre habituel de la soumission peut être bousculé, ses opportuns découpages pré-fixionnels qui mettent en relief tout ce qui doit être dé-couvert, ses mises en italiques systématiques qui marquent l'amplification sur les passages où la contradiction être/avoir s'intensifie précisément, la dialectique radicale à partir de Marx et de Debord et au-delà d'eux-mêmes constitue assurément la seule voie de clarté vers un vrai langage non spectaculaire, c'est à dire qui sache exprimer cette substantialité révolutionnaire qui montre que la vérité s'inscrit toujours en négatif du parler creux des servitudes quotidiennes même décorées d'un mauvais ciel d'espérance compensatoire.

Mais de quel lieu je parle ? telle est la question que le lecteur peut se poser quand il lit : " Le totalitarisme des ruses de la raison capitaliste est enfin parvenu à édifier un monde où il n'y a plus de place pour aucune autre réalité que celle des vérités qui valorisent les besoins de la loi de la valeur. ". En effet, si le monde est devenu spectacle, de quel lieu peut-on dénoncer le monde et comment s'en émanciper si ce n'est à partir d'un poser de l'exister résolument anti-spectacle... Définir les prolétaires comme des " êtres à l'être perdu ", c'est assurément reconnaître que, d'un point de vue ontologique, le spectacle a prolétarisé la totalité des hommes, tant les oppresseurs que les opprimés...Certes... Peut-il se produire une non-satisfaction ontologique de l'exploiteur ? La " lutte des classes " se justifierait-elle encore ? Bien que je remarque que " tous se trouvent là clivés en un personnage ", je considère néanmoins que la prise de conscience révolutionnaire en acte de trans-formation historique ne concerne que le prolétariat en tant que " chair à travail " car, si dans ce marché de dupes du spectacle, le possédant est aussi le possédé, seuls les possédés - en tant que classe historique de la crise de l'histoire - peuvent au moment de la décadence réalisée de la possession briser le cycle de l'implication réciproque, puisque c'est eux qui en assurent toute la matérialité et la force reproductive de reproduction possible. La seule crainte massive du système de la marchandise généralisée, c'est d'ailleurs celle d'un retour possible des luttes radicales qui mènent aux grandes grèves insurrectionnaires contre le Capital et l'État... Je ne parle donc que d'un unique lieu, le seul qui vaille humainement, celui qui s'inscrit dans cette aspiration historique invariante de l'humain in-satisfait par la sur-vie costumée à vouloir retrouver la véridique satisfaction en l'être générique de la Communauté.

Pour moi, répétant simplement Marx en dépassement de Marx, le marxisme n'a rien à voir avec le Marx de l'essentialité, mis à part cette utilisation absorbante et perverse par laquelle le Capital retourne toujours ce qui le conteste afin de se mieux valoriser par le biais de l'inversion spectacliste continue, selon cette compréhension évidente que pour Marx l'émergence de la conscience subversive est un auto-mouvement de l'humanité en général contre l'argent qui permet sans ambages de déclarer que le partitisme du capitalisme d'État bolchévique - simple forme durcie des mystifications réformistes de la social-démocratie molle ! - se place aux antipodes de toute son œuvre, laquelle de l'Idéologie allemande à la critique du programme de Gotha en passant par les Grundrisse affirme très distinctement que le communisme est le mouvement de la Commune humaine destructrice de l'argent et de l'État et qu'il n'a rien à voir avec les divers fusilleurs gauchards du prolétariat qui depuis 1848 n'ont jamais cessé d'exterminer les insurgés du comprendre maximaliste. Par conséquent, je ne me prétends pas plus marxiste que Marx affirmant " Je ne suis pas marxiste ", selon la formule pertinente qu'Engels rapporte dans sa célèbre lettre, du 5 août 1890, à Conrad Schmidt. Le Jésus réel est à des milliers d'années lumières de sa caricature idéologique calviniste, tout comme le Marx objectif est à l'extrême opposé de son effigie lénino-trostkyste ; et c'est pourquoi Riazanov, qui avait fondé l'Institut Marx-Engels pour se consacrer à la publication de ses écrits, a fini fusillé pour cause de production de manuscrits inédits trop perturbant.

Ce faisant, je me place à l'opposé de cette lignée de penseurs " marxiens " péri-universitaires et éclectico-confusionnistes, qui n'ont pas su voir que l'anti-Étatisme de Marx, s'il était bien une des constantes fondamentales de sa pensée anti-politique, était radicalement anti-anarchiste au sens où l'État ne s'abolit pas par décret (contrairement à ce qu'imaginaient les clowneries bakouninistes lors de la Commune de Lyon !) mais par le mouvement social pratique de la communisation vécue de l'espace-temps, et ceci en relation avec le fait que l'État n'a jamais rien eu à craindre de l'anarchisme historique officiel qui n'a abouti en sa plus grande extension qu'à simplement produire les polices ministérielles de la CNT étatique. CNT d'Espagne qui, et ce n'est pas un hasard, dans les années 1920, louait le grand flic capitaliste Lénine après avoir décidé d'ailleurs en décembre 1919 à son congrès au Théâtre de la Comédie de Madrid d'adhérer à l'Internationale Syndicale Rouge du capitalisme concentrationnaire alors que les groupes maximalistes allemands ou italiens qui donneraient plus tard naissance aux Communistes de conseils, au réveil communiste ou à L'ouvrier communiste percevaient déjà fort bien que le marxisme (léniniste ou pas...) n'était finalement que l'ensemble des contre-sens effectués sur Marx lorsqu'au lieu de regarder vers la critique de l'économie politique l'on se laisse coloniser par l'économie politique critique...

Il serait temps d'en finir avec ce leurre du parabolchévisme de Karl Marx. La théorie de Marx expression du mouvement réel des luttes de classe contre le fétichisme de la marchandise et pour l'abolition du salariat, d'après ses propres principes dialectiques, est l'antithèse absolue de ce que sont historiquement devenu les pays capitalistes d'État du vingtième siècle. Je me permettrai seulement de renvoyer, concernant ce processus anti-étatiste proprement dit, à la géniale formule d'Engels dans l'Anti-Dühring : " L'État moderne, quelle qu'en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l'État des capitalistes, le capitaliste collectif en idée. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. " Ce qui renvoie pleinement aux premiers textes de Marx de 1843 précisant que l'émancipation humaine est anti-politique... Si Marx n'a pas fait le marxisme tout en permettant qu'il se fit alors même qu'il le dénonçait, c'est bien le marxisme du spectacle capitaliste qui a fait le Marx factice de la soupe progressiste du salariat amélioré contre le Marx authentique du salariat à abolir. La pensée de Marx n'est devenue " célèbre " qu'en 1917, lorsque les marxistes-léninistes du capitalisme d'État triomphant l'ont fait spectaculairement triompher à l'envers de tous ses projets d'abolition du salariat et de l'État. Il faut ainsi bien comprendre que, si Marx est bien l'anti-précurseur de Lénine, Lénine est donc le parfait successeur de toutes les falsifications étatico-universitaires de Marx. Sans le Marx falsifié, pas de Lénine vrai. C'est d'ailleurs pour cela que les groupes radicaux des années 60 pouvaient dire avec humeur et humour que Marx n'est qu'un vieux con lorsque c'est Raymond ARON et Louis ALTHUSSER qui en parlent... Assurément, il faut lire et relire Anton Pannekoek, Paul Mattick et Otto Rühle en se rappelant toujours que le communisme n'est rien d'autre que le plan de vie de l'espèce humaine émancipée de toutes les matérialités échangistes et policières de l'inféodation aux règles des hiérarchies du calcul.

Je n'ignore nullement Proudhon. Je l'ai d'ailleurs en ma jeunesse assez longuement côtoyé... Je connais même fort bien le conciliateur mythologique des contraires impossibles qui n'avait défendu les barricadiers de 1848 que du bout des lèvres et qui révassait au crédit gratuit en espérant conserver le bon côté de la marchandise tout en en évacuant le mauvais et qui, bien plus que tout autre penseur socialiste, fut porteur de cette psychologie artisano-paysanne propriétarienne née de la révolution capitaliste de 1789 en laquelle réside la négation accomplie de l'être de la " communauté de terre " propre aux communautés paysannes communistes d'avant la modernité des échanges. Proudhon qui confondait collectivisme et communisme a immédiatement fait l'impasse sur tout ce qui fait la spécificité du mouvement réel vers un monde sans argent et sans État.

Bricoleur économiste d'une fausse émancipation, il a très vite sombré dans les ridicules équilibrismes des incompatibilités multiples de l'auto-gestion marchande, comme si administrer directement et populairement la merde commerciale des villes et campagnes était plus humain que la laisser en rente privilégiée aux aristocraties d'argent. Dès 1847, Marx définit le système politique du mutualisme capitaliste proudhonien, en des termes mémorables et définitifs. Il suffit de comparer sereinement la philosophie de la misère qui voudrait simplement rééquilibrer le système des échanges avec la misère de la philosophie qui appelle à l'éradication de toute aliénation échangiste... De même que j'incite à relire Marx hors du prisme marxiste, je vous invite à relire Proudhon sans le préjugé proudhoniste. Il y a, entre Proudhon resté indécrottablement un prisonnier de la théorie capitaliste du contrat et un Varlin, passé de cette illusion à l'immanence radicale du mouvement réel vers l'éradication de la monnaie, tout un monde et c'est là celui qui fait la différence entre les améliorantistes de la merde marchande et les préparateurs clairvoyants de la vie humaine émancipée. En juin 1937, le groupe communiste radicaliste BILAN à l'encontre du système politique du centralisme capitaliste soviétoïde, simple fraction du mondialisme marchand en mouvement dénonçait en des termes mémorables tous les agents complices de l'oppression appropriative planétaire : Le 4 mai 1937, ces mêmes prolétaires, MUNIS D'ARMES, laissent sur le pavé bien plus de victimes qu'en juillet, lorsqu'ils doivent repousser Franco -et c'est le gouvernement antifasciste comprenant jusqu'aux anarchistes et dont le P.O.U.M. est indirectement solidaire -qui déchaîne la racaille des forces répressives contre les ouvriers...
" Le 19 juillet 1936, les prolétaires de Barcelone, AVEC LEURS POINGS NUS, écrasèrent l'attaque des bataillons de Franco, ARMÉS JUSQU'AUX DENTS.

La milice ouvrière du 19 juillet est un organisme prolétarien. La " milice prolétarienne " de la semaine suivante est un organisme capitaliste approprié à la situation du moment. Et, pour réaliser son plan contre-révolutionnaire, la Bourgeoisie peut faire appel aux Centristes, aux Socialistes, à la C.N.T., à la F.A.I., au P.O.U.M., qui, tous, font croire aux ouvriers que L'ÉTAT CHANGE DE NATURE LORSQUE LE PERSONNEL QUI LE GÈRE CHANGE DE COULEUR. Dissimulé dans les plis du drapeau rouge, le Capitalisme aiguise patiemment l'épée de la répression qui, le 4 mai, est préparée par toutes les forces qui, le 19 juillet, avaient brisé l'échine de classe du prolétariat espagnol...

Épuisé par dix mois de guerre, de collaboration de classe de la C.N.T., la F.A.I., le P.O.U.M., le prolétariat catalan vient d'essuyer une terrible défaite. Mais cette défaite est aussi une étape de la victoire de demain, un moment de son émancipation, car elle signe l'arrêt de mort de toutes les idéologies qui avaient permis au capitalisme de sauvegarder sa domination, malgré le soubresaut gigantesque du 19 juillet...

Élevons l'étendard de la Révolution communiste que les bourreaux fascistes et antifascistes ne peuvent empêcher les prolétaires vaincus de transmettre à leurs héritiers de classe. Soyons dignes de nos frères tombés ! Vive la Révolution communiste dans le monde entier !

Il y aurait fort à dire sur les multiples manigances mysticatrices de Marx, Proudhon, Bakounine et Blanqui. Ils étaient tous plus ou moins prisonniers de cet échiquier géo-politique narcissique de la représentation qui les poussaient à s'imaginer comme indispensables à l'histoire qui se préparait... Les statuts secrets de l'Alliance bakouniniste de 1868 constituent d'ailleurs là un summum, quand cette dernière caractérise le cadre exact de sa propre pratique : " Au moyen d'une force invisible qui n'aura aucun caractère public et qui ne s'imposera à personne ; au moyen de la dictature collective de notre organisation qui sera d'autant plus puissante qu'elle restera invisible, non déclarée et sera privée de tout droit et rôle officiels ". Mais par delà tout cet égarement dans le prisme dirigiste et cheffiste, ce qui compte c'est que seul Marx a su dénoncer à l'avance " les héritiers des héritiers de tous les gangs qui parlèrent invariablement de lui à l'envers pour mieux cacher la parole radicale du Marx de la réalité anti-salariale et anti-étatique ". À partir d'une étude diachronique de toutes ses propres palinodies, il est évident que Marx, envers et contre Marx lui-même, est le seul qui, entre le début de la guerre franco-allemande de 1870 et l'écrasement de la Commune, a su s'auto-dépasser en profondeur pour aboutir à cette claire vision que - contre tous les délires léninistes et CNTistes à venir - il ne s'agit point de modifier ou d'apprivoiser l'État mais bien de le détruire par la communisation, c'est à dire par la mise en marche d'un processus historique concret d'auto-émancipation humaine et de négation de la loi de la valeur.

C'est la stricte observance de la dialectique hégéliano-marxienne (qui n'est que l'expression dialectique du devenir réel du logos incendiaire !) qui me permet de m'ouvrir au grand mouvement christique de l'insurrection absolue tel que cela est positionné comme nulle part ailleurs dans L'esprit du christianisme et son destin. Ma critique de la religion comme confiscation étatico-serviliste du sacral originel est d'abord intéressante parce qu'elle dé-monte notamment le vitalisme moniste d'inspiration nietszchéenne qui n'est qu'un monothéisme de l'argent renversé sur le terrain de l'argent monothéiste, là ou finalement la volonté de puissance n'est qu'une impuissance de volonté vraie.

Chez moi, la dimension christique ne se confond pas avec le Logos grec ou le Sol invictus romain, elle les accomplit en les continuant/outre-passant en une dimension supérieure d'universelle in-soumission. Je peux donc percevoir l'événement absolument révolutionnaire de l'Incarnation - uniquement parce que je l'interprète en sa genèse extrémiste - aux antipodes de l'événement ecclésial mis en scène par les chaînes de la religion. L'idée de transcendance radicale est absente de toutes les modernités marchandes qui vont de l'idéalisme romantique au matérialisme positiviste. Que le divin soit à la fois transcendant et immanent ne peut être saisi par une dialectique de l'identité aristotélicienne sur laquelle se fonde la vision spectaculaire du monde qui est née de l'agora de la Cité des échanges. La critique radicale du spectacle appelle une dialectique révolutionnaire du contradictictoire qui, en négation totale de la théorie proudhonienne de l'organisation antinomique du monde visant à réaliser une pitoyable coopération financière mutuelle, renoue avec Héraclite, Parménide et Hegel pour à partir de Marx et des courants radicaux issus de la I° Internationale poser les jalons enflammés d'une révolution humaine éradiquant définitivement le spectacle de l'ignominie marchande.

Je dois insister sur mon analyse de la stratégie immigrationniste du système marchand laquelle vise en effet à " substituer au prolétariat offensif de la vieille histoire européenne, la diversité docile des multiples différences prosternées devant la loi du pécule. " D'ailleurs, vous concédez vous-même que je souligne fort justement que les populations immigrées, étant issues de " temporalités non-critiques, de par l'essence même de leurs histoires immobiles sont ainsi davantage passives et manipulables par le Capital ". Pour autant, ce n'est pas l'immigration qui cause la contre-révolution affermie du Capital, c'est le Capital contre-révolutionnaire qui s'affermit par la cause immigrationniste qui vient d'emblée faire connaître au monde que le vieux prolétariat communard d'Europe, en corollaire de la grande alarme de 1968, doit nécessairement terminer de sortir de sa propre histoire et migrer hors des dynamiques qui firent son ancestrale in-docilité pour que le melting-pot des mélanges marchands puisse finalement prévaloir comme spectacle de l'irrémédiable.

Cependant, je crains que vous vous illusionnez sur la capacité offensive d'élites révolutionnaires prolétariennes supposées qui auraient été purgées depuis longtemps, notamment par les deux guerres mondiales. Le Capital n'a pas pour l'instant triomphé des luttes ouvrières extrémistes qu'il a rencontré pour d'autres raisons majeures que tant qu'il est à même de développer les forces productives de l'aliénation générale, il demeure apte à reproduire le mouvement de sa production. Ce n'est point parce qu'il a brisé les groupes de radicalité maximaliste que le spectacle de la marchandise a pu écraser les grands mouvements contestataires des années 1920-1960, c'est au contraire parce qu'étant encore en phase de développement dominatoire qu'il est parvenu à neutraliser la contestation émeutière et qu'il a pu se débarrasser des éléments alors les plus radicaux.

Il n'y a nulle crédulité révolutionnaire à envisager que le " temps des grandes fractures qui approchent et qui verront sûrement les assemblées ouvrières de la contestation intransigeante - pour s'opposer aux délocalisations ininterrompues et à la dévoration financière de tous les espaces sociaux de la circulation - envisager de s'insurger contre la misère marchande. " Selon moi, dans l'univers concentrationnaire contemporain, où effectivement il n'y a plus d'évasion horizontale possible puisque les prisons multiformes du quantum ont pris la mesure de tout. Le seul lieu désormais envisageable est celui du Hors-Mesure des verticalités ontologiques où l'humain aspire subversivement à retrouver le chemin de la GEMEINWESEN, autrement dit la communauté de l'être générique.

Au début de cette chronique, je faisais remarquer en renversant votre illusion que, dans les nouvelles formes modernistes abouties de la guerre, il pourrait se révèler bien plus efficace d'avoir lu Clausewitz qu' Évagre. Contre le conformisme mondain de la dictature démocratique de la marchandise spectaculaire accomplie, il ne s'agit point de dire qu'il faut quitter ce monde... Les vastes solitudes du désert métaphorique ou réel sont la forme narcissique simplement invertie des nombreuses galeries commerciales de l'errance spectaculaire des égotismes d'angoisse. Le seul mouvement radical vers la conscience de l'être vrai de l'homme n'est pas un retirer esthético-théatral de la mondanité mais un affronter à tous les théâtres esthétiques qui répètent et perpétuent cette dernière. Si la vérité de l'homme n'est pas de ce monde marchand, elle est bien de ce monde humain qui, en négatif et par delà l'écrasement, continue toutefois et en sous-jacence à crier de mille manières possibles qu'il faut sortir de là non pour s'esquiver loin (ce qui ne gêne guère l'univers de la fausse conscience !) mais pour frapper fort et au plus près (ce qui seul peut terrasser la tyrannie du système des objets).

De la sorte, l'incarnation comme expérience ontologique vérifiée de l'auto-mouvement de l'esprit radical en la chair, est fondamentalement anti-anachorètique car bien loin d'être un retrancher du monde, elle se pose et s'impose comme la nécessité d'un trancher absolu et total, en le mouvement profond des contradictions du monde lui-même, de toutes les relations historiques de la servitude. L'Incarnation est le concept christique selon lequel le logos du divin s'est fait chair, non pour récuser les plaisirs de la vie naturelle et se soustraire aux sensualités du corps mais à rebours pour signifier que le divin s'est bien fait homme pour que l'homme ad-vienne dans le divin à l'encontre de tous les ecclésiastismes de l'échappement et de l'éloignement, du carcan et de la subordination.

Si, en nécessaire préambule premier à la Critique de l'économie politique, Marx décida de rédiger sa fameuse Question juive dans les modalités d'implacable rigueur qui furent alors les siennes, ceci loin d'être fortuit exprimait de manière réfléchie et longuement mûrie, l'ardente obligation d'appeler à cette clairvoyance révolutionnaire indispensable selon laquelle si le change est bien devenu désormais le " dieu mondial ", l'émancipation humaine vraie n'est réalisée que lorsque l'homme a reconnu et organisé ses forces propres génériques comme forces communautaires cosmiques et ne sépare donc plus de lui la force de sa vie réelle sous la forme de la force politique, artistique ou religieuse. " L'aliénation, c'est la pratique du dé-saisissement " dit Marx et " de même que l'homme, tant qu'il est sous l'emprise de la religion, ne sait concrétiser son être qu'en en faisant un être fantastique et étranger, de même il ne peut, sous l'influence du besoin égoïste, s'affirmer pratiquement et produire des objets pratiques qu'en soumettant ses produits ainsi que son activité à la domination d'une entité étrangère et en leur attribuant la signification d'une entité étrangère, l'argent ".

C'est pourquoi, contre la domination générale de l'aliénation dont l'alliance commerciale abrahamique constitua un modèle exemplaire, le christianisme est véritablement une pensée sublime du soulèvement distinctif explique Marx et, avec Engels, ils demeureront tous deux particulièrement attentifs à toutes ces guerres paysannes qui rythmèrent le développement historique européen en n'ayant de cesse d'y appréhender une radicalité restauratrice d'un christianisme primitif qui n'avait décidément aucun rapport avec les pratiques vulgaires, institutionnelles et cléricales qui ont suivi la conversion politico-religieuse de l'empire romain en crise à un nouveau mode d'unification symbolique de dressement.

Comme le souligne fort bien la deuxième thèse sur Feuerbach : " la question de savoir s'il y a lieu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question théorique, mais une question pratique. C'est dans la pratique qu'il faut que l'homme prouve la vérité, c'est-à-dire la réalité, et la puissance de sa pensée, dans ce monde et pour notre temps. La discussion sur la réalité ou l'irréalité d'une pensée qui s'isole de la pratique, est purement scolastique ".

Par delà tous les possibles réenchantements-exutoires du monde et à l'encontre de tous les barbouillages où se soulagent les écritures consolatrices de l'angoisse humaine divaguant en toutes les inventions graphiques envisageables, la vie authentique est l'anti-écriture du monde comme relation anti-médiée où, si l'expérience humaine emprisonnée parfois tient la plume, c'est en sachant toujours que la rédaction n'est là qu'un intervalle marginal puisque la vraie vie se doit d'être premièrement cet espace-temps de l'anti-monothéisme de l'état de l'argent où le vibrer tripal des intelligences sacrales empoigne toute la sève érotique à contre-pied de tous les onanismes textuels.

L'homme se disloque non par défaut de tons et de tonalités fondamentales en l'existence du vivre mais en absence d'étonnement devant ce qui les fonde, lorsque la société des représentations de l'avoir prend le pas sur la communauté des sensations de l'être. La conscience révolutionnaire est donc dès lors tout simplement la dialectique d'éveil, de veille et d'émerveillement qui sait discerner que la richesse d'essence est bien davantage en les arbres, rivières et fleurs que dans les paperasses médicamenteuses et les pharmacopées théologiques. La véritable joie de l'homme exige que la religion de l'écriture soit supprimée en même tant que l'écriture de la religion en tant qu'elles expriment de bonheur illusoire de l'homme coupé de l'être de l'homme. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions du texte religieux et de la religiosité du textuel, c'est aller à la situation réelle du réel, c'est exiger qu'il soit renoncé à une situation qui a besoin d'illusions...

Rendez-vous dans l'anti-désert, là où il convient de toujours labourer la terre de l'Être au milieu de ces cohues où l'homme-machine est programmé à la mort par la liberté despotique de l'argent mais où l'incarnation prend tout son sens pour positivement lui indiquer qu'il est prioritairement chair de la chair cosmique de l'insoumission permanente.

Karen Hudes employée de la Banque mondiale (Extraits)

L'élite mondiale utilise un noyau très serré des institutions financières et des méga-sociétés pour dominer la planète. Le but est le contrôle. Ils veulent nous asservir tous à la dette, ils veulent asservir tous nos gouvernements à la dette, ils veulent rendre nos politiciens accros aux énormes contributions financières qu'ils canalisent dans leurs campagnes. Puisque l'élite détient aussi toutes les grandes sociétés de médias, les grands médias ne nous informent jamais de ce secret.

L'élite mondiale domine également les organisations non élues, qui n'ont pas de compte à rendre, et qui contrôlent les finances de presque tous les pays de la planète.

Une organisation internationale extrêmement puissante, dont la plupart des gens n'ont jamais entendu parler, contrôle secrètement la masse monétaire du monde entier. Elle est appelée la Banque des règlements internationaux , et c'est la banque centrale des banques centrales. Il s'agit essentiellement d' une banque centrale non élue , qui n'a pas de compte à rendre au monde, qui bénéficie de l'immunité complète de la fiscalité et de la législation nationale. La Banque des règlements internationaux a été utilisé pour blanchir de l'argent pour les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ces jours-ci le but principal de la BRI est de guider et de diriger le centre planifiée du système financier mondial.

Aujourd'hui, 58 banques centrales mondiales appartiennent à la BRI , et elle a beaucoup plus de pouvoir sur la façon dont l'économie américaine ( ou toute autre économie , d'ailleurs) se portera au cours de la prochaine année que n'importe quel politicien. Tous les deux mois , les banquiers centraux du monde entier se réunissent à Bâle pour une "Réunion sur l'économie mondiale ".

Au cours de ces réunions , des décisions sont prises qui affectent chaque homme, femme et enfant sur la planète, et pourtant, aucun d'entre nous n'a son mot à dire dans ce qui se passe . La Banque des Règlements Internationaux est une organisation qui a été fondée par l'élite mondiale, elle fonctionne pour le bénéfice de l'élite mondiale.

Nous avons un système de "néo - féodalisme " dans lequel chacun d'entre nous et nos gouvernements nationaux sont asservis à la dette. Ce système est régi par les banques centrales et la Banque des règlements internationaux, et il transfère systématiquement les richesses du monde de nos mains entre les mains de l'élite mondiale.

Mais la plupart des gens n'ont aucune idée de ce que tout cela se passe parce que l'élite mondiale contrôle aussi ce que nous voyons, entendons et pensons.

http://actuwiki.fr/2/38325/

Andre Damon, novembre 2013

Le vaste enrichissement de cette couche sociale provient de la flambée des marchés boursiers, alimentée par "l'argent facile" et les opérations d'impression de la Réserve fédérale américaine et d'autres banques centrales. Ce processus s'intensifie. Ainsi, la semaine dernière, la Banque centrale européenne, répondant à une détérioration des conditions économiques en Europe, a abaissé son taux d'intérêt directeur de moitié, le faisant passer de 0,5 pour cent à 0,25 pour cent, insufflant ainsi une nouvelle vague de liquidités dans les marchés financiers.

Le lendemain de la publication du rapport de Wealth-X, Twitter, le service de réseautage social, a lancé son offre publique initiale, créant 1.600 millionnaires sur papier en une seule journée, alors que ses actions ont doublé en quelques heures selon le cabinet d'analyse financière PrivCo. Evan Williams, co-fondateur du site, a augmenté sa richesse dans le processus, la faisant passer de 1 milliard de dollars à 2,5 milliards de dollars. L'autre co-fondateur, Jack Dorsey, a fait 500 millions de dollars, ce qui porte maintenant sa fortune à 2 milliards de dollars.

En plus d'analyser la richesse des milliardaires du monde entier, le rapport documente les énormes sommes dépensées par ceux-ci en articles de luxe. Les milliardaires du monde entier possèdent pour environ 126 milliards de dollars en yachts, jets privés, oeuvres d'art, antiquités, articles de mode, bijoux et voitures de collection. Ce chiffre est supérieur au produit intérieur brut du Bangladesh, un pays de 150 millions de personnes.

Cet état de fait est le résultat inévitable du système capitaliste, qui traite la richesse des milliardaires du monde entier comme sacro-sainte, alors que les besoins de la population, tels que l'éducation, le logement et la santé, sont sujets à être sacrifiés.

http://www.wsws.org/fr/articles/2013/nov2013/rich-n14.shtml

Leila Shrooms, Tahrir-ICN, août 2013

Omar Aziz (affectueusement connu par ses amis comme Abu Kamal, ile à la frontière de l'Irak, à l'est de la Syrie) est né à Damas. Il revint en Syrie dès les tous premiers jours de la révolution syrienne après un exil en Arabie Saoudite et aux Etats-Unis. Intellectuel, économiste, anarchiste, mari et père, il s'engagea de lui-même dans la lutte révolutionnaire à l'âge de 63 ans. Il travailla avec des activistes locaux pour collecter l'aide humanitaire et la distribuer dans les banlieues de Damas attaquées par le régime. Au travers de ses écrits et de son activité, il fit la promotion de l'auto-gouvernance, l'organisation horizontale, la coopération, la solidarité et l'entraide mutuelle comme moyens par lesquels les gens s'émanciperaient eux-même de la tyrannie de l'Etat. Avec des camarades, Aziz fonda le premier comité local à Barzeh, Damas. Cet exemple se propagea dans toute la Syrie et avec lui, certains des plus récents et prometteurs exemples d'une auto-organisation non-hiérarchique à avoir émergé dans les régions du printemps arabe.

Dans son hommage à Omar Aziz, Budour Hassan déclara qu'il "ne portait pas de masque de Vendetta, et il n'a pas formé des groupes de Black Block. Il n'était pas obsédé par le fait de donner des interviews à la presse, et il n'a pas fait les gros titres des médias lors de son arrestation...
À une époque où la plupart des anti-impérialistes hurlaient sur l'effondrement de l'Etat syrien et le détournement d'une révolution qu'ils n'ont jamais soutenu, en premier lieu, Aziz et ses camarades ont lutté inlassablement en faveur de la liberté inconditionnelle contre toutes les formes de despotisme et d'hégémonie étatique." [Budour Hassan, "Omar Aziz : Rest in Power", 20 février 2013]

Aziz était encouragé par la vague révolutionnaire qui saisissait le pays et croyait que les " manifestations en cours étaient capables de casser la domination du pouvoir absolu " [Omar Aziz, "Un document de réflexion sur les Conseils Locaux" en Arabe]. Mais il vit un manque de synergie entre les activités révolutionnaires et la vie quotidienne des gens. Pour Aziz, cela n'avait aucun sens de participer à des manifestations qui demandent le renversement du régime tout en restant strictement dans les structures hiérarchiques et autoritaires imposées par celui-ci. Il décrivit une telle division comme une Syrie sujette au chevauchement de deux temps, " le temps du pouvoir " qui " dirige toujours les activités de la vie " et " le temps de la Révolution " appartenant aux activistes qui travaillent pour renverser le régime. Aziz croyait que pour la continuité et la victoire de la révolution, les activités révolutionnaires devaient s'infiltrer dans tous les aspects de la vie. Il prônait un changement radical dans les relations et l'organisation sociale de façon à contester les fondations d'un système basé sur la domination et l'oppression.

Aziz vit des exemples positifs tout autour de lui-même. Il était encouragé par les multiples initiatives qui surgissaient dans tout le pays, incluant la mise à disposition volontaire d'un soutien légal et médical d'urgence, transformant des maisons en hôpitaux de campagne et arrangeant des paniers de nourriture pour la distribution. Il vit dans de tels actions "l'esprit de la résistance du peuple Syrien à la brutalité du système, la destruction et le meurtre systématique de la communauté". La vision d'Omar était d'étendre ces pratiques et il croyait que la façon de le faire se trouvait dans l'établissement de conseils locaux. Pendant le huitième mois de la révolution syrienne, quand les protestations généralisées contre le régime étaient encore largement pacifiques, il produisit un document de réflexion sur les Conseils Locaux en Syrie où il exposa sa vision.

Selon les vues d'Aziz, le Conseil Local était l'assemblée par laquelle des gens issus de diverses cultures et différentes strates sociales pourraient travailler ensemble pour atteindre trois objectifs principaux : mener leur vie indépendamment des institutions et organes d'Etat, établir un espace qui permet la collaboration collective des individus et activer la révolution sociale aux niveaux local, régional et national.

Dans son papier Aziz liste ce qu'il pense comme préoccupations que les conseils locaux devraient avoir à cœur :

1. La promotion de la solidarité humaine et civile au travers de l'amélioration des conditions de vie en fournissant des hébergements sûrs pour les déplacés ; en fournissant une assistance autant psychologique que matérielle pour les familles des blessés et des détenus ; en fournissant un soutien médical et alimentaire ; en assurant la continuité des services d'éducation ; en supportant et en coordonnant l'activité des médias. Aziz note que de telles actions devraient être volontaires et ne devraient pas se substituer aux réseaux familiaux et amicaux. Il pensait que cela prendrait du temps pour que les gens se sentent confortables en dehors des services fournis par l'Etat et qu'ils ajustent leurs comportements sociaux afin d'être plus coopérants. Aziz pensait que le rôle des conseils devrait être maintenu à un minimum autorisant le développement d'initiatives par une communauté unique.

2. L'encouragement d'une coopération incluant la construction d'initiatives et actions communes locales qui promeuvent l'innovation et l'invention, dont Aziz a vu qu'elles étaient étouffées par un demi-siècle de tyrannie. Le conseil local devrait être le forum qui permet aux gens de discuter des problèmes auxquels ils ont à faire face dans la vie avec leurs conditions quotidiennes. Le conseil local devrait soutenir la collaboration et permettre aux gens de concevoir des solutions appropriées aux problèmes auxquels ils font face, incluant les questions relatives aux infrastructures, l'harmonie sociale et le commerce, aussi bien que les questions qui requièrent des solutions externes à la communauté locale. Aziz a aussi vu un rôle clé dans la défense du territoire des zones rurales et urbaines qui ont été sujettes à des expropriations et acquisitions par l'Etat. Il rejeta l'expropriation urbaine de la terre entrainant la marginalisation et le déplacement des communautés rurales, dont il a vu que c'était une méthode utilisée par le régime pour renforcer sa politique de domination et d'exclusion sociale. Aziz croyait qu'il était nécessaire d'assurer un accès à la terre qui peut satisfaire les nécessités de la vie pour tout le monde et appela à une redécouverte des communes. Il était réaliste mais optimiste. Il avait noté, "c'est clair que de telles actions s'appliquent à des lieux sûrs ou à des zones quasi-libérées du pouvoir. Mais il est possible d'évaluer la situation de chaque zone et de déterminer ce qui peut être accompli". Aziz prônait la réalisation de liens horizontaux entre conseils pour créer des liens et une interdépendance entre les différentes régions géographiques.

3. Des liens avec l'Armée Syrienne Libre (ASL) et des relations réciproques entre la continuité de la révolution et la défense, protection de la communauté. Aziz pensait qu'il était essentiel de coordonner la résistance populaire civile et la résistance populaire armée. Il voyait le rôle de l'ASL comme étant d'assurer la sécurité et la défense de la communauté, particulièrement pendant les manifestations, de soutenir des lignes sécurisées de communication entre les régions et de fournir une protection de la mobilité du peuple avec des approvisionnements logistiques. Le rôle du conseil serait de fournir de la nourriture et de l'hébergement pour tous les membre de l'ASL et de se coordonner avec elle pour la sécurité de la communauté et la défense stratégique de la région.

4. La composition des conseils locaux et de la structure organisationnelle. Aziz avait vu plusieurs défis à la formation de multiples conseils locaux. Le premier était le régime, qui prenait régulièrement d'assaut les cités et villes de façon à paralyser le mouvement, isoler les gens dans des enclaves et empêcher la coopération. Aziz soutenait que pour répondre à de telles assauts de l'Etat, les mécanismes de défense devaient rester flexibles et innovants. Les conseils devraient s'accroître ou se réduire en fonction des besoins et s'adapter aux relations de pouvoir sur le terrain. Il pensait que cette flexibilité était essentielle pour la réalisation du désir de liberté de la communauté. Il avait aussi vu ce défi consistant à encourager les gens à pratiquer un mode de vie nouveau et peu familier. De plus, le service d'approvisionnement devait être maintenu et il était nécessaire de trouver une source indépendante d'énergie faisant face aux coupures aussi bien que pour soutenir le développement des activités sociales et économiques. Pour cette raison il pensait que les conseils locaux devaient inclure des travailleurs sociaux et des gens avec des expertises sur des champs variés, sociaux, organisationnels et techniques, qui sont respectés et qui ont le désire de travailler volontairement. Pour Aziz, la structure organisationnelle du conseil local est un processus qui commence avec le minimum requis et qui évolue en fonction du niveau de transformation accompli par la révolution, l'équilibre du pouvoir dans une région donnée et les relations avec les régions voisines. Il encourageait le conseil local à partager le savoir, à apprendre de l'expérience des autres conseils et à se coordonner régionnalement.

5. Le rôle du Conseil National est de donner une légitimité à l'initiative et de gagner l'acceptation des activistes. Il devrait chercher les finances de façon à exécuter le travail nécessaire et à couvrir les frais impossibles à couvrir au niveau régional. Le Conseil National faciliterait la coordination entre les régions de façon à trouver des terrains d'entente et favoriser les proches interdépendances.

Le travail d'Omar Aziz a eu un impact énorme sur l'organisation révolutionnaire en Syrie. Pendant que le courant politique d'opposition a échoué à réaliser quoique ce soit de notable dans les deux dernières années, le mouvement d'opposition de base, face à la répression violente, est resté dynamique et innovant et a intégré l'esprit anarchiste. Au cœur de l'opposition de base il y a la jeunesse, principalement des classes pauvres et moyennes, où les femmes et divers groupes religieux et ethniques jouent des rôle actifs (voir http://www.youtube.com/watch?v=Otc6J9EQGiw&t=255 et https://www.youtube.com/watch?v=RaDFddXsJ3w&feature=player_embedded). La plupart de ces activistes restent non- affiliés aux idéologies politiques traditionnelles mais sont motivés par ce qui concerne la liberté, la dignité et les droits humains basiques. Leur objectif principal demeure le renversement du régime plutôt que de développer des grandes propositions pour une Syrie du futur.

Dans la ville et au niveau des quartiers, des conseils révolutionnaires ou majlis thawar ont été établis. Ils constitue souvent la structure administrative civile principale dans les zones libérées de l'Etat, aussi bien que dans des zones qui restent sous le contrôle de l'Etat. [pour un rapport sur les Conseils Locaux voir dans Gayath Naisse (Self organization in the Syrian people's révolution)Ceux-ci assurent la mise à disposition de services basiques, coordonnent les activités des comités locaux et se coordonnent avec la résistance populaire armée. Indubitablement, comme les services étatiques ont disparus et la situation humanitaire s'est détériorée, ils ont joué un rôle vital en augmentation. Il n'y a pas un modèle unique pour les Conseils Locaux, mais ils suivent principalement une forme de modèle de démocratie représentative. Certains ont établi différents départements administratifs pour prendre en charge des fonctions auparavant portées par l'Etat. Certains ont y compris eu plus de succès que d'autres qui ont lutté pour déplacer la bureaucratie du vieux régime ou qui ont été assaillis par des querelles intestines.

Pendant que le gros de l'activité de base est très largement resté au niveau local, il y a un nombre de différents groupes de coordination qui ont émergé pour coordonner et mettre en réseau au niveau régional et national. Ils incluent les Comités de Coordination Locaux (CCL), Comités d'Action National (CAN), la Fédération des Comités de Coordination de la Révolution Syrienne (FCC) et la Commission Générale de la Révolution Syrienne (CGRS). Aucun ne représente la totalité des comités/conseils locaux, ils ont différentes structures organisationnelles et ils ont différents niveaux d'engagement ou de non-engagement avec l'opposition politique formelle. Voir http://www.alharak.org/nonviolence_map/en/ pour une carte interactive qui montre les comités et conseils de coordination, ainsi que le fleurissement de beaucoup d'autres initiatives et campagnes dans un pays où de telles activités étaient auparavant brutalement réprimées.

La menace majeure contre ces diverses initiatives n'a pas seulement été la persécution des activistes par le régime, le manque de moyens, l'assaut des attaques de l'Etat sur les zones civiles et la détérioration croissante des conditions de sécurité et humanitaires. Des conseils locaux ont été piratés par des forces réactionnaires et contre-révolutionnaires. Par exemple à Al Raqqa, des groupes rebelles non-locaux à sympathies salafistes/takfiristes ont pris la plus grande partie du pouvoir au détriment du conseil local. Comme ils ont essayé d'imposer une vision Islamique qui est étrangère à presque tout le monde, les habitants de Raqqa ont mené une protestation continue contre eux. Dans cette video (https://www.youtube.com/watch?v=9hOsyH7zasw&sns=em) de juin 2013, les gens protestent contre les arrestations de membres de leurs familles par Jabhat Al Nusra. Les femmes crient "Honte sur vous ! Vous nous trahissez au nom de l'Islam". Pendant tout le mois d'août 2013, les habitants d'Al Raqqa ont protesté presque quotidiennement contre l'Etat Islamique d'Irak et du Sham (EIIS) en demandant la libération de centaines de détenus, de kidnappés et de personnes disparues. De même, à Alep des révolutionnaires ont lancé la campagne "assez c'est assez !" appelant à la fin des abus rebelles et pour la responsabilité. Cette manifestation de juin 2013 s'est tenue en face de la Cour de la Sharia à Alep après l'assassinat d'un enfant pour avoir prétendument insulté le prophète Mohammed. Les gens (http://www.youtube.com/watch?v=X5WqJ6Y2eQ8d) demandent que les assassins soient traduits devant la justice en disant "Le Comité de la Sharia est devenu l'Air Force Intelligence !" (la branche la plus brutale de la sécurité du régime). A Idlib, les gens ont aussi protesté contre le Comité de la Sharia qui a été établi, (https://www.youtube.com/watch?v=-8edfgXT61A&feature=youtu.be) ils disent "nous sommes contre le régime, contre l'assassinat extrémiste et contre l'oppression" et ils demandent le retour des juristes professionnels (pouvoir judiciaire indépendant) à la cour (à la place des religieux).

Omar Aziz n'a pas vécu pour voir les défis qui semblent souvent insurmontables et qui assaillissent les révolutionnaires de Syrie, ou les succès et échecs des expérimentations d'auto-organisation locales. Le 20 novembre 2012, il fut arrêté chez lui par le mukhabarat (le plus craint des services secrets). Peu avant son arrestation il déclara "Nous ne sommes pas moins que les travailleurs de la Commune de Paris : ils ont résistés pendant 70 jours et nous nous continuons encore après un an et demi." [Via @Darth Nader] Aziz fut gardé dans une cellule de détention des services secrets de 4 mètres par 4 qu'il avait partagé avec 85 autres personnes. Cela contribua probablement à la détérioration de sa santé déjà fragile. Il fut transféré plus tard à la prison Adra où il mourut de complications cardiaques en février 2013, un jour avant son 64ème anniversaire.

Le nom d'Omar Aziz ne sera jamais très connu, mais il mérite de la reconnaissance comme une figure contemporaine de premier plan dans le développement d'une pensée et d'une pratique anarchiste. Les expérimentations dans l'organisation révolutionnaire de base qu'il a inspirées fournissent une sagacité et des leçons dans l'organisation anarchiste pour les futures révolutions à travers le globe.

Traduction française Manuel Sanchaise pour Juralib.
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Omar Aziz
"REPOSE EN VICTORIEUX"
Par Budour Hassan

Le 17 Février 2013, les Comités locaux de coordination de la révolution syrienne ont rapporté que Omar Aziz, éminent intellectuel syrien, économiste, et de longue date dissident anarchiste, est mort d'une crise cardiaque à la prison centrale d'Adra. Détenu au secret par le renseignement de la Force aérienne depuis le 20 Novembre 2012, le grand et - même malade - chaleureux coeur d'Omar Aziz ne pouvait pas supporter près de trois mois de détention dans les cachots infâmes du régime Assad. Les rapports de son décès sont apparus sur le deuxième anniversaire de la manifestation du marché Hariqa , lorsque 1.500 Syriens se sont engagés pour la première fois de ne pas être humilié en plein cœur du Vieux Damas. Aziz laisse derrière lui un riche héritage important de contributions révolutionnaires intellectuelles, sociales et politiques ainsi qu'une révolution inachevée et un pays ayant un besoin désespéré de gens comme lui.

Né dans une famille bourgeoise de Damas dans le quartier al-Amara, le 18 Février 1949 Omar Aziz était diplômé en économie à l'Université de Grenoble en France. Il a poursuivi une carrière réussie dans les technologies de l'information en Arabie saoudite et avait bâti une vie de famille stable. Peu après l'éruption du soulèvement populaire en Syrie, cependant, il est retourné à Damas et a rejoint l'insurrection en tant qu'activiste politique et en tant qu'un intellectuel, en ajoutant le rôle d'organisateur de communauté. "Abu Kamel", comme ses amis aimaient l'appeler, a refusé de rester confiné à son domicile et près de ses livres malgré son état de santé problématique. Il a écrit et a travaillé sur les questions relatives à la libre auto-organisation locale et la transition vers la démocratie. En outre, il a constamment visité les zones déchirées par la bataille dans la campagne de Damas, distribué de l'aide aux familles déplacées, fait des listes concrètes leurs besoins, et fait en sorte que la distribution de l'aide soit gérée correctement. En tant que cinéaste syrien et ancien prisonnier politique Orwa Nyrabia a dit: "Abu Kamel a travaillé comme un homme âgé d'une vingtaine d'années."
Dans la Syrie d'Assad, où l'humanité et la libre pensée sont traités comme des crimes de terrorisme, il était prévisible que Omar Aziz soit finalement arrêté. Il a été enlevé à son domicile de Mazzeh Ouest le 20 Novembre 2012 à 16 heures. Et les annonces de sa mort ont été diffusé un jour avant son 64e anniversaire.
Il y a quelque chose d'une actualité tragique de la façon dont Omar Aziz prit congé de ce monde. Pour un homme qui a toujours choisi de travailler dans les coulisses et qui n'a jamais rivalisé de crédit et de gloire personnelle, sa mort ressemblait à sa vie. Il était silencieux et loin du glamour, mais il est venu tôt, trop tôt.
Omar Aziz évitait d'employer le terme "peuple" et écrivait "les humains" à la place. Son camarade Mohammad Sami al-Kayal écrit: "Il ne croyait pas dans" le peuple", ce jargon inventé par l'autorité pour maintenir son pouvoir. Il a vu des êtres humains qui vivent, prospèrent, et font jaillir leur potentiel. Il pouvait envisager la continuation et l'incarnation d'Espinoza, des structures de Marx, et de la folie de Foucault dans les poings des habitants de Douma, les danses des jeunes de Barzeh, et dans les canons de fusil des chasseurs à Harasta.
Il dit un jour : "Nous avons fait mieux que les travailleurs de la Commune de Paris. Ils ont résisté pendant 70 jours et nous, nous tenons depuis un an et demi".
Omar Aziz a écrit à propos de l'importance d'établir des conseils locaux sur une base non-hiérarchiques et indépendants du contrôle de l'Etat, et il le fit bien longtemps avant la création de zones libérées en Syrie. Lorsque Aziz préparait son plan pour les conseils locaux, le soulèvement était encore largement pacifique, et la plupart du pays était sous le contrôle militaire du régime. À l'époque, il était bafoué et ignoré par ceux-là mêmes qui, plus tard adoptèrent son idée et s'en attribuèrent le mérite.

L'AUTO-ORGANISATION DANS LA RÉVOLUTION DU PEUPLE SYRIEN
Par Ghayath Naïsse
Textes traduits de l'arabe par Luiza Toscane

1. Un rapport sur les conseils locaux

Les valeurs à diffuser
Le rapport affirme que l'action des conseils locaux, dans tous les domaines du pouvoir civil, doit diffuser des valeurs essentielles, notamment celles de l'engagement envers les objectifs de la révolution : la réalisation des aspirations du peuple, le respect mutuel pour la réalisation d'un milieu fonctionnel homogène, régi par l'amitié et la coopération. (...)
Les principes sont ceux de la consultation et de l'élection, de prises de décisions sans despotisme ni arbitraire, dans un cadre de loyauté, de transparence et de partage, de création, innovation et persévérance, en vue de développer des échanges interactifs entre toutes les composantes de la société, de renforcer la coordination et la complémentarité, l'égalité des droits entre Syriens sans discrimination religieuse, ethnique ou nationale.
Le rapport met en évidence les difficultés nombreuses auxquels les conseils locaux ont été confrontés, qui les ont affaiblis et qu'ils œuvrent à résoudre. Un des moindres n'est pas l'inexpérience, les conseils locaux s'étant constitués en pleine crise (...) Il faut ajouter l'absence de définitions claires au niveau des responsabilités ou prérogatives, la difficulté à s'assurer du sérieux et de la véracité des informations permettant d'évaluer les besoins et donc de dresser des plans d'action.
Les étapes de la création des conseils locaux
Le rapport passe en revue les étapes de la création des conseils locaux. La première réunion s'est tenue début juillet 2012 en présence de représentants de Lattaquié, Homs, Deraa, Damas et ses banlieues, Hassaka et Idleb, ainsi que dans sa dernière partie des représentants d'Alep. Elle avait pour but de discuter l'idée des conseils locaux et d'ouvrir des voies de contact entre gouvernorats pour assurer une meilleure coordination entre révolutionnaires. Il en est sorti un comité de suivi de la représentation, composée de sept personnes pour chaque gouvernorat, chargé d'esquisser un règlement intérieur unifié.
La seconde réunion, trois semaines plus tard à Istanbul, a été celle du comité de suivi. La situation révolutionnaire de chaque gouvernorat et les mécanismes mis en place pour choisir les sept représentants de chaque gouvernorat y ont été présentés. Des représentants de Lattaquié, Homs, Deraa, Damas et ses banlieues, Dir, Hassaka et Idleb y ont assisté.
La troisième réunion s'est tenue à Ankara au bout de deux semaines, en présence de représentants de Lattaquié, Homs, Deraa, Damas et ses banlieues, Dir, Hassaka, Idleb, Alep et Hama. Cette réunion a rédigé un projet de règlement intérieur unifié, que les membres du comité de suivi iraient présenter directement aux révolutionnaires à l'intérieur (...)
Source : http://www.zamanalwsl.net/readNews.php?id=35993

2. Le conseil local d'un village frontalier

3. Un rêve démocratique s'est réalisé à Deir Ezzor

Sous les bombardements, l'opposition organise des élections locales dans les zones " libérées " de la ville lors d'un scrutin qui est une première depuis 40 ans.
Dans les galeries du vieux marché de la ville de Deir Ezzor, qui est la proie quotidienne des tirs de mortier et le théâtre d'affrontements violents, un pro-ces-sus électoral " libre a été organisé pour la première fois depuis quarante ans ", comme le dépeint Khadr, un membre du conseil local de l'opposition qui a été élu dimanche par les habitants des zones " libérées ".
Khadr a remporté l'un des cinq sièges au " conseil local " de Deir Ezzor. Des opposants, parmi eux des combattants, ont décidé de créer de tels conseils qui administrent les affaires des populations dans les zones évacuées par les forces du régime et désertées par le pouvoir. Le nouveau responsable élu a dit : " c'est un jour historique pour tous les habitants de Deir Ezzor, Ils se sentent libres d'élire la personne qu'ils estiment capable de les aider. "
Dans les quartiers qui échappent au contrôle des forces régulières à l'est du pays, des pancartes appellent les gens à voter et des tracts sont distribués dans les zones commerciales.
C'est dans le quartier de Cheikh Yassine, sous terre, que des dizaines d'électeurs, à l'abri de la pluie intense et des obus, vérifient les listes de candidats. Oum Chadi, 56 ans, dit qu'elle vote pour la première fois de sa vie et ajoute : " je veux voter pour dire à Bachar que tout ce que nous demandions au début, c'est cette liberté des élections, la participation à la décision dans notre pays ". Son fils a été tué il y a six mois, alors qu'il se battait contre les troupes régulières (...)
Abdelhamid, un ancien ingénieur qui a supervisé le processus électoral, indique que "les gens sont venus malgré les bombardements, pour soutenir la révolution (...) c'est une façon pour eux d'affronter le régime sans avoir recours aux armes."
Aujourd'hui, près de 200 000 personnes vivent à Deir Ezzor, d'après les militants, sachant que la population s'élevait à plus de 750 000, dont beaucoup ont fui les violences. Un résident déclare sous le couvert de l'anonymat : " dans le passé, les élections étaient organisées pour montrer la démocratie syrienne au monde, alors que les gagnants appartenaient tous au parti Baath " qui gouverne la Syrie depuis un demi-siècle.
Abdulmajid, 75 ans, qui met son bulletin de vote dans l'urne sous les applaudissements : " la famille Assad gouverne depuis quarante ans, le temps du changement est arrivé " ; et de rappeler qu'elle " n'est pas parvenue au pouvoir de façon démocratique ", en référence au coup d'Etat qui a porté l'ancien président Hafez Al Assad, père de l'actuel président, au pouvoir en 1970, alors que le régime syrien " veut convaincre le monde que notre soulèvement est illégitime. Nous réclamons seulement ce qu'on nous a volé " ; et il poursuit : " la démocratie reviendra en Syrie. "
Un autre électeur, Ahmad Mohammad, souligne que les Syriens " veulent un état démocratique, pas un Etat islamique. Nous rêvons d'un Etat laïc gouverné par des civils, pas par des mollahs. "
L'armée syrienne libre a interdit à ses membres de participer au scrutin. Pour le commandant du bataillon de combat dans la ville, " c'est une occasion d'écouter les voix des civils. Nous travaillons à combattre le régime " (...)
Source : http://middle-east-online.com/id=150017

4. Le conseil local de la commune de Maadan

5. Le congrès général constituant du conseil local du gouvernorat de Raqqa

Courant de la gauche révolutionnaire
Appel à la solidarité avec les révolutionnaires syriens

UN ANARCHISTE SYRIEN CONTESTE LA VISION BINAIRE REBELLE/RÉGIME DE LA RÉSISTANCE
Par Joshua Stephens - Septembre 2013

Version originale : http://truth-out.org/news/item/18617-syrian-anarchist-challenges-the-rebel-regime-binary-view-of-resistance
Traduction française par Manuel Sanchaise.

Au moment où les USA poussent à une intervention militaire en Syrie, les récits disponibles oscillent pratiquement entre la brutalité du régime de Bashar el Assad et le rôle des éléments islamistes au sein de la résistance. De plus, là où la position des USA apparaît contestée, cela repose en grande partie sur cette contradiction de soutenir des entités liées à Al Qaeda et cherchant à renverser le régime, comme si elles représentaient la seule force opposante à la dictature existante. Mais comme l'a écrit récemment Jay Casano dans le magasine technique Fast Company, le réseau de la résistance non-armée et démocratique au régime d'Assad est riche et varié, représentant un vaste web d'initiatives politiques locales, associations artistiques, organisations de droits humains, groupes non-violents et plus. (Le Mouvement Syrien de la Non-violence a créé une carte interactive en ligne pour montrer ce réseau aux connections complexes)

Par ailleurs, les écrits et dépêches d'anarchistes Syriens ont eu énormément d'influence dans d'autres luttes Arabes, avec des anarchistes torturés à mort dans les prisons d'Assad et commémorés dans des textes palestiniens ou des manifestations en faveur de prisonniers politiques détenus en Israël. Deux caractéristiques principales de ces expressions demandent une attention particulière : la façon dont les anarchistes organisent dans le monde arabe de plus en plus de critiques et d'interventions pour démonter les contradictions qui justifient la politique étrangère des USA et comment les conversations en cours dans le monde Arabe entre mouvements anti-autoritaires sont évitées et restent sans relais dans les médias de référence occidentaux et grand-public. Que l'insistance des anarchistes Syriens sur l'auto-organisation comme principe central d'organisation puisse résister à la réalité immédiate de la violence ou à l'influence des intérêts étranger reste une question ouverte.

Nasser Attassi est un chercheur et écrivain politique originaire de Homs, vivant actuellement entre les États-Unis et Beyrouth. Il tient le blog Darth Nader, réfléchissant sur les événements de la révolution Syrienne. J'ai discuté avec lui de ses caractères anarchistes et de la perspective d'une intervention américaine.

Joshua Stephens pour Truthout :
Les anarchistes Syriens ont écrit et été actifs dans la révolution syrienne depuis le début. As-tu une idée du genre d'activités qui se déroulaient auparavant ? Y avait-il des lignes d'influence qui ont généré une articulation syrienne pour l'anarchisme ?

Nader Atassi :
A cause de la nature autoritaire du régime syrien, il y avait très peu de place pour agir avant que la révolution ne commence. Cependant, en terme d'anarchisme dans le monde arabe, la plupart des voix importantes étaient Syriennes. Malgré qu'ils n'étaient pas organisés d'une façon spécifiquement " anarchiste ", les écrivains et blogueurs Syriens avec des influences anarchistes sont devenus de plus en plus importants sur la " scène ", dans la dernière décade approximativement. Mazen Kalmanaz est un anarchiste Syrien qui a beaucoup écrit ces dernières années. Ses écrits contiennent beaucoup de théorie anarchiste appliquée aux situations contemporaines et il était une voix importante longtemps avant que l'insurrection ne commence. Il a beaucoup écrit en arabe, et a récemment donné une conférence dans un café du Caire intitulée " Qu'est ce que l'anarchisme ? "

En terme d'organisation, la situation était cependant différente. Dans le dur paysage politique d'un régime autoritaire, beaucoup ont dû être créatifs et exploiter les ouvertures qu'ils ont vu de façon à organiser n'importe quel type de mouvement. Par exemple, des mouvements étudiants se sont déclenchés pendant la Seconde Intifada Palestinienne et la Guerre d'Irak. C'était des sortes de mécontentements populaires que le régime tolérait. Des marches ont été organisées pour protester contre la guerre d'Irak ou en solidarité avec l'Intifada palestinienne. Bien que beaucoup de membres des mukhabarat infiltraient ces mouvements et les contrôlaient de près, c'était un déclenchement purement spontané de la part des étudiants. Et bien que les étudiants étaient très conscients de comment ils étaient surveillés de près (de façon apparente, les mukhabarat suivaient les marches avec un carnet de note, retranscrivant les slogans qui étaient clamés et écrits sur des panneaux), ils ont utilisés ce petit espace politique pour agir de façon à aborder progressivement des questions internes sans que le régime ne sanctionne les manifestations pour des questions étrangères.

L'un des plus audacieux épisodes dont j'ai entendu parler, c'est quand des étudiants de l'Université d'Alep, dans une manifestation contre la guerre d'Irak, ont levé des panneaux avec le slogan " Non à l'état d'urgence " (la Syrie était sous état d'urgence depuis 1963). Sur le moment, on n'a pas entendu parler de telles actions. Beaucoup des étudiants qui ont émergé comme organisateurs charismatiques des ces manifestations avant que l'insurrection ne commence ont disparu très tôt dans le soulèvement actuel. Le régime était méfiant de ces réseaux activistes qui furent créés comme résultats de ces précédents mouvements et ainsi, ces activistes pacifiques, dont il savait qu'ils pourraient constituer une menace pour lui, furent immédiatement réprimés (et en même temps, il devint plus indulgent avec les réseaux djihadistes, relâchant des centaines d'entre eux en fin 2011). Car il se trouve que l'Université d'Alep a un mouvement étudiant bien connu en faveurs de l'insurrection, si bien qu'elle a été surnommée " l'Université de la Révolution ". Plus tard le régime a pris pour cible l'Université, tuant beaucoup d'étudiants de l'École d'Architecture.

Tu as récemment écrit dans ton blog au sujet d'une possible intervention des USA comme étant corollaire aux interventions russes et iraniennes du côté d'Assad et à l'intervention Islamiste dans les mouvements révolutionnaires. Tout comme avec l'Égypte récemment, les anarchistes paraissent être une sorte de signature vocale contre deux pôles insatisfaisants de la couverture dominante - une voix préoccupée par l'auto-détermination. Est-ce juste comme compréhension ?

Oui, je le crois, mais je voudrais également clarifier quelques points. Dans le cas de la Syrie, il y en a d'autres qui font cette description ; pas seulement des anarchistes, mais aussi des trotskystes, marxistes, gauchistes et même des libéraux. De plus, cette récurrence sur l'auto-détermination est basée sur l'autonomie et la décentralisation, non pas sur les notions wilsoniennes de " un seul peuple " avec une espèce de nationalisme ou auto-détermination centralisée. Il s'agit des Syriens comme étant capables de déterminer leurs propres destinées et pas dans le sens nationaliste, mais dans le sens micro-politique. Donc par exemple, l'auto-détermination Syrienne ne veut pas dire une seule voie suivie par tous les Syriens, mais chaque personne déterminant sa propre voie, sans que d'autres interfèrent. Donc les Kurdes Syriens, par exemple, ont aussi le droit à une pleine auto-détermination selon cette conception plutôt que de les forcer à avoir une identité syrienne arbitraire en disant que toutes les personnes qui tombent sous le coup de cette identité ont une seule destinée.

Et quand nous parlons des partis qui sont contre l'auto-détermination syrienne, comme le régime, mais aussi ses alliés étrangers, et les djihadistes- ce n'est pas parce qu'il y a un récit sur l'auto-détermination syrienne avec les djihadistes qui sont contre celle-ci. Plutôt, ils veulent imposer leur propre récit sur tout le monde. Le régime travaille et a toujours travaillé contre l'auto-détermination syrienne car il détient tout le pouvoir politique et refuse de le partager. Les islamistes travaillent contre l'auto-détermination syrienne non pas en vertu du fait qu'ils sont islamistes (c'est pourquoi beaucoup de libéraux s'opposent à eux), mais parce qu'ils ont une vision de comment la société devrait fonctionner et qu'ils veulent imposer énergiquement celle-ci sur les autres, que les gens y consentent ou pas. Ceci est donc contre l'auto-détermination syrienne. Les alliés du régime Assad, l'Iran, la Russie et différentes milices étrangères sont contre l'auto-détermination syrienne car ils sont déterminés à soutenir ce régime à cause du fait qu'ils ont décidé que leurs intérêts géopolitiques supplantent ceux des Syriens décidant par eux-mêmes de leurs destinées.

Donc oui, la couverture dominante essaie toujours de présenter les gens comme appartenant à une binarité quelconque. Mais la révolution syrienne s'est déclenchée avec des gens qui demandaient une auto-détermination par rapport à un parti qui la leur déniait : le régime de Bashar El Assad. Le temps passant, d'autres acteurs sont venus sur scène en déniant aussi l'auto-détermination aux Syriens, certains même en combattant le régime. Mais la position n'a jamais été d'être contre le régime pour le simple fait d'être contre le régime, juste comme je le présume en Égypte, la position de nos camarades n'est pas d'être contre l'Ikwhan [Frères Musulmans] pour le simple fait d'être contre l'Ikwhan. Le régime a écarté l'auto-détermination des gens, et n'importe quelle destitution du régime résultant à le remplacer par quelqu'un d'autre qui dominerait les Syriens ne serait pas considérée comme un succès. Comme en Égypte, quand l'Ikwhan a accédé au pouvoir, ceux qui les considéraient comme un affront à la révolution, même s'ils n'étaient pas des felool [loyaux à Moubarak], ont gardé le slogan "al thawra mustamera" [" la révolution continue "]. Il devrait donc en être ainsi si, après que le régime soit parti, un camp arrivait au pouvoir qui dénierait aussi aux Syriens leur droit à déterminer leur propre destinée.

Quand j'ai interviewé Mohamed Bamyeh cette année, il a parlé de la Syrie comme d'un exemple très intéressant où l'anarchisme est une méthodologie de conduite sur le terrain. Il a souligné que quand on entend parler d'organisation dans la révolution syrienne, il s'agit de comités et de formes qui sont relativement horizontales et autonomes. Sa suggestion semble corroborée par ce que des gens comme Buddour Hassan ont mis en lumière, en documentant la vie et le travail de Omar Aziz. Vois-tu cette influence dans ce que tes camarades font et rapportent ?

Cela revient à ce que l'anarchisme devrait être vu comme un ensemble de pratiques plutôt que comme une idéologie.dans la révolution syrienne, une grande partie de l'organisation a eut une approche anarchiste, même si cela n'est pas explicite. Il y a le travail du martyr Omar Aziz qui a contribué à l'émergence des conseils locaux, que Tahrir-ICN et Buddour Hassan ont très bien documenté. Essentiellement, ces conseils furent conçus par Aziz comme des organisations où l'auto-gouvernance et l'aide mutuelle pourraient fleurir. Je crois que la vision d'Omar à insufflé une vie à la façon d'opérer de ces conseils. Il faut également noter que les conseils ont mis court à l'auto-gouvernance, optant plutôt pour l'effort de l'aide et à se focaliser sur les médias Mais ils agissent encore en se basant sur des principes d'aide mutuelle, coopération et consensus.

La ville de Yabroud, à mi chemin entre Damas et Homs, est un standard de l'insurrection syrienne. C'est aussi un modèle de coexistence confessionnel, avec une population chrétienne importante vivant en ville. Yabroud est devenu un modèle de l'autonomie et de l'auto-gouvernance en Syrie. Après que les forces de sécurité se soient retirées pour qu'Assad les concentre ailleurs, les résidents ont comblé le vide, déclarant " nous organisons maintenant tous les aspects de la vie de la cité par nous-même [sic]. De la décoration de la cité au nouveau nom de l'école " École de la Liberté ", Yabroud est certainement ce que beaucoup de Syriens, y compris moi-même, espèrent que soit la vie après qu'Assad soit parti. D'autres zones contrôlées par des djihadistes réactionnaires dépeignent une possible et sombre image du futur, mais il est cependant important de reconnaître qu'il y a des alternatives. Il y a aussi un réseau hardcore d'activistes situé dans tout le pays, mais surtout à Damas, appelé " Jeunesse Révolutionnaire Syrienne ". Ils sont une organisation secrète. Ils mènent des manifestations extrêmement audacieuses, très souvent en plein centre du Damas contrôlé par le régime, avec des masques et portant des drapeaux de la révolution syrienne, souvent accompagnés de drapeaux kurdes (un autre tabou en Syrie).

Dans la ville de Darayya en banlieue de Damas, où le régime à mené une bataille féroce depuis qu'elle est tombée aux mains des rebelles en novembre 2012, des résidents ont décidé de se mettre ensemble et de créer un journal au sein même du combat, appelé Enab Baladi (signifiant Raisin Local, car Darayya est connue pour son raisin). Leur journal se concentre sur ce qui se passe à Darayya et sur ce qui se passe dans le reste de la Syrie. Il est imprimé et distribué gratuitement dans toute la ville. Les principes d'auto-gouvernance, autonomie, aide mutuelle sont présents dans beaucoup d'organisations de l'insurrection. Les organisations qui agissent suivant ces principes ne constituent évidemment pas la totalité du soulèvement. Il y a des éléments réactionnaires, des éléments sectaires, des éléments impérialistes. Mais nous en avons beaucoup entendu parlé, n'est ce pas ? Il y a du monde qui fait un grand travail basé sur des principes solides et qui mérite notre soutien.

Comment pensez-vous que l'intervention des USA affectera en fin de compte la composition et la dynamique de la révolution ?

Je pense, en général, que l'intervention a affecté l'insurrection très négativement, et je pense que l'intervention des USA ne sera pas différente. Mais je pense que la façon dont cette intervention spécifique affectera la composition et la dynamique de la révolution dépendra de l'envergure spécifique de la frappe des USA. Si la frappe des USA est telle qu'ils l'annoncent, c'est à dire des frappes " punitives ", " limitées ", " chirurgicales ", " symboliques ", elle n'occasionnera alors aucun changement significatif sur le champ de bataille. Elle pourrait cependant donner raison à la propagande du régime d'Assad et il pourra alors clamer qu'il est " resté ferme face à l'impérialisme des USA ". Les dictateurs qui survivent aux guerres contre eux ont tendance à crier victoire simplement sur la base d'y avoir survécu, même si en réalité ils sont du côté des perdants. Après que Saddam Hussein fut expulsé du Koweït par les USA, l'Arabie Saoudite et d'autres, il est resté au pouvoir pendant plus de 12 ans, 12 ans pleins de propagande où comment Saddam est resté ferme pendant " la mère de toutes les batailles ".

Si les frappes finissent par être plus dures que ce qui est actuellement dit, pour une raison ou une autre, et qu'elles occasionnent un changement significatif sur le champ de bataille ou qu'elles affaiblissent significativement le régime d'Assad, alors je pense que les effets négatifs potentiels seront différents. Je pense que ceci mènera à un futur où les Syriens n'auront pas la main pour se déterminer. Les USA n'aiment pas Assad, mais ils ont exprimé à plusieurs reprises qu'ils espèrent que les institutions du régime resteront intactes, de façon à assurer la stabilité dans une Syrie du futur. En bref, comme beaucoup l'ont noté, les USA veulent " un Assadisme sans Assad ". Ils veulent le régime sans la figure d'Assad, exactement comme ce qu'ils ont eu en Égypte, quand Moubarak fut déchu mais que " l'État fondamental " des militaires est resté, et comme ce qui est arrivé au Yémen où les USA ont négocié pour la chute du président, mais où tout est resté largement pareil. Le problème avec ceci est que les Syriens ont chanté " Le Peuple Veut la Chute du Régime ", pas seulement Assad. Il y a consensus dans tous les camps, des USA jusqu'à la Russie en passant par l'Iran, peu importe ce qui se passe en Syrie, les institutions du régime doivent rester en place. Les mêmes institutions qui furent construites par la dictature. Les mêmes institutions qui ont pillé la Syrie et qui ont provoqué le mécontentement populaire qui a initié l'insurrection. Les même institutions qui sont un simple vestige du colonialisme français. Tout le monde en Syrie sait que les candidats préférés par les USA pour les postes de direction sont ces Syriens qui ont fait parti du régime puis ont été défaits : les bureaucrates baasistes, devenus des technocrates néolibéraux, puis devenus des " transfuges ". Ceux-là sont ceux que les USA voudraient avoir pour gouverner la Syrie.

Les Syriens ont déjà trop sacrifié. Ils ont payé le plus grand prix pour leurs revendications. Je ne veux pas que tout cela soit en vain. Dans l'empressement à se débarrasser d'Assad, le symbole du régime, j'espère que le régime ne sera pas préservé. La Syrie mérite plus qu'un tas d'institutions de bric et de broc et qu'une bureaucratie construite par des dictateurs qui souhaitent garder le peuple syrien sous un contrôle pacifié. Il ne devrait y avoir aucune raison pour garder des institutions qui ont participé au pillage du pays et au massacre du peuple. Et sachant que c'est cela que les USA souhaitent pour la Syrie, je rejette n'importe quelle implication directe des USA. Si les USA veulent aider, cela peut commencer en utilisant la diplomatie pour parler à la Russie et à l'Iran, afin de les convaincre d'arrêter la guerre, ainsi les Syriens pourront déterminer par eux-même le cours à venir de l'action. Mais que les USA interviennent directement est incompatible avec un choix d'une prochaine étape déterminée par les Syriens, ce qui je l'espère sera rejeté.

Que peuvent faire les gens en dehors de la Syrie pour apporter du soutien ?

Pour les gens en dehors, c'est difficile. En terme de soutien matériel, il y a très peu de choses qui peuvent être faites. Je pense que la seule chose qui peut être faite à grande échelle, c'est un soutien discursif/intellectuel. La gauche a été très hostile à l'insurrection syrienne, traitant les pires éléments de l'activité anti-régime comme s'ils étaient les seuls de celle-ci et acceptant les récits du régime pour argent comptant. Ce que je demande aux gens de faire, c'est de remettre les pendules à l'heure et de montrer qu'il y a des éléments de l'insurrection syrienne qui méritent d'être défendus. Aider à casser cette binarité nuisible entre Assad contre Al Qaeda, ou Assad contre l'impérialisme US. Être juste avec l'histoire et les sacrifices du peuple syrien en donnant un compte-rendu précis...

A prendre connaissance du dernier " Temps qu'il fait " et de l'état des lieux qu'il révèle, comment ne pas être saisi autant par la gravité de la situation que par l'ampleur du pari fait sur ce qui n'a peut-être pas commencé mais qui serait pourtant en train de s'inventer ici, là, maintenant, ailleurs, en dehors des chemins balisés, que ce soit dans la solitude d'une adolescence ou à travers la solidarité informelle et néanmoins de plus en plus réelle de ceux qui refusent ce monde ?

De cette certitude que tout se tient, dépend, en effet, l'acuité du regard mais aussi la détermination à ne pas accepter l'inacceptable. Et ne le verrait-on pas à cause de la complexité de nos sociétés à laquelle il est justement fait allusion, oui, il y a un rapport entre l'affaire de l'extradition de Julian Assange et la fusillade de New York. Comme ce n'est pas sans lien avec le rapport qu'il y a entre le massacre des mineurs d'Afrique du Sud et les questions de régulateurs qui inquiètent aujourd'hui la banque Standard Chartered. Mais comme il y a aussi un rapport de tout cela avec la révolte et la condamnation des Pussy Riot aujourd'hui en Russie. Où qu'on se tourne, voilà que l'inacceptable commence à être perçu comme tel mais pas par les mêmes et pas de la même façon.

Ainsi, que ces trois filles, belles de leur insolence, aient eu le courage de s'en prendre, en toute connaissance de cause, au pouvoir et à l'église russes réunies aura été un feu de joie dans la grisaille de cet hiver 2012. Il faut voir la vidéo de leur intervention du 21 février dernier dans la cathédrale moscovite du Christ-Sauveur " haut lieu du renouveau orthodoxe en Russie ", où, après leur prière à la vierge Marie pour " chasser Poutine ", l'honneur du mâle en question se trouve d'abord défendu, avant l'arrivée de la police, par des sortes de sœurs converses, complètement affolées devant quatre jeunes diables déchaînés, en cagoules et collants bariolés. Et il me paraît très significatif que, contrairement à un certain nombre de jeunes gens et vraisemblablement au nom d'un sérieux politique décontenancé par un mélange d'humour et de radicalité, on n'aura pas mesuré l'enjeu de cette affaire, à savoir, comme le souligne un de leurs amis, l'artiste Oleg Koulik, que ces filles se retrouvent en prison, " parce que le pouvoir ne peut pas admettre qu'on critique l'Église, la seule institution qui, dans le cas d'une révolution, se lèvera pour sa défense ".

Pareillement, il ne me paraît pas indifférent que ces jeunes féministes, comme j'avais rêvé qu'on le fût il y a trente cinq ans, ont été condamnées à deux ans de camp par une juge. Comme il n'est pas indifférent qu'au même moment elles étaient soutenues par une splendide fille qui, torse nu et en signe de solidarité, aura abattu une croix à la tronçonneuse en quelques minutes. Comme il est encore moins indifférent qu'elles aient purement et simplement rigolé, à la lecture des attendus de leur condamnation.

En fait, féministes, écologistes, militantes de la cause homosexuelle, liées à des collectifs d'artistes contestataires..., si Nadejda Tolokonnikova, Ekaterina Samoutsevitch et Maria Alekhina sont coupables, c'est d'être RÉVOLTÉES, moins en tant qu'artistes qu'à vouloir, semble-t-il, " changer la vie ", vraiment. Et c'est peut-être cela qui est ici difficile à imaginer, quand la plupart de nos artistes, champions de la subversion subventionnée se livrent à tous les détournements et recyclages possibles, pour en fin de compte chacun trouver sa place dans l'entreprise de neutralisation en cours. À l'inverse, on ne peut qu'être impressionné par la façon dont ces Pussy riot se seront réappropriées l'insurrection Punk, pour lui redonner la charge de révolte dont le marché du disque des années soixante-dix avait su immédiatement la dépouiller.

Et c'est sans doute pourquoi, après les avoir accusées d'" hooliganisme ", on les aura finalement convaincues de " vandalisme " et d'" incitation à la haine religieuse ", pour dépolitiser un propos qui ne se laisse pas réduire à telle ou telle idéologie. Dans ces cas-là, l'aberration des chefs d'accusation est toujours proportionnelle à l'inquiétude suscitée : il n'y a pas loin de " l'hooliganisme " au " cosmopolitisme " et le flou de la formulation cache toujours une partie de la " bête immonde. " De toute façon, la résonance internationale du procès est un signe. Quelque chose de cette révolte demande à être entendu.

Peu importe que telle ou telle vedette médiatique se retrouve à soutenir ces jeunes femmes. Pour ma part, je ne peux que m'en réjouir, au moment où le processus de domestication généralisée s'accélère, à voir les grands moyens adoptés pour réinjecter, par exemple à l'occasion des Jeux Olympiques, les valeurs d'asservissement que sont la famille, la patrie et la religion, celles-ci bien sûr présentées sous de nouveaux emballages.

Ce sont là autant de signes contradictoires que non seulement les structures de ce monde sont en train de lâcher mais aussi que peu à peu les choses finissent par apparaître à leur scandaleuse lumière, pour provoquer, comme en pointillé, ici, là, le refus de continuer à participer de ce jeu-là.

J'ai dit ailleurs que si la servitude est contagieuse, la liberté l'est aussi. Nous en sommes à ce point d'équilibre instable, où tout peut basculer d'un côté ou de l'autre. D'où l'importance de repérer tous les signes et nous ne serons jamais trop pour tenter de discerner ce qui advient. C'est pourquoi il me déplairait qu'on fasse fi de l'insaisissable jeunesse de cette révolte venant de l'Est. Pensez aux Provos, pensez aux Hippies, aux " aventuristes* " de 68... il y aura toujours l'insolente beauté de ce qui commence. Aussi, quand bien même " en matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d'ancêtres ", il se pourrait que tout débute avec le " retour du refoulé ", mais ailleurs et autrement. Comme si chaque insurrection était riche de tous les rêves précédents encore à venir, c'est-à-dire comme si, à chaque fois, il s'agissait de jouer le Grand Jeu.

Il faut peut-être le savoir pour commencer à voir.

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Le 30 mai 1968 tous les vieillards de 70 à 18 ans se sont donné la main, et ce fut non seulement ridicule, comme on l'avait prévu, mais aussi terrifiant comme des milliers de couvents, de casernes, de prisons en marche, arborant dans la respectabilité de leurs limites la scandaleuse violence d'un monde de la ségrégation, du sauve-qui-peut de la ruse et de la lâcheté. On assista à la riposte imbécile, peureuse et soi-disant pacifique d'une société qui venait de recevoir en plein visage la plus belle gifle qu'on ait vue ces derniers temps : celle d'un enfant à son père endormi après un trop bon repas.

AVANT QU'IL NE SOIT TROP TARD, des milliers de jeunes gens ont quitté un monde, claquant les portes derrière eux, allumant le plus grand nombre de brasiers pour répondre enfin aux injures sans merci faites à la spontanéité, à l'unique de chaque individu, suivant la formule bien connue "Il faut battre le fer quand il est chaud." Vous aviez oublié, Messieurs, l'incandescence du fer rouge, trop pressés de le replonger dans les eaux glaciales du temps qui passe, du monde comme il va. Mors ne vous étonnez plus de la violence de ces derniers jours, ne vous étonnez plus de l'apparente disproportion entre la cause et l'effet. L'éclat de certains regards, la couleur de certaines nuits vous ont échappé, vous échapperont toujours. C'est dans cette frange d'indétermination de toute vie quotidienne que la violence nécessaire a puisé son énergie, c'est grâce à cette puissance de refus qui répond à tous vos interdits que l'on a pris la force d'écrire REELLEMENT sur les pages enfin neuves des rues, ne fût-ce que pour un instant : En mai, fais ce qu'il te plaît. Une traînée de poudre que vous avez nommée dans votre vocabulaire usé indifféremment folie, frénésie, délire, embrasa l'anonymat du nombre. Et le nombre se mit à vivre, à détruire, individu par individu, le mythe de son inertie abstraite. Vos chiens de garde, sociologues, psychiatres, professeurs, politiciens (pendant que vous lâchiez vos meutes spécialisées pour une sinistre chasse à l'adolescent) s'interrogèrent fébrilement sur la disparité d'âge, de classe de ceux qui prirent la rue : les blousons noirs, les ouvriers, les étudiants, les filles outrageusement fardées descendues des Portes avec autour de la taille des chaînes qui n'avaient plus rien à voir avec les garde-fous, répondirent à un INCONTRÔLABLE (puisque le mot est actuel non sans raison) VIVE QUI VEUT, avec tous les risques que cela suppose, avec l'extrême violence de l'affirmation du désir muselé par le coude à coude des panses de cinquante millions de Français bien français, paralysé par toutes les mains jointes du monde en prière, enfin savamment réprimé par les morales pseudo-socialistes qui appartiennent à la même famille.

Le vent échappa à la spéculation météorologique des week-ends, pour servir une immense respiration collective. Je ne parle ni d'une fraternisation dérisoire de type boyscout toujours prêt à faire comme les autres, ni d'une solidarité de la peur bassement humaine de genre humaniste. Il ne s'agissait pas, mais pas du tout, de donner à voir, mais d'inviter à vivre. Pour la première fois depuis longtemps dans les rues les gens étaient beaux, parce que passionnés. On parla d'un débordement des organisations politiques parce que pour la première fois, on ne parlait plus raison mais passion. La misère des rapports humains qui assure votre lamentable sécurité était soudain débusquée. Le bruit courut que tout était possible, parce que des milliers d'hommes n'étaient plus séparés les uns des autres, mais surtout parce que chacun n'était plus séparé de lui-même. La spontanéité allant et venant du jeu passionné à l'extrême sérieux, de l'humour 'e plus libre au risque de mort, alors les forces répressives passèrent hors de chacun. L'irrationnel échappé de ses chasses gardées, la poésie, la peinture, l'art... dépouillé par la spontanéité collective de son déguisement de rigueur, reconnu ici ou là par vous de temps en temps, et sans risques, comme génial, réduisit à rien la distance habituellement payante entre le signifiant et 1e signifié, sabota le réseau de contre-espionnage de l'individualisme bourgeois.

Dans un document publié à la fin du mois de mai, le géant des banques d'investissement américain JPMorgan Chase réclame l'abrogation des constitutions démocratiques bourgeoises établies après la Seconde Guerre mondiale dans une série de pays européens et la mise en place de régimes autoritaires.

Le document de 16 pages a été réalisé par le groupe Europe Economic Research de JPMorgan et est intitulé " L'ajustement de la zone euro - bilan à mi-parcours. " Le document commence par faire remarquer que la crise de la zone euro a deux dimensions.

Pour commencer, il affirme que des mesures financières sont nécessaires pour garantir que les principales institutions d'investissement comme JPMorgan puissent continuer à engranger d'énormes bénéfices de leurs activités spéculatives en Europe. Ensuite, les auteurs soutiennent qu'il est nécessaire d'imposer des " réformes politiques " destinées à supprimer l'opposition aux mesures d'austérité massivement impopulaires qui sont appliquées au nom des banques.

Le rapport exprime sa satisfaction vis à vis de l'application par l'Union européenne d'un certain nombre de mécanismes financiers visant à garantir les intérêts bancaires. A cet égard, l'étude souligne que la réforme de la zone euro en est pratiquement à mi-chemin. Mais le rapport réclame aussi davantage d'action de la part de la Banque centrale européenne (BCE).
Depuis l'éruption de la crise financière mondiale de 2008, la BCE débloque des milliers de milliards d'euros en faveur des banques pour leur permettre d'effacer leurs créances douteuses et de redémarrer une nouvelle série de spéculations. En dépit d'une pression grandissante venant des marchés financiers, le chef de la BCE, Mario Draghi a déclaré l'été dernier qu'il ferait le nécessaire pour consolider les banques.

En ce qui concerne les analystes de JPMorgan, ceci n'est cependant pas suffisant. Ils exigent de la part de la BCE une " réponse plus spectaculaire " à la crise.

Les critiques les plus dures du document sont cependant formulées à l'égard des gouvernements nationaux qui ont mis bien trop de temps à appliquer le genre de mesures autoritaires nécessaires à l'imposition de l'austérité. Le processus d'une telle " réforme politique " précise l'étude, a " même à peine commencé. "

Vers la fin du document, les auteurs expliquent ce qu'ils entendent par " réforme politique. " Ils écrivent : " Au début de la crise l'on avait pensé que ces problèmes nationaux hérités du passé étaient en grande partie d'ordre économique, " mais " il est devenu manifeste qu'il y a des problèmes politiques profondément enracinés dans la périphérie qui, à notre avis, doivent être changés si l'Union monétaire européenne (UME) est censée fonctionner à long terme. "

Le document détaille ensuite les problèmes existant dans les systèmes politiques des pays de la périphérie de l'Union européenne - la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie - qui sont au centre de la crise de l'endettement en Europe.

Les auteurs écrivent: " Les systèmes politiques de la périphérie ont été établis après une dictature et ont été définis par cette expérience-là. Les constitutions ont tendance à montrer une forte influence socialiste, reflétant la force politique que les partis de gauche ont acquise après la défaite du fascisme. "

" Les systèmes politiques autour de la périphérie affichent de manière typique les caractéristiques suivantes : des dirigeants faibles ; des Etats centraux faibles par rapport aux régions ; une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ; des systèmes recherchant le consensus et qui encouragent le clientélisme politique ; et le droit de protester si des modifications peu appréciées sont apportées au statu quo politique. Les lacunes de cet héritage politique ont été révélées par la crise. " Quelles que soient les inexactitudes historiques contenues dans leur analyse, il ne peut y avoir l'ombre d'un doute que les auteurs du rapport de JPMorgan plaident pour que les gouvernements adoptent des pouvoirs de type dictatorial afin de mener à bien le processus de contre-révolution sociale qui est déjà bien avancé à travers toute l'Europe.

En réalité, il n'y avait rien de véritablement socialiste dans les constitutions établies durant la période d'après-guerre partout en Europe. De telles constitutions visaient à garantir le régime bourgeois dans une situation où le système capitaliste et ses agents politiques avaient été totalement compromis par les crimes des régimes fascistes et dictatoriaux.

Les constitutions des Etats européens, y compris celles de l'Italie, de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, ont été élaborées et appliquées en collaboration avec les partis socialistes et communistes des pays respectifs et qui ont joué le rôle clé dans la démobilisation de la classe ouvrière pour permettre à la bourgeoisie de maintenir son régime.

Dans le même temps cependant les classes dirigeantes discréditées de l'Europe étaient parfaitement conscientes que la Révolution russe demeurait une inspiration pour de nombreux travailleurs. Elles se sont senties obligées de faire une série de concessions à la classe ouvrière dans le but d'empêcher une révolution - sous la forme précisément de protections sociales et constitutionnelles, dont le droit de manifester, ce que JPMorgan aimerait à présent voir aboli.

Dans une certaine mesure, les critiques de la banque à l'égard du manque d'autoritarisme des gouvernements européens sonnent creux. Partout en Europe, les gouvernements ont à maintes reprises recouru ces dernières années à des mesures d'Etat policier pour réprimer l'opposition à l'encontre de leur politique.

En France, en Espagne et en Grèce, des décrets d'urgence et l'armée ont été utilisés pour briser des grèves. La constitution adoptée en Grèce en 1975, après la chute de la dictature des colonels, n'a pas empêché le gouvernement grec de licencier en masse des fonctionnaires. Et dans un certain nombre de pays européens, les partis dirigeants sont en train d'encourager le développement de partis néofascistes tel le mouvement Aube dorée en Grèce.

Toutefois, pour JPMorgan cela ne suffit pas. Afin d'éviter une révolution sociale dans la période à venir, ses analystes préviennent qu'il est indispensable que les gouvernements capitalistes partout en Europe se préparent aussi vite que possible à mettre en place des formes de régime dictatoriales.

A la fin du document, les auteurs avancent une série de scénarios qui, selon eux, pourraient découler de l'échec des gouvernements européens à ériger des systèmes autoritaires. Ces variantes comprennent : " 1) l'effondrement de plusieurs gouvernements favorables aux réformes en Europe méridionale, 2) un effondrement du soutien à l'euro ou à l'UE, 3) une victoire électorale incontestée de partis anti-européens radicaux quelque part dans la région, ou 4) l'ingouvernabilité de fait de certains Etats membres une fois que les coûts sociaux (notamment le chômage) dépasseront un certain seuil. "

C'est la voix authentique du capital financier qui parle. Il faut rappeler que JPMorgan est profondément impliqué dans les opérations spéculatives qui ont dévasté la vie de centaines de millions de travailleurs partout dans le monde. En mars de cette année, une commission du sénat américain a rendu public un rapport de 300 pages documentant les pratiques criminelles et la fraude réalisées par JPMorgan, la plus grande banque des Etats-Unis et le plus grand agent de produits dérivés du monde. En dépit des révélations détaillées dans le rapport, aucune action ne sera prise à l'encontre du PDG de la banque, Jamie Dimon, qui jouit de la confiance personnelle du président américain.

Cette même banque se permet à présent de faire la leçon aux gouvernements. Soixante-dix ans après la prise de pouvoir par Hitler et les nazis en Allemagne, dont les conséquences furent catastrophiques pour l'Europe et le monde, JPMorgan est le premier à réclamer des mesures autoritaires pour réprimer la classe ouvrière et éradiquer ses acquis sociaux.

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http://www.legrandsoir.info/IMG/pdf/jpm-the-euro-area-adjustment--about-halfway-there.pdf
http://blogs.mediapart.fr/blog/koszayr/200613/jp-morgan-prescrit-la-dictature-en-europe?onglet

La période dans laquelle nous vivons est marquée par l'extrême dispersion des forces qui contestent de manière radicale l'ordre existant. Mais la situation actuelle de crise permanente du capitalisme qu'il s'agit de comprendre ouvre sur une indétermination qui fait de la rupture révolutionnaire une possibilité. La perspective révolutionnaire, même en tant qu'idée, n'a toutefois plus l'évidence qu'elle pouvait avoir il y a encore seulement quelques dizaines d'années. C'est que la " contre-révolution " capitaliste qui sévit depuis la fin des années soixante a considérablement remodelé les rapports entre le capital et le travail. Les formes de domination elles-mêmes, tant dans le cadre du travail qu'en-dehors de celui-ci, mériteraient sans doute d'être repensées à la lumière d'une stratégie politique nouvelle. De fait, le renouvellement et l'extension le plus largement possible dans la société actuelle de la critique révolutionnaire relève maintenant, selon nous, de l'impérieuse nécessité. En même temps qu'il s'agit de concevoir la pratique, il est indispensable de reformuler les problèmes théoriques à la lumière d'une perspective d'avenir souhaitable et au-delà des idéologies surannées. Plus que jamais, la révolution est à réinventer.

Hélas, tout n'est qu'abîme !
Les réalités multiples de la crise

C'est une civilisation tout entière qui chancelle

Du fait d'une crise généralisée qui nous entraîne vers l'inconnu, les sociétés où sévit le capitalisme globalisé s'avèrent être des entités de plus en plus ingouvernables, comme le montre la situation de la Grèce. Mais cette crise généralisée ne signifie pas forcément un effondrement final. Le capitalisme a en effet montré au cours de l'histoire sa capacité à utiliser les crises pour dépasser ses propres contradictions. Tout dépend en fait de l'existence ou non d'un mouvement anti-systémique, de sa radicalité, de son envergure et de sa capacité à toucher à l'essentiel.

Dans le labyrinthe de la colère obstinée : les linéaments d'une contestation en gestation

Réinventer la révolution

Les moments de contestation radicale sont aussi des instants de grande liberté et l'histoire ne se déroule jamais selon les plans préconçus par une avant-garde consciente de tous les tenants et aboutissants. Néanmoins, la pure spontanéité n'existe pas et il nous semble essentiel d'interroger l'héritage révolutionnaire pour que la question de notre avenir commun puisse ébranler le présent. Certaines idées motrices doivent être reconsidérées à la lumière de l'actuelle situation historique.

1. L'exigence de démocratie réelle est apparue, ces dernières années, comme l'axe de revendications de la majorité des mouvements sociaux. Cela est dû au fait de plus en plus évident que le système politique et social présent est tout ce que l'on veut sauf un état de démocratie, laquelle ne saurait se réduire aux formes que nous connaissons. La démocratie n'a de sens que si elle est révolutionnaire, autrement dit que si elle consiste en un gouvernement du peuple par le peuple, en un processus permanent d'apprentissage de l'égalité et de la liberté. De ce point de vue, la démocratie comprise comme l'égalité dans la liberté ne peut être que la reprise et l'approfondissement critiques des expériences révolutionnaires du passé, de 1789 à 1968, en passant par la Commune de Paris ou le mouvement des conseils entre 1905 et 1921 en Russie et en Allemagne et la Révolution de 1936 en Espagne principalement.

2. Le communisme est sans doute ce qui a exprimé le plus radicalement cette idée. C'est qu'il ne peut y avoir de communisme sans démocratie révolutionnaire et on ne peut donc confondre ce dernier avec les formes de société qui ont pu s'en réclamer par le passé. Le communisme ne peut en effet être que l'extension de la liberté et de l'égalité à toutes les sphères de l'organisation de la vie sociale.

3. De même, le communisme ne peut plus aujourd'hui se définir seulement comme une appropriation des moyens de production. Pour nous, il s'agit moins de libérer le travail que de se libérer du travail salarié. La tradition du socialisme autogestionnaire nous semble ici insuffisante. Nous ne voulons pas gérer le monde tel qu'il est, mais le refaire de fond en comble et ce dans tous les aspects de la vie humaine. Le communisme n'a d'importance que si nous parvenons à le concevoir autrement qu'une simple collectivisation de l'existant. La question se pose donc aussi en termes de culture et d'imagination créatrice.

4. Du point de vue du communisme tel que nous le concevons, la principale production est la production de l'homme lui-même dans un monde où il puisse se retrouver dans toutes ses singularités irréductibles. Les menaces écologiques qui s'accumulent nous l'imposent comme première urgence. Une révolution qui ne concernerait pas aussi la manière de saisir notre humanité et d'établir de nouvelles relations avec la nature manquerait l'essentiel. Si le changement révolutionnaire est devenu un dessein trop bien connu, il faut maintenant imaginer la révolution comme un projet singulier, le surgissement inouï d'une autre histoire déjouant tous les plans prévus.

5. Il n'est plus possible également de maintenir l'idée du progrès comme développement infini des forces productives, extension perpétuelle de la puissance technologique ou accumulation sans fin de quantités. La question de savoir ce que nous voulons produire et pourquoi s'avère évidemment décisive. C'est avec une conception du monde, celui du capital et de son corollaire la marchandise, qu'il devient urgent de rompre.

6. Il nous faut surtout envisager la reprise de l'activité révolutionnaire comme la création collective d'une nouvelle culture. Aussi s'agit-il de mener une véritable guerre de décolonisation de l'imaginaire social. L'industrie culturelle a su imposer un système d'uniformisation des comportements qui permet la production et la reproduction de pensées et de désirs conformes aux exigences du capitalisme. Pourtant l'imagination et la poésie sont toujours disponibles et peuvent opérer des brèches dans l'ordre social si nous nous montrons capables d'en saisir les potentiels subversifs. Nous avons à renverser l'ordre des choses en rendant la révolution désirable. Pour ce faire, il est nécessaire de reprendre et d'élargir le projet d'une critique de la vie quotidienne, terrain sur lequel le capitalisme se veut hégémonique. Dès maintenant, il faut commencer à concevoir la révolution comme la fondation d'un nouveau rapport au monde, fondation qui ne pourra se faire sans la réinvention d'un langage propre, d'une pensée propre, d'une façon d'être et d'exister radicalement nouvelle.

Comme cette perspective ne peut s'ouvrir que par un effort collectif, il va sans dire que rien n'est toutefois possible sans la reprise d'une activité politique révolutionnaire large et durable, activité que nous envisageons comme une activité auto-organisée, permanente et non séparée des autres activités. Pour transformer le monde, changer la vie et refaire l'entendement humain, elle est plus que jamais nécessaire.

Pour entrer dans la ronde de la consommation frénétique, il faut de l'argent et pour avoir de l'argent, il faut travailler, c'est-à-dire se vendre. Le système dominant a fait du travail sa principale valeur. Et les esclaves doivent travailler toujours plus pour payer à crédit leur vie misérable. Ils s'épuisent dans le travail, perdent la plus grande part de leur force vitale et subissent les pires humiliations. Ils passent toute leur vie à une activité fatigante et ennuyeuse pour le profit de quelques uns.

L'invention du chômage moderne est là pour les effrayer et les faire remercier sans cesse le pouvoir de se montrer généreux avec eux. Que pourraient-ils bien faire sans cette torture qu'est le travail ? Et ce sont ces activités aliénantes que l'on présente comme une libération. Quelle déchéance et quelle misère !

Toujours pressés par le chronomètre ou par le fouet, chaque geste des esclaves est calculé afin d'augmenter la productivité. L'organisation scientifique du travail constitue l'essence même de la dépossession des travailleurs, à la fois du fruit de leur travail mais aussi du temps qu'ils passent à la production automatique des marchandises ou des services. Le rôle du travailleur se confond avec celui d'une machine dans les usines, avec celui d'un ordinateur dans les bureaux. Le temps payé ne revient plus.

Ainsi, chaque travailleur est assigné à une tache répétitive, qu'elle soit intellectuelle ou physique. Il est spécialiste dans son domaine de production. Cette spécialisation se retrouve à l'échelle de la planète dans le cadre de la division internationale du travail. On conçoit en occident, on produit en Asie et l'on meurt en Afrique.

(...) Selon la doctrine reçue, nous vivons dans des démocraties capitalistes, qui sont le meilleur système possible, malgré quelques imperfections. Il y a eu un débat intéressant au fil des ans sur la relation entre le capitalisme et la démocratie, par exemple, sont-ils même compatibles? Je ne vais pas poursuivre là-dessus parce que je souhaite parler d'un système différent - ce que nous pourrions appeler la "démocratie capitaliste qui existe vraiment", RECD en abrégé, prononcé "wrecked" par accident (jeu de mots: "really existing capitalist democracy", RECD, ou "wrecked", qui veut dire "brisée", "démolie", "naufragée", ndt). Pour commencer, comment comparer RECD à la démocratie? Et bien cela dépend de ce que nous entendons par "démocratie". Il y a plusieurs versions de cela. D'une part, il y a une sorte de version retenue. C'est de la rhétorique emphatique du même genre que celle d'Obama, des discours patriotiques, ce qu'apprennent les enfants à l'école, &c. Dans la version US, c'est le gouvernement "du peuple, pour et avec le peuple". Et c'est plutôt facile de comparer cela à RECD.

Aux USA, l'un des sujets principaux de la science politique académique est l'étude des attitudes et des politiques et de leur corrélation. L'étude des attitudes est relativement facile aux USA: une société lourdement sondée, des sondages plutôt sérieux et précis, et des politiques que vous pouvez voir, et comparer. Et les résultats sont intéressants. Dans le travail qui représente essentiellement l'étalon-or du domaine, il a été conclu qu'à peu près 70% de la population - les 70% du bas de l'échelle des richesses/revenus - ils n'ont aucune influence du tout sur la politique. Ils sont véritablement laissés pour compte. Comme vous montez dans l'échelle des richesses/revenus, vous obtenez un peu plus d'influence sur la politique. Quand vous arrivez en haut, ce qui représente peut-être le dixième d'un pour cent, les gens obtiennent à peu près tout ce qu'ils veulent, c'est-à-dire qu'ils décident de la politique. Donc le terme correct pour çà n'est pas la démocratie; c'est la ploutocratie.

Des enquêtes de ce genre s'avèrent être du matériel dangereux parce qu'elles peuvent en dire trop aux gens sur la nature de la société dans laquelle nous vivons. Et donc malheureusement, le Congrès a interdit leur financement, et nous n'avons donc pas à nous en soucier à l'avenir.

Ces caractéristiques de RECD se révèlent tout le temps. Le thème central aux USA est donc celui des emplois. Les sondages le démontrent très clairement. Pour les très riches et les institutions financières, le thème principal, c'est le déficit. Et qu'en est-il de la politique? Il y a à présent une séquestration aux USA, une grande réduction des financements. Est-ce à cause des emplois ou du déficit? Et bien, du déficit.

En Europe, incidemment, c'est bien pire - tant et si bien que même le Wall Street Journal était horrifié par la disparition de la démocratie en Europe. Ils avaient un article il y a une quinzaine de jours qui concluait que "les Français, les Espagnols, les Irlandais, les Néerlandais, les Portugais, les Grecs, les Slovènes, les Slovaques et les Chypriotes ont voté contre le modèle économique de la monnaie unique à des degrés différents depuis que la crise a commencé il y a trois ans. Pourtant les politiques économiques ont peu changé en réponse à chaque défaite électorale subie à la suite de l'autre. La gauche a remplacé la droite; la droite a sorti la gauche. Même le centre-droite a dérouillé les communistes (à Chypre) - mais les politiques économiques sont essentiellement restées les mêmes: les gouvernements vont continuer à couper dans les dépenses et augmenter les impôts." Ce que pensent les gens importe peu et "les gouvernements nationaux doivent suivre les directives macro-économiques édictées par la Commission Européenne". Les élections sont presque insignifiantes, presque comme dans les pays du Tiers-Monde qui sont dirigés par les institutions financières internationales. C'est ce qu'a décidé de devenir l'Europe. Elle n'y est pas obligée.

Revenant aux USA, où la situation n'est pas tout à fait aussi mauvaise, il y a la même disparité entre l'opinion publique et la politique sur une gamme très large de sujets. Prenez par exemple le sujet du salaire minimum. Une opinion est que le salaire minimum devrait être indexé sur le coût de la vie et assez haut pour empêcher de tomber sous le seuil de pauvreté. 80% du public soutient cela et 40% des riches. Quel est le salaire minimum? En train de descendre, bien en-deçà de ces niveaux. C'est la même chose avec les lois qui facilitent l'action des syndicats; fortement soutenues par le public; recevant l'opposition des très riches - et disparaissant. C'est aussi vrai pour le système de santé national. Les USA, comme vous le savez sans doute, ont un système de santé qui est un scandale international, ils en sont au double du coût par personne en comparaison aux autres pays de l'OCDE et avec des résultats relativement pauvres. Le seul système de santé privatisé, et grosso modo dérégulé. Le public ne l'aime pas. Ils ont réclamé un système national intégré, des options publiques, pendant des années, mais les institutions financières pensent qu'il est très bien, alors il reste: stagnation. En fait, si les USA avaient un système de santé comme d'autres pays développés comparables il n'y aurait pas de déficit. Le fameux déficit serait effacé, ce qui ne compte pas tant que çà de toute façon.

L'un des cas les plus intéressants concerne les impôts. Pendant 35 ans il y a eu des sondages sur 'que pensez-vous que devraient être les impôts?' De larges majorités ont soutenu que les corporations et les riches devraient payer plus d'impôts. Ils se sont constamment réduits pendant cette période.
Encore et encore, la politique est toujours l'inverse presque exact de l'opinion publique, ce qui est une propriété typique de RECD.

Dans le passé, les USA ont parfois, un peu sardoniquement, été décrits comme un état à un parti unique: le parti des affaires avec deux factions appelées Démocrates et Républicains. Ceci n'est plus vrai. C'est toujours un pays à parti unique, le parti des affaires. Mais il n'a qu'une seule faction. C'est la faction des Républicains modérés, qui s'appellent aujourd'hui Démocrates. Il n'y a presque pas de Républicains modérés dans ce qui s'appelle le Parti Républicain et presque pas de Démocrates libéraux (note: dans le monde anglophone, les libéraux sont de gauche, ndt) dans ce qui s'appelle le Parti Démocrate [sic]. C'est en gros ce que seraient des Républicains modérés et par analogie, Richard Nixon serait loin à gauche de l'éventail politique aujourd'hui. Eisenhower serait hors de l'orbite terrestre.

Il y a toujours quelque chose qui s'appelle le Parti Républicain, mais il a depuis longtemps abandonné toute prétention à être un parti parlementaire normal. Il est au service, au doigt et à l'œil, des très riches et du secteur corporatiste et a un catéchisme que tout le monde doit chanter à l'unisson, un peu comme l'ancien Parti Communiste. Le fameux commentateur conservateur, l'un des plus respectés - Norman Ornstein - décrit le Parti Républicain d'aujourd'hui comme, en ses termes, "une insurrection radicale - idéologiquement extrême, dédaigneuse des faits et du compromis, rejetant son opposition politique" - une sérieuse menace à la société, comme il le souligne.

Bref, RECD est très éloignée de la rhétorique emphatique à propos de la démocratie. Mais il existe une autre version de la démocratie. En réalité il s'agit de la doctrine de base de la théorie démocratique libérale contemporaine. Je vais donc vous donner des citations illustratives de la part de personnages éminents - incidemment pas des personnages de la droite. Ce sont tous des libéraux à la Woodrow Wilson-FDR-Kenndy, des figures consensuelles, en fait. Donc selon cette version de la démocratie, "le public est fait d'étrangers ignorants et importuns. Ils doivent être mis à leur place. Les décisions doivent être entre les mains d'une minorité intelligente d'hommes responsables, qui doivent être protégés du piétinement et de la clameur du troupeau abruti". Le troupeau a une fonction, il se trouve. Il est attendu d'eux qu'ils portent leur poids une fois toutes les quelques années, à un choix entre les hommes responsables. Mais à part cela, leur fonction est d'être des "spectateurs, pas des participants à l'action" - et c'est pour leur propre bien. Parce que comme l'avait souligné le fondateur de la science politique progressiste, nous ne devrions pas succomber à des "dogmatismes démocratiques sur les gens étant les meilleurs juges de leurs propres intérêts". Ils ne le sont pas. Nous sommes les meilleurs juges, et il serait donc irresponsable de les laisser prendre des décisions tout comme il serait irresponsable de laisser un enfant de trois ans courir en pleine rue. Les attitudes et les opinions ont donc besoin d'être contrôlées pour le bénéfice de ceux que vous contrôlez. Il est nécessaire de "régenter leurs esprits". Il est aussi nécessaire de discipliner les institutions responsables de "l'endoctrinement de la jeunesse." Toutes des citations, au fait. Et si nous pouvons accomplir cela, nous pourrions revenir aux bons vieux jours où "Truman avait été capable de gouverner le pays avec la collaboration d'un nombre assez réduit d'avocats et de banquiers de Wall Street." Tout ceci provient d'icônes de l'establishment libéral, les théoriciens en pointe de la démocratie progressiste. Certains d'entre vous reconnaîtront peut-être certaines des citations.

Les racines de ces attitudes remontent plutôt loin. Elles remontent aux premiers soubresauts de la démocratie moderne. Les premiers survinrent en Angleterre au 17è siècle. Comme vous savez, plus tard aux USA. Et elles persistent de façon fondamentale. La première révolution démocratique fut l'Angleterre des années 1640. Il y a eu une guerre civile entre le roi et le parlement. Mais la noblesse, les gens qui s'appelaient eux-mêmes "les hommes de meilleure qualité", étaient horrifiés par les forces populaires en plein essor qui commençaient à faire leur apparition dans l'arène publique. Ils ne voulaient soutenir ni le roi ni le parlement. Citez leurs pamphlets, ils ne voulaient pas être dirigés par des "chevaliers et des gentilshommes, qui ne font que nous oppresser, mais nous voulons être gouvernés par des compatriotes tels que nous-mêmes, qui connaissons les maux du peuple". Voilà une chose assez terrifiante à considérer. Maintenant, la populace a été une chose assez terrifiante à voir depuis. En réalité elle l'était déjà depuis longtemps auparavant. Elle l'est restée un siècle après la révolution démocratique britannique. Les fondateurs de la la république états-unienne avaient à peu près la même opinion de la populace. Ils ont donc déterminé que "le pouvoir doit être entre les mains de la richesse de la nation, le lot d'hommes plus responsables. Ceux qui ont de la sympathie pour les propriétaires et pour leurs droits", et bien sûr pour les propriétaires d'esclaves à l'époque. En général, les hommes qui comprennent qu'une tâche fondamentale du gouvernement est "de protéger la minorité opulente de la majorité". Ce sont des citations de James Madison, l'encadrant principal - ceci était dans la Convention Constitutionnelle, qui est beaucoup plus révélatrice que les Papiers Fédéralistes que lisent les gens. Les Papiers Fédéralistes étaient tout simplement un effort de propagande pour tenter de faire que le public soit d'accord avec le système. Mais les débats dans la Convention Constitutionnelle sont beaucoup plus révélateurs. Et en fait le système constitutionnel a été créé sur ces bases. Je n'ai pas le temps d'entrer dans le détail, mais il adhérait globalement au principe qui a été énoncé simplement par John Jay, le président du Congrès Continental, puis tout premier Premier Président de la Cour Suprême, et comme il le disait, "ceux à qui appartiennent le pays devraient le gouverner". Ceci est la doctrine centrale de RECD jusqu'à aujourd'hui.

Il y a eu beaucoup de combats populaires depuis - et ils ont gagné beaucoup de victoires. Les maîtres, par contre, ne relâchent rien. Le plus il y a de liberté qui est gagnée, plus intenses deviennent les efforts pour réorienter la société vers une trajectoire plus appropriée. Et la théorie démocratique progressiste du 20è siècle que je viens d'échantillonner n'est pas très différente de la RECD qui a été accomplie, hormis pour la question de: quels hommes responsables devraient régner? Cela devrait-il être les banquiers ou les élites intellectuelles? Ou à ce propos cela devrait-il être le Comité Central dans une version différente de doctrines similaires ?

Et bien, un autre aspect important de RECD est que le public doit être maintenu dans l'ignorance de ce qui est en train de lui arriver. Le "troupeau" doit rester "abruti". Les raisons en ont été expliquées de façon lucide par le professeur en science des gouvernements de Harvard - c'est le titre officiel - une autre figure libérale respectée, Samuel Huntington. Comme il l'a souligné, "le pouvoir reste fort tant qu'il reste dans l'ombre. Exposé à la lumière, il commence à s'évaporer". (...)

Une feuille de route vers un monde juste, le peuple ranimant la démocratie (Le texte complet en PDF)

Pourtant on sent poindre chez les jeunes, un désir d'autre chose qui s'appuie sur vos textes : le Raoul Collectif et son si beau "signal du promeneur", Nicolas Kozakis fait un film avec vous, Assayas dans "Après mai" montre un jeune lisant le manifeste situationniste. Y a-t-il un espoir via ces jeunes, via l'art ? Quel peut être le rôle de l'art : ouvrir une brèche dans le ciel plombé et entrevoir l'utopie comme possible ?

De nouvelles générations d'artistes sont entrées en lutte contre le marché de l'art au nom d'une œuvre qu'ils veulent en relation directe avec les problèmes de leur vie quotidienne. Beaucoup pressentent que l'art est une des formes d'expression de cet art de vivre qui est notre vraie richesse, une richesse de l'être qui revêt d'autant plus d'importance que la richesse de l'avoir et du consumérisme est rongée par la montée de la pauvreté. A mesure que la survie est menacée par la faillite de l'économie, comment ne pas se tourner vers la vie et son extraordinaire potentiel de créativité, comment ne pas inventer de nouvelles énergies, de nouvelles relations sociales, de nouvelles pratiques en rupture avec nos vieilles habitudes de prédateur ?

Le travail pénètre et détermine toute notre existence. Le temps coule impitoyablement à son rythme alors que nous faisons la navette entre d'identiques environnements déprimants à une allure toujours croissante. Le temps de travail... Le temps productif... Le temps libre... La moindre de nos activités tombe dans son contexte : on considère l'acquisition de la connaissance comme un investissement pour une carrière future, la joie est transformée en divertissement et se vautre dans une orgie de consommation, notre créativité est écrasée dans les limites étroites de la productivité, nos relations -même nos rencontres érotiques- parlent la langue de la performance et de la rentabilité... Notre perversion a atteint un tel point que nous recherchons n'importe quelle forme de travail, même volontairement, pour remplir notre vide existentiel, pour " faire quelque chose ".

Nous existons pour travailler, nous travaillons pour exister.

L'identification du travail avec l'activité humaine et la créativité, la domination complète de la doctrine du travail comme destin naturel des humains a pénétré notre conscience à une telle profondeur que le refus de cette condition forcée, de cette contrainte sociale, semble être devenu un sacrilège pour le concept même d'humanité.

Alors n'importe quel travail devient meilleur que pas de travail du tout. Ceci est le message répandu par les évangélistes de l'existant, sonnant les trompettes pour la course à la compétition toujours plus frénétique entre les exploités pour quelques miettes tombées de la table des patrons ; pour l'instrumentalisation et le nivelage complet des relations sociales en échange d'un peu de travail misérable dans les galères de la survie.

Ce ne sont pas, cependant, seulement les conditions générales de travail qui créent l'impasse. C'est le travail comme une totalité, comme un processus de commercialisation de l'activité humaine qui réduit les humains à des composants vivants d'une machine qui consomme des images et des produits. C'est le travail comme condition universelle dans laquelle les relations et la conscience sont formées, comme la colonne vertébrale qui maintient et reproduit cette société basée sur la hiérarchie, l'exploitation et l'oppression. Et en tant que tel, le travail doit être détruit.

Alors nous ne voulons pas simplement devenir des esclaves plus heureux ou de meilleurs managers de la misère. Nous voulons redonner son sens et son essence à l'activité humaine et à la créativité en agissant, conduits par la recherche de la joie de la vie à travers la connaissance, la conscience, la découverte, la camaraderie, la solidarité.

Pour la libération individuelle et collective...

http://journalhorsservice.blogspot.fr/

On découvre qu'une prestigieuse étude en économie, citée des centaines de fois dans le monde occidental, contient une erreur de débutant.
Nombre d'économistes, au moins 500 articles universitaires, ont répercuté les conclusions de leurs collègues, sans jamais vérifier leurs calculs. Le 13 février 2013, Olli Rehn, Commissaire européen aux affaires économiques, faisait référence à cette étude pour soutenir sa politique d'austérité en europe.
Mardi dernier, 16 avril, un chercheur américain, Mike Konczal, semait la pagaille parmi les défenseurs de la théorie économique de l'austérité : c'est-à-dire ceux pour qui la crise économique dans laquelle nous vivons depuis 2008 ne sera résolue que par une vigoureuse réduction des dépenses gouvernementales, afin de réduire la dette. Ce que révélait Konczal, c'était qu'une des principales justifications des politiques d'austérité ces dernières années, une étude signée par deux économistes de Harvard en 2010, était construite sur une erreur dans un tableau Excel.
Les premiers à s'y être attelés sont trois économistes de l'Université du Massachusetts. En gros, ils concluent que Kenneth Rogoff (Chef économiste du FMI) et Carmen Reinhart avaient commis trois erreurs, dont celle du tableau Excel. Ils avaient notamment exclu du calcul du taux de croissance cinq des pays à la dette élevée (dont le Canada).
Mises bout à bout, ces trois erreurs annulent la conclusion de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff qui était devenue la base "scientifique" des politiques d'austérité : leur "calcul" semblait en effet démontrer que, passé le seuil magique où la dette représente 90% du PIB, un pays basculerait du côté de la dépression, d'où l'urgence de couper dans les dépenses. Or, une fois l'erreur corrigée, à 90 % du PIB on obtient une croissance positive de 2,2%.
En attendant, ironise l'économiste Paul Krugman dans son blogue du New York Times, on est en présence d'une erreur Excel qui a, grosso modo, " détruit les économies du monde occidental ".
Les dérives de la finance ont été falsifiées en dérives des dépenses. On peut aujourd'hui constater que l'économie n'est pas scientifique, mais bien l'idéologie de la caste qui domine le monde.

"Dans ce vieux monde de machines informatisées, nos prothèses de communication numérique nous isolent chaque jour un peu plus en réduisant au minimum les relations humaines, et nous conditionnent insidieusement jusqu'à notre manière d'appréhender et de comprendre notre situation de survie."
L'invention de la crise,
Lukas Stella,Éditions L'Harmattan, 2012.

Les infos ne vous diront jamais qu'en quelques dizaines d'années, les 1 % les plus riches se sont approprié 99 % des mass-médias. Ils diffusent maintenant de partout leur point de vue, protégeant ainsi leurs intérêts. Les autres médias suivent par peur d'être dépassés. Leur manière de voir les choses, répandue de partout, est une idéologie qui domine tellement le monde, qu'elle n'est même plus perçue comme la propagande de la classe dominante. Ce conditionnement a envahi tout l'espace de son temps. Tout ce qui pourrait nuire aux intérêts des actionnaires de ces multinationales médiatiques est effacé de la réalité qu'ils produisent. Ce qui est tu en dit beaucoup plus sur le fonctionnement.

Suite au krach des Subprimes, nombre de chefs d'État ont déclaré qu'ils allaient réglementer les spéculations financières et s'attaquer aux paradis fiscaux. Les attaques contre la banque suisse UBS ont abouti à la fin du secret bancaire. Elles ont permis de faire croire à une action de grande ampleur contre les évasions fiscales. Mais ce qui n'a pas été dit et qui en dit long, c'est que UBS représentait à peine 2 % des avoirs évadés américains (3 % des français). Cette grande opération politico-médiatique a occulté 98 % des évasions fiscales américaines, masquant le trafic des grands trusts internationaux anglo-saxons et des multiples sociétés offshore par lesquelles transitent plus de 13 500 milliards de dollars.
La Suisse a été prise comme bouc émissaire, et les sanctions surmédiatisées ont permis aux 98 % des évasions fiscales d'être plus florissantes que jamais, bien à l'abri à l'ombre des projecteurs. Les paradis fiscaux sont en pleine expansion dans le silence médiatique. Ce trafic maffieux se développe dans un secret hyperprotégé, ce qui le rend très efficace et prospère.

Ce qui est mis en avant de la représentation du monde cache ce qui gêne les affaires, qui disparaît ainsi du spectacle de l'info. Ce qui n'est pas communiqué est toujours plus important pour la compréhension du fonctionnement des interactions du système. Le conditionnement à la soumission fonctionne par représentations de morceaux isolés du contexte, de parcelles détachées de leur situation en faisant abstraction de l'ensemble, et omissions de l'essentiel trop injuste et trop scandaleux.

La critique de la production de camelotes beaucoup trop éphémères est toujours passée sous silence. Il est aujourd'hui techniquement possible de produire de la qualité en moindre quantité. La plupart des marchandises pourraient avoir une durée de vie deux fois plus longue pour un coût de production similaire, ce qui permettrait d'en produire deux fois moins, et ainsi d'augmenter le pouvoir d'achat et réduire la pollution. Cela pourrait provoquer du chômage, à moins que l'on réduise le temps de travail équitablement par une juste répartition des richesses. Mais ce sujet reste tabou, car il remet en cause tout le système.

La question qui ne sera jamais posée dans les représentations des mass-médias, consiste à savoir qui paye pour l'austérité dans un monde qui n'a globalement jamais été aussi riche. Ce n'est pas une crise de manque de richesse, au contraire. Il y a beaucoup trop d'argent qui circule dans les réseaux trop juteux de la spéculation financière qui parie à la baisse sur les dettes des États affaiblis par leur renflouement des banques, et sur les risques d'une économie ravagée par la récession qu'ils ont eux-mêmes provoquée.
Le volume des dettes des États dépend des notes que les agences de notation américaines leur ont données. Lorsque la note baisse, les taux d'intérêt de la dette augmentent. Ce qui n'est pas dit par la propagande de la soumission, c'est que cette note n'est pas le résultat d'une enquête sérieuse, approfondie et impartiale sur la solvabilité de cet État, mais seulement une référence indexée sur les cours du marché des dérivés, un baromètre des spéculations en cours, un outil financier au service des gangsters de la mondialisation.

On omet de vous dire que la hausse des taux d'intérêt sur les dettes des États correspond étonnamment aux gains engrangés par les spéculateurs qui misaient sur la baisse. Par ailleurs, en France, le paiement de ces intérêts est une somme à peu près équivalente à la totalité des impôts sur le revenu. On peut donc considérer que ces impôts passent directement dans les poches de ces milliardaires, qui ont organisé ces dettes par des taux d'intérêt prohibitifs et une évasion fiscale sans faille, mise en place dans le secret et le silence médiatique. Ainsi, c'est la majorité des populations qui payent pour surgonfler les fortunes gigantesques d'une poignée d'escrocs, ce petit groupe fermé de la haute bourgeoisie.
Sous prétexte de sauver l'économie, le renflouement des banques par des États serviles a facilité les trafics des spéculateurs de l'ombre et stimulé les affaires des truands de la finance mondiale. Les liquidités abondent sur les marchés parallèles opaques et les bulles spéculatives recommencent à gonfler dangereusement.

Les informations ne diront rien sur un nouveau krach majeur, bien plus important que celui de 2008, qui semble aujourd'hui plus que probable. Les gouvernements, déjà désarmés, n'auront plus d'argent pour sauver le système, car ils se sont fait plumer et ont déjà tout donné pour les banques et les sauvetages abracadabrantesques des pays en faillite. Pillant les États et ruinant l'économie, ces milliardaires maffieux raflent tout ce qu'ils peuvent avant les autres, et surtout avant qu'il ne soit trop tard...

C'est le black-out médiatique sur ces seigneurs de l'escroquerie globale qui règnent sur un monde d'illusions et de risques, complexe et obscur, le milieu des affaires louches où tout n'est qu'objet de profits et de surexploitation, grands destructeurs de la nature et de la vie sur une planète ravagée. Leur seul projet consiste à en faire plus, en gagner beaucoup plus ; baisser les salaires, les diviser par deux et même plus, supprimer la sécu, les allocations chômage et les retraites, parier sur tout et n'importe quoi, dérober tous les dividendes, s'accaparer tous les intérêts, s'emparer de tous les gains le plus vites possible, monter de nouvelles grandes escroqueries fumeuses encore plus lucratives, tant qu'il est encore temps.

Peu m'importe de prévoir l'imprévisible dans la confusion et les contradictions d'un monde en perdition, à savoir si l'euro s'écroulera avant le dollar, si la bulle financière crèvera avant que la guerre n'éclate, si le réchauffement climatique sera plus meurtrier que les pollutions chimiques ou nucléaires, si les mouvements populaires l'emporteront sur la répression et montée du fascisme... De toute façon, il semble évident que si on les laisse faire, la misère et le "bien pire" restent à venir.

Ce système, qui prétend pouvoir tout contrôler, ne peut fonctionner que si l'on y croit, sans aucun doute. Mais dès lors que les informations deviennent contestables, que les politiciens sont pris pour des menteurs, que les spécialistes experts apparaissent comme des manipulateurs, que la pub devient ridicule et l'exploitation insupportable, alors le conditionnement n'opère plus, l'idéologie dominante se fissure et s'effrite, et les usurpateurs de pouvoir, égarés dans la confusion générale, ne maîtrisent plus grand-chose. Quand l'irruption du désordre déchaîne l'irrespect des règles et le refus des contraintes émergent de multiples possibilités imprévisibles, révélant au grand jour la vitalité des désirs dans l'ébauche spontanée d'un changement inévitable.

Après l'Afghanistan, la Libye et la Syrie, c'est maintenant au Mali que les supplétifs français de l'OTAN sont missionnés par l'ordre mondialiste du chaos de la marchandise !

" Le spectacle du "terrorisme international" dont le langage spectaculaire ne cesse de parler afin d'en mieux cacher la nature et les sources n'est que l'instrument d'indistinction du développement chaotique global par lequel l'ordre de la marchandise tente d'échapper à la crise économique et financière systémique de son fétichisme. "

La vérité s'inscrit toujours en négatif des apparences mises en scène par les experts étatiques de la conscience fausse et au total rebours du crétinisme universitaire et médiatique de la vie asservie puisque dans le monde de l'indistinction marchande, la totalité du réel est réellement renversée en totalité jusqu'à faire de chaque vérité un simple moment du faux partout fallacieusement réécrit et constamment retranscrit spécieusement comme inverse de ce qui est vraiment.

L'objectif du gouvernement du spectacle mondial, après avoir impulsé le printemps arabe de l'embrouillement accéléré aux fins de davantage maîtriser le devenir géo-politique du Moyen-Orient et d'y disperser les dernières expressions démodées de souveraineté non totalement intégrée au marché de ses exigences, consiste à aujourd'hui toujours plus avancer dans le grand ébranlement du monde africain afin d'y imposer des turbulences et convulsions croissantes qui légitimeront ainsi de nouvelles interventions militaires au nom de la religion des droits de l'homme marchandisé et de la recomposition précipitée des marchés.

Pour la classe dirigeante du cosmopolitisme de l'argent, l'ennemi terroriste téléguidé au plus haut niveau, est indispensable puisqu'il autorise ici un contrôle toujours plus renforcé des spectateurs de la domestication citoyenne tout en permettant là-bas la construction impérialiste d'une politique d'agression systématiquement exaspérée. C'est le cercle manipulatoire sans fin des perversions infinies de l'indistinction terroriste qui se renforce à mesure que la crise financière de la surproduction capitaliste s'accentue lourdement et qui, des macro-machinations du 11 septembre 2001 aux micro- combinaisons de l'affaire Merah, voit partout les orchestres occultes du Pentagone et de leurs métastases hexagonales s'exciter dans l'illusion, l'intoxication, la manœuvre et la manigance.
Cette guerre malienne utilisée subsidiairement pour redorer l'image d'un pouvoir discrédité et usé en un temps record et tenter ainsi de faire oublier des plans d'austérité intensifiée vient d'abord nous rappeler centralement que la France hollandienne, digne héritière du sarkozysme antérieur, n'est plus là qu'une banale et dérisoire province otaniste des Etats-Unis, simplement chargée avec les autres satellites de l'OTAN d'assumer les fonctions de gendarmerie générale dans les territoires que Washington entend remodeler adéquatement à ses impératifs économiques et politiques d'unification par la stratégie de la tension perpétuelle et du morceler illimité.

De cette façon et à cet endroit, le chaos et la déstabilisation se propagent et augmentent continûment par le management contrôlé de la marchandise terroriste et le jeu tortueux des forces spéciales de la schizophrénie gouvernante qui avivent intentionnellement la permanence historique des contradictions ethno-tribales sahéliennes. Ceux qui s'étonnent bien naïvement de tels faits et trouvent irresponsable que Paris ait lancé la guerre contre le régime du colonel Kadhafi puisque les effets de cette dernière ont commencé à déséquilibrer toute la région qui s'étend de la Centrafrique au Tchad, n'ont décidément rien compris et ont la culture bien courte...

Dans le monde de l'inversion spectaculaire universalisée, les choses doivent toujours se lire à l'envers de ce que le système cabalistique de l'aliénation prétend... L'incendie généralisé qui couve sous la cendre du réel si mal dissimulé par les mensonges du fétichisme spectacliste, est bien évidemment l'expression dialectique d'une réaction en chaîne strictement souhaitée et supervisée qui voit les djihadistes de la CIA du front sud, sur-armés suite notamment au pillage délibéré et prémédité des arsenaux libyens, préposés à l'édification d'un Sahélistan pendant que leurs collègues du front nord partis combattre le système el-Assad, eux, chapeautés par les diverses antennes américano- israéliennes du renseignement et de la feinte appuyées sur l'argent qatari coulant à flots, sont dépêchés à l'édification d'un Syristan.

Désormais, la dictature démocratique de l'argent est parvenue au stade supérieur de sa domination complètement réalisée. En tout lieu, règne le spectacle autocratique de la marchandise, de sa violence, de ses impostures et de sa terreur. Les seules forces spectaculaires organisées sont celles qui veulent le spectacle de la violence, de la terreur et de ses impostures en une Union sacrée politicienne de la propagande tous azimuts... Aucune structure politique efficiente ne peut donc plus être ennemie de ce qui existe comme indistinction généralisée du faux omni-présent ni contrevenir à la soumission universelle qui concerne tout et tous dans la réussite sociale répandue du mensonge circulatoire triomphant de la maffia étatique mondialiste.

La démocratie totalitaire du marché est cette tyrannie si parfaite qu'elle possède le don de pouvoir façonner elle-même son pire ennemi mythologique, le terrorisme. En réalité, elle ambitionne exclusivement d'être regardée à l'aune métaphorique des ennemis allégoriques qu'elle modèle dans des fictions extraordinaires et formidables plutôt que sur la matérialité de la pourriture de sa nature concrète.
L'équivoque, l'obscurité, le double-sens, l'énigme, l'inconnaissance, l'imbécillité et le bobard sont ainsi organisés partout par le spectacle tyrannique de l'indistinction. La préservation de la domination marchande sur le monde des spectateurs asservis s'opère donc la plupart du temps par attaques inventées sous faux-drapeaux dont la transmission médiatique a pour objet essentiel de faire bien sûr oublier les véritables enjeux, la portée logique et les conséquences recherchées.

Les manœuvres terroristes persistantes du GIA algérien sont directement nées des bureaux nébuleux de la sécurité militaire algérienne dans le but de mobiliser l'opinion internationale en faveur du gouvernement FLN et de discréditer le FIS afin de museler alors durablement la population qui avait porté ce dernier au pouvoir en décembre 1991. Quelle ganache journalistique pourrait encore désormais faire semblant de ne point savoir qui était vraiment derrière la vague d'attentats commis en France en 1995 et l'assassinat des moines de Tibhirine l'année suivante ?

Mais qui est donc ce Mokhtar Belmokhtar figure emblématique des services spéciaux du djihad algérien qui serait l'architecte de l'attaque sanglante du site gazier de BP à In Amenas? C'est tout bonnement un ancien d'Afghanistan formé au combat par les légions islamiques de la CIA, vétéran du GIA, vénérable du GSPC et représentant de la nébuleuse barbouzarde Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Chef racailleux de divers services parallèles spécialisés en enlèvements multiples, caïd d'innombrables trafics multiformes, allant des armes aux drogues en passant par les cigarettes, et alimentant de la sorte tous les circuits économiques souterrains de la criminalité étatiquement parrainée dans ce vaste Sahara aux millions de dollars d'argent sale voracement attendu par tous les banquiers cossus du blanchiment en argent propre.

La société moderne de la démocratie aboutie du spectacle du faux qui repose sur l'industrie moderne du fétichisme marchand de l'indistinction n'est pas fortuitement ou superficiellement terroriste, elle l'est fondamentalement parce que le spectacle de la terreur devient l'une des principales productions de la crise actuelle de l'économie politique à mesure que l'argent qui a totalement asservi les hommes ne parvient plus à produire la possibilité de sa propre re-production.

Le pouvoir étatique du mensonge déconcertant est devenu si mystérieux qu'après les ténébreux attentats ésotériques du 11 septembre 2001, on a pu se demander qui commandait vraiment l'hermétique complexe militaro-industriel des Etats-Unis, la puissance la plus considérable du monde démocratique du despotisme du négoce? Et donc qui diable peut commander le monde démocratique du négoce despotique si ce n'est justement la terreur de la loi de la valeur elle-même...

Le spectacle capitaliste des marionnettes terroristes de l'exotisme islamique est une sorte de théâtre d'effigie dont la clandestinité structurelle reproduit à l'extrême la division du travail pour que la base utilisée ignore tout du sommet utilisateur. La représentation des lampistes n'y est naturellement jamais assurée par les commanditaires en chair et en os mais par des figurines naïves (les marionnettes de l'exécution) manipulées dans l'ombre par des marionnettistes (les manipulateurs des corps détachés de la supercherie étatique, eux-mêmes impersonnellement manœuvrés par la dialectique anonyme et impitoyable des chimères de la folie de l'acquisition marchande).

Après avoir été massivement utilisés contre la Libye, les groupes islamo-trafiquants sahéliens d'ailleurs soutenus implicitement par l'OTAN dans leur liquidation de la contraignante présence armée Touareg, se sont renforcés en une vaste continuité territoriale potentielle s'approchant d'abord du Tchad et du Nigeria pour aller ensuite toucher les larges étendues possibles qui vont du Sénégal jusqu'au Soudan. Il est clair que si le gouvernement du spectacle mondial entend bien les utiliser comme force dépendante de déploiement de ses machinations stratégiques pour étaler son chaos régulé, il n'entend point, en revanche, leur laisser la possibilité d'acquérir une puissance d'expansion autonome. C'est là ce que vient signifier très emblématiquement ce rappel à l'ordre belliqueux du petit brigadier yankee Hollande qui est censé faire ressortir là que l'or, la drogue, les diamants, l'uranium et les métaux précieux que recèle singulièrement le Mali peuvent certes donner lieu à d'importantes commissions pour les agents islamistes de sécurité du nouvel ordre mondial mais que l'essentiel des ressources doit bien continuer à être géré principalement et directement par la classe capitaliste du spectacle mondialiste, elle-même.

En fait et toutes proportions gardées, c'est un peu comme lorsque la police organise en banlieue une descente emphatique dans un blafard quartier de vente de drogues... A l'évidence, elle ne vient pas annoncer qu'elle va abolir l'économie souterraine, elle procède uniquement à une vérification d'encadrement de ses flux pour les ajuster aux nécessités générales du commerce officiel des servitudes indispensables.

Le terrorisme islamiste des appendices armés du gouvernement du spectacle mondial est le dernier mystère de la crise généralisée du capitalisme moribond, et seul ceux dont la compréhension radicale va jusqu'à dé-chiffrer le fétiche des mystifications démocratiques peuvent saisir le piège tordu de la terreur étatique.

Le spectacle terroriste industriel de masse de la tromperie mondialisée est apparu avec la démocratie complètement réalisée de la liberté despotique du marché. On vérifiera qu'il ne pourra disparaître du monde qu'avec l'anéantissement de cette dernière. Alors les hommes fatigués de n'être plus que de pauvres pacotilles déambulatoires emprisonnées par les grandes surfaces de la transaction, se mettront certainement en mouvement pour substituer aux servilités de la civilisation de l'Avoir, l'auto-émancipation vers la communauté de l'Être.

Monsieur Joseph Ratzinger, ci-devant chef d'une association de malfaisants qui diffuse depuis des siècles le poison de la soumission aux pouvoirs, vient de rappeler urbi et orbi l'obligation imposée aux moutons de se reproduire pour fournir à leurs maîtres la main d'œuvre dont ils ont besoin. Autrement dit : les petits hommes asservis ont le devoir de s'accoupler pour faire des gosses à l'économie, c'est-à-dire à l'État. Dans ce but, les prêtres ont institué un permis de niquer appelé " mariage ", dont l'obtention est nécessaire pour ne pas être poursuivi, embastillé, voire torturé, exécuté, pour toute relation dite " sexuelle ". Les petits d'hommes sont ainsi assimilés par leurs bergers à n'importe quelle espèce domestiquée - bovins, ovins, gallinacées - et tenus de respecter la " loi naturelle " de la saillie contrôlée en vue du renouvellement du cheptel. Autrement dit encore : chaque mâle est habilité à niquer une femelle identifiée pour l'engrosser.

N'oublions pas que le même Ratzinger, avant de se cacher sous le pseudo de Benoît numéro 16 à la tête de l'église dite catholique, dirigeait la Congrégation de la Foi, c'est-à-dire en fait la Sainte Inquisition, organisation de malfaiteurs internationaux en soutanes qui, plusieurs siècles durant, a fait torturer des milliers, voire des millions de gens dont la conduite s'écartait des règles imposées par le pouvoir de droit divin. Ce vieillard souffreteux est l'héritier d'une horde de prêtres assassins qui n'aimaient rien tant qu'envoyer les sodomites sur le bûcher.

Pour ce grimaçant prélat, l'autonomie individuelle, la liberté de conscience et de conduite, le plaisir de vivre, la jouissance sans entraves, sont autant d'inventions du diable qu'il s'agit d'éradiquer par tous les moyens. Eh quoi, l'État français voudrait accorder aux sodomites le même permis de niquer qu'aux bons et loyaux serviteurs de la " morale naturelle " ? Certes, cela permettrait de redonner au " mariage " un peu de l'attrait qu'il a perdu. Mais prendre pour normale l'inversion ? Accepter des couples se livrant à l'abomination des abominations ? Ce serait installer le démon sur le trône de Saint-Pierre.

Pourtant les bonnes âmes qui ont concocté le projet du " mariage pour tous " ne visent d'autre but que relooker à la sauce moderne la vieille institution matrimoniale. En accordant aux " gays " le droit de se passer la bague au doigt, ils déplacent seulement d'un cran la limite au delà de laquelle les conduites sexuelles cessent d'être acceptables. OK pour " papa-papa " ou pour " maman-maman ", mais pas question de liberté tout azimut. Comme pour les hétéros, il y aura les homos convenables - et les autres. L'Inquisition laïque saura trouver moyen de poursuivre les hérétiques.

Des humoristes irrévérencieux ont relevé qu'il n'y aurait bientôt que les pédés et les curés pour vouloir se " marier ". N'oublions pas les bourgeois bien-pensant, qui ont toujours aimé s'afficher à la messe avant de rejoindre leurs maîtresses ou leurs gitons dans des alcôves secrètes. En cela, ils prenaient la suite des prêtres qui, chacun le sait, ont grâce à la confession la possibilité de se constituer un fichier de toutes les perversions de leur paroisse et d'y puiser pour leurs petites manies personnelles. Quitte à s'en repentir à chaudes larmes pour remettre le couvert à la première occasion. Car plus sévère est l'inquisition, plus grande est l'hypocrisie. Il y a peu, chacun savait que les religieux chargés de l'éducation des enfants abritaient dans leurs ordres de vicieux tartuffes qui profitaient de leur position pour repérer parmi leurs protégés ceux qui seraient les plus enclins à céder aux tentations de leurs fantasmes. Le pire n'était pas qu'ils fussent " pédophiles ", mais en même temps curés, frères, ou autres masques grâce auxquels ils soufflaient en même temps sur le feu qu'ils étaient chargés d'étouffer. En somme, des pompiers pyromanes de la pire espèce, puisqu'usant de l'autorité pour soumettre les faibles à leur pouvoir de séduction. Mais au fond, de leur point de vue, n'était-ce pas le meilleur moyen d'éliminer les pulsions dangereuses que leur montrer la pourriture comme seul objectif ? D'ailleurs ne dit-on pas " je te nique " à celui ou celle qu'on humilie ? Et l'humilité est la vertu du serviteur soumis. La femme à son mari ou le giton à son curé. Du moment que la nuque est pliée, peu importe la méthode. C'est dire qu'il n'y a pas tant de contradiction pour un prêtre à pouvoir à la fois consacrer des époux et séduire des enfants de chœur.

En notre époque de tsunamis sociaux et d'apocalypses écologiques, alors que l'économie mondiale ne sait plus comment empêcher de s'écrouler tout l'édifice grâce auquel une poignée de nantis imbéciles asservit une multitude domestiquée, alors que les conditions mêmes de la vie sont menacées d'extinction par le développement de la production des marchandises, alors que des conflits moyenâgeux conduisent à des massacres de masse grâce à l'emploi de technologies de guerre moderne, il est réjouissant de constater qu'il existe un pays où le combat politique consiste à mobiliser dans la rue les partisans et les ennemis d'un permis de niquer nouvelle formule. Comme disait Einstein, la bêtise n'a pas de limite.

Même quand on menaçait de les pendre, écarteler, brûler vifs, les jouisseurs et jouisseuses de toutes tendances ont continué de satisfaire leurs penchants particuliers. Gageons qu'en ces temps de désordre et de tumulte, ils ou elles sauront tirer profit des vaines querelles de leurs mentors pour s'en payer en douce de bonnes et juteuses tranches. La morale, disait Rimbaud, est une faiblesse de la cervelle. Laissons-en donc l'usage aux mous du cerveau : les benêts et leurs bouffons de maîtres. Comme aurait dit Claudel, s'il n'avait trempé sa queue dans un bénitier pour écrire des fadaises : rira toujours bien mieux, qui rira le dernier.

" Le passé et le futur sont des manières d'être au présent. "
Humberto Maturana et Francisco Varela, L'arbre de la connaissance.

Dans le contexte de la crise, le changement apparaît momentanément en panne à tous ceux qui recherchent la solution finale en se projetant dans un avenir abstrait qui n'est qu'une projection de cette crise en représentation. Le futur est alors déterminé par une prédiction issue de cette représentation. Mais une prédiction ne peut se vérifier d'elle-même que si, et seulement si on lui porte une croyance aveugle.

Personne ne peut prédire l'avenir, encore moins en ces temps d'incertitude et de confusion.
L'hypothèse d'une catastrophe imminente permet de faire disparaître artificiellement le désastre mortifère qui est déjà là. Ainsi, le spectre de la catastrophe est utilisé comme conditionnement d'une soumission renforcée.

La condition humaine n'est pas un destin marqué par une histoire déjà écrite, mais l'émergence de mouvements, d'accidents et d'erreurs qui se font et se défont dans le cours de situations imprévues...
Si l'on se permet de ne plus considérer le futur comme une projection que le présent consomme en le précipitant dans un passé toujours plus présent, on peut alors se l'approprier comme un devenir désirable vécu au présent, plein de nouvelles possibilités qui ne cherchent qu'à se réaliser, un avenir sans entraves qui se construit ici et maintenant.

Lukas Stella,
extraits de "L'invention de la crise, escroquerie sur un futur en perdition".

Paul, octobre 2012

Crise, austérité, traité européen, misère et matraque

J'aimerais me tromper mais l'actualité me désespère ; bref une chronique que je vous recommande de sauter si vous avez le moral en berne... Mieux vaut pourtant être conscient des enjeux et surtout des conséquences à venir de la crise actuelle ; mieux vaut aussi être lucide concernant la valeur des emplâtres que certains Diafoirus cherchent à poser sur des jambes de bois ; bref ne pas se leurrer. On va s'essayer quand même à une conclusion un peu optimiste, mais il va falloir mobiliser des ressources insoupçonnées pour y arriver. Mon propos n'a en effet pas pour but de vous décourager, du moins pas dans le style " sauve qui peut, on coule ". Tant qu'on n'est pas noyé il y a sans doute un canot de sauvetage à portée de mains ; reste à avoir la possibilité et peut-être aussi la volonté de l'atteindre pendant qu'il en est encore temps.

Les manifestations contre l'austérité programmée se suivent et se ressemblent ; certains peinent de plus en plus à contenir leur colère et je les comprends : un jour la Grèce, un jour l'Espagne, un jour l'Italie, une heure la CGT. Une réponse, toujours la même : les gardiens du temple lâchent leurs dobermans puis les magiciens de service emballent tout ça dans leur verbiage habituel : " sécurité, casse, provocation, violence, terrorisme... " Moi je pense qu'une société qui n'a plus que la matraque à offrir comme réponse aux interrogations de sa jeunesse est une société qui est bien proche du dernier stade de la décomposition. Le plus tristement drôle c'est que ces gens se réclament de l'ordre, de la morale, du bien-être public... Ces nantis qui n'ont à proposer comme exemple à suivre que leur propre turpitude, leur outrecuidance obscène, et leur absence totale de scrupules. Ils ont fait " leur " le bien commun ; ils se sont approprié ou cherchent à s'approprier des valeurs sur lesquelles il était encore impensable, il y a quelques décennies, que l'on puisse accoler une étiquette " prix " (l'eau, l'air, la vie et dieu seul sait quoi ils arriveront à mettre dans leur foutu catalogue). Ils sont prêts à brader la survie même de l'humanité pour assurer leurs profits immédiats, et se moquent ouvertement de l'avenir de ceux qui ne font pas partie de leur pré-carré. Terribles images que celles de ces jeunes et moins jeunes tentant de s'approcher du parlement à Madrid pour faire valoir leur droit à la parole, leur droit à la vie, que l'on accueille avec des jets de grenades assourdissantes et que l'on repousse avec des balles en caoutchouc. Terribles images que celles de l'expulsion musclée des occupants de la zone de construction de l'aéroport bidon de Notre Dame des Landes. Regardez bien l'image : tous sortis du même moule ces robocops automatisés... Images interchangeables d'Athènes à Tunis, de Rome à Barcelone, de Montréal à Bucarest... N'y aurait-il plus qu'un seul fabricant de matraques, de casques, de vestes rembourrées pour tous ces " Ken " super virils qui gardent les temples de la finance ? Comment peut-on réussir à robotiser à ce point un cerveau humain ? Questions posées depuis des lustres et restées sans réponses vraiment satisfaisantes...

La France joue à l'autruche. Le torchon brûle chez les voisins, mais comme au temps de Tchernobyl, notre beau pays, épargné grâce au courage politique de ses dirigeants, de droite comme de gauche, garde le cap dans la tempête. Jour après jour, les mesures d'austérité s'accumulent, mais elles sont présentées, avec une habileté diabolique, comme de simples traitements préventifs. En France on prévient la casse pour éviter un séjour trop long chez le carrossier. Regardez comment vivent nos voisins du Sud, comme ils sont malheureux. Ils ont dû prendre - aujourd'hui - des mesures que nous prendrons sans doute demain. Les hausses d'impôts sont à l'ordre du jour ; cela passe mieux que les baisses de salaire. Mieux vaut que je te donne 1000 pour te reprendre 500 ; si je te donne 500 directement, ça la fout mal. Demain seulement viendront les baisses de salaire, les baisses de pension, les baisses d'allocation... Pour l'instant on restreint, comme une peau de chagrin, le nombre de ceux qui y ont droit, à la grande joie de tous ces larbins qui osent les traiter de " privilégiés " ou de " profiteurs ". Les signes prémonitoires d'une amplification de la crise ne manquent pas, mais, heureusement, on ne fait que tourner autour du pot. Les banquiers ont trouvé un petit jeu très drôle ; on ne voit pas pourquoi ils changeraient... Si je faisais mes courses avec la carte bleue de mon voisin, je ne vois pas pourquoi je me contenterais d'un panier !

L'enfumage fonctionne à plein débit. Les données dérangeantes sont mixées avec d'autres insignifiantes : miracle des statistiques et des sondages. Le nombre réel de chômeurs est sous-estimé. Les emplois précaires explosent. Pour conserver une certaine opulence visible dans la sphère sociale, les ménages font des coupes sombres dans des budgets essentiels : soins médicaux de base de plus en plus reportés vers le futur, choix alimentaires conduisant à la malnutrition... Un ménage français consacre maintenant près de la moitié de ses revenus à se loger et à se chauffer...

Les services publics gèrent la pénurie organisée par leur ministère de tutelle. C'est la dèche universelle, de la santé à la recherche en passant par les services sociaux. Un exemple que je connais bien ? L'Education Nationale. On voit maintenant des collègues travaillant dans des zones défavorisées avec des classes à cours double de 30 élèves et plus... Il faut avoir fait l'expérience d'essayer d'apprendre à lire à trente mômes en même temps, pleins de bonne volonté mais pas forcément d'attention, pour comprendre ce que cela signifie. Lorsque l'enseignant se plaint à ses supérieurs de conditions de travail non pas difficiles, mais ingérables, on lui répond gentiment que c'est bien dommage mais que son école est " juste en dessus du seuil d'ouverture "... Il y a bien en effet un " seuil d'ouverture " pour les créations de classe ; c'est un concept un peu singulier. De mon temps, l'inspection de l'étage supérieur répondait de façon fort diplomatique que l'on n'aurait pas de création de poste car on était juste en dessous de la barre. Dans un second temps, le critère de refus s'est aligné avec le seuil lui-même. Le " juste en dessus ", j'ai sans doute quitté la marine à voiles trop tôt pour l'entendre. Si ce n'était pas tragique, ce serait cocasse. Imaginez le sauteur à la perche aux championnats du monde : " non monsieur, désolé, vous n'aurez pas la médaille parce que vous êtes passé juste en dessus de la barre... " Les différents maillons de la hiérarchie, comme dans toutes les autres administrations, ne savent plus quel verbiage inventer. La seule consigne que leur a donnée le maillon supérieur étant : " faites passer la pilule ; il est obligatoire de l'avaler ; ça ne se négocie pas "... Il serait peut-être plus honnête d'annoncer clairement que le seuil critique est fixé à 35, 50 ou 80, mais ça pourrait heurter l'opinion publique.

Les retraités roumains ou portugais auxquels on a supprimé 30% d'une pension qui n'était déjà pas bien haute n'en peuvent plus d'austérité. Les handicapés grecs qui ne perçoivent bientôt plus rien du tout se moquent éperdument des tourments moraux que subissent les banquiers de leur pays. Même nos voisins anglais qui s'en prennent plein la tronche depuis l'heureux règne de Miss Thatcher, commencent à ruer sérieusement dans les brancards. Le nouveau traité européen qui vient d'être paraphé par les gardiens du temple, sans assentiment aucun des peuples concernés (sans même qu'ils soient consultés d'ailleurs) fait penser à une représentation de la Comedia dell'Arte : du grand guignol, mais du grand guignol tragique car il s'agit ni plus ni moins que d'encadrer de façon un peu plus stricte encore, la marge de manœuvre de chacun des gouvernements concernés. Qu'on se le dise : il n'y a qu'une seule politique économique permise ; les clous du passage piéton sont électrifiés pour la plus grande béatitude des troupeaux qui vont traverser les routes. " Réduire les déficits ", " rembourser les dettes ", " serrer la vis d'un tour ", voici les têtes de chapitre du nouveau petit livre rouge édité par et pour les gardiens du temple capitaliste sacré. Silence radio sur les livres de messe : on ne s'interroge pas sur la légitimité des dettes en question, sur les taux d'intérêts pratiqués... Lorsque quelques esprits dérangés en Italie font remarquer que si l'Eglise Catholique payait des impôts fonciers sur les biens terrestres qu'elle possède dans ce doux pays, et un impôt sur les bénéfices concernant les profits qu'elle réalise, il n'y aurait plus de déficit , on les considère comme des farfelus ou des anticléricaux primaires. Mieux vaut amuser les foules avec des histoires à connotation raciste, c'est un miroir qui a toujours fonctionné avec les alouettes simplettes. Quant à évoquer les budgets militaires, personne ne s'y risque. On ne touche pas à la bombinette, cela fâcherait les galonnés.

Au cas où les esprits des gueux s'échaufferaient un peu trop parce qu'ils supportent mal les mesures d'austérité préventives que l'on prend (contraint, forcé mais chagriné) à leur dépens (mais pour leur éviter l'austérité curative contrainte et forcée), reste toujours les fanfreluches à agiter d'une croisade pour défendre la civilisation occidentale ou pour faire payer aux " salauds d'ailleurs " les brimades que l'on subit des " gens biens de chez nous ". Les marchands d'armes tiennent toujours quelques tisons bien au chaud : Républiques Caucasiennes, Moyen-Orient, Chine et Japon... Comptez sur leur imagination, mais de grâce ne leur apportez pas votre soutien implicite. Nulle guerre n'a jamais de juste cause. Je vous assure que l'on n'est pas obligé de tenir toujours le même rôle dans la même comédie. Ce n'est pas parce que la colère ouvrière a débouché sur 1914/18 ou que la crise de 1929 a allumé le brasier de 39/45 qu'on est contraint de marcher au pas de l'oie. Le péril est grand cependant si l'on observe attentivement la montée des extrêmes droites en Europe. La Grèce est dans une situation périlleuse. La percée du mouvement " aube dorée " augure d'un futur plutôt inquiétant. Les financiers savent très bien qu'il n'y a rien de tel qu'un gouvernement à poigne de fer pour remettre le peuple dans le droit chemin de la résignation. Marche au pas ! Ecoute les sermons de la télé ! Sinon gare !

Un espoir ? Toujours !

En fait la note optimiste finale de cette chronique toute noire, c'est que la crise présente, une de plus dans la longue histoire du capitalisme (mais non la moindre), est peut-être l'occasion de tester, en marge du système, la construction de nouveaux rapports économiques, plus humains, plus respectueux de la planète. Si je me permets d'énoncer cette hypothèse c'est parce que la porte est ouverte et que nombreux (relativement) sont ceux qui s'y sont déjà engouffrés. Cette marginalité nouvelle, en mouvement, ne doit cependant pas oublier sur le bord de la route ceux qui n'ont plus vraiment la liberté de choix, pour des raisons d'âge, de santé, ou de moyens intellectuels. Ceux-là sont dans le système ; ils en sont dépendants ; ils n'ont pas la possibilité de choisir une alternative. Il ne faudrait pas les laisser en plan. Ils sont dans la situation d'un poisson rouge dans un bocal fissuré et ils n'ont ni ailes ni poumons. On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs... sans doute. Or, ce n'est pas d'une omelette dont nous avons besoin mais d'un monde nouveau. Signe positif, annonciateur d'un changement - peut-être ? - de nombreux documentaires (livres, vidéos, articles de journaux) sont mis à disposition du public, en général sur le web, parfois (mais bien trop rarement) à la télé. Ils témoignent avec naïveté parfois, mais toujours avec énergie, du fait qu'une partie de l'humanité n'a pas envie de se laisser noyer sans réagir. Espérons que ces exemples d'auto-émancipation feront tache d'huile le plus rapidement possible... ou amèneront au moins certains de nos concitoyens à réfléchir. Plus on est de fous, plus on délire !

PMO, novembre 2012

Voici la plus récente création des laboratoires de l'horreur. Cette monstruosité verbale - biologie de synthèse - répond à la monstruosité de cette innovation.

Le bios, le vivant, c'est ce qui nait - d'où le mot de nature -, et non pas ce qu'on fabrique, artefacts, artifices, parce que faits de l'art. Ce qu'on fabrique ne vit pas, mais fonctionne.
L'expression " biologie de synthèse " est donc un oxymore, une escroquerie forgée pour accréditer la possibilité d'une impossibilité - ailleurs que dans les cauchemars et la fiction d'épouvante dont Frankenstein reste le type. Mais nos scientifiques ne sont pas des littérateurs et ils plient donc la réalité à leur démence machinique. C'est possible si l'on prend l'alchimie verbale au pied de la lettre, si l'on réduit par exemple la tomate à un automate programmé. Alors elle ne vit plus, elle ne pousse plus, elle fonctionne. Il suffit de filer la métaphore pour faire d'un artefact de l'INRA, d'un automate chimico-informatisé, une " tomate de synthèse " ou " artificielle ", de la " viande de culture ", en attendant la production/reproduction de " l'humain " en série ou sur mesure - mais c'est plus cher.

Si l'on accrédite l'idée du vivant-machine, on peut la pousser à bout, jusqu'à la " machine vivante ", ce stade supérieur de l'humanité auquel aspirent post et transhumanistes, promoteurs de la " biologie de synthèse " et autres " technologies convergentes ". Certes, c'est du faux-vivant, du pseudo-vivant, du simulacre, mais qu'importe puisque le consommateur ne demande pas mieux. En fait, il ne demande qu'une chose : " Ne pas voir la différence. " Ce qui s'obtient sans peine par la suppression de l'original, de l'authentique et par la disparition de ceux qui l'ont connu.

On ne fabrique pas l'humain, il naît. Les détraqués du matérialisme qui croient mettre leurs pas dans ceux de La Mettrie, l'auteur de L'Homme Machine, ignorent généralement un autre de ses exercices de style, L'Homme Plante, encore une métaphore développée, ni plus ni moins pertinente. Du reste, on n'incite personne à se transformer en philodendron. Ces " philosophes " et " artistes " avec leurs poses " rebelles post-modernes " et leur rage de destruction de la nature fournissent l'habillage idéologique et communicationnel du complexe scientifico-industriel.

Malgré leurs manipulations de sens spécieuses, les scientifreaks ne produisent pas, et ne produiront jamais du " vivant artificiel " mais bel et bien du mort vivant, de la nécrotechnologie de synthèse. On en a vu, on en verra d'autres, " géo-ingénierie ", ravages des abysses et des pôles, neurotechnologies, etc. Dans la situation in extremis où nous a plongés leur politique de la terre brûlée en deux siècles de société industrielle, leur extrémisme n'envisage qu'une issue : la fuite en avant macabre. Et c'est nous, le vivant, la nature, les hommes, qu'ils consument comme énergie et matière de leur machine.

" L'humanité se situe en dehors de l'économie politique, l'inhumanité au dedans. " Karl Marx, Œuvres.

Le capital est malade de trop d'argent. Le vol d'une partie de la force de travail s'est tellement accumulé dans le capital, au cours du temps, que la production mondiale de marchandises, plus les services qui s'y attachent, ne représentent plus que 3 % des richesses du monde. Il n'y a jamais eu dans l'histoire du monde, autant de richesses accumulées par un aussi petit nombre d'individus, que depuis l'invention spectaculaire de la crise. La réalisation sans fin de dettes crée de la monnaie et produit une richesse illimitée, libérée des contraintes inhérentes à la production de marchandises. Cet enchaînement effréné de dettes cumulées est devenu pour quelques-uns, le seul moyen de rafler très rapidement des fortunes gigantesques sur le dos de populations conditionnées dans l'obsession permanente d'une crise inévitable, devenue fatalité.

Contrairement aux idées reçues de l'économie-spectacle certains faits vérifiables peuvent permettre de remettre en question tout un système qui se croit indispensable. Les dépenses de l'État français ont baissé depuis vingt ans, cependant deux fois moins que la baisse des recettes. Les cadeaux fiscaux effectués par l'État depuis l'an 2000 représentent un manque à gagner de plus de 100 milliards d'euros par an. Plus de 600 milliards d'avoirs, bien planqués dans des paradis fiscaux, manquent à l'État français. Si la banque centrale européenne (BCE) avait accepté de prêter directement aux pays de la zone euro comme elle le fait pour les banques, c'est-à-dire au taux de 1 %, comme cela se passe aux États-Unis, il n'y aurait plus de dette de l'État français aujourd'hui. Et s'il n'y avait plus de cadeaux fiscaux, plus de paradis fiscaux, si l'on fonctionnait comme dans les années 60, l'État pourrait plus que doubler ses dépenses, sans aucune dette... Si l'on discerne comment on a pu en arriver là, on peut alors comprendre ce qui se passe aujourd'hui.

La crise, dont les cycles se sont accélérés jusqu'à devenir permanente, n'est plus une exception temporaire du capitalisme, mais bien son nouveau fonctionnement routinier. Le processus d'appauvrissement sans limites des populations, l'institutionnalisation du racket des États, sont devenus le moteur d'un système qui s'emballe en pillant tout ce qu'il trouve, son économie, son futur, pour sauver l'expansion des gains démesurés des truands milliardaires, dans un instant sans devenir.
La croyance en la crise est de l'ordre de la foi en la divine économie qui règne, toute puissante, sur son monde. Penser la crise avec les yeux de l'économie politique, c'est non seulement l'accepter, mais se soumettre aveuglément à ce système d'exploitation et s'y résigner religieusement.

L'économie est une escroquerie.

La dette ne peut qu'augmenter, quand les recettes diminuent irréversiblement. Depuis le début de la crise, les paradis fiscaux, remis temporairement en question et déjà oubliés, se réorganisent et se développent rapidement. Plus de 26 000 milliards de dollars d'actifs financiers de particuliers, seraient dissimulés dans les paradis fiscaux, par des montages complexes entre trusts, financiers et sociétés offshore. Le secret bancaire suisse ayant été réduit, le " Trust discrétionnaire et irrévocable " est devenu le principal instrument de l'évasion fiscale en pleine expansion.

Avec l'acceptation de la " Règle d'or " et du Mécanisme Européen de Stabilité les politiciens au pouvoir ont remis la maîtrise de leur budget aux mains de technocrates européens, larbins des milliardaires. L'État se dissout dans une Europe totalitaire.

Contrairement aux apparences du spectacle de l'économie, les États les plus endettés au monde ne sont pas la Grèce et l'Espagne, mais d'abord les États-Unis, puis le Royaume-Uni et le Japon, pourtant tous bien notés.
Les attaques de fonds spéculatifs américains sur les dettes des États européens provoquent une augmentation des taux d'intérêt. La valeur d'un CDS qui parie sur la dette d'un État, augmente avec la probabilité de défaut de paiement du pays. Ce sont des transactions privées qui ne sont ni enregistrées ni recensées ni contrôlées. Les trafics financiers abondent. Même les banques françaises, qu'on a renflouées, spéculent sur le risque de faillite de la France.

L'austérité, payée par les populations, est égale à la différence entre le prix de départ des obligations d'État et leur prix à l'arrivée, après la chute que les financiers ont eux-mêmes provoquée. Cette différence, payée par la population, est empochée par les spéculateurs milliardaires.

Dans le système de la dette, la solvabilité d'un État se définit comme la capacité à générer une croissance positive soutenue, qui doit excéder les obligations vis-à-vis des créanciers, afin de couvrir le capital, plus les intérêts, plus la création de richesse. L'État est condamné à soutenir ce rythme de croissance effrénée, sinon le déclin abyssal, budgétaire et fiscal, le guette. Il ne peut y échapper qu'en s'endettant encore plus. Imprimer de la nouvelle dette pour soutenir à bout de bras la dette existante a pour conséquence de s'enfoncer dans le cercle infernal des dettes sans fin.

La spéculation explose à l'ombre spectacle.

Il y a d'abord les Hedges funds, des fonds alternatifs qui se composent d'actions, de matières premières, de dettes, d'immobilier et de produits dérivés. Ils ont des rendements illimités quand ils se regroupent afin de mieux manipuler le marché avec un fort effet de levier, et multiplier ainsi leurs gains avec un risque minime. Ces fonds spéculatifs qui représentent près de 2 000 milliards de dollars, sont à 80 % en dollars, et n'attaquent jamais les États-Unis, car les trois quarts d'entre eux sont américains ou britanniques.

Les produits dérivés parient toujours sur la chute. Ces fonds spéculatifs jouent gros et les investisseurs suivent comme des moutons apeurés. Les agences de notation ne font que suivre les indications du marché opaque des CDS, régi dans l'ombre par quelques escrocs milliardaires. Avec l'austérité, les populations payent les gains que les spéculateurs empochent. La complexité du système permet de maintenir le secret sur la plus gigantesque escroquerie de l'Histoire, grâce à la supercherie de la crise. Le concept de crise est un leurre médiatique qui cache une stratégie spéculative de grande ampleur, un racket gigantesque des populations qui doit rester secret pour sauver les apparences et la soumission.

Pendant la crise financière de 2008, les dérivés OTC (Over the counter ou de gré à gré) ont propagé le séisme financier. Un dérivé OTC est une sorte d'assurance, un contrat conclu entre deux parties et dont la valeur est dérivée d'un actif sous-jacent, tel qu'un taux d'intérêt, une devise, une action... La vocation première de ces contrats est de se protéger contre les risques (taux d'intérêt, de change, de crédit...). Ces contrats ne sont pas standardisés et ne sont donc pas négociés sur des marchés organisés et échappent aux régulateurs. Ces fonds spéculatifs propagent un risque général sur l'ensemble du système en cas de panique.

D'un marché de gré à gré (OTC), une partie du marché des CDS est en passe de s'organiser et d'être règlementé. Les dérivés standardisés seraient désormais régulés par des autorités de contrôle, sur des marchés organisés dans des chambres de compensation.
Le Marché des dérivés de crédit non standardisés, est un marché qui semble rester non organisé (OTC), dominé par un nombre restreint d'acteurs, et qui continuerait à se traiter sans chambres de compensation. Les dérivés OTC sont traités et négociés directement entre deux parties. L'utilisation de plateformes électroniques est rare pour ces instruments, davantage traités à la voix. Le fait qu'une transaction ne soit pas confirmée par écrit n'a pas d'incidence sur sa validité. L'enregistrement des conversations téléphoniques peut servir d'éléments prouvant l'existence d'une transaction. Ce contexte, qui le met hors de contrôle, a permis au marché des dérivés OTC de connaitre une croissance exponentielle ces dix dernières années, en multipliant par six leur volume.

Pour les produits complexes appelés aussi " titrisation ", ils répartissent et étalent un risque diversifié par mixage et éparpillement. L'information sur ces titres est très chère et réservée aux market makers (teneurs de marché). Aucune information utilisable n'est disponible sur les volumes traités, ni sur les paramètres essentiels de valorisation. De fait, ni les utilisateurs finaux, ni leurs auditeurs, ni les régulateurs ne peuvent, à de rares exceptions, disposer du cadre nécessaire et suffisant pour suivre les valeurs et les risques sur les produits OTC complexes. La crise financière a été aggravée par l'incompréhension des experts, des modes pratiques de fonctionnement des marchés complexes qui s'effectuent en dehors des marchés organisés.
On peut compter environ 800 000 milliards de dollars de produits dérivés en circulation aujourd'hui, soit plus de 13 fois l'économie mondiale (PIB mondial à 60 000 milliards de dollars).

En 2010, le volume du marché des changes (Forex) est situé aux environs de 4000 milliards de dollars par jour (BRI), quasi uniquement en transactions de gré à gré, dont près de la moitié au Royaume-Uni et aux États-Unis. La grande majorité des transactions de change de devises sont spéculatives et ne durent pas plus de 7 jours. Il est impossible de connaître précisément les volumes traités sur ce marché.

Les paris sont ouverts, la guerre aussi.

Un petit groupe de spéculateurs a volontairement coulé la Grèce afin de faire effondrer l'Europe par effet de dominos. Leur but est de pourrir l'euro pour sauver le dollar. Les agences de notations, qui sont des instruments aux mains des spéculateurs américains, n'attaquent que la dette européenne.
L'euro a été attaqué pour l'empêcher de devenir la monnaie de référence dans le monde à la place du dollar. La guerre économique a été déclarée contre l'Europe pour sauver la suprématie américaine.

D'un coté, plus de 3000 Milliards de dollars spéculent contre l'Europe, mais de l'autre les investissements des Banques centrales et fonds souverains des pays émergents (Chine, japon, Russie...), se montent à près de 6000 milliards de dollars.

La guerre mondiale actuelle oppose les États-Unis et l'Europe. Deux blocs qui, dans le contexte de la montée en puissance de la Chine, se retrouvent dans un combat fatal pour trancher lequel sera le représentant de l'Occident dans le futur. Les États-Unis ont la puissance financière mais un dollar qui ne vaut plus grand-chose. C'est une guerre contre les paradis fiscaux d'Europe qui ont cédé la place aux paradis fiscaux anglo-saxons, une guerre monétaire contre l'euro qui a bien failli voler en éclats, une guerre spéculative généralisée contre la dette des États européens qui a fortement déstabilisé l'Europe. Le gagnant aurait fatalement dû être les États-Unis. La seule donne incontrôlable fut le soutien important et régulier apporté par la Chine à l'euro et aux obligations de la zone. Sinon, l'Europe aurait été enterrée en 2010.

La solvabilité des États-Unis ne repose, aujourd'hui, que sur l'échec de l'Europe. Cette guerre a apporté de colossaux bénéfices à Washington. Les taux américains, c'est-à-dire le coût de financement du gouvernement, n'ont jamais été aussi bon marché, malgré l'explosion du risque lié à l'endettement excessif du pays. Et ce, grâce au report massif des investisseurs paniqués par la situation en Europe.

Cette guerre ne date pas d'aujourd'hui. Il y a quarante ans des conflits entre groupes d'intérêts divergents, le Bilderberg et la Trilatérale, présageaient du pire qui est déjà arrivé. Peu importe qui va l'emporter, car, dans ce système, c'est toujours le peuple qui en paye les frais.
Ce système dégueulasse, construit sur la compétition permanente et la guerre généralisée de tous contre tous, est le pire des systèmes : gagner coûte que coûte, écraser la concurrence, éliminer l'adversaire, exploiter à outrance tant qu'on le peut, tout rafler avant que d'autres ne le fassent, abandonner tous les pouvoirs aux accapareurs de richesses des mafias affairistes, piller un monde en décomposition, par intoxication de toute forme de vie...

Trop de dollars tuent le rêve américain

L'empire américain a beaucoup trop créé de monnaie en faisant marcher la planche à billets. Trop d'argent inventé tue le capital en dépréciant sa propre valeur. La dette des États-Unis est estimée à 14 000 milliards de dollars, mais son déficit fiscal basé sur ses engagements futurs dépasserait 200 000 milliards de dollars. C'est le pays le plus endetté du monde, qui paye sa dette en créant de la monnaie, en imprimant des billets, en comblant ses dettes avec des dettes et encore des dettes, en pillant un futur qui n'est plus crédible.

Le dollar a perdu 97 % de sa valeur depuis 1913, date de création de la FED. La fin des pétrodollars arrive, la demande de dollars, parce qu'il est surévalué, commence à s'effondrer. Les matières premières augmentent parce que le dollar, monnaie de référence, dévalue. La dette américaine ne sera jamais remboursée. La confiance et l'armée la plus puissante du monde, qui maintiennent la valeur du dollar, s'effritent et l'illusion se dissipe.

La crise de la dette américaine risque d'avoir lieu bientôt, la chute violente de l'économie américaine prochainement, et l'effondrement du dollar d'ici quelques années. Si l'on calculait selon les méthodes utilisées dans les années 80, l'inflation américaine s'élèverait à plus de 10 %, et le nombre de chômeurs a plus de 20 %. Les chiffres sont manipulés, truqués, falsifiés... Le dollar n'est plus qu'une illusion, une monnaie de singe, de la poudre aux yeux. La croyance aveugle en l'Amérique se désagrège déjà. Le dollar en péril est le début d'une gangrène mondiale qui pourrait commencer par un crack obligataire. La bulle de la réserve fédérale (FED), Banque Centrale privée des États-Unis, éclatera probablement bientôt, suite aux liquidités excessives qu'elle émet pour compenser sa dette. La plus grande bulle spéculative est sur le point d'exploser. L'effet " dominos " ou " boule de neige ", le risque global est toujours sous-estimé par les économistes, car c'est là que se situe l'angle mort du spectacle, incapable d'envisager sa perte.

Face à la faillite américaine et la fin du monopole du dollar, le monde se diversifie pour devenir multimonétaire. L'économie réelle réagit aux attaques spéculatives américaines qui la menacent. En juin 2012, le Japon et la Chine ont cessé de commercer en Dollar entre eux, la Russie et l'Arabie Saoudite sont en train de suivre le mouvement.

Dans la panique, la ruée vers l'or est lancée.

La Grèce risque de se faire confisquer tout son or par les banques européennes insolvables, et de manière tout à fait légale. La Grèce possède 111 tonnes de réserves d'or. Combien de tonnes seront effectivement pillées par les banques ? Le Portugal, l'Italie, l'Irlande, la Grèce et l'Espagne possèdent, à eux cinq, 3234 tonnes d'or, qui représentent 183 milliards de dollars. Il est fort probable qu'ils subissent tous le même sort.

Tout reste jouable.

La haute finance relance, et joue ses derniers atouts. Les outils sensés réguler ses exactions en Europe sont devenus la proie de ses enjeux spéculatifs déchaînés. C'est ainsi que le Mécanisme Européen de Stabilité a perdu son Triple "A", indice significatif des paris mis en jeu. Les pouvoirs politiques des États regroupés en coalition ont perdu la maîtrise des règles du jeu.

Mais la guerre de l'euro n'est pas encore gagnée. Son écroulement programmé dépend maintenant de la fin de règne du dollar. Il pourrait même en sortir vainqueur si l'union ne se désagrège pas avant. Son unité n'est plus soutenue que par une minorité qui perd du terrain dans une régression sociale sans limite. Les États Unis, l'Europe et la Chine ont mis en jeu la suprématie économique d'un monde chancelant qui se décompose et part en miettes. La remise en cause du système se radicalise mais cherche encore sa place. La partie n'est pas finie...

Quand tous les détails confirment un fonctionnement d'ensemble, l'imbécile expert n'y voit qu'une succession de détails bien séparés. Le spectacle est l'unité fictive, perdue et oubliée, de ce monde fragmenté, où s'accumulent les séparations.

L'économie ne pourra pas nous sauver de la dégradation mortifère de nos conditions d'existence. Elle a déjà fait la preuve de son ignominie. Son fonctionnement même est son essence barbare, la réalisation magnifiée de sa supercherie antisociale et inhumaine.
En cette période de confusion généralisée, personne ne trouvera la sortie à cette situation sans solution, sans un renversement de perspective. La recherche du remède économique miracle renforce ce blocage infernal. Les solutions idéales n'ont toujours réalisé que le pire, qu'elles n'ont jamais pu prédire.

Il n'est pas possible d'appréhender les contradictions croissantes d'un système avec le point de vue de son idéologie dominante, qui prétend fallacieusement, en tant que seul système cohérent possible, n'avoir aucune contradiction. On ne voit jamais ce qui est hors champ, ce qui sort du cadrage de l'objectif du spectacle, mais il suffit de l'inventer en changeant de perspective pour effectuer un recadrage qui peut entraîner une compréhension complètement différente de la situation. En inventant un devenir désiré, notre point de vue s'incarne dans notre vécu, et ainsi s'autonomise des conditionnements idéaux mis en spectacle.

En 1898, Zo d'Axa, s'indigant de la stupidité dominante, intitulait son pamphlet: "Vous n'êtes que des poires !" Le constat, hélas, n'a rien perdu de sa pertinence et c'est seulement le souci de ne verser ni dans le mépris ni dans la généralisation qui m'invite à lui prêter une forme interrogative. Il ne convient pas de désespérer ceux que la crétinisation médiatique n'a pas réussi à entamer parce qu'ils ont gardé le goût de vivre et que, chez eux, l'intelligence sensible l'emporte sur le calcul. On peut juger atterrant le spectacle de populations résignées à pourrir sur pieds dans le marais financier qui prolifère partout, stérilise les sols, engloutit les acquis sociaux. Mais la fonction du spectacle n'est-elle pas d'entretenir, en l'agrémentant de divertissantes vulgarités, le désespoir, la peur et la résignation qui sont les meilleurs soutiens de l'oppression étatique et mafieuse ?

Alors que toutes les idéologies, dont la vogue, hier encore, était énorme, sont tombées en désuétude après avoir amplement prouvé leur ineptie, l'arsenal médiatique tente de remettre en scène des croyances avariées et périmées, entachées de boue et de sang. Le capitalisme boursicoteur solde les débris du passé en ruinant le présent. Il assure la vente promotionnelle des décombres, il jette sur le marché des idées mortes qui, si ridiculement délabrées qu'elles soient, sont hâtivement galvanisées et remises au goût du jour. L'Etat et les multinationales misent sur la frayeur sécurisée et sur la peste émotionnelle pour affubler d'habits neufs des idéologies aussi putréfiées et nauséabondes que le patriotisme, le communautarisme, le tribalisme, le néo-libéralisme, le néo-communisme, le néo-fascisme, la bouffonerie socialiste. En favorisant les replis communautaristes, l'Etat donne des armes à un racisme que son hypocrisie humaniste condamne, dans le même temps que sa pratique des exclusions, de l'anathème et du ghetto le ravive.

Quoi de plus profitable aux affaires qu'un chaos où chacun manifeste sa détestation de l'autre et le mépris de soi !
[...]

Des milliards circulent dans le cercle vicié de la finance internationale, des banques, des mafias mondiales, qui détruisent ou délocalisent les entreprises, augmentent le nombre de chômeurs et pressent cyniquement les gouvernements de diminuer l'aide aux indigents. Tandis que l'argent dévalue, les marchés financiers s'enrichissent et les populations continuent de voter docilement pour ceux qui les escroquent et les persuadent de cracher au bassinet sans rechigner.

Il y a, en effet, de quoi s'indigner. Mais l'indignation est un feu de paille dans un monde livré à la glaciation du profit. Elle est vouée à l'éphémère si elle n'éclaire pas de sa chaleur festive ce projet d'une vie autre qui est au coeur du plus grand nombre. Trop de contestataires ont cru porter à un capitalisme, s'effondrant sous le poids de son absurdité, des coups qui se voulaient mortels et n'étaient que d'allégoriques moulinets de matamores. La révolution de la vie quotidienne ne consiste pas à se défouler, à brûler les symboles de l'oppression, à tirer vengeance des fantoches du pouvoir - patrons, policiers, hommes d'Etat. Le vieux monde est coutumier de ces exutoires que la violence débridée ménage aux frustrations qu'il accumule quotidiennement. Ce que la représentation specataculaire est incapable de saisir, c'est cette vie clandestine qui le mine peu à peu et sur laquelle il n'a aucune prise, parce qu'elle niche au coeur de chacun.

C'est là, dans la clandestinité d'existences qui se cherchent, que s'élabore lentement une société nouvelle. C'est là que la gratuité de la vie incitera de plus en plus à passer outre aux diktats de l'Etat mafieux, à ne plus payer pour les biens d'une terre qui est à nous, non aux marchands qui la dévastent.

Partout où renaîtront l'expérience autogestionnaire et la démocratie directe, la gratuité mettra entre nos mains une arme absolue contre la dictature des marchés, où tout se monnaie et se corrompt, à commencer par les moments péniblement et passionnément vécus chaque jour.

La crise est un concept aux nombreuses significations. Par ailleurs, les crises sont sernble-t-il de plus en plus fréquentes et engendrent un certain nombre de dommages que les spéculateurs de tous bords et les entreprises de tous pays subissent de façon inéluctable.
Mais comment a-t-elle été inventée ? Comment la mutation s'est-elle faite au cours du temps ? Quel a été le rôle des États et des dettes publiques ? L'auteur aborde tour à tour les différentes facettes des crises, en nommant clairement les acteurs et en analysant les causes essentielles de l'invention de la crise.
Pour lui, la crise est une forme de tyrannie, qui dépasse l'économie telle qu'on se l'imagine et allant jusqu'à la faillite du futur. Ponctuée de nombreuses citations de Karl Marx, Al Capone, Warren Buffet, Atlan ou Maurice Allais, la lecture de cet ouvrage permet de découvrir les aspects et la complexité de la crise. Au-delà du plaidoyer de l'auteur pour informer sur celle gigantesque escroquerie qui marque le processus de mondialisation de l'économie, cette question contemporaine vous paraitra plus claire, sans être une réelle fatalité.
Daniel Durouchoux, Échanges, la revue des dirigeants financiers, mai 2012.
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COMMENTAIRE
La crise n'est pas un concept mais un leurre. C'est l'aboutissement du pillage d'un monde dénaturé par quelques mafieux affairistes, l'achèvement d'un capitalisme triomphaliste.
Les petits dirigeants financiers du capital n'ont toujours pas compris qu'une poignée de spéculateurs milliardaires américains ont directement et volontairement créé la crise en Europe, dans le secret et l'opacité de leurs trafics, pour sauver le dollar et en tirer leurs plus gigantesques profits par leur racket sur les dettes des États.
Comme je l'ai écrit la crise dépasse les experts en économie, car ils sont incapables de comprendre le système qu'ils gèrent servilement. Leur conception économique du monde les enferme dans un système aveugle qu'ils ne peuvent donc pas observer de l'extérieur. Ainsi ils se dédoublent dans une position schizophrène qui leur est fatale. C'est pour cela qu'ils s'intéressent aux analyses de leurs ennemies, qui, eux seuls, peuvent, grâce à un changement radical de perspective, en se créant un devenir désiré, se situer à l'extérieur du système.
En inventant nos incroyances économiques, nous pouvons comprendre et discerner la situation dans ses interactions multiples et le cours de son histoire, qui est la notre. Ces experts bornés sont les esclaves d'un système mortifère en perdition, alors que nous, révolutionnaire de la vie, nous sommes le nouveau monde en devenir.
Lukas Stella
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"L'invention de la crise, escroquerie sur un futur en perdition",
de Lukas Stella, aux éditions l'Harmattan, 2012.

Un pavé dans le marasme conformiste d'un vieux monde agrippé à ses certitudes sans devenir.

London 2012 : les jeux de l'austérité !

L'austérité imposée par les gouvernants est combattue en Grande-Bretagne : pendant l'hiver 2010, les étudiants s'étaient opposés aux mesures du ministre des finances George Osborne ; mesures qui augmentaient vertigineusement les frais universitaires. Dès ce moment, le budget de l'Etat pour les Jeux olympiques était officialisé : 9,3 milliards de livres sterling (soit actuellement 11, 7 milliards d'euros). C'est en mars 2012 que des parlementaires britanniques se sont publiquement inquiétés du coût de cette foire concurrentielle au muscle étatisé : dans un rapport parlementaire, ils estiment que la facture pour l'État pourrait finalement être de 13 milliards d'euros, voire même atteindre 24 milliards selon certaines estimations. Rien d'étonnant à cela : les frais des grandes messes compétitives mondialisées sont systématiquement minimisés au départ, puis deviennent colossaux par la suite. La dette des JO d'été de Montréal en 1976, par exemple, n'a été remboursée qu'au bout de trente ans ; seulement en 2006. " Alors que les autorités municipales avaient estimé le coût des Jeux à 124 millions de dollars, la ville de Montréal accumula une dette de 2,8 milliards de dollars, équivalant à 10 milliards de dollars de 2009, qu'elle mit trente ans à rembourser " (Andrew Zimbalist, " Cela vaut-il le coût ? ", Finance & développement-magazine trimestriel du FMI, mars 2010, p. 8). De la bouche même de Jacques Rogge, la dette grecque est en partie déterminée par la facture des jeux olympiques de 2004 qui a fini par être plus de cinq fois son estimation initiale.
Comment se fait-il qu'en pleine politique néo-libérale d'austérité, une telle somme puissent être allouée aux Jeux olympiques ; au nom de quoi ?

" Le gouvernement de David Cameron a procédé à quelques ajustements, notamment en multipliant par deux le budget destiné à la sécurité des Jeux " (dépêche AFP, 09/01/2012), apprenait-on en début d'année 2012. De 282 millions de livres sterling, il est passé à 553 millions, soit près de 700 millions d'euros. Même le Guardian (12/03/2012) s'inquiète du fait que Londres va être l'objet d'un véritable quadrillage de l'espace public. La Royal Navy sera déployée sur la Tamise, des missiles protégeront la capitale d'éventuelles attaques aériennes. Sur terre, ce ne sont pas moins de 12000 policiers épaulés de 13 500 militaires, 20 000 vigiles, 1000 agents du FBI et 300 agents du MI5 qui seront déployés pendant les deux semaines estivales. Dans les airs, hélicoptères et avions de combat (Thyphoon) seront de la partie sans compter les drones de la compagnie G4S, le leader mondial du marché de la sécurité qui les emploie à merveille en Palestine. A noter également que les forces de police seront dotées d'un mégaphone spécial pour disperser les foules: il émet un son d'une intensité de 150 décibels qui est proprement insupportable aux oreilles. À 160 décibels, les tympans sont perforés. Joli terrain d'expérimentation s'il en est...

Un Etat d'urgence permanent

Le Locog (le comité d'organisation), avec à sa tête Lord Sebastian Coe, a en effet choisi la firme multinationale GS4 pour assurer le quadrillage policier de la ville. Mais il ne s'agit pas tant de protéger que de promouvoir la permanence du règne de la valeur d'échange. Dans un pays en crise économique, gageons que l'effet recherché par de telles mesures spectaculaires soit à usage interne. Le blindage autoritaire des démocraties existantes fonctionne à la peur. Des " terroristes " avaient déjà été arrêtés (" arrestation de cinq terroristes près de Londres ", Le Figaro n° 21067, mercredi 25 avril 2012) avant ceux de ce tout début de mois de juillet. Mais gageons également que l'usage interne ne se limite pas aux frontières. Les sans-papiers du Havre, de Calais, de Boulogne subiront l'intensité accrue de cet État d'urgence permanent. Car il s'agit bien d'installer la peur à la faveur des Jeux olympiques. Au sein du Locog, sévit une " direction de la sécurité " qui impose sa loi spéciale d'une manière beaucoup plus discrète que celle du gouvernement Canadien (loi 78) ; loi qui est sensée réprimer le printemps érable. L'exception ne se manifeste pas seulement dans l'espace physique (urbanisme " régénéré ") et à travers une technologie agressive : elle est également opérante dans la juridiction. Depuis les JO de Sydney en 2000 le CIO s'arrogent des droits commerciaux exorbitants en s'appropriant l'espace médiatique (logos), physique (enceinte olympique) et même politique. Car ce n'est pas seulement dans le domaine commercial mais aussi à travers celui des droits démocratiques fondamentaux, que le CIO impose ses diktats. C'est ainsi, par exemple qu'à la faveur de ces " jeux " est réactivé l'Anti-Social Behaviour Order, une mesure qui s'inscrivait dans la politique de " tolérance zéro " de Tony Blair. Simon More, un des militants de Occupy, venu prêter main forte au collectif de défense de Leyton Marsh, a été frappé par cette norme répressive : il a séjourné trois jours dans une prison du site olympique. Interdiction lui est désormais faite d'approcher et de participer aux événements liés au Jubilé de la Reine. Quel est son crime ? Protester contre la destruction d'une grande pelouse verte qui sert aux loisirs des habitants de ce quartier de l'East-End (Leyton Marsh) ; espace vert que l'on goudronne pour qu'une équipe hors-sol de basket américaine se prépare à sa compétition éphémère. C'est la première fois que cette procédure spéciale, utilisée pour prévenir les actions de protestation liées aux JO, est appliquée. Elle s'inscrit dans les constructions ad hoc que ce genre d'État produit afin d'effectuer des opérations de police préventive. Qui dit que ces mesures ne sont que " d'exception " et ne sont pas là, en fait, pour être pérennes ?

La régénération urbaine

La marchandisation des villes passe par la course pour accueillir de grands " événements " comme les compétitions sportives mondialisées. Les villes de la globalisation se doivent d'être compétitive. A cet égard, London 2012 est une gigantesque opération capitalistique de valorisation de l'espace urbain. Ce n'est pas seulement une rénovation ou une revitalisation, c'est une " régénération " ; c'est-à-dire une production
de nouveaux quartiers dédiés à la valeur d'échange. Mais pour cela, ses habitants sont expropriés afin que naisse ce nouvel espace lissé pour le flux des marchandises. Des néo-habitants solvables arrivent, c'est ce que des sociologues appellent la " gentrification " (Ruth Glass, 1963). Les médias encensent ce phénomène et n'hésitent pas à reprendre la propagande de l'aristo Sébastian Coe en disant, par exemple que l'East-End était crasseux et qu'il méritait de disparaître. C'est ainsi faire bien peu de cas de la vie sociale qui pouvait encore exister là. Cette gentrificaton génère une exclusion des pauvres qui habitaient dans ces quartiers : au lieu de la brutalité, la répression nécessaire est douce et joue sur la durée pour émousser et épuiser les résistances. Sur ce type d'urbanisation qui représente un des aspects de la domination, on lira l'intéressant travail universitaire de Julien Puig (" London 2012 : les revers de la médaille. Conflits urbains et Jeux olympiques ", mémoire de recherche de master 2, Université Paris-Est Créteil / Institut d'Urbanisme de Paris).

L'idéologie olympique

Tout cela se fait au nom du sport, de la charte olympique avec sa " fête ", sa " trêve olympique " et sa " fraternité entre les peuples ". Foutaises que ces fadaises ! Déjà, lors des passages urbains de la flamme olympique en 2008 dans différents pays, il était constatable que le CIO ne s'embarrassait d'aucune éthique : les sbires du régime de Pékin encadraient fermement la troupe de choc sportive sous des apparats sportifs. Le sport a trop souvent fait cause commune avec les pires régimes politiques connus dans l'histoire : dictatures, États autoritaires, régimes d'exception. De plus, l'idéologie dominante use de la métaphore sportive dans ses discours ainsi qu'à travers ses images : la fonction politique du sport est de contribuer à produire un état d'hébètement généralisé sous couvert de " culture ". Qui sait par exemple que certaines bibliothèques universitaires de Stratford (le quartier où ont lieu les JO) seront fermées au moment des compétitions alors même que les étudiants seront en période révision pour leurs examens ? Le sport est une véritable politique avec sa vison du monde propre qui tend à se généraliser. C'est notamment à travers cette emprise sociale que peuvent s'échafauder les " événements " du spectacle : Jubilé de la Reine et Jeux olympiques. London 2012 est une arme de divertissement massif. Afin de préserver les puissants, la politique d'austérité qui se donne pour rationnelle, appauvrit la grande majorité. Ainsi, une infime minorité prend des mesures pour l'infime minorité.

Mais à l'heure actuelle, qui prend le parti de critiquer cet état de chose régnant ?
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À voir aussi : Laboratoire Ubanisme Insurrectionnel

Les socialistes d'apparat ont escroqué une fois de plus leurs électeurs, trop crédules. Le changement annoncé n'était qu'une continuité générale, masquée par quelques détails placés comme des leurres au devant de la scène. Avec le pacte budgétaire européen et mécanisme européen de stabilité, les socialos, en refusant un référendum, limitent volontairement le pouvoir de l'État à une simple gestion des affaires des milliardaires américains qui spéculent sur les dettes des États, en espérant ainsi, pouvoir sauver le dollars de la faillite. Ces socialistes de droite ont livré sur un plateau le contrôle des politiques des États européens aux larbins de la haute bourgeoisie.

Ennemis des populations qu'ils appauvrissent, les socialos-collabos viennent de déclarer, au nom du capital, la guerre sociale et de brader la république en évacuant définitivement ce qui restait de semblant de démocratie. La dictature économique et financière renforce son pouvoir sur les populations et institue sa domination spectaculaire par une généralisation totalitaire. Tous discours et toutes pensées semblent sous contrôle en s'intégrant à l'idéologie dominante. Mais ce qu'ignore l'objectif du spectacle c'est le hors champ, tout ce qui est trop diffus et qu'il ne peut pas cadrer lui échappe.

La croyance religieuse au spectacle du monde s'effrite par endroits à l'envers du décor, et certains s'aperçoivent qu'on voudrait nous faire croire qu'il n'y a plus d'autres choix...

Alors que le travail socialement utile - agriculture naturelle, école, hôpitaux, métallurgie, transports - se raréfie et se dégrade, le travail parasitaire, assujetti aux impératifs financiers, gouverne les Etats et les peuples au nom d'une bulle financière vouée à imploser. La peur règne et répond à la peur. La droite populiste récupère la colère populaire. Elle lui désigne des boucs émissaires interchangeables, juifs, arabes, musulmans, chômeurs, homosexuels, métèques, intellectuels, en-dehors, et l'empêche ainsi de s'en prendre au système qui menace la planète entière. Dans le même temps, la gauche populiste canalise l'indignation en des manifestations dont le caractère spectaculaire dispense de tout véritable projet subversif. Le nec plus ultra du radicalisme consiste à brûler les banques et à organiser des combats de gladiateurs entre flics et casseurs comme si ce combat dans l'arène pouvait ébranler la solidité du système d'escroquerie bancaire et les Etats qui, unanimement, en assument les basses œuvres.

Partout la peur, la résignation, la fatalité, la servitude volontaire obscurcissent la conscience des individus et rameutent les foules aux pieds de tribuns et de représentants du peuple, qui tirent de leur crétinisation les derniers profits d'un pouvoir vacillant.
Comment lutter contre le poids de l'obscurantisme qui, du conservatisme à la révolte hargneuse et impuissante du gauchisme, entretient cette léthargie du désespoir, alliée de toutes les tyrannies, si révoltantes, si ridicules, si absurdes qu'elles soient ? Pour en finir avec les diverses formes de grégarisme, dont les bêlements et les hurlements jalonnent le chemin de l'abattoir, je ne vois d'autre façon que de ranimer le dialogue qui est au cœur de l'existence de chacun, le dialogue entre le désir de vivre et les objurgations d'une mort programmée.

Par quelle aberration consentons-nous à payer les biens que la nature nous prodigue : l'eau, les végétaux, l'air, la terre fertile, les énergies renouvelables et gratuites ? Par quel mépris de soi juge-t-on impossible de balayer sous le souffle vivifiant des aspirations humaines cette économie qui programme son anéantissement en accaparant et en saccageant le monde ? Comment continuer à croire que l'argent est indispensable alors qu'il pollue tout ce qu'il touche ?
Que les exploiteurs s'opiniâtrent à convaincre les exploités de leur inéluctable infériorité, c'est dans la logique des choses. Mais que révoltés et révolutionnaires se laissent emprisonner dans le cercle artificieux de l'impossible, voilà qui est scandaleux. J'ignore combien de temps s'écoulera avant que volent en éclats les tables d'airain de la loi du profit, mais aucune société véritablement humaine ne verra le jour tant que ne sera pas brisé le dogme de notre incapacité à fonder une société sur la vraie richesse de l'être : la faculté de se créer et de recréer le monde.

Jusqu'à ce que les mots porteurs de vie se fraient un chemin dans la forêt pétrifiée, où les mots glacés et gélatineux consacrent le pouvoir d'une mort froidement rentabilisée, peut-être est-il indispensable de répéter inlassablement : oui il est possible d'en finir avec la démocratie corrompue en instaurant une démocratie directe ; oui il est possible de pousser plus avant l'expérience des collectivités libertaires espagnoles de 1936 et de mettre en œuvre une autogestion généralisée ; oui il est possible de recréer l'abondance et la gratuité en refusant de payer et en mettant fin au règne de l'argent ; oui il est possible de liquider l'affairisme en prenant à la lettre la recommandation " Faisons nos affaires nous-mêmes " ; oui il est possible de passer outre aux diktats de l'Etat, aux menaces des mafias financières, aux prédateurs politiques de quelque étiquette qu'ils se revendiquent.
Si nous ne sortons pas de la réalité économique en construisant une réalité humaine, nous permettrons une fois de plus à la cruauté marchande de sévir et de se perpétuer.

Le combat qui se livre sur le terrain de la vie quotidienne entre le désir de vivre pleinement et la lente agonie d'une existence appauvrie par le travail, l'argent et les plaisirs avariés, est le même qui tente de préserver la qualité de notre environnement contre les ravages de l'économie de marché. C'est à nous qu'appartiennent les écoles, les produits de l'agriculture renaturée, les transports publics, les hôpitaux, les maisons de santé, la phytothérapie, l'eau, l'air vivifiant, les énergies renouvelables et gratuites, les biens socialement utiles fabriqués par des travailleurs cyniquement spoliés de leur production. Cessons de payer pour ce qui est à nous.
La vie prime l'économie. La liberté du vivant révoque les libertés du commerce. C'est sur ce terrain-là que, désormais, le combat est engagé.

Publié dans l'Impossible n°2

L'échec de l'art comme interrogation subversive de notre société était flagrant : la cote des artistes hier renégats montait à toute allure et les échanges allaient grand train.
La société marchande était capable d'acheter jusqu'aux plus fulgurantes trouées faites à son décor et d'en faire des trous positifs : un bon placement.
Nous découvrions avec stupeur que le Vrai est un moment du Faux et que tout était négociable.
L'insatiable instinct de bête de mort du pouvoir marchand s'appropriait jusqu'au désir de sa propre destruction et en faisait commerce en le sacralisant.
Le NON de l'artiste devenait la caution de ce qu'il niait, à plus ou moins long terme; question de digestion...
L'art n'était plus ce poison efficace dont nous avions rêvé, mais une liberté provisoire exemplaire.
La chaise artistique devenue objet d'art nous n'avions plus rien où poser notre cul.
Il nous restait nos corps. Nos corps sans nom, sans signature. L'histoire de la révolte devenait anonyme. Dans un monde où un jeu de miroirs très subtil nous renvoyait toujours à des images sans corps, il nous fallait tenter de vivre.
Ce fut d'abord refuser de survivre comme on nous l'ordonnait.
Cet ordre là, merci.
Un bonheur illusoire, véritable trompe-l'oeil où nos forces vitales seraient vouées à l'épuisement du désir par la consommation.
Cynisme ultime du pouvoir des marchands de vouloir faire de nous des cadavres heureux monnayables à merci.
Il nous restait nos corps et cette seule évidence : la vie de tous les jours serait l'art clandestin de la révolte et le désir sa poésie...

La mariée mise à nu (inédit)
http://www.emmanuelle-k.net/

Raoul VANEIGEM, "Lettre à mes enfants et aux enfants du monde à venir"
Le Cherche Midi, mars 2012

Raoul Vaneigem participe activement à l'Internationale situationniste de 1961 à 1970, invitant la jeunesse de l'époque à " abandonner toutes les valeurs héroïques pour adopter un hédonisme radical résumé dans la devise : "jouir sans entrave" ", qu'il présente comme une critique de la société marchande. L'une de ses œuvres les plus célèbres est son Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, paru en 1967, et qui n'a pas été étranger au mouvement des occupations de mai 1968. Il s'inscrit dans le projet des situationnistes de renverser l'ordre social dominant. Il y exprime une critique radicale du monde en y dénonçant ses illusions, la survie, et la fausse contestation qui en découle, et invite à un " renversement de perspective ".

Quand les Athéniens de l'Antiquité ont inventé la démocratie, c'était pour les citoyens libres le moyen de s'administrer eux-mêmes. La condition de cette liberté était évidemment de ne pas devoir travailler, grâce à l'emploi d'esclaves. La bourgeoisie des temps modernes, qui avait besoin pour ses entreprises d'une masse de serviteurs salariés consentants, a inventé l'État dit démocratique (républicain ou non), comme moyen de gérer le peuple des besogneux en lui faisant croire qu'il s'administrait lui-même. Pendant un certain temps, il lui a fallu trier les prétendants à la représentation populaire, de façon à éviter que l'État ne tombe aux mains de ses ennemis. Avec le développement des médias et des outils technologiques, les oligarchies au pouvoir peuvent désormais laisser parler publiquement à peu près n'importe qui, vu qu'elles contrôlent quasiment tous les moyens de se faire entendre. Le débat politique est alors sorti des arrière-salles des cafés pour se tenir devant tout le monde, à la façon d'un choeur composé de plusieurs chorales, sous la direction d'un chef d'orchestre invisible qui n'a pas besoin d'être là pour que chacun respecte les règles du solfège. Dans la République Française cinquième version, l'élection présidentielle est un non-événement qui a lieu à date fixe tant que le président en exercice ne meurt pas au cours de son mandat. Depuis Mitterrand, c'est donc au mois de Mai que les grenouilles se choisissent un roi.

Exorcisme s'il en est, puisque c'était aussi un mois de Mai que le président-général en exercice, se sentant menacé d'une révolution, avait fui en Allemagne (sans se faire rattraper à Varennes comme son illustre et maladroit prédécesseur royal) pour demander l'appui d'un général soudard spécialiste de l'écrasement des mouvements populaires. Mal lui en a pris, puisque la révolution de 68 avorta avant de naître et que ses commanditaires l'incitèrent à organiser un référendum perdu d'avance (grâce à la trahison programmée de son ministre des finances) pour le pousser à prendre sa retraite.

Ces temps ne sont plus ; ils ne reviendront pas. Les présidents ne sont plus des princes élus mais de simples administrateurs au service d'un État lui-même asservi aux puissances économiques propriétaires du monde. C'est ainsi que la France n'est pas devenue une monarchie républicaine, mais une société anonyme dirigée par un PDG aux ordres. D'ailleurs, le pouvoir politique est si peu puissant que son action se voit désormais notée par des agences comme un vulgaire employé de fastfood invité à faire preuve d'excellence pour avoir sa photo accrochée au tableau du meilleur travailleur. Pauvres leaders, qui ne guident plus rien. Le bon peuple est alors convié par intervalles à renouveler sa marionnette dirigeante, dans une mise en scène des petites différences opposant les candidats en lice. Comme on peut le remarquer, chacun des impétrants se revendique le plus démocrate, tout en essayant de se démarquer des autres par quelque promesse qu'il n'est même pas obligé de tenir. A cette occasion, la démocratie de marché (autre nom des conseils d'administration d'une zone géographique dans le capitalisme mondial) s'affiche médiatiquement comme marché de la démocratie, où, ainsi que c'est l'usage dans tous les supermarchés, chaque marchandise se prétend tour à tour la meilleure et toutes se ressemblent dans leur médiocrité.

Les élections se présentent à la manière d'une vente aux enchères précédée d'une campagne publicitaire où chaque prétendant fait son boniment et les " experts " commentent le match. On peut dire que les programmes font alors office d'enrobage, comme ces friandises industrielles qui ne diffèrent que par leur forme et leur couleur, et qui ont en commun de n'avoir aucune saveur hors du goût qu'on est supposé leur trouver. Les baratins servant d'arguments publicitaires sont à destination des uns et des autres pour les faire adhérer à la même soumission au système qui administre leur sujétion. Il y en a qui aiment le sucré, d'autres la couleur chocolat, cependant tous en croquent. Car l'important n'est pas le goût du pudding mais de le manger.

Lorsque tout est devenu marchandise, jusqu'à l'air qu'on respire (dont on vend des actions sous forme de droits de polluer), il n'est pas étonnant que les élections présidentielles tiennent à la fois de la réclame pour yaourt, des courses de lévriers ou de la promotion pour excursions touristiques. Les offices de sondages font partie du dispositif qui attribuent aux uns et aux autres une cote dont le résultat sera le gros lot remporté par un seul. Le second tour de l'élection fonctionne ainsi à tous les coups comme la finale d'une coupe de football, et l'un des camps descendra dans la rue crier " on a gagné ", sans que personne n'ait mis en question le fait que cette opération ait un quelconque rapport avec la démocratie. Évidemment, dans tous les cas de figure, comme quand on joue à la roulette, c'est le casino qui gagne.

Dans la même mesure où ce non-événement est réellement sans importance quant à l'administration de la société, dont les véritables maîtres se fichent bien de savoir quelles galipettes font les guignols qui font semblant de la diriger, sa fonction essentielle consiste sans doute à faire participer les " citoyens " à leur servitude volontaire. Parmi toutes les méthodes pour passionner le débat, il en est une qui a fait le délice de ceux qui s'affichent comme les meilleurs manieurs de bâton, c'est de faire peur. On crie au loup pour assurer les trouillards qu'on sera là pour les défendre. Les moutons effrayés n'ont d'autre hâte que de se soumettre aux directives de leurs bergers, sous la garde des chiens. Selon les obsessions des uns ou des autres, les épouvantails varient : du banquier rapace au bohémien voleur, en passant par le coupeur de gorge et le violeur d'enfants, les caricatures des méchants sont agitées à bout de bras pour souligner combien est gentil celui qui tient l'affiche.

Rien n'est plus profitable encore, pour ceux qui commandent aux pandores, que la peur du méchant absolu : le terroriste. Il n'est donc pas très étonnant que cette période de mise en scène soit propice aux crimes publics des fanatiques en tous genres. Peu importe les commanditaires, puisque leur action, en définitive, sert toujours l'État. Que le tireur soit un gamin déboussolé, un provocateur des services secrets ou un agent ennemi, ne change rien à l'usage qui est fait de l'émotion réelle des gens face aux images horribles qu'on leur présente. Le sentiment de terreur renforce toujours la soumission au chef. En l'occurrence, s'agissant de la société, c'est l'État. Car, au bout du compte, quel que soit l'élu comme chef de l'État, il sera garant de la continuité du système dont il participe.

Certes, on peut détester la tronche de l'un et préférer celle d'un autre dans les photos officielles, mais ceux qui ont trempé leur pain dans la soupe électorale sont supposés accepter d'avance qu'il y ait un président pour présider à leur destinée de " citoyens ". Ce faisant, ils abdiquent d'avance de leur souveraineté. C'est le sens de la signature qu'on leur demande sur le registre du vote. Mais où et quand a-t-on débattu de la nécessité de ce système ? Selon quelle logique est-il obligatoire qu'une majorité artificiellement dégagée par un choix à deux alternatives impose quoi que ce soit à la minorité ? Quand les Chinois manifestaient place Tien An Men contre le pouvoir de la République Populaire Démocratique, j'avais demandé à des amis pékinois quel était le sens du mot que les manifestants utilisaient, évidemment différent de celui qui désignait le pouvoir, pour revendiquer la " démocratie " , ils m'ont répondu que les caractères employés avaient pour signification : " pouvoir des minorités ". C'était très loin des commentaires qu'en ont fait les experts de chez nous pour nous faire croire que notre système politique était tellement meilleur qu'on était prêt à mourir pour en bénéficier. Il en va de même des révolutions qu'on a appelées " printemps arabe ", dont rien ne permet de dire que le résultat électoral, mettant au pouvoir de nouveaux dirigeants qui seront peut-être pires que ceux d'avant, ne soit pas la trahison des motivations de ceux qui se sont insurgés contre la dictature. Les vraies questions qui se posent aux hommes quant à leur façon de décider ensemble des conditions de leur vie quotidienne n'apparaissent évidemment jamais dans les discours et les images véhiculées par les médias, pour la simple raison que ces questions, pour les maîtres du monde, n'ont pas lieu d'être. Car les réponses sont simples, mais ne leur plaisent pas.

L'indignation, certes, ne les effraie pas outre mesure, à condition qu'elle s'en tienne à des exclamations et surtout, de ne pas affirmer que tout peut changer, ici et maintenant, sans passer par des intermédiaires. A savoir comment, ce n'est pas à dire sur les médias.

Pour un soutien au combat du peuple grec
et pour une libération immédiate des manifestants emprisonnés

Non, bien que dramatique, ce qui se déroule en Grèce n'est pas une catastrophe. C'est même une chance. Car le pouvoir de l'argent a, pour la première fois, dépassé allègrement le rythme jusque-là progressif, méticuleux et savamment organisé de la destruction du bien public et de la dignité humaine. Et ce, sur une terre aussi réputée pour sa philosophie de vie aux antipodes du modèle anglo-saxon que pour sa résistance inlassable aux multiples oppressions qui ont tenté de la mettre au pas. Le Grec ne danse pas et ne dansera jamais au pas de l'oie ni en courbant l'échine, quels que soient les régimes qu'on lui impose. Il danse en levant les bras comme pour s'envoler vers les étoiles. Il écrit sur les murs ce qu'il aimerait lire ailleurs. Il brûle une banque quand elle ne lui laisse plus les moyens de faire ses traditionnelles grillades. Le Grec est aussi vivant que l'idéologie qui le menace est mortifère. Et le Grec, même roué de coups, finit toujours par se relever.
Oui, l'Europe de la finance a voulu faire un exemple. Mais dans sa hargne à frapper le pays qui lui semblait le plus faible dans la zone Euro, dans sa violence démesurée, son masque est tombé. C'est maintenant, plus que jamais, le moment de montrer du doigt à tous son vrai visage : celui du totalitarisme. Car il s'agit bien de cela. Et il n'y a qu'une seule réponse au totalitarisme : la lutte, tenace et sans concession, jusqu'au combat s'il le faut, puisque l'existence même est en jeu. Nous avons un monde, une vie, des valeurs à défendre. Partout dans les rues, ce sont nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos parents, qui sont frappés sous nos yeux, même éloignés. Nous avons faim, froid, mal avec eux. Tous les coups qui sont portés nous blessent également. Chaque enfant grec qui s'évanouit dans sa cour d'école nous appelle à l'indignation et à la révolte. Pour les Grecs, l'heure est venue de dire non, et pour nous tous de les soutenir.
Car la Grèce est aujourd'hui à la pointe du combat contre le totalitarisme financier qui partout dans le monde détruit le bien public, menace la survie quotidienne, propage le désespoir, la peur et la crétinisation d'une guerre de tous contre tous. Au-delà d'une colère émotionnelle qui se défoule en détruisant des symboles d'oppression se développe une colère lucide, celle de résistants qui refusent de se laisser déposséder de leur propre vie au profit des mafias bancaires et de leur logique de l'argent fou. Avec les assemblées de démocratie directe, la désobéissance civile, le mouvement " Ne payons plus " et les premières expériences d'autogestion, une nouvelle Grèce est en train de naître, qui rejette la tyrannie marchande au nom de l'humain. Nous ignorons combien de temps il faudra pour que les peuples se libèrent de leur servitude volontaire mais il est sûr que, face au ridicule du clientélisme politique, aux démocraties corrompues et au cynisme grotesque de l'Etat bankster, nous n'aurons que le choix - à l'encontre de tout affairisme - de faire nos affaires nous-mêmes.
La Grèce est notre passé. Elle est aussi notre avenir. Réinventons-le avec elle !
En 2012, soyons tous Grecs !

La démocratie républicaine est construite sur la représentativité de ses élus, au scrutin majoritaire. Mais il n'y a pas de majorité pour gouverner le pays. C'est le système électoral qui en fabrique artificiellement une, qui ne représentera en fait, qu'une petite minorité. Ainsi, étant donné que la moitié des électeurs ne sont pas convaincus par le candidat pour lequel ils votent, celui qui arrive en tête au premier tour ne représente donc, qu'environ 15 % des suffrages exprimés, qui eux-mêmes ne représente qu'environ 75 % des inscrits, sans oublier les 15 % de non inscrits. Au bout du compte, le candidat en tête se retrouve à ne représenter qu'environ 10 % de la population. Une personne sur dix fera une majorité fictive, qui décidera de tout. Ce système fait comme si la démocratie fonctionnait encore. Ayant largement fait la preuve de sa non-représentativité, il n'est plus ni crédible ni défendable.

N'étant pas représentatif, nos élus ne se considèrent pas comme mandatés par le peuple, mais comme étant mis en place dans un "job" qu'ils feront comme ils voudront. Comme dans n'importe quelle entreprise, ces cadres de l'État, spécialistes en gestion, ne pensent qu'à leur carrière. Ils ne nous représentent pas, ils ne représentent qu'eux-mêmes. N'étant pas révocables les élections leur donnent carte blanche. Ceci leur permet de promettre n'importe quoi, car ils savent qu'une fois élus, ils seront libres de faire ce qu'ils veulent. Même les référendums n'ont plus aucune incidence sur leurs décisions. Quant aux partis qui veulent rendre le pouvoir au peuple, certains se souviendront que ce slogan s'est trop souvent changé en "tout le pouvoir au parti", avec les conséquences que l'on connaît.

On voudrait nous faire croire que choisir son maître, c'est la liberté. Pourtant, ce maître n'est que le gérant du marché, le gestionnaire des affaires, le bureaucrate en chef, le chien de garde du système que l'on choisit parmi les moralistes, les démagos, les hypocrites, les malhonnêtes, les menteurs, les magouilleurs et les manipulateurs, les escrocs et les truands. On élit celui qui nous imposera les directives des technocrates européens, eux-mêmes aux ordres des mafias financières à dominante américaine, installant le contrôle et la maîtrise du système pour les meilleurs profits d'un groupuscule de grands bourgeois et quelques aristocrates des trafics financiers de grande envergure. Les élus ne nous représentent pas, mais seulement les intérêts de cette caste dominante, instaurant la dictature des affaires et des trafics en tout genre.

"La gangrène se propage dans un système livré à lui-même, sans réelle gouvernance, qui impose les contraintes implacables nécessaires aux affaires mafieuses de financiers multimilliardaires, libres de piller tout ce qu'ils trouvent, tels des charognards dévorant ce qui reste d'un monde en décomposition.
Le spectacle, qui n'est rien d'autre que la vision publicitaire du monde marchand sur lui-même, ne parle que de crise économique, doublée d'une récession sociale, pour mieux faire disparaître cette gigantesque rafle des richesses par quelques accapareurs au dessus des lois, au-delà du visible, qui provoquent la ruine progressive du système.
Le pire est à venir. La peur de l'avenir n'est que l'expression de l'incertitude du devenir des capitalistes qui n'ont plus de futur. Tous ceux qui n'ont plus grand-chose à perdre ont tout à espérer d'un nouveau monde émergeant par nécessité. Ce qui nous arrive n'est pas un accident de parcours, mais bien l'aboutissement du capitalisme, l'achèvement d'un monde suicidaire."

(L'INVENTION DE LA CRISE, escroquerie sur un futur en perdition, aux Éditions L'Harmattan, 2012)

Pour en finir avec une survie de plus en plus insupportable, il s'agit maintenant de refaire un monde sans le monde des affaires, de reprendre le pouvoir sur nos conditions d'existence et construire ensemble par une démocratie directe à taille humaine avec des mandataires révocables, l'autogestion généralisée de la vie par tous et partout.

" Jamais un groupe d'intérêt aussi puissant que celui qui s'est constitué autour de la finance ne renoncera de lui-même au moindre de ses privilèges, seule peut le mettre à bas la force d'un mouvement insurrectionnel - puisqu'il est bien clair par ailleurs qu'aucun des partis de gouvernement, nulle part, n'a le réel désir de l'attaquer. "
Frédéric Lordon
Les gouvernants tentent de sauver les apparences en ruinant un peu plus l'avenir. Ils voudraient nous faire croire qu'ils peuvent encore tout sauver, alors que tout semble déjà compromis. Taxer les transactions financières ne servirait à rien car cela les ferait disparaître dans l'illégalité. La plupart des flux financiers internationaux sont invisibles, non taxables, non imposables, non contrôlables. Ils transitent de gré à gré via des paradis fiscaux. Tout au long de la crise, plus de 14 000 milliards de dollars ont été empruntés au futur, et devront être remboursés par les populations.
Aucune mesure efficace n'a été prise pour contrôler les fonds spéculatifs, ni pour réguler l'évasion fiscale. Les puissances financières dictent leur loi et imposent aux populations toujours plus d'austérité et de régression, afin d'augmenter sans fin leurs profits démesurés. Avec la mondialisation et l'informatisation générale du système, l'aristocratie financière s'est accaparé, avec l'aide des États, tous les pouvoirs sur la société devenue planétaire.
Il y aurait actuellement plusieurs millions de milliard de Dollars de transactions financières spéculatives sur le marché des changes et produits dérivés de gré à gré. Un trou noir de dettes sans fin qui représente des volumes entre vingt et cinquante fois le PIB mondial, et peut-être bien plus car la grande majorité de ces transactions s'effectuent par l'intermédiaire de plusieurs paradis fiscaux et judiciaires, rendues ainsi indétectables. Ces spéculations démesurées échappent de la sorte à tout contrôle et à toute comptabilité.
Les ultra-riches, trafiquants mondiaux de la haute finance toute puissante, utilisent la crise qu'ils ont provoquée pour désindustrialiser l'occident, détruire l'Europe pour se l'approprier, appauvrir les classes moyennes et prolétariser toutes les couches de population, excepté leur petite caste de quelques centaines de d'usurpateurs qui profitent du trouble pour rafler tout ce qui peut-être ramassé. Ils appellent ça la révolution finale. Ils ne veulent ni stabilité ni prospérité ni autosuffisance, mais un contrôle généralisé des populations appauvries. Ils veulent que vous soyez entièrement occupés à travailler pour les plus puissantes des multinationales, et complètement préoccupés à essayer de survivre sans jamais défier leur pouvoir absolu sur le monde.

Barack Obama compare la situation actuelle à un " Armagedon financier ", terme biblique mentionné dans le livre de l'Apocalypse, c'est un lieu symbolique du combat final entre le Bien et le Mal, batailles catastrophiques d'ampleur planétaire. La crise c'est la guerre ouverte de la haute bourgeoisie, seul maître de la finance mondiale, contre toutes les autres couches de la population, y compris la petite bourgeoisie qui paye déjà le prix de la récession économique, qui n'en n'est pourtant qu'à ses débuts.
Cette aristocratie financière ne se laissera pas contrôler par des États esclaves de leurs dettes, emprunts dont elle est elle-même le créditeur, et se battra jusqu'au bout pour défendre ses privilèges sans limite, car elle en a les moyens, tant que le système fonctionne encore, un tant soit peu.
Après avoir donné toutes les libertés aux trafiques financiers, hors de tout contrôle, les États ont pu volontairement s'endetter à des taux prohibitifs, auprès de ces mêmes financiers, ce qui les a placé en position de dépendance envers leurs créditeurs. Maintenant proches de la faillite, les États ont perdu leur pouvoir de décision, dépendant du bon vouloir des agences de notation, qui ne sont en fait que des instruments aux mains de la haute finance. La menace d'une faillite généralisée oblige les États à imposer une politique d'état d'urgence, balayant la démocratie parlementaire au passage, appliquant une dictature mondiale qui instaure cette nouvelle forme de capitalisme financier, construit sur l'illusion d'une crise perpétuelle.
Tout espoir de reprise économique mondiale significative et durable s'est dorénavant évanoui. Il n'y a effectivement pas d'alternative à la récession si l'on reste soumis à l'emprise des marchés financiers où certains gagnent des fortunes en spéculant sur les dettes, et en pariant sur la confusion et l'incertitude. Les dettes des États sont des inventions conçues pour que les dettes des banques deviennent les dettes des populations. La réalité de la crise est une réalité virtuelle conçue pour faire accepter l'état d'urgence, décrété pour généraliser la soumission volontaire aux nouvelles contraintes indispensables à la restructuration du capitalisme financier triomphant.
Comme une nouvelle guerre virtuelle contre un ennemi invisible, la crise mondiale nous menacerait, la nation serait en péril, des mesures exceptionnelles sont prises pour sauver le pays, les droits et les libertés peuvent être restreints, l'unité de la nation contre le spectre de la crise est devenue obligatoire. La " règle d'or " est le mot d'ordre d'État auquel tout le monde doit se plier, afin d'accepter sans concession l'austérité généralisée et la récession autodestructrice.

Le monde objectif tel que nous croyons le percevoir est notre invention, car il dépend de notre point de vue sur la situation. Percevoir avec les yeux du spectacle de l'économie c'est déjà construire la réalité de l'état d'urgence, avec ses impératifs et ses restrictions. Sans jamais avoir conscience que notre façon de voir le monde dépend du point de vue que l'on a adopté au départ, on considère donc comme allant de soi que tout le monde doit voir les choses de cette façon.
Nos modèles économiques de perception déterminent nos représentations du monde, ainsi que les prévisions catastrophiques que nous projetons dans cette réalité en crise. Une vérification de nos représentations est ainsi prise pour une vérification réelle et réussie dans ce monde concrètement inventé. Le fait même de porter une information sur le futur dans le présent, est une prédiction qui engendre une réalité nouvelle en modifiant la perception du présent. L'inconnu du futur est interprété sur le modèle des prévisions projetées, et c'est cet autoréférencement qui permet de construire une vérité à toute épreuve. L'objectivité dépend de l'objectif fixé.
Dès que l'on prend des suppositions pour des données établies et vérifiées, l'idée même de les remettre en question n'est plus accessible. Tout système de croyance, une fois accepté et incorporé au système, est posé comme étant irréfutable, car il se vérifie par lui-même. L'incertitude de la connaissance est alors remplacée par la certitude de la croyance.
Une supposition que l'on croit vraie crée la réalité que l'on a supposée. La prédiction engendre la réalité qui va la générer, la solution finale crée le problème présent, la catastrophe crée la crise. L'important, dans le fait d'accepter un point de vue comme une réalité telle qu'on se l'est présentée, c'est que l'on considère, non seulement ce point de vue, mais aussi tout le reste, en fonction de cette acceptation.
" Accepter une croyance et l'intégrer dans une conception du monde, c'est perdre la capacité de revenir en arrière et de la remettre en question. "
Gabriel Stolzenberg, L'invention de la réalité
La crise inventée et répandue en continu par les organes de pression du spectacle dominant, devient véritablement réelle seulement si celui qui la perçoit croit aveuglément à cette invention. Une prédiction perçue comme une hypothèse ne peut plus se vérifier d'elle-même. C'est alors que la possibilité de remettre en cause le point de vue dominant, de désobéir et de jouer un jeu tout autre, peut devenir réalisable. L'hérétique a donc toujours la possibilité de choisir, ce qui lui permet de vivre comme bon lui semble de manière autonome, utilisant les situations à son avantage tout en s'auto-organisant et s'émancipant avec les autres.

Peux-tu nous donner une idée de ce qui est discuté dans les assemblées ou en dehors des assemblées, des idées générales qui circulent ?
Les gens discutent de toute sorte de choses. Par dessus tout :
1) de questions pratiques particulières concernant les occupations. C'est-à-dire comment s'organiser pour les tentes, la nourriture, le reste du matériel ; comment organiser les assemblées (généralement avec un facilitateur, avec consensus, ou " consensus modifié " : le soutien de 90 % de l'assemblée est nécessaire pour passer une proposition) ; comment réagir face à la répression ou harcèlement policier ; comment réagir face aux exigences de la municipalité sur le respect de différents règlements, etc.
2) des questions externes de politique : est-ce qu'il faut manifester ou tenir des piquets devant telle banque ou telle entreprise, est-ce qu'il faut intervenir en soutien sur certaines questions (concernant l'économie, les SDF ou prisonniers, l'environnement, les guerres et une centaine d'autres questions) ?

Est-ce que la référence aux mouvements arabes est présente ?
Bien sûr, le Printemps arabe est vu comme l'une des inspirations majeures, ainsi que certaines des occupations menées en Europe, notamment en Grèce et en Espagne. Mais le mouvement s'appuie principalement sur ses propres expériences : l'exemple d'une occupation conduite dans une ville américaine, une fois propagé presque instantanément via Facebook et YouTube, peut être imité dans cent autres. Cela concerne aussi bien les slogans et les pancartes, qui font preuve d'une créativité comparable aux graffitis de mai 1968, que les tactiques et stratégies.

Tu prônes la désobéissance civile. Qu'entends-tu par là ?
C'est ce qui se passe en Grèce, en Espagne, en Tunisie, au Portugal. C'est ce que résume le titre de mon pamphlet écrit pour des amis libertaires de Thessalonique, L'État n'est plus rien, soyons tout. La désobéissance civile n'est pas une fin en soi. Elle est la voie vers la démocratie directe et vers l'autogestion généralisée, c'est-à-dire la création de conditions propices au bonheur individuel et collectif.
Le projet d'autogestion amorce sa réalisation quand une assemblée décide d'ignorer l'État et de mettre en place, de sa propre initiative, les structures capables de répondre aux besoins individuels et collectifs. De 1936 à 1939, les collectivités libertaires d'Andalousie, d'Aragon et de Catalogne ont expérimenté avec succès le système autogestionnaire. Le Parti communiste espagnol et l'armée de Lister l'écraseront, ouvrant la voie aux troupes franquistes.
Rien ne me paraît plus important aujourd'hui que la mise en œuvre de collectivités autogérées, capables de se développer lorsque l'effondrement monétaire fera disparaître l'argent et, avec lui, un mode de pensée implanté dans les mœurs depuis des millénaires.

La résistance se poursuit à Liberty Square et Nationwide !
38 000 travailleurs de syndicats de New York ont voté pour prendre part à la grande manifestation qui se déroule chaque jour à Wall Street. Plus de 700 pilotes d'avion se sont déjà joints à la manifestation. Bientôt des milliers de travailleurs vont se joindre aux manifestants déjà installés à Wall Street depuis plusieurs jours maintenant.
"Nous sommes un mouvement de personnes qui protestent contre l'injustice sociale et économique croissante dans ce pays. Depuis la crise financière, le gouvernement a veillé à maintenir le statu quo et laisser les gens qui ont causé cette crise s'en tirer librement, faisant en sorte que le peuple de ce pays paient le prix, en particulier les personnes les plus vulnérables. Ce que nous avons en commun est que nous sommes les autres (99%), que nous voulons que l'humain prime sur le profit, que nous faisons entendre nos voix contre la cupidité et la corruption, et pour une société juste et démocratique.
Un changement révolutionnaire est en cours en ce moment dans le monde, il est de bon augure pour l'avenir."

Déclaration de l'occupation de New York City (extraits)
Nous rassemblons en solidarité pour exprimer un sentiment d'injustice de masse.
Comme un seul peuple, uni, nous reconnaissons que l'avenir de la race humaine exige la coopération de ses membres, que notre système doit protéger les droits de chacun, et non la corruption de quelques uns, qu'il n'y pas de démocratie véritable lorsque le processus est déterminé par l'économie au pouvoir.
Ils ont vendu notre vie privée comme une marchandise.
Ils ont utilisé la force militaire et policière pour empêcher la liberté de la presse.
Ils déterminent la politique économique, malgré les échecs catastrophiques que leurs politiques ont produit et continuent à produire.
Ils ont donné de grosses sommes d'argent aux politiciens censés les réglementer.
Ils délibérément maintenu les gens dans l'ignorance et la peur par leur contrôle des médias.
Pour les gens du monde, nous, les New York City Assemblée générale, qui occupons Wall Street, nous vous invitons à affirmer votre pouvoir. Exercez votre droit de vous assembler paisiblement, d'occuper l'espace public, de créer un processus pour résoudre les problèmes auxquels nous faisons face, et de générer des solutions accessibles à tous, dans l'esprit de la démocratie directe.
Faites entendre votre voix !

"Depuis deux semaines, à New York, les manifestations et occupations de parcs se multiplient.
La manifestation avait débuté(le 02/09/11) dans l'après-midi à Liberty Plaza, dans le quartier de la finance, où campent depuis deux semaines des militants du mouvement "Occupy Wall Street".
Les manifestants arboraient des pancartes pour "en finir avec la Fed", la Réserve fédérale, ou à braquer des "bombes au poivre sur Goldman Sachs", cette banque d'investissement new-yorkaise sur le grill depuis son rôle dans la crise des "subprimes", qui a déclenché une crise économique et financière planétaire.
La veille, vendredi, 2000 personnes avaient pris la rue pour fustiger les pratiques des banques. A Boston, ils étaient 3000, au même moment, regroupés au sein de la coalition "Droit à la ville" ("Right to the city"), en partie inspiré d'un mouvements anarcho-écolo-protestaire britannique, Reclaim the streets, ou des TAZ, des zones autonomes temporaires, théorisées par Hakim Bay, tous dans un désir de "fertilisation croisée des luttes"..." (Libération)

Le réveil en amérique (Bureau of public secrets)

On vit ainsi l'Egypte et l'Arabie saoudite se combattre sur le théâtre yéménite, puis une "guerre des ombres" déchirer les deux branches du parti Baas, installées au pouvoir à Damas et Bagdad.

La campagne de libération du Koweït, à laquelle l'Egypte d'Hosni Moubarak et la Syrie d'Assad père participèrent en 1991, sous l'égide des Etats-Unis, sanctuarisa les frontières héritées de la colonisation. Mais les cliques dirigeantes profitèrent de cette consolidation du cadre étatique pour mettre en coupe réglée leurs apanages respectifs. L'avidité relativement contenue des pères fondateurs de chacun de ces régimes ne connut plus de frein avec l'avènement d'une génération d'héritiers, aussi pressés que voraces. L'imbrication entre le parti hégémonique et les services de sécurité était d'autant plus incestueuse que le discours politique tournait à vide, masquant de moins en moins le pillage des ressources nationales.

La Libye du colonel Kadhafi était le modèle le plus achevé de cet arbitraire absolu, puisque le Guide avait abandonné toute responsabilité institutionnelle pour mieux se forger un système à sa mesure. La fiction d'un "pouvoir des masses", supposée irriguer la Jamahiriya libyenne, valait en fait blanc-seing aux sinistres "comités révolutionnaires" dans l'oppression quotidienne de la population. Le dictateur de Tripoli, qui cachait ses talents de manoeuvrier sous ses foucades médiatisées, était ainsi parvenu à surpasser tous ses pairs despotes, avec plus de quarante et un ans de pouvoir sans partage. Cette résilience lui valait force inimitiés et son seul véritable allié arabe était le président tunisien Ben Ali.

C'est pourquoi Kadhafi a publiquement menacé la révolution tunisienne dès sa victoire du 14 janvier 2011. Les nostalgiques du bénalisme savaient pouvoir compter sur l'appui agressif de la Jamahiriya, et même les militaires égyptiens s'alarmaient des visées contre-révolutionnaires de leur voisin libyen sur leur territoire.

La chute du régime de Tripoli lève donc une hypothèque grave à l'encontre des expériences tunisienne et égyptienne, elle permet surtout au peuple libyen de renouer avec sa propre histoire, suspendue par le putsch du Guide en 1969. C'est sous le "drapeau de l'indépendance" que la rébellion a combattu, non pas pour restaurer l'ancien régime monarchique, mais pour rétablir la nation libyenne face au tyran qui l'a spoliée.

L'intifada démocratique résiste aux menées répressives des différents régimes par sa capacité à mobiliser, non pas des "masses" abstraites, mais des communautés concrètes, vivaces et enracinées. D'où l'embarras des observateurs face à des coalitions instables de partis et de syndicats longtemps clandestins, d'associations citoyennes, de tribus pugnaces, de confréries religieuses, d'exilés patriotes et d'assemblées villageoises. D'où la recherche aussi vaine que fréquente d'un "chef", d'un "leader" à opposer au dictateur déclinant ou déchu.

La révolution arabe n'a que faire d'un dirigeant charismatique, ses héros et ses références sont des sans-grade, à l'image de Mohammed Bouazizi, le vendeur à la sauvette de Sidi Bouzid, dont l'immolation a enflammé le monde arabe.

Dans cette protestation populaire, la jeunesse, en arabe les chebab, joue partout un rôle moteur. Plus éduquée et mieux formée que la génération précédente, elle souffre cruellement de voir son horizon bouché par le népotisme et la violence de la caste dirigeante. Cette centaine de millions de jeunes Arabes partage sur les chaînes satellitaires ou les réseaux sociaux ses rêves, ses slogans et ses musiques. Grandie à l'ombre d'un même autocrate (ou de son fils), elle est en première ligne des manifestations de rue et elle paie un tribut exorbitant à la répression. Le défi est considérable pour l'intifada démocratique, car il ne s'agit rien de moins que de reconstruire par le bas une nation ravagée et humiliée par les brigandages du régime.

Pour accomplir une oeuvre aussi immense, la contestation arabe ne peut faire l'impasse sur aucune énergie, et cette démarche d'intégration nationale concerne aussi la mouvance islamiste, dont la seule certitude est qu'elle est partout minoritaire, hétérogène et réactive. Confronté à un tel défi, le régime tente systématiquement de diviser pour continuer de régner, il joue les régions, les tribus, les confessions les unes contre les autres, comme on l'a vu en Libye, au Yémen ou en Syrie, dans l'espoir de se poser en ultime recours.

Seuls les groupuscules djihadistes, paniqués par cette vague démocratique qui les prive de discours comme de programme, acceptent d'entrer dans le jeu dévastateur d'un pouvoir aux abois, lui fournissant par leurs provocations armées des arguments de circonstance.

On a entendu ainsi Mouammar Kadhafi, Ali Abdallah Saleh et Bachar Al-Assad agiter l'épouvantail d'Al-Qaida et de la subversion djihadiste pour justifier leur refus de toute concession. Ce n'est que la variation la plus récente de l'antienne sur "la dictature ou l'islamisme", qui a tant servi ces autocrates à leur zénith, et elle trouve paradoxalement plus d'écho désormais dans les opinions occidentales que dans les sociétés concernées. Elle ne suffit plus à enrayer la montée du refus populaire et la diffusion de la dissidence citoyenne.

La dernière carte du dictateur acculé est, dès lors, la plus infâme : la guerre civile, déchaînée pour terroriser, punir et mater le peuple qui a osé lui résister.

C'est ainsi que Kadhafi, effaré par les succès de la révolution en Tripolitaine (à Misrata, à Zaouïa ou dans la capitale), invente la fable de la confrontation entre l'ouest et l'est de la Libye, le tout pour mieux écraser ses opposants sur l'ensemble du territoire.

Nous sommes alors à la fin de février et il faudra attendre trois longues semaines pour que l'intervention de l'OTAN sauve in extremis Benghazi et le coeur de la révolution libyenne.
Nul ne saura jamais si une intervention anticipée aurait pu écourter six mois de ruines et de souffrances. Mais il demeure indéniable que, même avec plus de sept mille raids aériens, l'action occidentale n'a joué qu'un rôle d'appui à une insurrection fondamentalement nationale.

Les autocrates, qui parient sur la guerre civile pour sauver leur trône, ne manquent pas de dénoncer en corollaire le "complot étranger", dans l'espoir de disqualifier la contestation populaire. Bachar Al-Assad est passé maître dans de tels effets de manche et cette propagande pernicieuse n'est pas sans effet sur une population encore traumatisée par les conséquences désastreuses de l'invasion américaine de l'Irak (plus d'un million d'Irakiens ont trouvé refuge en Syrie ces dernières années).

C'est pourquoi les comités de coordination, les tansiqiyyat, qui structurent le soulèvement intérieur en Syrie, sont catégoriques dans leur triple refus : non à la violence, non à la confessionnalisation et non à l'internationalisation. Par ce triple non, l'opposition syrienne s'efforce de désamorcer les manipulations du régime, qui mise sur la sédition communautaire et l'ingérence étrangère.

Au-delà des célébrations de la chute de Tripoli, le précédent de la révolution libyenne, du fait de la militarisation de son soulèvement comme de l'intervention occidentale, devrait donc rester une exception. Il en va de l'avenir de la révolution arabe, qui n'en est qu'à ses premières saisons.

" Au fil du temps, la production spectaculaire en série des assassinats d'Etat qui dévoilent les faux comparses et masquent les vrais commanditaires ; Kennedy, Aldo Moro, Sadate, Olaf Palme, Pierre Bérégovoy, Yann Piat, François de Grossouvre, Rabin, Rafic Hariri... a clairement prouvé que l'État était devenu le centre indistinct des espaces maffieux à mesure que la Mafia devenait, elle, l'espace central des Etats... " L'Internationale, "Critique de la société de l'indistinction".

Partout où règne le spectacle de la crise de l'économie politique, les seules forces terroristes véritablement organisées sont celles qui veulent le renforcement paranoïaque du spectacle de l'économie politique de la crise.

Les États ne combattent pas le terrorisme puisqu'ils en sont eux-mêmes le centre de manœuvre, de duplicité et de diffusion internationale. Ce sont eux qui le sécrètent et le font prospérer. De plus en plus et clairement tous les États, grands ou petits, commanditent, infiltrent, manipulent et utilisent les fractions, groupes et nébuleuses terroristes partout dans le monde pour défendre ou faire valoir leurs intérêts dans la faillite généralisée de la société de l'argent. Ce phénomène constitue un pur produit du spectacle de l'économie pourrissante, une des manifestations les plus criantes de l'inhumanité pathologique de l'ordre du profit. Mais le plus grand des terroristes c'est évidemment le gouvernement du spectacle planétaire qui profite ainsi d'un sentiment mondialiste d'insécurité, de peur et d'impuissance permanentes suscitées par ses propres actes de manipulation dans les populations pour se présenter comme le seul rempart possible contre la montée des attentats qu'il organise lui-même sous faux drapeau, à la fois pour le partage commercial des marchés et la soumission mentale des hommes.

Sven Olof Joachim Palme, était un homme politique socialiste suédois qui fut de 1968 à sa mort, dirigeant du parti social-démocrate du travail suédois. Il fut à deux reprises chef du gouvernement. Il mena toujours une politique de refus d'alignement sur les menées impérialistes de l'ordre américain notamment pendant la guerre du Vietnam et il s'opposa fermement durant la crise dite des euromissiles au déploiement des Pershing. Ami personnel d'Arafat, lui-même probablement mort empoisonné par des mains très cabalistiques, il défendit toujours la population palestinienne contre l'horreur du colonialisme israélien. L'enquête officielle concernant sa disparition conclut évidemment à la piste de l'assassin solitaire et déséquilibré. Ainsi, Olof Palme est mort mystérieusement assassiné le 28 février 1986 après qu'une piste kurde oblique qui remontait à Tel-Aviv n'ait jamais été exploitée qu'à l'envers. Depuis, la Norvège qui a toujours refusé d'entrer dans l'Euroland soumis à Washington a continuellement résisté à l'anathémisation du Hamas et a même demandé une enquête internationale sur l'abordage par Israël de la flotille turque humanitaire qui se rendait à Gaza tout en refusant qu'aient lieu dans ses eaux territoriales des exercices de sous-marins israéliens, construits par l'Allemagne.

Dans ces conditions, l'attentat d'Oslo et la tuerie de l'île d'Utoeya, qui ont coûté la vie à au moins 93 personnes viennent clairement dire que l'opposition norvégienne au projet de bouclier anti-missiles yankee et à la volonté d'OTANISER toujours plus le vieux continent est de moins en moins admise par l'ordre mondial de la marchandise. Méticuleusement préparé dans un tissu spectacliste d'extravagances, d'aberrations et de loufoqueries toutes plus fantastiques les unes que les autres par un franc-maçon illuminé et télépiloté, cette attaque sanglante dans le pays d'Europe le plus pro-palestinien vient là soudainement nous rappeler que dans le monde de la marchandise où toute réalité est systématiquement renversée, le vrai n'apparaît jamais que sous la forme du faux.
Il est bien entendu facile d'appliquer ici le principe Cui prodest ? dans un univers où tous les intérêts agissants de la tyrannie démocratique de la marchandise sont de plus en plus visibles et à mesure que la cinématographie terroriste s'épuise à tenter de les cacher. Depuis le grand mensonge du 11 septembre et toutes ses suites madrilènes et londoniennes, tout le monde - à condition de réfléchir par delà le despotisme du marché démocratique du fallacieux - peut enfin savoir que le terrorisme désormais règne en fait comme le modèle de toutes les entreprises étatiques les plus avancées.

Une clique de politiciens et de journalistes forme un essaim de guêpes autour de nous pour essayer de tirer profit de notre mouvement, pour imposer leur propre rationalité. Ils affirment que nous nous rebellons parce que notre gouvernement est corrompu ou parce que nous voulons avoir plus d'argent, plus de travail...
FAUX.

Si nous faisons éclater les vitrines des banques c'est parce que nous identifions leur argent à l'une des causes majeures de notre tristesse, si nous brisons les vitres des magasins ce n'est pas vraiment parce que la vie est chère, mais parce que la marchandise nous empêche de vivre, peu importe son prix de vente ! Si nous prenons d'assaut les commissariats, ce n'est pas seulement pour venger nos camarades morts mais parce qu'entre ce monde et celui que nous désirons, la police sera toujours un obstacle.

Nous savons que le moment est venu pour nous de penser stratégie. En cette époque impériale, nous savons que pour que cette insurrection soit victorieuse, il faut qu'elle s'étende au moins au niveau européen. Du passé, nous avons vu et nous avons appris, aux sommets du FMI ou du G7 ont répondu la rébellion des étudiants à l'échelle mondiale et les émeutes des banlieues françaises, ou le mouvement de lutte contre la TAV en Italie, la commune de Oaxaca, d'Algaradas, de Montréal. De la défense à l'offensive, comme à Copenhague, y compris ceux qui boycottent la Convention Nationale Républicaine aux États- Unis... Nés dans la catastrophe, nous sommes les enfants de toutes les crises : politique, sociale, économique, écologique. Nous savons que ce monde est déjà mort et qu'il faut être particulièrement dérangé pour s'accrocher à ses ruines... Et donc que l'option raisonnable, la seule, est l'auto-organisation.

Elle implique évidemment le rejet total de la politique de partis et d'organismes, car ils font partie du Vieux Monde. Nous sommes les enfants gâtés de cette société et nous ne voulons rien d'elle : c'est le dernier péché qu'ils ne nous pardonneront jamais.

Derrière les foulards noirs, nous sommes les enfants de la société. Et nous sommes organisés. Nous ne pourrions pas fournir autant d'efforts pour détruire le matériel de ce monde, ses banques, ses supermarchés, ses centrales de police si nous ne savions pas en même temps miner sa métaphysique, ses idéaux, ses idées et sa rationalité.

Ce qu'ils n'osent pas dire est que, tout simplement et dans le même processus, tout en assaillant et en dévastant cette réalité, nous expérimentons une plus haute forme de communauté, de participation, une plus haute forme d'organisation spontanée et joyeuse où apparaitront les bases d'un monde différent. Certains peuvent dire que notre révolte atteindra ses propres limites en ne parvenant à dépasser une pure et simple destruction. Cela serait effectivement le cas si, à côté des luttes de rue, nous n'avions pas prévu l'organisation nécessaire exigée par un mouvement de longue haleine : infirmeries préparées pour soigner nos blessés, logistique pour publier et ditribuer notre presse, notre radio, nos films, débrouillardise pour parvenir à se nourrir... A mesure que nous libérons un territoire de l'État et de sa police, nous devons l'occuper, le remplir et en transformer l'usage pour qu'il serve le mouvement. Pour que le mouvement n'arrête pas de s'amplifier.
Dans toute l'Europe, les gouvernements tremblent. Tous ne craignent pas forcément que cela arrive chez eux, mais ils n'aiment guère cette possible cause commune qu'offre l'insurrection grecque à toute la jeunesse occidentale, lui offrant ainsi un magnifique prétexte pour porter le coup de grâce à cette société mortifère.

Une révolutionnaire salue tous nos camarades du monde entier.

Lettre ouverte du 16 décembre 2008 des travailleurs d'Athènes à ses étudiants, dans le contexte des bouleversements sociaux qui ont suivi l'assassinat policier d'un jeune.
Notre différence d'âge et l'indifférence générale rendent difficile la discussion dans la rue, c'est pourquoi nous vous envoyons cette lettre.

La plupart d'entre nous ne sommes pas encore devenus chauves ou bedonnants. Nous avons fait partie du mouvement de 1990-1991 dont vous avez dû entendre parler. Tandis que nous occupions nos écoles depuis 30/35 jours, les fascistes tuèrent un enseignant parce qu'il avait outrepassé son rôle (qui était d'être notre gardien) et qu'il nous avait rejoint dans notre combat, passant de l'autre côté. Alors beaucoup d'entre nous rejoignirent la rue et ses émeutes. Bien que nous chantions à l'époque "Brûlons les commissariats !", nous n'envisagions même pas ce que vous faites si facilement aujourd'hui, à savoir les attaquer.

Ainsi vous nous avez dépassés, comme il arrive toujours au cours de l'histoire. Bien sûr, les conditions sont différentes. Dans les années 90, ils nous firent miroiter des perspectives de " succès personnel " et quelques-uns parmi nous eurent la bêtise d'y croire. Mais aujourd'hui, qui peut croire ces sinistres contes de fées ? A l'instar du mouvement étudiant 2006/2007; vous leur redégueulez en pleine face leurs mensonges.

Ce n'est qu'un début. Mais maintenant les bonnes mais difficiles questions se posent.

Nous allons vous dire ce que nous avons appris de nos luttes et de nos défaites (parce qu'aussi longtemps que ce monde ne sera pas le nôtre, nous serons toujours les vaincus) et vous pourrez vous servir comme vous le souhaitez de ces enseignements :

Ne restez pas seuls ; faites appel à nous ; contactez autant de personnes que possible. Nous ne savons pas comment, mais vous y arriverez certainement. Vous avez déjà occupé vos écoles et vous nous dites que la raison la plus importante est que vous n'aimez pas vos écoles. Très bien. Maintenant que vous les occupez, changez leur rôle. Occupez ces bâtiments avec d'autres. Faites que vos écoles soient les premiers lieux à accueillir des relations nouvelles.. De la même façon que vous n'avez pas peur d'attaquer leurs commissariats parce que vous êtes ensemble, n'ayez pas peur de nous appeler pour que nous changions nos vies tous ensemble : leur arme la plus puissante est de nous diviser.

N'écoutez aucune organisation politique (qu'elle soit anarchiste ou autre). Faites ce que vous pensez nécessaire. Faites confiance aux gens, pas aux idées et aux schémas abstraits. Ayez confiance en vos relations directes avec les gens. Ne les écoutez pas quand ils vous disent que votre combat n'a pas de contenu politique et qu'il devrait en avoir un. Votre combat est son contenu. Vous n'avez que ça et il ne tient qu'à vous de conserver cette avance. C'est seulement par ce biais que vous pouvez changer votre vie, à savoir vous-même et les relations avec vos camarades.

N'ayez pas peur de la nouveauté. Chacun de nous en vieillissant a des idées gravées dans le cerveau. Vous aussi, bien que vous soyez jeunes. N'oubliez pas cela. En 1991, nous avions senti l'odeur du nouveau monde et l'avions trouvé nauséabonde : on nous apprenait qu'il y a des limites à ne pas dépasser, que les destructions d'infrastructures ou les vols dans les supermarchés ne seraient pas tolérés... Or, nous avons produit tout cela, donc c'est à nous. De même que nous dans le passé, vous avez été élevés pour produire des choses qui ensuite ne vous appartiennent plus. Reprenons tout cela et partageons-le dans l'amitié et l'amour.

Raoul Vaneigem, juillet 2010 (extraits)

"Les vieilles idéologies politiques ont perdu leur substance et sont devenues des dépliants publicitaires dont les élus se servent pour accroître leur audience et leur pouvoir. La politique, qu'elle se veuille de gauche ou de droite, n'est plus qu'un clientélisme où les élus ont en vue leurs intérêts personnels et non ceux des citoyens qu'ils sont censés représenter. "

"Et devenir humain signifie se nier comme esclave du travail et du pouvoir pour affirmer son droit de créer à la fois sa propre destinée et des situations favorables au bonheur de tous."

"Plusieurs questions se posent avec une urgence que le déferlement des événements risque de précipiter. Je me garderai de fournir des réponses, qui, en dehors des conditions pratiques et des collectivités où elles vont se poser, risqueraient de tomber dans l'abstraction et l'abstraction, en tant que pensée coupée de la vie, ressuscite toujours les vieux monstres du pouvoir."

"En revanche, il nous est permis de tirer parti du choc que vont produire l'effondrement du système, la désintégration de l'État et la tentation de regarder plus loin que les frontières mesquines de la marchandise. Il faut s'attendre à un renversement de perspective. Au-delà du pillage éventuel des supermarchés, auquel risque de convier une paupérisation accélérée, beaucoup de consommateurs menacés d'exclusion ne manqueront pas de s'apercevoir que la survie n'est pas la vie, que l'accumulation de produits frelatés et inutiles ne vaut pas le plaisir d'une existence où la découverte des énergies et des biens prodigués par la nature s'accorde aux attraits du désir. Que la vie est ici, maintenant, et qu'entre les mains du plus grand nombre elle ne demande qu'à se construire et à se propager."

"L'argent n'est pas seulement en train de dévaluer, il est en passe de disparaître."
"Car l'effondrement de l'argent n'implique pas la fin de la prédation, du pouvoir, de l'appropriation des êtres et des choses. L'exacerbation du chaos, si profitable aux organisations étatiques et mafieuses, propage un virus d'autodestruction dont les résurgences nationalistes, les défoulements génocidaires, les affrontements religieux, les résurgences de la peste fasciste, bolchevique ou intégriste risquent d'empoisonner les esprits, si l'intelligence sensible du vivant ne remet pas au centre de nos préoccupations la question du bonheur et de la joie de vivre."

"La société à venir n'a pas d'autre choix que de reprendre et de développer les projets d'autogestion qui, de la Commune de Paris aux collectivités libertaires de l'Espagne révolutionnaire, ont fondé sur l'autonomie des individus une quête d'harmonie, où le bonheur de tous serait solidaire du bonheur de chacun."

"Comment nos adversaires arrivent-ils à leurs fins ? Souvent en instillant en nous une croyance absurde en leur toutepuissance. Ils stimulent ce réflexe de peur qui accrédite l'invincibilité du vieux monde, alors que celui-ci s'écroule de toutes parts. L'effet désastreux d'un tel dogme ne réside pas seulement dans la résignation et le fatalisme des masses, il anime aussi le courage désespéré qui fait monter à l'assaut, avec le sentiment d'aller à la mort dans un combat d'autant plus glorieux qu'il est vain."

"La meilleure sauvegarde consiste à ne pas entrer sur le terrain où l'ennemi nous attend et nous espère. Il connaît les moindres recoins du territoire quadrillé par la marchandise et par les habitudes comportementales qu'elle instaure (prédation, concurrence, compétition, autoritarisme, peur, culpabilité, fétichisme de l'argent, cupidité, clientélisme). En revanche, il ignore tout de la vie et de ses innombrables ressources créatrices.
Une précaution préliminaire consiste donc, pour notre salut, à éradiquer dans les assemblées toute forme et toute velléité de pouvoir et d'organisation autoritaire. La pratique de l'autonomie individuelle est un préalable à l'autogestion."

"Assez de faux débats, assez d'idéologies (...) tolérance pour toutes les idées, intolérance pour tout acte barbare. Notre seul critère, c'est le progrès humain, c'est la générosité du comportement, c'est l'enrichissement de l'existence quotidienne. Le droit à la vie garantit notre légitimité."

"L'avantage de collectivités locales soucieuses de décider de leur destinée, en accordant la priorité à l'instauration d'une vie authentiquement humaine, c'est que leur pratique implique le dépassement de l'émotion brute et suscite l'éveil d'une conscience poétique."
"Si recourir aux armes de l'ennemi prélude à une défaite programmée, la démarche inverse débouche aussi sûrement sur un autre type d'évidence : plus se propagera le sentiment que la vie et la solidarité humaine sont les seuls ferments d'une existence digne de ce nom, plus le malaise et le trouble saperont la détermination et le fanatisme qui animent les mercenaires du parti de la corruption et de la mort."

Le logo du FN est une copie conforme du logo du MSI.

La direction du MSI (Movimento sociale italiano) proclamait dans un article publié en août 1947 dans Rivolta ideale, organe officieux du parti : "Oui, nous sommes fascistes".

Il peut être parfois utile de se remémorer certains moments oubliés de l'histoire.

Les origines du Front National

En Italie, le mouvement le plus important a longtemps été le Mouvement social italien (MSI), fondé en 1946. Bien que se référant explicitement à Mussolini, le MSI a échappé à la sanction judiciaire visant la reconstitution du Parti national fasciste, et a connu une longue présence sur la scène politique italienne, obtenant en 1948 six députés et un sénateur, et remportant ensuite des résultats électoraux non négligeables, notamment au sud de l'Italie. Le MSI a renoncé progressivement à ses référents fascistes pour devenir en 1995 Alliance nationale, parti politique de droite plus modérée. L'aile dure du MSI l'a quitté pour fonder le Mouvement social - Flamme tricolore.

En Espagne, le fascisme est surtout assimilé aux mouvements politiques se réclamant du franquisme, comme Fuerza Nueva. L'idéologie franquiste exaltait une Espagne traditionaliste et antimoderniste, fondée notamment sur la religion catholique et le corporatisme. Elle doit beaucoup au départ à la Phalange fondée en 1933 dans la mouvance du fascisme italien.
Les tendances fascistes du Franquisme sont indéniables (parti unique, culte de la personnalité, censure et restriction des libertés individuelle, répressions et tribunaux spéciaux, 200 000 exécutions...). Franco, après avoir massacré les républicains, concentre tous les pouvoirs jusqu'à sa mort.

Le nazisme fut une des formes du fascisme ayant fait du racisme une doctrine d'État. Le programme national-socialiste prétendait avoir une dimension sociale, symbolisée par le rouge dans le drapeau. Les nazis témoignaient d'un réel souci des classes populaires : ils réorganisent les professions, créent des mutuelles et des prestations sociales, luttent contre le chômage, favorisent des loisirs et des fêtes pour les couches populaires. À ses débuts, Joseph Goebbels (serviteur d'Hitler) qualifiait ainsi le nazisme de " bolchévisme national ". " Et maintenant peuple, lève-toi, et toi, tempête, déchaîne-toi ".

Dès le lendemain de l'incendie du Reichtag (siège du parlement allemand), le 28 février 1933, Hindenburg signe un décret présidentiel " pour la protection du peuple et de l'État ", qui suspend les libertés individuelles et lance la chasse aux communistes. Dans la foulée, le gouvernement fait arrêter plus de 4 000 militants du Parti communiste d'Allemagne (KPD), dont son président Ernst Thälmann, ainsi que plusieurs dirigeants socialistes et intellectuels de gauche, au total plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le journaliste vedette Egon Erwin Kisch est aussi arrêté. Ces opposants sont internés dans les premiers camps de concentration nazis, essentiellement à Dachau. La peine de mort est introduite avec effet rétroactif. Ce décret qui marque la fin de la démocratie reste en vigueur jusqu'en 1945. En mai 1933, 20 000 livres sont brûlés sur la place de l'opéra à Berlin. Le ministère de la propagande régente et censure la presse écrite, la radio, le cinéma, l'art.

Cependant, Hitler, par pragmatisme politique, sera conduit à accepter les financements d'industriels inquiétés par la montée du communisme et à abandonner certaines revendications et à éliminer sans pitié les courants par trop " socialisants ". L'aile gauche du parti nazi disparait complètement, politiquement et physiquement, au cours de la nuit des Longs Couteaux en 1934 (environ un millier d'exécutions). La violence, la terreur de rue, la torture, exercée par la SA, essentiellement entre 1926 et 1933 a été précieuse dans la conquête du pouvoir et immédiatement après celle-ci, au prix de plusieurs centaines d'assassinats. Mais en 1934, elle est de moins en moins acceptable pour Hitler qui veut stabiliser son régime et qui a besoin de l'appui des partis conservateurs et de l'armée. Cette purge permet à Hitler de briser définitivement toute velléité d'indépendance de la SA, débarrassant ainsi le mouvement nazi de son aile populiste qui souhaitait que la révolution politique soit suivie par une révolution sociale. La nuit des Longs Couteaux assure à Hitler le soutien des milieux conservateurs traditionnels, des grands financiers et industriels, hostiles à des réformes sociales. "Le moment est venu pour la révolution nationale de venir à son terme et de devenir une révolution nationale-socialiste. [...] Il faut diriger le torrent de la révolution dans le lit tranquille de l'évolution. [...] Il faut surtout maintenir l'ordre dans l'appareil économique"(Hitler).
"Adolf est ignoble, il nous trahit tous. Il ne fréquente plus que des réactionnaires" (Ernst Röhm, dirigeant des SA)
Goebbels explique à la radio comment Hitler a empêché Röhm de renverser le gouvernement et de jeter le pays dans le chaos. L'homosexualité de Röhm est une des justifications de la purge.
"Malheur à qui rompt son serment en croyant servir la révolution par la rébellion." (Rudolf Hess)
"Quiconque est traître à la patrie ne doit pas être jugé d'après l'étendue de ce qu'il a fait mais d'après ce qu'il voulait faire. Celui qui se place sous le signe de la déloyauté, de l'infidélité à ses promesses les plus sacrées ne peut attendre rien d'autre que ce qui lui est arrivé " (Adolf Hitler)
"L'acte accompli par le Führer était un acte de juridiction pure. Cet acte n'était pas soumis à la justice, il était lui-même la justice suprême" (Carl Schmitt, Conseiller d'État)
La nuit des Longs Couteaux scelle pour quelques années l'alliance d'Hitler avec les milieux conservateurs et l'armée. L'initiative brutale d'Hitler les apaise, l'élimination des nazis révolutionnaires, rassure la droite sur les intentions du nouveau régime.
La purge témoigne de la manière fondamentalement chaotique et imprévisible avec laquelle Hitler gouverne. Elle envoie également un message clair à l'ensemble de la société : aucun Allemand, quel que soit son rang ou sa position, n'est à l'abri d'une arrestation ou d'une exécution s'il est perçu comme une menace pour le nouveau régime.

Le nazisme prétend être une idéologie totalitaire, cherchant à dominer et à contrôler tous les aspects de la vie des citoyens, embrigadés dès l'enfance dans toutes sortes d'associations maîtrisées par le Parti, qu'ils étaient destinés à servir. Le culte de la personnalité est sans doute un élément central du nazisme, en ce qu'il permet au chef du mouvement d'exercer un pouvoir sans limite. Le régime nazi s'est inspiré du fascisme, mais aussi du bolchévisme, adoptant le principe d'un parti unique constitué de militants professionnels, parmi lesquels il recrute des milices privées, les SA et les SS, enfin en organisant la toute puissante Gestapo dès la prise de pouvoir. Le nazisme réduit l'Histoire à une lutte des races et met en valeur l'homme nordique menacé par le métissage. Les nazis éliminèrent, ceux qu'ils considéraient comme malades, ou ceux qui étaient considérés comme atteints de maladies physiologiques ou de troubles mentaux. les nazis éliminèrent selon des procédés systématiques environ 6 millions de Juifs et un million de Tziganes. D'autres groupes sociaux subirent les déportations et les persécutions : communistes et autres marxistes, anarchistes, tsiganes, handicapés physiques ou mentaux, " asociaux ", homosexuels, catholiques, protestants...

Cette thèse raciale trouve son fondement dans le darwinisme social d'Herbert Spencer, donnant le droit du plus fort à l'éradication du plus faible comme naturel et transposable à la société humaine. Le nazisme est une variété de fascisme parmi d'autres, ayant la particularité d'avoir recours à un plan d'extermination systématique.

D'après Wikipédia
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Le Fascisme, le National-Socialisme des années 20 à 45

Le fascisme tente de se définir avant tout comme une religion. La crise du capitalisme plonge les masses dans une consternation, un désarroi, analogues à ceux que devaient éprouver leurs lointains ancêtres devant les forces déchaînées et incompréhensibles de la nature. Et comme la religion traditionnelle est usée jusqu'à la corde, et trop compromise par ses attaches avec les possédants, on fabrique à l'homme un ersatz de religion : c'est toujours le vieil opium : "Je crois en notre Saint-Père le fascisme" (Credo du Balilla) [en Italie]. Le fascisme exhume le culte de l'homme providentiel. D'habiles charlatans s'emploient à faire naître dans l'âme populaire le besoin obscur d'un Messie. "Nous espérons un sauveur qui nous tirera de notre misère, mais nul ne sait d'où il viendra" (le grand patron Thyssen, en 1922, cité par G. Raphaël, in Krupp). Goering déclare Hitler "infaillible". Rudolf Hess s'écrie "Chacun sait que le Führer a toujours eu raison et qu'il aura toujours raison". Farinacci et quelques autres en Italie "tissent un mythe" autour de Mussolini "promu au rang d'un demi-dieu" (selon Sforza). La revue Milizia fascista donne cette consigne : "N'oublie pas que le Dieu d'Italie, c'est le Duce". (Temps, décembre 1933).

A ce culte, le fascisme superpose celui de la patrie. Le chef apparaît comme l'incarnation de la nation : servir la patrie, c'est servir le chef aimé. En Italie "Notre mythe est la nation" (Mussolini, octobre 1922), "Seigneur, sauve l'Italie dans la personne du Duce" (la prière du milicien). En Allemagne, lorsque Hitler prononce le mot Deutschland, il entre en transes. "Adolf Hitler c'est l'Allemagne, et l'Allemagne c'est Adolf Hitler" (serment National-Socialiste, Temps, mai 1935). Mystique de la jeunesse : "les jeunes Allemands seront un jour les architectes d'un nouvel État raciste" (Mein Kampf). "En Allemagne c'est la jeunesse qui gouverne" (Temps, septembre 1935).

La propagande fasciste repose sur des principes [simples]. "La propagande n'a qu'un but : la conquête des masses. Et tous les moyens qui servent ce but sont bons" (Goebbels, in Kampf um Berlin). "Sans ces trois moyens de propagande, l'automobile, l'avion et le haut-parleur, nous n'aurions pu finalement écraser nos adversaires" (Hitler, discours de Cobourg, octobre 1935). Utilisation intensive de symboles (salut à la romaine), visuels (faisceaux, croix gammée), vocaux (Eia Eia Elala, ou Heil Hitler), répétition intensive des slogans ("se limiter à des points forts peu nombreux, les faire valoir à coups de formules stéréotypées", Mein Kampf), puissance magique de la parole, prédilection pour les grands meetings, fascination magnétique des foules, mise en scène à grand spectacle (Hitler peut, personnellement, depuis son pupitre d'orateur, modifier les projecteurs et faire mettre les appareils de cinéma en marche. (Temps, mars 1936) "marcher ensemble", "uniforme-fétiche", etc...

En Allemagne, Hitler avouera rétrospectivement : "Un seul danger pouvait briser notre développement : si l'adversaire, dès le premier jour, avec la plus extrême brutalité, avait brisé le noyau de notre mouvement" (discours de Nuremberg, septembre 1933).

Extraits de "Fascisme et grand capital", de Daniel Guérin._______
http://inventin.lautre.net/livres/Guerin-Le-Fascisme.pdf

"Le fascisme a été une défense extrémiste de l'économie bourgeoise menacée par la crise et la subversion prolétarienne, l'état de siège dans la société capitaliste, par lequel cette société se sauve, et se donne une première rationalisation d'urgence en faisant intervenir massivement l'État dans sa gestion. Mais une telle rationalisation est ellemême grevée de l'immense irrationalité de son moyen. Si le fascisme se porte à la défense des principaux points de l'idéologie bourgeoise devenue conservatrice (la famille, la propriété, l'ordre moral, la nation) en réunissant la petitebourgeoisie et les chômeurs affolés par la crise ou déçus par l'impuissance de la révolution socialiste, il n'est pas luimême foncièrement idéologique. Il se donne pour ce qu'il est une résurrection violente du mythe, qui exige la participation à une communauté définie par des pseudovaleurs archaïques: la race, le sang, le chef. Le fascisme est l'archaïsme techniquement équipé. Son ersatz décomposé du mythe est repris dans le contexte spectaculaire des moyens de conditionnement et d'illusion les plus modernes. Ainsi, il est un des facteurs dans la formation du spectaculaire moderne, de même que sa part dans la destruction de l'ancien mouvement ouvrier fait de lui une des puissances fondatrices de la société présente ; mais comme le fascisme se trouve être aussi la forme la plus coûteuse du maintien de l'ordre capitaliste, il devait normalement quitter le devant de la scène qu'occupent les grands rôles des États capitalistes, éliminé par des formes plus rationnelles et plus fortes de cet ordre."

Guy Debord, La société du spectacle, 1967._______

Raoul Vaneigem, Lettre à mes enfants et aux enfants du monde à venir, 2012.