Loi pour la Transition énergétique : les enjeux

Publié le 17 juin 2014 par Arnaudgossement

Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, présentera ce mercredi 18 juin, au Conseil des ministres puis à la presse le projet de loi de programmation pour la transition énergétique. Le point sur les préparatifs et les enjeux du projet de loi.


On se souvient que Ségolène Royal avait ouvert sur Twitter une "consultation participative" sur le titre de la loi. Celle-ci devrait donc s'appeler "Loi de programmation pour la transition énergétique : nouvelles énergies, nouveaux emplois".
Le calendrier se précise
En premier lieu, le calendrier d'examen du projet de loi se précise. La ministre présentera le projet de loi le 19 juin devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Jean Jouzel et Laurence Hézard seront les rapporteurs du texte. Le Conseil national de la transition écologique, créé par la loi sur la participation du public du 27 décembre 2012, sera également du texte et devrait émettre un avis lors de sa réunion du 3 juillet 2014. Parallèlement, une commission spéciale, réunissant des députés de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire devrait être constituée et un rapporteur devrait être nommé.

Le conseil d'Etat étudiera le texte au cours du mois de juillet. Le projet de loi sera présenté au conseil des ministres du 4 août.


Une loi d'adaptation, pas de révolution.

Il ne s'agit pas d'un texte spectaculaire mais d'un texte de compromis destiné à permettre le débat. Le débat national sur la transition énergétique a révélé des antagonismes et des clivages importants sur la question de l'énergie. L'exercice d'écriture du projet de loi, qui sera sans doute analysé au regard des enseignements du débat national, était donc un exercice périlleux. Le choix a été fait de partir de l'existant et de le faire progresser.

Le projet de loi dans son état actuel est un texte sérieux qui témoigne d'un travail administratif très important. Verre à moitié plein : le projet de loi ne se réduit pas à des grandes déclarations ou à des grands discours. Verre à moitié, le texte est assez technico-juridique, d'une lecture peu aisée. Il est pour l'essentiel constitué d'articles de modifications du code de l'énergie, du code de l'urbanisme, du code de l'environnement ou du code de la construction.

En définitive, ce projet de loi est une bonne base de travail pour permettre au Parlement d'en débattre, de l'amender, de l'enrichir. Mais même après avoir été votée, cette loi ne devrait constituer qu'une boite à outils qui peut ou non servir.

Certes, le projet de loi manque un peu de souffle. Mais il révèle aussi que l'Etat ne peut assumer seul cette transition énergétique. Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, il était vain d'attendre de cette loi réalise seule la transition annoncée. Ce sont aussi aux régions, aux PME innovantes, aux citoyens d'engager le mouvement de transition énergétique. Espérons donc que le débat sera à la hauteur des enjeux comme le souhaite la députée Sabine Buis dans ce communiqué.

Priorité à la planification

Le projet de loi comporte de trés nombreuses dispositions sur la planification de la politique énergétique. Le choix n'a pas été fait de multiplier les contraintes et les sanctions. Pas moins de 9 plans seront modernisés (SRCAE, PCET...) ou créés dont, à titre principal, la stratégie nationale bas carbone, dont la fonction sera de décliner le budget carbone de la France, secteur par secteur.

Les enjeux

Il est à craindre que les commentaires et réactions qui suivront la présentation du projet de loi ne soient, pour beaucoup, consacrés à la question de la sortie du nucléaire. Concrètement, le projet de loi ne comprend pas de dispositions de nature à définir une procédure de mise à l'arrêt d'un réacteur nucléaire pour un motif autre que de sûreté. La fermeture de Fessenheim dans les deux années à venir devient particulièrement hypothétique. De même, le projet de loi ne comporte pas la liste des 24 réacteurs nucléaires appelés à être fermés par l'accord PS/EELV signé en 2012. Le Gouvernement opte pour la définition d'un plafond de la capacité nucléaire installée et pour l’élaboration concertée d'un plan diversification avec l'exploitant historique.

Outre cette question du nucléaire, ce sont sans doute les enjeux suivants qui retiendront l'attention. :

- les objectifs chiffrés de la transition énergétique de la politique des déchets

- la création d'un budget carbone par lequel la France se fixera un plafond d'émissions de gaz à effet de serre

- la création d'un chèque énergie destiné à permettre aux ménages les plus modestes de lutter contre la précarité énergétique

- la création d'un fonds pour la rénovation énergétique du bâtiment et la définition d'une obligation réglementaire de rénovation énergétique

- la sécurisation des financements participatifs - par une collectivité territoriale ou une personne physique - des projets de production d'énergies renouvelables

- la création du "contrat de complément de rémunération" pour le soutien au développement des installations de production d'énergies renouvelables

- les mesures de soutien au véhicule électrique et l'objectif, à compter du 1er janvier 2016, de composer toutes les flottes de véhicules du secteur public, de 50% de véhicules électriques.

- les mesures prises pour réduire le gisement de déchets et notamment expérimentation de dispositifs de consignes

Les spécialistes de l'énergie seront également attentifs à la réforme du TURPE, aux mesures de simplification pour sécuriser les projets éoliens off shore, aux conditions d'ouverture à la concurrence des concessions d'hydroélectricité (méthode des barycentres et création de SEM)..

Les objectifs de la transition énergétique
Aux termes du projet de loi, la politique énergétique nationale aura pour objectifs :


1. De réduire les émissions de gaz à effets de serre afin de contribuer à l’objectif européen d’une baisse de 40 % en 2030 par rapport à la référence 1990 défendue par la France. L’objectif national sera précisé dans les budgets carbone mentionnés à l’article L.221-5-1 du code de l’environnement ;
2. de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 ;
de réduire la consommation énergétique finale des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 ;
3. de porter, en 2030, la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale brute d’énergie ;
4. de porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025

Un volet économie circulaire - déchets

Le député François-Michel Lambert, par ailleurs président de l'Institut d'économie circulaire a confirmé l'insertion dans le projet de loi d'un titre consacré à l'économie circulaire. Outre une définition générale du modèle de l'économie circulaire et des modifications du code de l'environnement de nature à interdire toute discrimination des matériaux de recyclage, le projet de loi comporte une liste d'objectifs chiffrés de la politique des déchets et notamment :

- priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets, en réduisant de 7 % les quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant, et en stabilisant les quantités de déchets d’activités économiques, notamment du BTP, en 2020 par rapport à 2010.

- expérimentation de la mise en place de dispositifs de consigne sur certains emballages et produits. Un rapport gouvernemental exposera les résultats de cette expérimentation avant le 31 décembre 2017.

- augmentation de la quantité de déchets faisant l'objet d'une valorisation matière notamment organique, en orientant vers ces filières de valorisation 55 % en masse des déchets non dangereux non inertes en 2020 et 60 % en masse en 2025.

- objectif que 15 millions d'habitants soient couverts en 2020 et 2 millions en 2025 par un dispositif de  tarification incitative en matière de déchets

- Objectif de valorisation de 70 % des déchets du BTP à l’horizon 2020.

- Objectif de réduction de 30 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025.

Des oublis ?

Comme tout juriste, j'aurais quelques commentaires personnels à faire sur les limites du texte qui sont autant d'espoirs placés ans le débat parlementaire.

S'agissant des hydrocarbures non conventionnels (gaz et huiles de schiste) je pense qu'il appartient au projet de loi sur le code minier et non à cette loi sur la transition énergétique de clarifier le cadre juridique applicable.

S'agissant des financements, je ne fais pas partie des personnes qui jugent de la volonté du Gouvernement à l'aune du montant des investissements publics promis. Ce sera davantage à la loi de finances de prévoir des chiffres.

S'agissant de l'objet de la loi, on peut regretter que l'énergie soit,pour beaucoup, étudiée comme un sujet autonome des autres. Replacer l'énergie dans un contexte plus large de transition écologique serait précieux. On peut également reprocher la loi d'être trés "carbo-centrée" s'agissant notamment de l'ambition de la "stratégie nationale bas carbone". D'être trés électro-centrée également et de peut être moins s'attarder sur les énergies fossiles.

S'agissant des énergies renouvelables, je regrette l'absence de nouvelles mesures de simplification (sauf pour les recours contre les projets éoliens off shore) pour aller plus loin que l'expérimentation de l'autorisation unique et du certificat de projet. Les dispositions sur l'énergie verte sont pour l'essentiel consacrées au régime juridique de l'obligation d'achat : contrat d'achat, contrat de complément de rémunération, amélioration des appels d'offres. Le projet de loi ne comporte pas de mesures sur l'autoconsommation d'énergie solaire.

Le suivi du projet de loi

Les 10 et 11 juillet 2014, mon cabinet organise un petit déjeuner de présentation et d'analyse des dispositions de ce projet de loi de programmation pour la transition énergétique. Par ailleurs, je copréside avec Géraud Guibert, le Groupe de travail sur le projet de loi, mis en place au sein du think tank "La Fabrique écologique".

Arnaud Gossement / associé

SELARL Gossement avocats