La première, c'est de commencer par l'index pour voir qui y est, si on y est, et à irradier de là. La deuxième, plus vagabonde, consiste à piquer au hasard dans le livre, attiré par un sous-tire, « Du pasticcio », « Destination Bratislava »... La troisième est traditionnelle : commencer au début et finir à la fin.
Des trois, on fait son miel, mais je conseille la dernière.L'ouvrage est en effet composé. Il commence par trois citations de Dostoievski, Ludwig Hohl et Proust qui évoquent la mort, et d'un bel avant-propos qui suggère ce que la mort et la vie se doivent et ce que la littérature leur doit.
On trouve dans la suite de l'ouvrage réflexions, pages de journal, évocations, souvenirs, compte-rendus de livre, récits de voyage interrogations sur la littérature, et les noisettes des noms et des anecdotes (une rencontre avec Sollers, un voyage en Italie, des retrouvailles avec Vladimir Dimitrievich ou le récit de la mort de Jacques Chessex).
Si les fidèles de Kuffer ont déjà pu lire beaucoup de ces textes sur le net, le livre leur donne une autre résonance en les insérant dans une trajectoire, un calendrier, en établissant entre eux un jeu d'échos et d'intertextualité.
On s'y repère grâce à des repères temporels, on constitue des histoires à épisodes (par exemple celle de son manuscritL'enfant prodigueet de sa trajectoire avant publication). Des constructions charpentent l'ouvrage, comme la conversation par correspondance entre JLK et Pascal Janovjak auteur francophone slovaco-franco-suisse vivant à Ramallah, qui constitue un petit roman épistolaire au milieu du livre.
Un travail considérable. Une curiosité insatiable à ce qui se fait ici et ailleurs. Une générosité d'ogre. Et une manière de vivre.
« Vivre, lire et écrire ne représentent à mes yeux qu'une seule démarche. Écrire m'est devenu aussi vital que respirer, mais écrire sans vivre ou sans lire, qui renvoie à la vie et à l'écriture des autres, me semblerait tout à fait vain. »
Jean-Louis Kuffer, L’Échappée libre (Lectures du monde (2008-2013), L'Age d'Homme.