Titre original : Game of Thrones
Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : David Benioff, Dan B. Weiss
Réalisateurs : Dan B. Weiss, Alex Graves, Michelle MacLaren, Alik Sakharov, Neil Marshall
Distribution : Peter Dinklage, Nikolaj Coster-Waldau, Lena Headey, Emilia Clarke, Kit Harington, Iain Glen, Aidan Gillen, Charles Dance, Liam Cunningham, Stephen Dillane, Carice Van Houten, Natalie Dormer, Isaac Hempstead-Wright, Sophie Turner, Maisie Williams, Alfie Allen, Jack Gleeson, John Bradley-West, Hannah Murray, Iwan Rheon, Rory McCann, Rose Leslie, Jerome Flynn, Sibel Kekilli, Gwendoline Christie, Kristian Nairn, Thomas Sangster, Ellie Kendrick, Ciarán Hinds, Noah Taylor, Diana Rigg, Pedro Pascal, Daniel Portman…
Genre : Aventure/Heroic-Fantasy/Drame/Fantastique/Adaptation
Diffusion en France : OCS City
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
Les Noces Pourpres ont confirmé la domination des Lannister sur Westeros. Officiellement gouverné par Joffrey Baratheon, le fils tyrannique de Cersei Lannister, la reine régente, le royaume des Sept Couronnes est véritablement régi par le puissant Tywin Lannister, la Main du Roi.
À Port Real, Tyrion n’en finit plus de subir les brimades du roi. Chargé d’accueillir Oberyn Martell dans la capitale, qui nourrit un but secret, à l’occasion du mariage royal, le cadet des Lannister s’apprête à vivre des jours extrêmement sombres.
À Peyredragon, Stannis panse ses blessures suite à la bataille de la Nera, tout en se tournant plus que jamais vers les visions de Mélissandre, la prêtresse rouge, qui influence grandement ses décisions. Au-delà du mur, les sauvageons progressent, mettant sérieusement en péril le mur et sa Garde de Nuit, que Jon Snow vient de réintégrer après son infiltration dans les troupes de Mance Rayder. Non loin de là, Bran Stark et ses compagnons continuent leur périple en vue de retrouver la corneille à trois yeux…
À l’est, Daenerys Targaryen, accompagnée de ses trois dragons et de son armée d’Immaculés, s’apprête à libérer la ville de Meereen des esclavagistes. Son but : réunir suffisamment d’hommes et de navires pour rallier Westeros et ainsi réclamer le pouvoir qui lui est dû.
Arya Stark quant à elle, revient des Noces Pourpres. Devant son salut à Sandor Clegane, alias le Limier, la jeune fille s’en remet à ce dernier, qui compte désormais la conduire aux Eyrié, afin de réclamer une rançon à Lisa Arryn.
Le périlleux jeu des trônes continue à Westeros, entre machinations, batailles et trahisons…
La Critique :
En pleine diffusion, pas un jour ne passe sans que l’on parle de Game of Thrones sur les réseaux sociaux. Déjà triomphale à ses débuts sur HBO, la série adaptée des écrits de George R.R. Martin a aujourd’hui rallié un nombre considérable de fans. Il y ceux qui avaient déjà dévoré les livres avant l’apparition du show, ceux qui s’y sont mis après, ceux qui se sont laissés convaincre, et ceux qui pensent à s’y mettre. Game of Thrones est un phénomène. Un phénomène qui fait parler, spoiler, débattre, parfois ardemment, et qui globalement ne laisse pas indifférent. Quand on repense à la première saison, on est alors tenté de parler de succès d’estime confidentiel tant aujourd’hui, la série est devenue incontournable. Alors que vient de s’achever la quatrième saison, Game of Thrones déchaîne les passions. Vu la qualité de l’ensemble, et une fois n’est pas coutume, l’engouement est amplement justifié…
Si on schématise les retours des téléspectateurs, Game of Thrones est surtout populaire pour ses fameuses hécatombes. Pour la faculté des scénarios à tuer des personnages primordiaux sans crier gare. George R.R. Martin, le chef d’orchestre derrière cette fresque chevaleresque, est alors perçu comme une sorte de génie sadique, avide de couper le souffle à ses admirateurs, en fauchant leurs petits favoris. Le quatrième acte a, il est vrai, vu chuter dans les limbes un grand nombre de protagonistes. Des gentils et des méchants. C’est d’ailleurs la saison qui compte le plus de ces morts choquantes (et violentes). Forcément, la frustration peut se légitimer quand tout à coup, celui ou celle que l’on suivait depuis un moment, se fait buter brutalement. Tel est Game of Thrones. Depuis la décapitation de Ned Stark lors du neuvième épisode de la première saison, personne n’est à l’abri du courroux de George R.R. Martin.
Pourtant, il est regrettable de (parfois) résumer le jeu des trônes à un jeu de massacre. D’une part car à la base, il s’agit avant tout de livres. Martin n’a jamais écrit dans le seul et unique but de se retrouver à la télévision ou au cinéma. Il a écrit pour écrire. Pour raconter une histoire. La série suit aujourd’hui de manière plutôt fidèle la trame impitoyable des romans, et si parfois elle s’en écarte, c’est pour mieux y revenir ensuite. Le fait que Martin veille lui-même au grain protège d’ailleurs quoi qu’il en soit le show de trahir d’une quelconque façon que ce soit l’esprit originel.
Game of Thrones prend place dans un monde violent. La morale y a certes sa place, mais elle doit batailler pour s’imposer face à une barbarie qui touche même les « gentils », si ce mot signifie quelque chose à Westeros. Sans manichéisme, Game of Thrones se positionne à l’inverse des codes chevaleresques d’un Tolkien, pour insuffler un réalisme âpre à ses intrigues. La politique, les complots, l’amour et les trahisons côtoient la magie pour au final former un univers plus proche d’une vérité historique, que d’un pur conte heroïc-fantasy. Le mélange est parfait et jamais l’un ne prend l’ascendant sur l’autre. Les éléments purement fantastiques nourrissant en permanence la progression de l’histoire.
Et il y a des morts. Des disparitions dont le principal mérite est de ne pas être gratuites. Chaque personnage important qui trépasse fait avancer le récit, amenant souvent celui-ci à un niveau supérieur et mettant par cela en exergue des sentiments qui éclairent d’un nouveau jour les personnages restants (exemple : la mort de Ned Stark précipite la guerre, permet à Robb Stark de s’affirmer et d’embrasser son destin, à Arya et à Bran de faire de même, etc…). Rien n’est gratuit chez Martin et David Benioff et Dan B. Weiss, les créateurs de la série, ont respecté cela.
Il ne faut pas oublier d’autre part que Game of Thrones est une série HBO. HBO qui a, dès 1997 et la série carcérale hardcore (et magistrale) Oz, affirmé une volonté de remodeler à sa façon le paysage des séries télé. Depuis, des shows comme Rome, Deadwood ou Les Soprano ont entériné la patte HBO. Un network qui laisse les coudées franches à ses showrunners, ralliant ainsi à sa cause des créateurs inspirés par une liberté de ton pour le moins exceptionnelle. Bien sûr, entre temps, d’autres chaines ont suivi l’exemple, en mettant à l’antenne des séries sans concession, loin du conformisme d’un certain cinéma trop mainstream.
Le truc qui fait que l’on souligne cette propension à n’épargner personne dans Game of Thrones est alors surtout dû au fait que cette série a atteint un niveau de popularité, boostée par les réseaux sociaux, supérieur aux autres séries mentionnées. Au fond, le fait de voir mourir des personnages principaux, et ce de façon régulière dans Game of Thrones, n’est pas si exceptionnel que cela, et encore une fois ce n’est jamais gratuit.
La quatrième saison marque une étape. Le décors est bien planté, les personnages connus et les enjeux aussi. Les nouveaux personnages sont plus rares, par rapport aux précédents chapitres, le principal étant Oberyn Martell, alias la Vipère Rouge (impérial Pedro Pascal), héros de l’un des épisodes les plus marquants de cette saison. La menace de l’hiver (Winter is Coming) resserre sont étreinte sur les personnages qui continuent leur valse sanglante dans cet imbroglio de complots pour le pouvoir.
On arrive également ici à la frontière qui sépare les livres de la série. Alors qu’au début chaque saison correspondait plus ou moins à un tome, maintenant, les choses se compliquent. La quatrième saison laissent entrevoir des éléments inconnus des lecteurs (un en particulier). Elle surprend tout le monde, y compris en s’éloignant, via de petits détails, de la trame littéraire. Toujours sous le regard bienveillant de George R.R. Martin.
Les showrunners ont annoncé qu’il restait trois saisons avant la fin. Martin doit encore écrire deux livres. Sept saisons pour sept romans, pour sept couronnes. En toute logique, la rythmique se fait plus pressante et là aussi les surprises sont au rendez-vous.
Les précédents actes suivaient la même structure en orchestrant une montée en puissance qui explosait lors d’un neuvième épisode en forme d’énorme climax, avant de revenir au calme au moment de la « season finale ». La quatrième saison chamboule les codes. Dès le début, la machine monte dans les tours. Ces dix nouveaux épisodes s’apparentent à une gigantesque montagne russe.
Avec le temps, Game of Thrones a aussi veillé à prendre de l’ampleur sur un plan purement visuel. Les dragons de Daenerys, sans cesse plus impressionnants, sont les preuves de l’incroyable technicité du show. Les réalisateurs profitent de chaque dollar mis à leur disposition, et sans cesse les décors se font plus majestueux, au diapason des créatures et autres batailles qui brillent par leur beauté et leur grandiloquence.
Batailles épiques (l’épisode 9 cru 2014, réalisé par le bourrin magnifique Neil Marshall, est probablement le plus épique de toute la série), créatures plus vraies que nature (les dragons mais aussi les mammouth et les géants), somptueux panoramas et effusions de sang, font de Game of Thrones un spectacle sans précédent à la télévision. Depuis bien longtemps la série tient la dragée haute au cinéma, et encore plus aujourd’hui, elle creuse un fossé que seuls les plus doués ayant touché au genre de l’heroïc-fantasy peuvent prétendre combler.
On peut enfin louer la capacité de cette saison à renouveler les enjeux. Les pièces s’imbriquent les unes aux autres. Des personnages un temps peut-être un peu délaissés prennent de l’importance, changent et évoluent, pour prendre les armes (au propre le plus souvent, mais aussi au figuré). D’anciennes questions trouvent leurs réponses, tandis que de nouvelles sont posées. Martin se joue de nous, de concert avec David Benioff et Dan B. Weiss, pour notre plus grand plaisir.
La tragédie shakespearienne, fortement inspirée de l’histoire médiévale de la Grande-Bretagne, repousse sans cesse les limites de son cadre télévisuel. Son succès est amplement justifié.
Pour le spectacle mais pas seulement, car Game of Thrones est aussi et toujours, un bijou d’écriture. Parcouru de longues joutes verbales, aussi virtuoses que souvent jubilatoires, la série sait captiver grâce à ses mots autant qu’avec ses épées. Les mots sont des armes, en particuliers pour les personnages comme Tyrion Lannister, le cadet du clan des lions, incarné par l’incroyable Peter Dinklage. Un acteur qui domine une nouvelle fois, surfant sur une partition aux petits oignons. Charismatique à souhait, impressionnant, émouvant, et pour le moins intense, Dinklage arrive encore et toujours à surprendre, en amenant son personnage toujours plus loin. Cela dit, Game of Thrones est une grande série d’acteurs. Que l’on parle de Peter Dinklage donc, ou de Charles Dance, superbe Tywin Lannister, de Lena Headey, toujours plus délicieusement haïssable en Cersei, de Nikolaj Coster-Waldau, dont l’évolution de son Jaime est incroyable, de Maisie Williams, géniale Arya, de Sophie Turner, qui campe une Sansa en pleine mutation, en passant par le Jon Snow de Kit Harington, plus sombre et donc plus solide qu’auparavant, par la venimeuse Mélissandre de Carice Van Houten, sans oublier la Daenerys marquée par un mélange d’assurance feinte et de doute tragique, de la sublime Emilia Clarke, ou encore le diabolique Ramsay Snow de Iwan Rheon (ex-Misfits). Difficile de ne pas citer également la spectaculaire Gwendoline Christie (Brienne), l’excellent et jubilatoire Rory McCann (Sandor Clegane) ou encore Daniel Portman, dont le personnage, Podrick Payne s’aventure dans des contrées inexplorées par son homologue de papier, en devenant en quelque sorte la caution comique d’une saga qui ne laisse que très peu de place à l’humour pur.
La popularité grandissante du show a aussi provoqué l’apparition de quelques critiques assez virulentes. Ce qu’on louait jadis (les longs dialogues, les morts…) est parfois critiqué. Au fond, c’est une bonne chose, car cela prouve à quel point, malgré son énorme célébrité, Game of Thrones reste fidèle à ses idéaux initiaux. On peut une nouvelle fois remercier George R.R. Martin. Ce qui est écrit est écrit. La cohérence prime sur les compromis. Normal dans ces circonstances que la série soit amenée à diviser son public. À perdre des fans pour en gagner de nouveaux.
Avec cette quatrième saison éprouvante, Game of Thrones s’impose un peu plus (si besoin était) comme une œuvre majeure. Un chef-d’œuvre intégral et intègre. Une aventure pleine de souffle, de poésie, de beauté, et de noirceur, dans laquelle il est si agréable de se perdre. La quatrième saison est en cela un nouveau point d’orgue. Une nouvelle succession de coups d’éclat, reliés les uns aux autres par un goût et une pertinence rares de nos jours. Entre sauvagerie déchirante et émotion à fleur de peau. En soi le mélange parfait !
@ Gilles Rolland