Il sera question dans ce roman, dit d’atmosphère, de Mathilde, jeune femme qui en aime une autre, Jeanne. Mais voilà que les femmes de sa vie partent, d’abord sa grand-mère adorée, Rose, puis Jeanne, qui doit quitter pour le Yukon et qui ne reviendra que dans six mois.
Cela peut être long six mois pour un être en état de perte aigüe. Pour Mathilde, plongée dans l’ambiance de souvenirs morbides, le temps s’étirera en longueur et en langueur. Les contacts avec son colocataire, Thomas, ne rempliront pas sa vie, d'autant plus qu’elle a abandonné ses études en secret. Sa vie est en suspend et elle sonne creux.
Pourquoi ne pas la remplir, en remplissant son ventre d’un enfant?
J’ai accompagné Mathilde dans ses pensées les plus intimes, sans arriver à vraiment la saisir. Elle se dévoile par bribes, par saccades, par inadvertance. Aussitôt que je pensais m’approcher d'elle, elle s’éloignait, me laissant derrière elle au milieu d'une abondance de descriptions pointues : décors qui l’entourent, découpage de ses gestes, détails des personnes qui la côtoient. Maude Veilleux a un style canevas au petit point très maîtrisé. Ce style a pris tant de place, que Mathilde a fini par rapetisser sous mes yeux.
Au final, je regrette que son malaise diffus n’ait jamais susciter ma compassion, puisque j'aime m'attacher aux personnages de roman. Pas nécessairement les aimer mais à tout le moins m'y attacher. Sa désinvolture apparente qui sonnait parfois à mes oreilles comme une fausse note, a fini par jouer avec ma patience. J’ai eu envie à plus d’une reprise de la secouer afin qu’elle s’exprime, qu'elle crie, et qu’ultimement se sorte et me sorte de sa bulle étouffante. Son silence de plus en plus sourd devant Jeanne son amoureuse me faisait chauffer à petits bouillons.
J’ai été curieuse de son sort et l’ai suivie jusqu’à la toute fin. Comment aurait-il pu en être autrement? Le style de Maude Veilleux captive, capture le lecteur dans sa toile, comme une araignée sa proie.