The night shift est une nouvelle série diffusée depuis la fin mai sur les ondes de NBC aux États-Unis et Global au Canada. Comme le dit le titre, on suit le quotidien du personnel d’un hôpital de San Antonio qui travaille durant le quart de nuit. Ces médecins, psychologues et infirmières ont tous travaillé à un moment ou à un autre dans l’armée; ce qui est un atout pour leur emploi actuel puisqu’ils sont confrontés à des cas assez extrêmes. Si les membres de l’équipe travaillent à l’unisson, il en est tout autrement pour les relations entre le personnage principal, TC Callahan (Eoin Macken), un brillant docteur, mais ayant un sérieux problème avec la discipline et son supérieur Michael Ragosa (Freddy Rodriguez) qui est plus obsédé par les profits que le bien-être des patients. The night shift est à la limite de la caricature du procédural médical, avec ses jeunes, beaux et intrépides médecins et des mises en situation plus grandes que nature. L’angle supposément original : travailler de nuit, devient rapidement secondaire et se résume entre relations entre employés et patients : une façon pour les amateurs des Grey’s anatomy de ce monde de passer l’été sans trop quitter le genre en attendant l’automne.
La nuit, c’est vraiment différent…
Dans le premier épisode de The night shift, l’administrateur Michael a tôt fait de mettre en garde la Dre. Jordan Alexander (Jill Flint) qu’il vient d’engager en tant que chef de l’unité de nuit : ce quart est semblable à un « zoo indiscipliné ». Force est de le croire sur parole puisqu’en trois épisodes, les patients avec les cas les plus abracadabrants se rendent à l’urgence : un homme qui a besoin de points de suture aux testicules, une illuminée qui se croit dans le film The talented Mr Ripley, une dame âgée qui en est à sa énième visite après avoir contracté une maladie vénérienne, une femme atteinte d’une flèche à l’épaule, un homme au bras coupé… même un verrat en furie s’introduit dans les couloirs de l’établissement! Ici, on aurait tendance à conclure à la parodie, mais les maux dont souffrent ces patients sont loin de sortir du genre, puisque le hors-norme est désormais la norme, comme l’explique Pierre Langlais dans son article : « Il y a bien longtemps que les séries médicales, à court d’idées fraîches, ont décidé de franchir la ligne du probable, et de transformer chaque épisode en un concentré de cas rares et d’opérations folles, comme un chirurgien normal n’en verra que deux dans toute sa carrière. » Et comme toute l’action se déroule exclusivement dans l’enceinte de l’hôpital et que le personnel va peu à l’extérieur, il faut bien de temps en temps nous rappeler le concept (les médecins travaillent la nuit), si bien qu’on a ajouté par moments l’heure qu’il est dans l’épisode (11 :12 AM, 3 :02AM, etc.) : un détail au montage qui n’apporte rien à l’histoire.
Les rebelles qui dictent leur loi
Un article intéressant intitulé « Les dernières tendances des séries télé » de Céline Asselot a récemment été publié sur le site de France info. En plus de s’attarder sur diverses séries qui cartonnent dans le monde, on y remarque que depuis quelques années, ce sont les antihéros qui ont la cote : « Terminé le gentil Mc Gyver ou les héros de Friends qu’on avait envie d’avoir comme colocataires. Aujourd’hui pour séduire les téléspectateurs, il faut être torturé, complexe voire carrément odieux ». C’est particulièrement vrai pour les séries policières et ça gagne de plus en plus du terrain dans les médicales. Ces policiers où docteurs ont auparavant vécu quelque traumatisme en lien avec leur profession ou leur vie personnelle et bien qu’ils semblent porter le monde sur leurs épaules, le fait qu’ils se dédient tout de même corps et âmes à leur prochain est censé nous les rendre plus sympathiques. Dans The night shift, c’est ce trait de caractère qui prédomine chez TC. Avant de travailler dans cet hôpital, il était médecin en Afghanistan et il a vu plusieurs personnes mourir, y compris son jeune frère. Après avoir été renvoyé pour mauvaise conduite, il est de retour au pays, mais n’a rien perdu de son caractère bouillant. Puisqu’il est l’un des meilleurs médecins, il se croit tout permis et cela prend des proportions ridicules lorsqu’il est en désaccord avec son supérieur Michael… et qu’il lui donne un coup de poing au visage, pas à une, mais deux reprises!
Cette volonté de faire fi de tous règlements a aussi une incidence sur les patients. Lorsque le frère de TC est décédé, on a transplanté son cœur à un autre soldat, Nick (Derek Webster), qui travaille aussi à l’hôpital. Mais celui-ci tombe malade et il faut lui trouver un autre cœur. Entre-temps, un junkie a fait une tentative de suicide à deux pas de l’établissement et bien qu’il ne soit pas physiquement mort, son cerveau l’est. TC fait tout ce qui est en son pouvoir pour s’emparer de son cœur, convainc même les parents de la victime de donner leur consentement au don d’organes. Mais le fait est qu’il brûle dangereusement les étapes et quelques minutes avant d’opérer, le junkie reprend connaissance. Comme une mise en situation incongrue en amène une autre, Topher (Ken Leung) prend en pitié une patiente qui est sûrement atteinte d’une tumeur. Il veut absolument lui faire passer un scan, mais celle-ci n’est pas assurée pour un tel traitement. Qu’à cela ne tienne, il entre en négociations avec un technicien chargé d’effectuer l’opération : ou il lui paye une liposuccion, ou il lui organise un rancart avec la nouvelle stagiaire. On tente de nous faire avaler ces manières peu orthodoxes de fonctionner sous un angle humoristique, alors que quasiment jamais dans une série médicale aux États-Unis on n’aborde le vrai problème de front : l’accès inégal de la population, selon son statut, à des soins médicaux. De toute façon, pourquoi changer une formule gagnante?
Malgré une majorité de critiques assez dures, The night shift a attiré 6,67 millions de téléspectateurs lors du pilote, puis 6,87 et 6,70 lors des diffusions suivantes; ce qui est quand même impressionnant pour une série estivale. Les genres policiers et médicaux ont toujours eu la cote chez les Américains, ce qui nous donne l’impression que des créateurs peuvent faire n’importe quoi du moment qu’ils restent dans ces créneaux et s’assurer d’un auditoire multimillionnaire. Alors, quelle longévité peut espérer The night shift? Les paris sont ouverts.