Un avocat pour les vignerons "nature", en marge des AOC

Publié le 16 juin 2014 par Blanchemanche
Eric Morain aime défendre les vignerons "nature" à qui la règlementation fait des misères. Parce que ces artisans, "pieds dans la terre", s'opposent aux vins dits industriels en prenant des "risques considérables", "ils méritent un peu de respect".
Par AFP, publié le 16/06/2014

L'avocat Eric Morain aime défendre les vignerons "nature", qui s'opposent aux vins dits industrielsafp.com/Jean-Pierre Muller
"Ni voleurs, ni escrocs", les clients paysans de l'avocat parisien possèdent peu d'hectares et des budgets à l'équilibre. Leur seule obsession: faire le meilleur vin possible avec 100% de raisin et pas un seul "intrant" (pesticides, soufre, levures en sachet..) Les vins "nature", produits par quelques centaines de Français et des Italiens de plus en plus nombreux, font un carton mondial et se trouvent désormais sur les plus grandes tables de Londres, Tokyo ou New York. Plus digestes, ils ne "font mal ni au ventre ni à la tête" et sont de plus en plus appréciés pour leur goût, au fruit ou à la minéralité parfois très prononcés. Mais aussi pour leur côté franc-tireur. Pour éviter que leurs vins ne soient confondus avec des vins quasi "industriels" classés en AOC, certains vignerons "nature" renoncent à l'appellation.  Mais, comme Olivier Cousin, installé depuis plusieurs générations en Anjou, ils ont bien du mal à se satisfaire de la simple mention "vin de France". Or la règle est claire: hors AOC, interdit de faire figurer une mention régionale ou même des mots comme "domaine".  "Tous les mots valorisants sont confisqués", plaide Me Morain, dont le client a été jugé coupable mais dispensé de peine début juin, à l'issue de quatre années d'une "procédure en absurdie". Farceur, le vigneron barbu, qui laboure à cheval, s'était amusé à imprimer "Anjou" sur le bouchon, la réglementation ne le lui interdisant que sur l'étiquette. Sur cette dernière, il écrivait, avec dépit, "vin d'ici, mis en bouteille à la cave". Mais il y a ajouté "paysan angevin", violation flagrante puisque toute indication de lieu lui est interdite. Mais, comme Olivier Cousin, installé depuis plusieurs générations en Anjou, ils ont bien du mal à se satisfaire de la simple mention "vin de France". Or la règle est clair - Croquettes et eaux minérales - D'autres vignerons "nature", qui aimeraient bénéficier d'une AOC, voient leur vins exclus par le comité de dégustation compétent, sous prétexte qu'ils sont atypiques ou présentent un défaut technique. Une procédure souvent opaque et régulièrement dénoncée pour sa subjectivité.  L'avocat s'indigne qu'on veuille rendre ainsi ces vins "orphelins", comme s'ils ne venaient pas "de quelque part". Alors que d'infâmes piquettes ont parfois le droit de revendiquer une appellation d'origine.  Pour le pénaliste omnivore qui traite des dossiers très divers, les organismes certificateurs sous l'égide de l'INAO (Institut national des appellations d'origine) feraient mieux de chercher des poux à ces vins qui "surfent sur la renommée d'une AOC pour tirer toujours plus vers le bas", en termes de qualité comme de prix. C'est ainsi qu'on trouve des vins AOC à moins de deux euros dans les hypermarchés. Du coup, côté "nature", les procédures se multiplient et Eric Morain veut en être. Se défendant d'être "un avocat militant", il se passionne pour ces clients "sincères dans leur démarche et qui ne viennent pas (le) chercher de gaieté de coeur. La réglementation leur tombe souvent dessus alors même qu'ils n'ont pas changé leurs pratiques".  L'Union européenne, suggère l'avocat, pourrait imposer d'ici quelques années que le vin, comme tout produit alimentaire, soit tenu de lister les ingrédients qui le composent.  "Même les croquettes pour chiens doivent le faire, ou les eaux minérales avec leurs infimes quantités de magnésium", remarque-t-il. Mais nombreux sont ceux, dans la filière vin, qui ne tiennent manifestement pas à ce que cette composition soit connue. "Qui trompe qui'", demande l'avocat au visage rond, évoquant des consommateurs exigeants qui ont pris depuis dix ans l'habitude de lire les étiquettes.  "Le vent de l'histoire n'est pas du côté des industriels", de ce point de vue là, "même s'ils ont le poids économique", note Me Morain, un sourire en coin. Par